Place
du 30 octobre, rue Bossack, avenue du Drapeau, avenue Canzio sont des
noms plus ou moins familiers pour les habitants de Dijon. Pourtant
les événements et les personnes, tous liés à ce traumatisme
national que fut la guerre de 1870 auxquels ils font référence sont
largement oublié. Oublié aussi que la ville a élu député le 8
février 1871 le champion de l'unification italienne, le chef de
l'expédition des Milles, le général Giuseppe Garibaldi alors
commandant de l'armée des Vosges. L'historiographie a aussi
largement négligé le rôle de la région dijonnaise lors de la
guerre de 1870-1871. Si Sedan, Reichsoffen, Gravelotte, Bazeilles
sont des lieux de bataille toujours bien identifiés, il n'en est pas
de même pour Dijon où Allemands et Français se sont affrontés à
trois reprises
La
Bourgogne est en effet une région clef dans l'affrontement qui
s'amorce après la défaite de Sedan entre les forces allemandes et
celles de la jeune IIIe République. Elle constitue un verrou qui
commande l'accès à la vallée de la Saône et donc à Lyon mais
surtout au bassin de la Loire où Gambetta réorganise l'armée de la
République. En clair, si la Bourgogne tombe, disparaît tout espoir de
retourner la situation et de prendre enfin l'avantage sur l'Allemagne.
L'oubli
dans lesquelles sont tombées les trois batailles de Dijon a des
origines éminemment politiques. A l'exception de la première
bataille de Dijon en octobre 1870 les deux suivantes sont conduites
par l'armée des Vosges, une armée qui au lendemain de l'armistice
sent le soufre. Pour la France de l'Ordre moral elle est une
abomination puisqu'elle rassemble les volontaires étrangers venus se
mettre au service de la République, à l'image de son chef Garibaldi
et de ses chemises rouges. Ces révolutionnaires et anticléricaux
qui forment une Brigade internationale avant l'heure sont largement
calomniés par les proches de Thiers. L'armée des Vosges si elle
rassemble de nombreux étrangers compte pourtant dans ses rangs une
majorité de Français organisés dans des corps de francs-tireurs.
Cette seconde caractéristique est une tare dans la France vaincue
puisqu'elle rappelle aux militaires leur incapacité en 1870,
humiliation d'autant plus forte que que ces francs-tireurs et
étrangers ont obtenu lors de la troisième bataille de Dijon une
belle victoire contre les Prussiens. Et ce sont ces militaires qui,
après 1870, prennent la plume pour écrire l'histoire de la guerre,
négligeant ou minimisant le rôle de l'armée des Vosges et des
combats de Bourgogne, tendance toujours perceptible dans
l'historiographie française comme le montre la dernière grande
synthèse de qualité parue sur la guerre de 1870, celle de Pierre
Milza en 2009.
David FRANCOIS