La bataille de
Königgrätz, plus connu en France sous le nom de Sadowa, est l'une
des batailles les plus
décisives pour l'histoire de l'Europe au 19e siècle. Si sur le plan
militaire elle fut une démonstration de la puissance de l'armée
prussienne, elle préfigure certains changements fondamentaux dans
l'art de la guerre liés au progrès technique. Comme les batailles
du passé elle se déroule sur un espace restreint où s'affrontent
néanmoins plus de 450 000 hommes. Dans ce périmètre, l'artillerie
autrichienne parvient à maintenir une cadence de tir jamais vue
auparavant, prélude au tir de barrage de masse de la Grande Guerre.
La cavalerie, reine des batailles jusqu'alors, joue encore une rôle
non négligeable notamment la cavalerie autrichienne qui parvient à
enrayer l'avance victorieuse de l'infanterie prussienne mais les
jours de ces régiments sont comptés face à la rapidité de tir des
fusils prussiens.
David FRANCOIS
Une guerre voulue par
Bismarck.
Bataille majeure donc,
Sadowa est le résultat d'années de manœuvres politiques. Au milieu
du 19e siècle, la Prusse, considérée jusqu'alors comme la
puissance faible de l'Allemagne, entame un développement
irrésistible. Cette renaissance est en grande partie l'œuvre d'un
homme, Otto von Bismarck, le Chancelier de fer. Bismarck souhaite
asseoir l'hégémonie de la Prusse sur l'ensemble de l'Allemagne et
réaliser son unification autour de Berlin. Pour atteindre ce
résultat il va employer toute son habileté. Son premier objectif
quand il arrive au pouvoir en 1862 est donc la création d'un État
allemand dirigé par la Prusse et excluant l'autre puissance
germanique, l'Autriche. Cette solution au problème de l'unité
allemande qui agite l'ensemble de l'espace germanique depuis 1815 est
justifiée par le refus autrichien de se séparer des vastes
territoires non-allemands que dirigent les Habsbourg. Pour arriver à
ses fins, Bismarck utilise toutes les ressources de son génie
politique mais il sait que l'unification allemande se jouera en
dernier ressort sur les champs de bataille.
Bismarck sait que son
adversaire est un géant aux pieds d'argile. La défaite autrichienne
en Italie en 1859 laisse à penser que ce ce que le petit Piémont,
allié à la France, a réalisé pour unifier l'Italie peut être
fait pour créer une confédération allemande sous le contrôle de
la Prusse. Sa politique repose également sur un vigoureux programme
militaire. Pour cela il sait qu'il peut compter sur le talent
d'Helmut von Moltke le chef de l'état-major prussien.
Bismarck inaugure alors
une série de manœuvres diplomatiques qui vont conduire
inéluctablement à la guerre avec l'Autriche. En 1864, la Prusse et
l'Autriche se sont alliés pour faire la guerre au Danemark. L'enjeu
du conflit ce sont les territoires disputés des duchés de Schleswig
et de Holstein. Le conflit se termine rapidement par la victoire des
puissances germaniques mais ces dernières se déchirent aussitôt
concernant le sort des
duchés danois. Finalement l'Autriche obtient le Schleswig et la
Prusse le Holsteïn. Cette brouille entre les deux pays est plus ou
moins orchestrée par Bismarck qui cherche ainsi un prétexte pour un
futur conflit. Mais il se rend vite compte que la Prusse n'est pas
encore prête pour une guerre contre l'Autriche et en 1865 il accepte
de discuter avec les Autrichiens lors de la conférence de Gastein,
essentiellement pour gagner du temps. Il lui faut surtout convaincre
Moltke de commencer les préparatifs pour une guerre contre
l'Autriche.
Le général n'est en
effet guère favorable à une guerre tout comme Guillaume 1er, le roi
de Prusse. Bismarck tente de lever leurs appréhensions en concluant
une alliance avec l'Italie. Cette dernière dont l'unification s'est
réalisée en grande partie contre l'Autriche, revendique encore des
territoires sous contrôle autrichien, notamment la Vénétie, et
accepte donc de s'allier avec la Prusse pour y parvenir.
Mais il reste pour
Bismarck à régler le problème français. La France, la puissance
alors dominante en Europe, est prête à intervenir dans n'importe
quel conflit en Europe si elle estime qu'il met en cause son
hégémonie. Pour amadouer les Français, Bismarck rencontre donc
Napoléon III. Il sait que l'échec de l'intervention française au
Mexique à ébranlé
l'empereur des Français. Il lui fait donc de vagues promesses
sur de possibles compensations et réussit ainsi à l'amadouer. Il
parvient également, par des moyens diplomatiques, à neutraliser la
Russie. L'Autriche se retrouve alors isolée en Europe et la Prusse
peut entamer les hostilités en position de force. Ce sont pourtant
les Autrichiens qui vont mettre le feu aux poudres.
Le 1er juin 1866,
l'Autriche propose lors de la réunion de la Confédération
germanique, qu'elle contrôle depuis sa création en 1815, de placer
les deux duchés danois sous administration confédérale. Pour
Bismarck c'est là une occasion de rompre avec l'Autriche. Les
Prussiens répondent alors que les Autrichiens brisent l'accord
conclu à Gastein et revendiquent pour eux seuls la souveraineté sur
les deux duchés. Pour appuyer cette prétention et rendre la rupture
irréversible, le 7 juin, 12 000 soldats commandés par Edwin von
Manteuffel pénètrent dans le Schleswig et chassent sans difficulté
les garnisons autrichiennes. Face à ce coup de force l'Autriche
demande à la Confédération de déclarer la guerre à la Prusse.
C'est à une faible majorité, neuf voix contre six, que, le 14 juin,
la guerre est votée.
Les forces en
présence.
Malgré les réformes
entreprises après le désastre de la campagne italienne de 1859, le
conflit de 1866 va démontrer le décalage entre la puissance
théorique de l'armée autrichienne et une réalité qui se traduit
par la difficulté de mobiliser suffisamment d'hommes bien entraînés
pour une guerre sur deux fronts ainsi que les méthodes archaïques
de commandement et de
tactique des
Autrichiens. Théoriquement, l'armée autrichienne, qui repose sur la
conscription, peut compter sur 10 corps d'armée de 83 000 soldats
chacun. Mais les régiments italiens sont rapidement éloignés des
champs de bataille à partir de l'entrée en guerre de l'Italie, afin
d'éviter les désertions. L'Autriche ne disposant pas de milices
locales, comme la Landwehr prussienne, pour garder les forteresses ou
servir à l'arrière du front, ce sont des troupes régulières qui
sont détournées du combat pour réaliser ces taches. De nombreuses
professions sont également exemptes du service militaire. Au total,
l'Autriche ne dispose que de 320 000 combattants mais elle n'aligne
face à la Prusse que 240 000 hommes puisque 80 000 doivent faire
face aux Italiens. Sur les 10 corps d'armée, 3 se trouvent donc sur
le front italien pour former l'armée du Sud. L'armée du Nord, qui
fait face aux Prussiens est placée sous le commandement du populaire
feld-maréchal Ludwig von Benedek. Elle comprend les 1ere, 2e, 3e,
4e, 6e, 8e et 10e corps d'armée ainsi que les 1ere et 2e divisions
de cavalerie légère, les 1ere, 2e et 3e divisions de cavalerie de
réserve et la réserve d'artillerie. Benedek peut également compter
sur le corps d'armée saxon avec ses 1ere et 2e divisions
d'infanterie et sa division de cavalerie. L'armée du Nord comprend
ainsi 90 000 hommes auxquels s'ajoutent les 25 000 de l'armée
saxonne.
Soldats de l'armée autrichienne (source: wikipedia.org)
Sur le plan de
l'organisation, les armées autrichiennes ne sont pas découpées en
division, à l'exception de la cavalerie, mais en corps d'armée. Un
corps d'armée autrichien se compose de 4 brigades d'infanterie et
d'un régiment de cavalerie légère. Chaque brigade comporte deux
régiments et un
bataillon de Jäger (chasseurs). Ces brigades manœuvrent au
niveau des bataillons en denses colonnes de 1 000 soldats qui sont
lancées à l'attaque, baïonnettes au canon, selon les méthodes
déjà employées à l'époque napoléonienne. L'armée autrichienne
dispose néanmoins d'une artillerie moderne et de bonne qualité.
La Prusse entre en guerre
avec 9 corps d'armée, chacun comprenant deux divisions d'infanterie
et une réserve d'artillerie. Chaque division a 4 régiments
d'infanterie, 4 batteries d'artillerie et 4 escadrons de cavalerie ce
qui fait au total 15 000 hommes, 600 chevaux et 24 canons. Les
fantassins sont dotés de fusils Dreyse qui peuvent tirer de 5 à 8
coups à la minute et se rechargent par la culasse, ce qui
représente un net avantage puisque les soldats n'ont plus besoin de
se relever pour charger leur arme et sont donc des cibles moins
faciles à atteindre. La cavalerie et l'artillerie sont les points
faibles de cette armée. Cette dernière, délaissée, n'a pas reçu
de fonds suffisants. Elle dispose en petite quantité de canon en
acier se chargeant par la culasse, mais ces pièces chauffent vite et
doivent donc cesser de tirer pour refroidir après seulement quelques
coups. La cavalerie quant à elle n'est utilisée que pour des taches
subalternes devant les lignes ou pour des reconnaissances. Au début
des hostilités la Prusse possède donc une armée de 350 000 hommes
dont 250 000 partent se battre contre les Autrichiens.
Soldats de l'armée prussienne (source: wikipedia.org)
Si la mobilisation rapide
de l'armée autrichienne a surpris les Prussiens, Moltke est capable
de rattraper ce retard. Pour cela il utilise habilement le réseau
ferré prussien pour masser ses troupes sur un arc de cercle allant
de la Silésie à la Saxe. Il dispose alors de 3 armées pour marcher
contre l'Autriche. La 1ere armée comprend les 2e, 3e et 4e corps
d'armée tandis que la 2e armée regroupe les 1er, 5e et 6e corps
d'armée ainsi que la Garde. Chaque corps comprend deux divisions et
une réserve d'artillerie. Seule l'armée de l'Elbe ne correspond pas
à ce schéma puisqu'elle compte 3 divisions, 3 brigades de cavalerie
et une réserve d'artillerie. Cette armée commandée par le général
Karl von Bittenfel, avec 45 000 hommes, se trouve autour de Halle et
Zeitz sur la frontière saxonne, la 1ere armée, avec 94 000 soldats,
du prince Frédéric-Charles à Torgau et Kottbus et les 120 000
hommes de la 2e armée du Konprinz Frédéric-Guillaume, qui comprend
le corps de la Garde, se trouve à Landshut et Reichenbach en
Silésie.
La campagne de 1866 (source: wikipedia.org)
Premiers combats.
Ne voulant pas
apparaître, aux yeux de l'Europe, comme les agresseurs, les
Autrichiens adoptent un plan essentiellement défensif, en partie
élaboré par le chef du bureau typographique, le général Gideon
von Krismanic, un spécialiste de la défense de la Bohême. Ce plan
repose la constitution d'une position défensive centrée sur la
ville fortifiée d'Olmutz en Moravie qui doit théoriquement protéger
Vienne. Cette posture défensive initiale empêche néanmoins toute
velléité de profiter de l'avantage gagné par la rapidité de la
mobilisation pour prendre l'initiative. Les Autrichiens laissent donc
l'initiative aux Prussiens.
Le 15 juin, les troupes
prussiennes du général Vogel von Falckstein balayent
l'armée du Hanovre et isolent la Bavière mettant ainsi hors
combat deux alliés de l'Autriche. Le 16, l'armée de l'Elbe entre en
Saxe, autre pays allié à l'Autriche. Le Konprinz de Saxe, Albrecht,
retire son armée derrière l'Iser pour établir la liaison avec le
1er corps d'armée autrichien du général Eduard Clam-Gallas.
Benedek place alors le commandement de ce corps d'armée sous la
direction d'Albrecht et lui ordonne de tenir ses positions devant la
ville de Gitschin. Il concentre alors ses forces à Josefstadt pour
ensuite venir en aide à Albrecht. Moltke ordonne aux
1ere et 2eme armée de marcher sur Gitschin. Il court alors le risque
qu'une des armées avance plus rapidement que l'autre permettant à
Benedek de détruire les troupes prussiennes les unes après les
autres. Mais le 29 juin, Albrecht ne voyant arriver aucun renfort
autrichien, est obligé d'engager le combat contre les troupes de
Frédéric-Charles pour parvenir à se retirer, ce qu'il réussit à
faire mais en subissant de lourdes pertes.
Benedek est alors
persuadé que la 2e armée prussienne se trouve bien plus au nord
qu'en réalité et qu'elle ne constitue donc pas une menace. Après
les batailles de frontière à Nachod, Trautenau et Eypel la chance
de tomber sur l'armée du Konprinz Frédéric-Guillaume au débouché
d'un col de montagne se réduisent de plus en plus. Il aurait fallu
pour cela faire marcher en avant le 4e et le 7e corps et envoyer
quelques brigades fermer les défilés ce qui aurait permis de
retarder la marche de la 2e armée prussienne et d'attaquer l'armée
de Frédéric-Charles avec des forces supérieures en nombre. A
Trautenau, le 10e corps du général Ludwig von Gablenz a ainsi
repoussé le 1er corps prussien, mais isolé, il ne peut répéter à
nouveau ce succès et il est battu à Prausnitz par le corps de la
Garde prussienne. Benedek se rend compte qu'il a ainsi perdu une
opportunité de vaincre la Prusse mais il croit encore dans ses
possibilités de remporter une bataille défensive sur les hauteurs
entre la Bistritz et l'Elbe.
Deux
jours avant la rencontre décisive, l'archiduc Guillaume d'Autriche,
inspecteur général de l'artillerie, reconnaît le champ de bataille
et place ses canons de manière à ce qu'ils disposent d'un champ de
tir dégagé tout en indiquant également les meilleurs emplacements
pour son excellent canon rayé. L'artillerie autrichienne se
concentre alors sur les hauteurs de Lipa et Chlum où les batteries
sont placés en gradins pour couvrir les approches de Sadowa et de la
vallée de la Bistritz. Les forces autrichiennes sont divisées en 4
groupes. Au centre, entre Chlum et Lipa, le front est tenu par les 3e
et 10e corps qui rassemblent 44 000 homes et 134 canons. Des unités
sont placées en avant prés du pont de Sadowa afin d'en interdire
l'usage. Sur la gauche les Saxons et le 8e corps, soit 40 000 soldats
et 140 canons, tiennent les hauteurs entre Techlowitz et Problus,
avec là aussi des avants postes pour interdire le franchissement de
la Bistritz. L'aile droite est la plus faible avec les 55 000 hommes
et 176 canons des 2e et 4e corps entre Chlum et Nedelist. Les flancs
autrichiens sont chacun tenus
par une division de cavalerie tandis qu'à l'arrière, entre
Rosberitz et Wsestar, les 1er et 7 corps avec la cavalerie lourde et
des unités l'artillerie forment une réserve de 47 000 fantassins,
11 000 cavaliers et 320 canons. La position autrichienne, un
demi-cercle avec les deux flancs reposant sur l'Elbe, bien que
solidement organisée, est extrêmement vulnérable à une manœuvre
d'enveloppement par l'ennemi d'autant que l'axe de retraite
autrichien, la route Sadowa-Königgrätz est aussi susceptible d'être
facilement coupé.
Prélude à Sadowa, le combat de Langensalza le 27 juin (source: wikipedia.org)
Le principal
problème que rencontre alors Moltke est de savoir si la 2e armée du
Konprinz arrivera à temps pour participer à la bataille. Ce dernier
reçoit l'ordre d'avancer le plus vite possible pour attaquer le
flanc droit ennemi mais ses avants gardes, le 6e corps et la division
de la Garde sont encore loin du champ de bataille. L'armée de l'Elbe
et la 1ere armée vont donc devoir affronter seul pendant 4 ou 5
heures le gros des troupes autrichiennes.
Le 1er juillet, les
Prussiens ont perdu de vue l'armée autrichienne. Benedek a en effet
demandé à ses troupes de traverser l'Elbe et de prendre position
sur les hauteurs prés des villes de Königgrätz et de Sadowa. Au
matin du 2 juillet, les éclaireurs prussiens retrouvent enfin la
trace des Autrichiens. Moltke voit immédiatement l'opportunité de
pouvoir encercler l'adversaire. Il ordonne donc au prince
Frédéric-Charles de marcher en avant. Mais quand une patrouille de
reconnaissance essuie un feu nourri de la part des Autrichiens, il se
rend compte que l'heure de l'épreuve de force est arrivée. Il met
alors rapidement un plan au point. La 1ere armée en liaison avec
celle de l'Elbe doit attaquer les positions autrichiennes sur la
rivière Bistritz le 3 juillet. La 2e armée doit accélérer sa
marche pour soutenir le gros de l'armée et écraser les Autrichiens.
Le plan est risqué puisque son succès repose sur l'arrivée à
temps de la 2e armée sinon les Prussiens risquent d'être écrasés
par des Autrichiens supérieurs en nombre.
Les débuts de la
bataille.
Au matin du 3 juillet,
les unités prussiennes marchent en direction de la Bistritz.
L'objectif des hommes de Frédéric-Charles est de déborder les
avant-postes autrichiens pour s'établir solidement sur la rive
droite de la rivière et pousser l'assaut au cœur des positions
ennemies. Surtout la 1ere armée doit tenir jusqu'à ce que la 2e
armée arrive et fonde sur le flanc droit autrichien. Moltke ordonne
donc à la 8e division d'avancer sur Sadowa tandis que les 3e et 4e
divisions, tout en restant alignés sur la 8e division, avancent au
sud vers Unter-Dohalitz et Mokrowous. Les 5e et 6e divisions doivent
suivre la 8e tandis que la cavalerie maintient le contact avec
l'armée de l'Elbe. Sur la gauche la 7e division du général Eduard
von Fransecky qui ne dispose que d'un corps de cavalerie pour rester
en contact avec le reste de la 1ere armée avance sur Benatek. Moltke
octroie à von Fransecky un pouvoir de décision important pour mener
sa division qui a pour tache essentielle et difficile de contenir
l'ensemble de l'aile droite autrichienne sur ses positions en
attendant l'arrivée de l'armée du Konrprinz.
A l'aile droite
prussienne, l'armée de l'Elbe atteint Alt Nechanitz vers 8 heures et
menace le corps d'armée saxon sur l'aile gauche autrichienne,
obligeant Benedek a ordonner le repli sur de nouvelles positions
autour de Probus. Quand ces troupes atteignent de nouvelles
positions, les soldats de l'aile gauche ouvrent le feu sur les
Prussiens qui avancent, puis l'artillerie prend également pour cible
les soldats prussiens. Bittenfeld se montre prudent et ne souhaite
pas que ces hommes traversent la
rivière, craignant qu'ils ne se retrouvent isolés si les
Autrichiens venaient à lancer une offensive contre le centre de
l'armée prussienne. Vers 10h, les 7 bataillons de l'avant-garde du
général von Schöler se retrouvent donc sans appui face à une
attaque d'une brigade saxonne. L'armée de l'Elbe n'avance plus.
Au centre la 8e division
prend Sadowa à 8h30 tandis que sur la droite la 4e attaque
Unter-Dohalitz et que la 3e avance sur Mokrowous. Comme les Saxons,
les Autrichiens se replient en bon ordre sur les hauteurs. Une fois
les hommes installés, l'ensemble de l'infanterie et de l'artillerie
ouvre le feu sur l'ennemi. Ce feu est dévastateur, la précision de
l'artillerie et des fusils autrichiens décime les rangs prussiens
dont l'avance est stoppée. La 3e division prussienne se retrouve
sous le feu des canons ennemis placés entre Langenhof et Lipa. Les
hommes sont alors contraints d'utiliser les arbres de la foret de
Hola ou les ruines de Ober-Dohalitz pour se protéger. Certaines
unités lancent des attaques désespérées contre la crête hérissée
de canons autrichiens. Des bataillons entiers son anéantis par la
puissance et la précision du feu autrichien. Devant ce spectacle le
roi Guillaume 1er veut alors se rendre auprès de ses soldats pour
les soutenir et c'est avec difficulté que son entourage le retient.
Mais pendant ce temps les 8e et 4e divisions subissent une hécatombe.
Les Prussiens à l'attaque (source: wikipedia.org)
Le carnage dans la
foret de Sweipwald: le feu tue.
A l'autre extrémité du
champ de bataille, la 7e division de von Fransecky atteint vers 8h la
ville de Benatek. Les 2e et 4e corps autrichiens ont abandonné les
hauteurs de Horenowes et ont déplacé leurs avant-gardes de 90
degrés vers l'ouest le long d'une ligne allant de Chlum à Maslowed,
ne laissant que 5 bataillons et une division de cavalerie légère
pour protéger les approches nord de l'armée. Les troupes de
Fransecky continuent à avancer sur Maslowed.
Soudain, elles se retrouvent sous un feu nourri venant du bois de
Sweipwald. L'avant-garde prussienne commandée par le colonel von
Zychlinski cesse
son avancée et attend d'être rejointe par les 26e et 66e régiments.
La décision est prise d'attaquer Sweipwald et de la nettoyer des
unités autrichiennes qui s'y trouvent d'autant que la position leur
permet d'attaquer sans risque les forces prussiennes dans le secteur.
A 08h30, Zychlinski jette ses quelque 5 000 hommes contre le
Sweipwald, obligeant les Autrichiens à se retirer sur les hauteurs
boisées.
L'apparition des Prussiens dans
le bois de Sweipwald surprend le
4e corps autrichien du général
Tassilo Festitic qui envoie des troupes au coup par coup pour les en
chasser. Mais dans la foret l'avantage des Autrichiens, la solidité
de leur rang, devient théorique tandis que les fusils à aiguilles
prussiens sont dévastateurs à courte portée. A 9h30, trois
brigades complètes sont décimées sans avoir obtenu de résultats.
Festitic est lui-même blessé et doit quitter le champ de bataille
laissant son commandement au général Anton von Mollinary. Ce
dernier plutôt que de former une ligne défensive à Maslowed est
encore plus déterminé à expulser les Prussiens du bois. Il fait
alors appel au 2e corps du général Carl von Thun Hohenstein pour
jeter les soldats dans un bois jonché de cadavres.
À 10
heures, la brigade autrichienne du général Emerich Fleischhacker
charge à la baïonnette, tambour battant et drapeaux déployés.
Toutes les réserves de la 7e division prussienne sont utilisées
pour contenir ces attaques suicidaires. Fransecky reçoit de l'aide
de la 8e division sur sa droite sous la forme de 2 régiments frais
qui arrivent juste à temps pour refouler une fois de plus les
Autrichiens à la lisière du bois.
Soldats autrichiens (source: wikipedia.org)
Le
tournant: l'arrivée de la 2e armée prussienne.
A 11h à Sweipwald, von
Mollinary prépare un nouvel assaut contre la 7e division en
utilisant la brigade commandée par Carl von Pockh. Les Prussiens qui
font désormais face au
tiers de l'armée autrichienne sont épuisés et commencent à se
replier dans les bois. A ce moment la bataille prend un tour décisif.
Si von Pockh parvient à réussir une nouvelle charge, la 7e division
sera en déroute et l'armée du Nord sera en mesure de tourner
l'ensemble du flanc gauche prussien. Mais quand les 2 000 hommes de
Pockh se lancent à l'attaque ils sont abattu par
un feu terrible venant de la direction de Wrchownitz. En quelques
minutes, le commandant de brigade est mort et plus de 2 000 de ses
hommes sont tués ou blessés. L'avant-garde de la 2e armée
prussienne arrive sur le champ de bataille. La 1e division de la
Garde avance à marche forcée depuis Dobrawitz et descend désormais
les collines en face de Wrchownitz pour prendre de flanc les
Autrichiens à Sweipwald. Elle est suivie par la 2e division de la
Garde près de Zizelowes tandis qu'au sud-est se trouve le 6e corps
du général von Mutius qui marche vers Racitz, la 11e division sur
la rive droite de la rivière Trotina et la 12e division sur la rive
gauche. Cet ensemble est suivi par le 5e corps qui est malgré tout
encore à une certaine distance.
Avec
l'arrivée de l'ensemble de la 2e armée prussienne, Benedek réalise
l'étendue des dégâts, résultants de la décision de Mollinary et
Thun de déplacer leur corps. Pendant les combats de la Sweipwald, le
commandement autrichien s'est préoccupé de contre-attaquer contre
l'ensemble de la 1ere armée prussienne, mais il n'a pas donné
l'ordre au 6e corps de Ramming de combler l'écart qui se creusait
sur le flanc droit. Tout ce que Benedek peut faire désormais, c'est
de se défendre et d'essayer de sauver son armée. Il ordonne alors
aux 2e et 4e corps de reprendre leurs positions initiales entre Chlum
et Nedelist. Cela s'avère non seulement difficile, en raison des
pertes subies à Swiepwald, mais aussi fatal au moral des troupes qui
pensaient avoir remporté la victoire. La retraite tourne vite à la
débâcle. Thun lui-même renonce au combat et prend la fuite avec
deux brigades en direction des ponts sur l'Elbe.
L'arrivée de la 2e armée prussienne (source: Wikipedia.org)
La
tentative d'enveloppement prussien.
A 13h la 2e
armée lance une attaque contre l'ensemble de l'aile droite
autrichienne brisant sans difficulté ce qu'il reste du 2e et 4e
corps et au sud-est les défenses sur la rivière Trotina. Benedek
essaye de tenir, modifiant ses positions et faisant déplacer
l'artillerie afin de les soutenir. Le général Friedrich von
Hiller-Gartringen, commandant de la 1ere division de la Garde se rend
compte que la nouvelle ligne de défense ennemie s'appuie sur les
hauteurs de la ville de Chulm où se trouve concentrée une grande
partie de l'artillerie autrichienne. Il lance alors ses troupes sur
la ville qu'il prend rapidement provoquant la panique dans les
batteries d'artillerie adverses. Avec la prise de Chulm, les lignes
autrichiennes deviennent intenables, le centre de l'armée n'existe
plus et le reste de la troupe est en difficulté. Mais Benedek refuse
de changer ses plans.
Sur
l'aile gauche prussienne, l'armée de l'Elbe peut enfin avancer face
aux Saxons. À 15 heures les 14e et 15e divisions prussiennes
capturent Problus et Nieder Prim. Le prince de Saxe, voyant ses
positions sur le point de s'effondrer lance une forte contre-attaque
pour gagner du temps et permettre ainsi la retraite de l'armée. Le
corps d'armée saxon se reforme une dernière fois pour se lancer
contre les lignes prussiennes. Une fois de plus l' armée de l'Elbe
est stoppée. Bittenfeld préfère alors consolider sa position dans
Problus laissant ainsi s'échapper la possibilité d'un double
enveloppement de l'armée autrichienne.
Le flanc
droit autrichien est alors sur le point de s'effondrer. Maslowed et
les hauteurs au nord sont prises par les Prussiens. Le long de la
partie inférieure du fleuve Trotina, les cinq bataillons de la
brigade Henriquez sont repoussés tandis que les canons autrichiens
sont retirés sur une ligne entre Langenhof et Wsestar. La brigade
autrichienne du général Carl von Appiano qui se trouve à Chlum est
vite emportée par l'attaque prussienne qui s'empare du village. Une
brigade de cavalerie, commandée par le capitaine August von der
Groeben, essaye d'enrayer la progression ennemie. Mais le feu
prussien est si violent quand l'espace de cinq minutes le capitaine
et 53 de ses hommes sont tués. A 15 heures Benedek donne l'ordre de
retraite générale.
Les Prussiens chargent à la baïonnette (source: wikipedia.org)
La
retraite autrichienne.
Mais
Mollinary et le commandant du 6e corps, Ramming, décident de passer
outre. À 15h15, Ramming prend sur lui d'envoyer en avant deux
brigades fraîches pour reprendre Rosberitz et Chlum. Dans le même
temps, l'artillerie autrichienne qui s'est reformée à Langenhof
redouble l'intensité des tirs pour couvrir ces attaques. Dans une
lutte acharnée, la 1ere division de la Garde prussienne est
contrainte de quitter Rosberitz pour se replier sur Chlum, poursuivi
par les bataillons de la brigade autrichienne du général Ferdinand
von Dreuwehr-Rosenzweig. Elle bouscule également la 2e division de
la Garde. Il faut l'arrivée de la 11e division pour briser l'attaque
autrichienne. La brigade de Rozenweig doit reculer vers Rosberitz.
Les 1er et 6e corps autrichiens font encore un effort pour contenir
les masses prussiennes, et c'est seulement après avoir subi de
lourdes pertes qu'ils sont contraints de faire retraite.
Seul
le feu de l'artillerie autrichienne parvient a retarder les Prussiens
victorieux qui avancent toujours pour couper la route de Sadowa à
Königgrätz. La bataille est gagnée par les Prussiens mais Moltke
ordonne une poursuite car il veut tourner l'armée du Nord pour la
détruire complètement. Benedek joue alors sa dernière carte. Il a
gardé tout au long de la bataille à l'arrière, à Königgrätz, sa
cavalerie de réserve. A 15h, quand il ordonne la retraite il décide
de faire appel à elle. Sous le commandement du général Carl
Condenove et du prince de Holstein, la cavalerie autrichienne se
lance à l'attaque à l'ouest pour briser l'avance des poursuivants
prussiens de la 1ére armée du Konprinz. Pendant une demi-heure les
cavaliers autrichiens combattent, mettant en déroute la cavalerie
prussienne et repoussant l'infanterie ennemie. Cette attaque,
combinée aux dégâts causés par les canons autrichiens
contraignent Moltke à annuler la poursuite. La cavalerie
autrichienne se retire après avoir facilité la retraite
autrichienne en direction de l'Elbe. Les derniers combats
cessent vers 21h.
Un soldat autrichien en 1866 (source: wikipedia.org)
Les pertes
subies par les Autrichiens et les Saxons s'élèvent à 1 372
officiers et 43 500 hommes tués, blessés ou disparus, dont près de
20 000 ont été faits prisonniers. Les pertes prussiennes sont
beaucoup plus faibles: 360 officiers , 8 812 hommes tués, blessés
ou disparus, plus de la moitié d'entre eux venant de la 1ere armée.
La disproportion entre le nombre de blessés de chaque camp
s'explique par le fait que les Autrichiens n'ont pas signé la
Convention de Genève. En conséquence, leur personnel sanitaire est
considéré comme des combattants qui doivent faire retraite avec le
reste de l'armée autrichienne, laissant beaucoup d'hommes qui
auraient pu être soignés sur le terrain sans soins.
Peu de temps après la
bataille un armistice est signé entre les adversaires puis la paix à
Nikolsburg et Prague en août. Malgré les victoires autrichiennes à
Custozza et Lissa l'Italie annexe la Vénétie. Bismarck utilise sa
victoire contre l'Autriche pour poursuivre ses objectifs. La
Confédération germanique est dissoute tandis que la Prusse annexe
le Schleswig-Holstein, le Hanovre, le Kurhessen, Nassau et Francfort
sur le Main. Surtout Bismarck met sur pied la Confédération de
l'Allemagne du Nord, premier jalon pour une unification allemande
sans l'Autriche. Moins de cinq ans plus tard, l'armée de Moltke
écrase les Français et Bismarck fonde l'Empire allemand. Le
destin du monde germanique est plus généralement de l'Europe
entière fut scellé à Sadowa.
Sur le plan
militaire la bataille de Sadowa voit l'utilisation de technologies
modernes comme le chemin de
fer pour le transport et la concentration des troupes ou le
télégraphe. Surtout le progrès technique donne à la puissance de
feu une place centrale dans la bataille. Les ravages causés par les
fusils prussiens et les canons autrichiens rendent obsolètes les
charges d'infanterie à la baïonnette ou celle de cavalerie qui
dominaient dans les batailles napoléoniennes. Sadowa consacre
surtout une stratégie militaire prussienne qui repose sur la reprise
du modèle fournie par la bataille de Cannes: une attaque au centre
et l'encerclement des ailes de l'ennemie, une stratégie qui fera
merveille contre les Français en 1870-1871 et permettra ainsi
d'asseoir la domination allemande sur l'Europe jusqu'en 1914.
Bibliographie:
-Gordon Craig,
The Battle of Königgrätz, Prussia's Victory over Austria,
University of Pennsylvania, 2003.
-Quintin
Barry, Road to Königgrätz: Helmut von Moltke and the
Austro-Prussian War, Helion and Company, 2010.
-H.M. Hozier,
The Seven's Weeks War: The Austro-Prussian Conflict of 1866,
Leonaur, 2012.
-Geoffrey
Wawro, The Austro-Prussian War: Austria's War with Prussia and
Italy in 1866, Cambridge University Press,1997.
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