lundi 1 décembre 2014

Le Grand tourment sous le ciel - Deuxième période : L'Expédition du Nord (1) ou la réunification ratée de la Chine (1925-1930)


Par Albert Grandolini


Remarques préliminaires



Tous travaux concernant la Chine se heurtent à la transcription des idéogrammes chinois en alphabet latin. Compte tenu que l’auteur s’est appuyé principalement sur des sources anglophones, certaines datant d’une période antérieure aux année 1980, date à laquelle le système de transcription Pinyin a commencé à s’imposer, il a pris le parti d’utiliser l’ancien système Wade Giles, alors la norme internationale en usage. Le système de l’Ecole française d’Extrême-Orient (EFEO), longtemps utilisé en France, fonctionne sur le même principe de retranscription phonétique. Au delà de l’exercice périlleux de tous retranscrire en Pinyin, il est à noter que de nombreux noms de localités ou de repères géographiques ont changé de dénomination depuis 1949 en Chine. En se référant aux sources de l’époque, il limite au minimum les erreurs de traductions des noms alors en usage. Au delà des problèmes linguistiques, il est à remarquer que se cache aussi un problème politique car aujourd’hui encore Taiwan, la « province rebelle », refuse d’utiliser le Pinyin, préférant toujours le Wade Giles.


Les lecteurs désireux de se faire préciser la prononciation d’un mot pourront néanmoins se référer à l’annexe du tableau des conversions de l’UNESCO.



L’alliance Kuomintang – Parti communiste



A l’issue de l’effondrement du pouvoir impérial en 1911, la Chine a sombré dans l’anarchie, divisée en cliques militaires qui s’affrontent. Un « gouvernement » formé par des alliances instables siège toujours à Pékin et reste reconnu par les puissances étrangères tant qu’il ne remet pas en cause les « traités inégaux », notamment le contrôle financier que ceux-ci exercent de facto et les zones d’extraterritorialités octroyées, en fait de véritables colonies que constituent les concessions internationales, sans oublier le droit à leurs canonnières de naviguer sur certains fleuves chinois. Ce qui subsiste du gouvernement révolutionnaire du Kuomintang (KMT) s’est retranché à Canton. Après de vaines alliances avec certains seigneurs de guerre, systématiquement trahis, le chef historique de la révolution chinoise Sun Yat-sen prend enfin conscience qu’il lui faut forger un véritable parti discipliné et un outil militaire efficace s’il veut un jour réunifier le pays en lançant ce qu’il appelle de ses vœux « l’expédition du Nord ». Pour cela, il envisage de créer une armée nouvelle où les cadres seront dévoués à la cause de la révolution par une instruction à la fois militaire et idéologique. Il doit aussi élargir sa base politique et cherche à rallier à sa cause tous les partis qui cherchent à renverser le pouvoir des cliques militaires ou Tuchüns (2). Sun Yat-sen s’adresse aussi à la seule autre force à prétention révolutionnaire présente en Chine, le tout nouveau parti communiste chinois (PCC). 

samedi 1 novembre 2014

Les derniers feux d’un soleil se couchant sur l’Empire – 2ème partie


La campagne terrestre des Malouines

Fin mai 1982. La tête de pont de la baie de San Carlos maintenant sécurisée et la première position argentine de Goose Green prise, les troupes britanniques font mouvement vers la capitale Port Stanley. Pour la plupart à pieds et lourdement chargés, Les Royal Marines et les parachutistes s’enfoncent dans un paysage de tourbe baigné par l’hiver austral. Les Argentins ont eu tout le temps de préparer des positions défensives bien équipées, et de nombreux officiers brûlent de faire leurs preuves afin se faire remarquer par la junte au pouvoir…

(Cet article fait suite à celui concernant le débarquement britannique aux Malouines)

Par Jérôme Percheron

Direction Port Stanley ! (source : http://www.militariarg.com/task-force.html)

jeudi 11 septembre 2014

Réduction de voilure


Lors de sa création le 1er mars 2013, nous avions annoncé viser une cadence de publication de trois articles par mois sur l’autre côté de la colline. Cet objectif a généralement été maintenu depuis, notamment grâce aux précieuses contributions de Jérôme Percheron, Albert Grandolini et Nicolas Aubin.
Cependant, nous, les trois rédacteurs, sommes depuis quelques mois confrontés à des changements d’ordre professionnel ou privé ayant pour effet de réduire le temps dont nous disposons pour la rédaction d’articles. Cet état de fait ne nous laisse hélas d’autre choix que de ralentir l’activité du blog à raison d’un seul article par mois.
La rédaction

lundi 1 septembre 2014

Le 64e sentai 1938-1942


Moins connus que les unités de Mitsubishi A6M de l’aéronavale, les régiments de chasse de l’armée impériale jouèrent pourtant un rôle vital dans l’acquisition de la supériorité aérienne par les forces japonaises dans le Sud-Est asiatique. Le 64e sentai bénéficia d’une grande notoriété au Japon durant la guerre, en partie grâce à l’exploitation du charisme de son commandant par la propagande, mais aussi avec la sortie d’un film relatant de manière très romancée les exploits de l’unité. Voici donc l’histoire de ce régiment, de sa création à la conquête de la Birmanie.

Adrien Fontanellaz (article déjà publié sur Militum Historia)

vendredi 1 août 2014

L'armée impériale russe pendant la Grande Guerre (1914-1917)


Le billet a été mis à jour.


Le front de l'est est un des grands oubliés1 de l'histoire militaire, et en particulier française. Je ne parle pas du conflit germano-soviétique, de 1941 à 1945, mais bien du front de l'est de la Première Guerre mondiale, où se font face Allemands et Austro-Hongrois d'un côté, et Russes de l'autre, pour l'essentiel. Alors que la commémoration du centenaire voit fleurir les ouvrages et articles en français consacrés au front de l'ouest, vu et disséqué sous tous les angles ou presque, ceux qui parlent du front de l'est sont rarissimes, voire inexistants. Dans l'opinion commune, l'armée impériale russe reste un « rouleau compresseur » mis en échec dès le mois d'août 1914 à Tannenberg, ravagé par l'alcoolisme, la désobéissance et la désertion, et qui s'effondre comme un château de cartes en 1917. Cette vision datée se base souvent sur la lecture d'ouvrages dépassés qui font encore autorité aujourd'hui. Or, l'armée impériale russe, pendant la Première Guerre mondiale, est loin d'être ce colosse aux pieds d'argile que l'on se plaît et complait à peindre encore et toujours. En réalité, les problèmes qu'elle rencontre sont loin de lui être exclusifs, par rapport aux autres pays engagés dans le conflit. Les buts de guerre et les objectifs stratégiques ne font pas l'objet de dissensions. L'armée a reçu les moyens nécessaires, et la Russie a été capable de mettre en marche son économie de guerre. La structure stratégique et opérative est appropriée et la structure opérative-tactique de l'armée russe correspond à la doctrine d'avant-guerre. Ces avantages sont éclipsés en 1914-1915 par plusieurs facteurs. Si ceux-ci sont résolus en 1917, la Russie n'a pas réussi à surmonter en revanche le problème des effectifs. C'est parce que ces problèmes se combinent avec l'opposition politique et les contraintes économiques sur la population qu'a lieu la révolution de février 1917, alors que paradoxalement l'armée russe a fait preuve d'une grande faculté d'adaptation à partir de 19152. Partons à la découverte d'une armée dissoute dans la tourmente des révolutions de 1917, qui n'avait pas été vaincue militairement jusqu'à cet événement déterminant, mais qui, par le discours des bolcheviks qui lui ont succédé, parfois des récits des émigrés « blancs » pourtant issus de cette même armée tsariste, et d'une historiographie occidentale qui peine parfois à sortir de son « pré carré », reste encore largement dans l'ombre.

Stéphane Mantoux.

jeudi 10 juillet 2014

La première bataille d'Angleterre et la naissance du bombardement stratégique


La Première Guerre mondiale voit l'apparition de la guerre aérienne qui devient un élément essentiel de la guerre moderne. Si cette nouvelle arme fait ses preuves sur le plan opérationnel, notamment tactique, les bases de son utilisation stratégique sont également posées durant le premier conflit mondial avec les prémisses de ce qui sera appelé ultérieurement le bombardement stratégique. Il s'agit d'abord par ce moyen de frapper la machine de guerre adverse loin en arrière du front afin de la paralyser, mais le bombardement du territoire ennemi est aussi une arme psychologique destinée à terroriser les populations civiles. Si des raids de bombardement ont lieu sur Paris, la Belgique, en mer Baltique et même en Afrique entre 1914 et 1918, les seules campagnes systématiques visant des objectifs civils et militaires se déroulent contre l'Angleterre.

Pour cela l'Allemagne possède une longueur d'avance sur ses adversaires notamment grâce à aux progrès technologiques réalisés outre-Rhin dans le domaine des appareils plus léger que l'air. La flotte de dirigeables, essentiellement de marque Zeppelin, de l'armée du Kaiser, conçue à l'origine pour des missions de reconnaissance et de collectes d'informations afin de signaler les mouvements de l'infanterie ou de découvrir les positions de l'artillerie ennemie, va devenir pour les populations civiles anglaise le symbole de la mort venant du ciel. Transformés en bombardiers, les Zeppelins vont en effet réussir à répandre la peur dans toute l'Angleterre.

David FRANCOIS.

mardi 1 juillet 2014

Aurore 8, la première bataille de Fao.

La guerre Iran-Irak résulta d'une erreur d'appréciation du raïs de Bagdad, Saddam Hussein, qui en attaquant l’Iran, anticipa une guerre d'ampleur et de durée limitée, destinée à accroître son prestige, obtenir des concessions territoriales et affaiblir le nouveau pouvoir issu de la révolution islamique. Les buts de guerre irakiens consistaient donc principalement à s'emparer de gages territoriaux avant de négocier en position de force. Cependant, cette perception n'était pas partagée par le régime iranien qui annonça que seul le renversement pur et simple du pouvoir baathiste suffirait à mettre fin à la guerre, alors que dans le même temps, celle-ci lui permettait de consolider son emprise, encore fragile, sur le pays. Le confit voulu comme limité devint ainsi une des plus grandes guerres conventionnelles de l’après-guerre. L’offensive irakienne lancée en septembre 1980 s’enlisa au bout de quelques mois au fur et à mesure que les forces armées iraniennes, initialement désorganisées et gravement affaiblies par les purges ayant suivi la révolution islamique, montaient en puissance. Après une première contre-attaque de grande envergure qui échoua au début de 1981, les Iraniens lancèrent une série d’offensives dévastatrices qui leur permirent de récupérer la quasi-totalité des territoires perdus en 1982.  Malgré ces défaites cinglantes, le régime irakien parvint à reconstituer puis accroître considérablement la taille de son armée, qui resta essentiellement sur la défensive à partir de cette année et parvint à repousser tant bien que mal les offensives iraniennes successives lancées dans le Sud, le Centre et le Nord du pays dans le cadre d’un conflit qui s’était transformé en guerre d’usure ; aucun des deux belligérants ne parvenant à infliger une défaite décisive à l’adversaire.

Adrien Fontanellaz

vendredi 20 juin 2014

Les derniers feux d’un soleil se couchant sur l’Empire. Le débarquement britannique aux Malouines

21 mai 1982. 4500 Royal Marines et parachutistes britanniques s'apprêtent à débarquer dans la baie de San Carlos, sur l'île principale des Malouines, au terme d'un périple maritime de près de 13 000 kilomètres. C'est le premier débarquement de vive force pour les troupes de sa Majesté depuis celui de Suez en 1956. En face, les Argentins, trois fois plus nombreux, les attendent de pied ferme, soutenus par une puissante aviation.

 Côtes Malouines en vue !
source : http://nationalinterest.org/blog/jacob-heilbrunn/refighting-the-falklands-war-margaret-thatcher-versus-jeane-7919


En quoi ce débarquement est-il particulier ? Comment les Anglais vont-ils finalement l'emporter ? Quels enseignements peut-on en retirer ?

Jérôme Percheron.


mardi 10 juin 2014

Ichi-Go sakusen


La guerre entre la Chine et le Japon de 1937 à 1945 est restée dans l’ombre de la Seconde guerre mondiale, principalement pour des raisons d’accès aux sources. Les publications sur ce conflit restent en effet rares en anglais et ce sans parler du français où elles sont pratiquement inexistantes. C’est pour cette raison que, malgré sa dimension relativement anecdotique si on la met en regard avec les immenses pertes subies par les Chinois, sans doute supérieures à celles supportées par l’URSS à la même époque, la détestation légendaire opposant le général Stilwell à Tchang Kaï-chek reste l’un des épisodes les plus connus et relatés de cette guerre. Pourtant, l’entrée en guerre du Japon contre les puissances occidentales constitua presque, à certains égards, une extension de la guerre sino-japonaise. Ce théâtre des opérations, devenu secondaire après le 7 décembre 1941, continua à immobiliser une partie importante des ressources militaires du Japon, alors qu’à partir de la fin de l’année 1942, celui-ci entrait dans une spirale infernale où les défaites se succédèrent sur d’autres fronts. L’opération Ichi-Go, lancée en 1944, constitue un témoignage marquant de cet état de fait. En effet, cette campagne mobilisa non seulement des centaines de milliers de soldats durant plusieurs mois mais elle fut aussi la plus vaste opération lancée par l’armée impériale japonaise au cours de toute son existence.
 
Adrien Fontanellaz

dimanche 1 juin 2014

Violence et fascisme: le squadrisme

En novembre 1918, l'Italie sort de la guerre dans le camp des vainqueurs mais c'est un pays en crise. Son système politique archaïque est incapable d'intégrer les masses populaires qui ont pourtant payé le plus lourd tribut lors des combats. Rapidement le pays doit faire face à une agitation sociale sans précédent entrée dans l'Histoire sous le nom de biennio rosso. Dans les rues les officiers sont pourchassés, dans les campagnes les paysans occupent les terres des grands propriétaires terriens, dans les villes les ouvriers organisent de vastes grèves qui parfois donnent lieu à des affrontements avec les forces de l'ordre. Au début de 1920 se développe un mouvement d'occupation des usines qui sont défendues par des milices ouvrières armées. L'État est impuissant à rétablir l'ordre, la bourgeoisie a peur tandis que les dirigeants socialistes et syndicalistes refusent de sortir de la légalité.

C'est dans ce climat de tension et de crise que se développe un phénomène politique nouveau, le squadrisme. Formé en majorité par des anciens combattants qui réinvestissent dans la vie civile les pratiques violentes apprises à la guerre, ce mouvement va sortir Mussolini et ses Faisceaux du ghetto politique où ils se trouvent à la fin 1919. Le squadrisme n'est pas en effet une simple émanation du fascisme mais plutôt l'aile militaire d'un mouvement dont l'aile politique est formée par les Faisceaux de combats. Phénomène autonome, le squadrisme est un exemple de la « brutalisation » de la vie politique italienne après 1918 en utilisant des méthodes militaires au service d'objectifs politiques. Initiateur d'une guerre civile larvée, il préfigure sur bien des points, les mouvements paramilitaires, fourriers du totalitarisme, qui vont voir le jour en Europe à l'instar des Sections d'Assaut d'Hitler.

David FRANCOIS

dimanche 25 mai 2014

Interview de Vincent Bernard (Robert E. Lee, Perrin, 2014)

Vincent Bernard est journaliste ; il a suivi un cursus en histoire à l'université. Il tient le blog Le Cliophage. Il est spécialiste en particulier de l'histoire militaire contemporaine et de l'histoire américaine. Bien connu des lecteurs de magazine des éditions Caraktère, où il écrit le plus, il intervient également dans d'autres magazines comme 2ème Guerre Mondiale. Il a déjà publié plusieurs ouvrages, mais aucun du format de sa récente biographie de Robert E. Lee, le chef célèbre de l'armée sudiste de Virginie du Nord pendant la guerre de Sécession. Comme il s'agit de la première biographie de Lee en français, il nous a semblé intéressant de poser quelques questions à l'auteur, après lecture dudit ouvrage.



Stéphane Mantoux.

samedi 10 mai 2014

Le siège de Port-Arthur, guerre de siège et guerre moderne à l'aube du 20e siècle

La guerre qui opposa le Japon à la Russie en 1904-1905 est un conflit largement méconnu en France, éclipsé en grande partie par les événements révolutionnaires qui ébranlèrent la monarchie des Romanov qui suivirent le désastre militaire russe et qui apparaissent comme les préludes de la Révolution de 1917. Ce conflit ne fut pas seulement une démonstration de la faiblesse de la Russie tsariste mais aussi le révélateur de l'émergence d'une nouvelle puissance, le Japon. A ce titre il modifia les stéréotypes occidentaux concernant les Asiatiques qui démontrèrent qu'ils pouvaient rivaliser, par le biais de la technologie moderne et de l'expansion impérialistes avec les puissances européennes.

David FRANCOIS

jeudi 1 mai 2014

Interview de Martin Matter : Le faux scandale de la P-26


Martin Matter est jounaliste et historien et a travaillé pour différents médias suisses-allemands. Il a notamment été rédacteur, chef de rubrique et membre de la direction de la rédaction de la Basler Zeitung. Il a publié en 2012 P-26: Die Geheimarmee, die keine war dédié à la P-26 aux éditions hier + jetzt en 2012 et a accepté de répondre à nos questions à l'occasion de la sortie d'une traduction de son ouvrage, par Jean-Jacques Langendorf, sous le titre de Le faux scandale de la P-26 publiée par les éditions Slatkine en 2013.

Propos recueillis par Adrien Fontanellaz


jeudi 10 avril 2014

La guerre allemande: Sadowa, la bataille pour l'Allemagne.

La bataille de Königgrätz, plus connu en France sous le nom de Sadowa, est l'une des batailles les plus décisives pour l'histoire de l'Europe au 19e siècle. Si sur le plan militaire elle fut une démonstration de la puissance de l'armée prussienne, elle préfigure certains changements fondamentaux dans l'art de la guerre liés au progrès technique. Comme les batailles du passé elle se déroule sur un espace restreint où s'affrontent néanmoins plus de 450 000 hommes. Dans ce périmètre, l'artillerie autrichienne parvient à maintenir une cadence de tir jamais vue auparavant, prélude au tir de barrage de masse de la Grande Guerre. La cavalerie, reine des batailles jusqu'alors, joue encore une rôle non négligeable notamment la cavalerie autrichienne qui parvient à enrayer l'avance victorieuse de l'infanterie prussienne mais les jours de ces régiments sont comptés face à la rapidité de tir des fusils prussiens.

David FRANCOIS

mardi 1 avril 2014

L'armée de résistance du Seigneur

La Lord Resistance Army (LRA, l’armée de résistance du Seigneur) figure en bonne place parmi les groupes armés qui sont intrinsèquement liés, dans l’imaginaire collectif, aux crises humanitaires frappant le continent africain. Pourtant, si tout le monde a entendu parler de la sanguinaire LRA, il ne semble pas inutile de revenir, même brièvement, sur son histoire, dans la mesure où elle représente sans doute un bon exemple de groupe auxquelles pourrait se trouver confrontées des forces occidentales déployées sur le continent. Cet article met donc l’accent sur l’histoire de ce mouvement en tant que force militaire et ne s’étend que peu sur les causes et les conséquences humanitaires, économiques et politiques de son existence. In fine, l’étude des modes opératoires de la LRA semble révéler que ce type d’organisation peut constituer un adversaire bien plus redoutable que ne le laisserait supposer une représentation communément admise les assimilant à de simples bandes de pillards sanguinaires associant cruauté , magie et absence de buts définis. 

Adrien Fontanellaz 

jeudi 20 mars 2014

Interview de Rémy Porte (Joffre, Paris, Perrin, 2014)

Rémy Porte est un officier d'active de l'armée de terre française qui poursuit, depuis 2001, une double spécialisation, en histoire militaire et dans les relations internationales. Il a soutenu sa thèse en 2004 et son habilitation à diriger des recherches en 2009. Il s'intéresse en particulier à la Première Guerre mondiale, et plus largement aux conflits des IIIème et IVème Républiques en France. Depuis décembre 2011, il tient le blog Guerres et conflits. A l'occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, qui voit les publications fleurir, Rémy Porte livre plusieurs ouvrages, dont une biographie du maréchal Joffre (qui a sa page Facebook ici), qui s'est trouvé à la tête des armées françaises de l'entrée en guerre en 1914 à 1916. L'auteur a bien voulu répondre à quelques questions, ce dont je le remercie.




Propos recueillis par Stéphane Mantoux.

lundi 10 mars 2014

Anatomie d'un coup d'État raté: Hitler et le putsch de la brasserie

Les 8 et 9 novembre 1923, Adolf Hitler et le jeune parti nazi dirigent une coalition de groupes nationalistes qui tente un coup d’État qui entre dans l'histoire sous le nom de putsch de la brasserie. Il débute en effet dans la Bürgerbräukeller, une des plus grandes brasseries de Munich, avec l'espoir de prendre le pouvoir en Bavière pour ensuite marcher sur Berlin et renverser la République de Weimar. Le putsch échoue finalement et les autorités bavaroises parviennent à faire condamner 9 de ses responsables. Cet événement qui aurait pu passer largement inaperçu dans l'histoire, fort mouvementée, de l'Allemagne d'après-guerre va néanmoins devenir, après 1933, une geste héroïque pour le mouvement nazi et faire partie intégrante de la mythologie qui entoure la course au pouvoir menée par Hitler.

David FRANCOIS

samedi 1 mars 2014

« Choc et effroi ». Los Zetas

Los Zetas. Le nom est désormais devenu incontournable de la longue histoire des cartels mexicains. Le groupe, composé d'anciens soldats des forces spéciales mexicaines, est né pour servir, au départ, de garde rapprochée au chef du puissant cartel du Golfe. Ces défecteurs de l'armée ont imposé dans le milieu des cartels des techniques militaires, des tactiques de choc, offensives, tout en faisant usage d'une grande brutalité. Au bout de quelques années, cette élite paramilitaire est devenue suffisamment puissante et sûre d'elle-même pour s'émanciper de son « patron », le cartel du Golfe, et soutenir une véritable guerre contre celui-ci et ses alliés du cartel de Sinaloa, ennemi juré des Zetas. Le groupe a profité de son émancipation pour s'implanter en dehors du Mexique, aux Etats-Unis, mais aussi en Amérique centrale, et notamment au Guatemala. Bien que fragilisé par la mort ou l'arrestation successives de plusieurs chefs en 2012-2013, les Zetas n'ont pas disparu. Ils ont contribué à la militarisation accélérée des autres cartels et groupes mafieux, pour faire face à la menace qu'ils constituaient. C'est au cours de la lutte fratricide avec le cartel du Golfe que sont apparus, par exemple, les premiers véhicules blindés improvisés au Mexique. Un groupe comme la Familia Michoacana a relevé le défi pour affronter à armes égales les Zetas. Ceux-ci se sont davantage imposés par leur excellence militaire et leur capacité à terroriser leurs ennemis plutôt que par la corruption ou les manoeuvres en coulisse. L'une des dernières conséquences du processus enclenché par les Zetas -qui a aussi conduit à faire grimper de manière vertigineuse le taux de violence du pays- est l'apparition, parfois discrètement encouragée par l'Etat, de milices d'autodéfense populaires, en particulier dans l'Etat du Michoacan.


Stéphane Mantoux

jeudi 20 février 2014

Interview de Marc-Antoine Brillant : Israël contre le Hezbollah


Marc-Antoine Brillant est chef de bataillon, diplômé de l'Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr, et lauréat de l'Ecole de guerre. Il occupe actuellement une position d'analyste pour le retour d'expérience au Centre de doctrine d'emploi des forces de l'armée de Terre après avoir effectué une partie de sa carrière en régiment, durant laquelle il a été projeté en Afghanistan et au Liban par deux fois. Marc-Antoine brillant a récemment publié Israël contre le Hezbollah : Chronique d'une défaite annoncée 12 juillet – 14 août 2006 aux éditions du Rocher, coécrit avec le colonel Michel Goya auteur de plusieurs ouvrages d'histoire militaires remarqués, comme La chair et le feu, une étude sur l'armée française durant la Grande Guerre, parue chez Tallandier en 2004. Michel Goya est par ailleurs connu pour être l'animateur du blog la voie de l'épée auquel Marc-Antoine Brillant, que nous remercions de nous accorder cet interview, contribue également. 

Propos recueillis par Adrien Fontanellaz


samedi 15 février 2014

Perdre la Guerre Froide : la somme de toutes les erreurs (2/2)



Les Etats-Unis renouent avec une stratégie offensive


Le raidissement sous l’ère Carter
L’arrivée de l’administration Carter au pouvoir en 1977 s’accompagne d’un abandon progressif de la doctrine Nixon-Kissinger de coexistence (relativement) pacifique face à l’expansion stratégique de l’URSS. Le président américain signifie clairement au premier secrétaire soviétique Brejnev que profiter de la révolution Islamique en Iran pour prendre pied dans cette région représenterait un casus belli, de même qu’intervenir militairement en Pologne pour écraser le soulèvement des syndicats. Ce durcissement est en particulier dû à son conseiller à la défense Brezinski (d’origine polonaise et farouchement anti-communiste). Ce dernier pousse également à envoyer discrètement de l’aide au rebelles Afghans qui s’organisent face au pouvoir procommuniste d’alors, dès avant l’intervention soviétique dans ce pays1


Par Jérôme Percheron


lundi 10 février 2014

Perdre la Guerre Froide : la somme de toutes les erreurs (1/2)


A notre époque marquée par les interventions extérieures et la contre-insurrection, on a du mal à imaginer qu’il y à encore une trentaine d’années, on se préparait en Europe même, à un conflit de haute intensité, avec un risque élevé d’escalade nucléaire.

Affiche soviétique pour les 35 ans du Pacte de Varsovie
source : http://adream.e-monsite.com/album/la-propagande-pendant-la-guerre-froide/affiche-urss-a-la-gloire-du-pacte-de-varsovie.html



Le pacte de Varsovie, créé en 1955 et dissout en 1991, représente la plus gigantesque alliance militaire de tous les temps. Sa principale zone d’action était le centre-europe, en cas de conflit avec l’OTAN. Sa doctrine apparaissait comme résolument offensive, d’importantes forces étant massées, sur le pied de guerre, aux frontières de l’Europe de l’Ouest, notamment en RDA. Finalement, toute cette puissance s’est effondrée sans combat, avec un résultat géostratégique équivalent : les occidentaux étant maintenant (pacifiquement) aux portes de la Russie, lui contestant même les ex-marches intérieures de l’empire, comme l’Ukraine et la Biélorussie. Comment en est-on arrivé là ? Comme nous allons le voir, cela s’est principalement joué en une douzaine d’années, des lendemains de la guerre du Viêt-Nam à l’arrivée au pouvoir de Gorbatchev.
Jérôme Percheron  


samedi 1 février 2014

La Guerre d'indépendance turque (1918-1922): la revanche d'un vaincu

La fin du premier conflit mondial en novembre 1918 ne met pas fin à l'état de guerre dans les anciens belligérants. La guerre civile russe bat son plein, la Hongrie de Bela Kun affronte la Roumanie, l'Allemagne est la proie des insurrections, la Finlande, les pays baltes et la Pologne combattent pour leur indépendance tout comme les nationalistes irlandais de l'IRA.

Parmi ces conflits de l'immédiat après-Première Guerre mondiale, il en est un qui revêt une importance particulière bien qu'il soit largement méconnu: la guerre d'indépendance turque de 1919 à 1922. Ce conflit, où les troupes nationalistes turques dirigées par Mustafa Kemal affrontent différents adversaires, s'inscrit dans le mouvement des luttes de libération nationale qui touchent les territoires des Empires multi-ethniques qui se sont effondrés en 1918. Pourtant la guerre d'indépendance turque possède une originalité forte qui la distingue des autres conflits « nationalitaires ». Les nationalistes turcs se veulent en effet les héritiers de l'Empire ottoman vaincu, même s'ils le conçoivent centré uniquement sur la nation turque et veulent profondément le moderniser. Leur combat est donc essentiellement mené contre ce qu'ils considèrent comme le diktat imposé par les Alliés au peuple turc et qu'incarne le traité de paix de Sèvres.

La nation vaincue en 1918 reprend les armes contre ses vainqueurs et, contrairement à l'Allemagne, elle va parvenir à imposer ses vues et à faire reculer les Alliés.

David FRANCOIS

lundi 20 janvier 2014

"DU CHAOS A LA LUMIERE"

LA LOGISTIQUE AMERICAINE A L'EPREUVE DE LA GUERRE HISPANO-AMERICAINE DE 1898
"Ce fut une splendide petite guerre" écrivit l'ambassadeur britannique John Hay à Théodore Roosevelt. Ces mots ont gravé dans le marbre un cliché : celui que la guerre hispano-américaine de 1898 aurait été une promenade de santé pour les Etats-Unis. Il est vrai qu'en moins de quatre mois, Cuba, Porto-Rico et les Philippines ont été conquis, les Espagnols balayés, les Etats-Unis légitimés comme puissance impériale. Pourtant la logistique américaine bégaya au point que cette guerre improvisée fut perçue par la presse comme une farce tragique et que l'Army en tira des enseignements majeurs et durables. 

Nicolas Aubin

vendredi 10 janvier 2014

Les oiseaux de métal de Jiro Horikoshi


Le dernier long métrage de Hayao Miyazaki, Kaze tachinu, sortira prochainement dans les salles. De manière somme toute inattendue, le réalisateur japonais a choisi comme thème de son dernier film la vie de Jiro Horikoshi, un nom que les amateurs de l’histoire de l’aviation militaire ont forcément côtoyé un jour ou un autre dans un article consacré à un des avions les plus mythifiés du XXe siècle, le Mitsubishi A6M Zéro. Nous profitons donc de cette occasion pour présenter les principaux appareils auxquels le nom de ce brillant ingénieur japonais de la firme Mitsubishi a été associé. Ce dernier consacra en effet surtout son talent à concevoir des avions de chasse pour la marine impériale japonaise. Au demeurant, ses créations constituent, par certains aspects, une illustration édifiante du triomphe soudain puis de la descente aux enfers du Japon durant la Guerre du Pacifique.

Adrien Fontanellaz

mercredi 1 janvier 2014

« Dieu les fera tous s'enfuir/Ainsi qu'on voit s'évanouir/Un amas de fumée. » La guerre des camisards.

« Dieu les fera tous s'enfuir/Ainsi qu'on voit s'évanouir/Un amas de fumée.1 » La guerre des camisards.


1702. Des protestants, paysans, tisseurs, se soulèvent dans les Cévennes pour réclamer la liberté de conscience. Le soulèvement dépasse la simple révolte locale pour enflammer les gazettes des pays protestants d'Europe et inquiéter Versailles. Pendant deux ans, jusqu'en 1704, quelques milliers de combattants improvisés résistent à 20 000 soldats royaux et à deux maréchaux. Vaincus, les camisards tentent de relancer la guerre jusqu'en 17102. C'est en 1703 que le mot « camisard » apparaît pour les désigner : l'un d'entre eux, Abraham Mazel, qui rédige ses mémoires cinq ans plus tard, ne peut pas trancher entre deux origines, celle de l'attaque nocturne (camisade) ou du vêtement de la chemise3, ou camisole. C'est en tout cas le mot qui est resté pour désigner cette guerre hors norme4, ni révolte traditionnelle, ni guerre de religion classique, à la fois événement historique important mais aussi formidable objet d'étude pour les historiens.


Stéphane Mantoux.