Place
du 30 octobre, rue Bossack, avenue du Drapeau, avenue Canzio sont des
noms plus ou moins familiers pour les habitants de Dijon. Pourtant
les événements et les personnes, tous liés à ce traumatisme
national que fut la guerre de 1870 auxquels ils font référence sont
largement oublié. Oublié aussi que la ville a élu député le 8
février 1871 le champion de l'unification italienne, le chef de
l'expédition des Milles, le général Giuseppe Garibaldi alors
commandant de l'armée des Vosges. L'historiographie a aussi
largement négligé le rôle de la région dijonnaise lors de la
guerre de 1870-1871. Si Sedan, Reichsoffen, Gravelotte, Bazeilles
sont des lieux de bataille toujours bien identifiés, il n'en est pas
de même pour Dijon où Allemands et Français se sont affrontés à
trois reprises
La
Bourgogne est en effet une région clef dans l'affrontement qui
s'amorce après la défaite de Sedan entre les forces allemandes et
celles de la jeune IIIe République. Elle constitue un verrou qui
commande l'accès à la vallée de la Saône et donc à Lyon mais
surtout au bassin de la Loire où Gambetta réorganise l'armée de la
République. En clair, si la Bourgogne tombe, disparaît tout espoir de
retourner la situation et de prendre enfin l'avantage sur l'Allemagne.
L'oubli
dans lesquelles sont tombées les trois batailles de Dijon a des
origines éminemment politiques. A l'exception de la première
bataille de Dijon en octobre 1870 les deux suivantes sont conduites
par l'armée des Vosges, une armée qui au lendemain de l'armistice
sent le soufre. Pour la France de l'Ordre moral elle est une
abomination puisqu'elle rassemble les volontaires étrangers venus se
mettre au service de la République, à l'image de son chef Garibaldi
et de ses chemises rouges. Ces révolutionnaires et anticléricaux
qui forment une Brigade internationale avant l'heure sont largement
calomniés par les proches de Thiers. L'armée des Vosges si elle
rassemble de nombreux étrangers compte pourtant dans ses rangs une
majorité de Français organisés dans des corps de francs-tireurs.
Cette seconde caractéristique est une tare dans la France vaincue
puisqu'elle rappelle aux militaires leur incapacité en 1870,
humiliation d'autant plus forte que que ces francs-tireurs et
étrangers ont obtenu lors de la troisième bataille de Dijon une
belle victoire contre les Prussiens. Et ce sont ces militaires qui,
après 1870, prennent la plume pour écrire l'histoire de la guerre,
négligeant ou minimisant le rôle de l'armée des Vosges et des
combats de Bourgogne, tendance toujours perceptible dans
l'historiographie française comme le montre la dernière grande
synthèse de qualité parue sur la guerre de 1870, celle de Pierre
Milza en 2009.
David FRANCOIS
La
chute de Dijon et la naissance de l'armée des Vosges (octobre 1870).
Le 19
juillet 1870 la France de Napoléon III déclare la guerre à la
Prusse. Rapidement le conflit tourne à la catastrophe pour la
France. Après les défaites de Saint-Privat, Mars-la-Tour et
Gravelotte, l'armée de Bazaine s'enferme dans Metz. L'armée de
MacMahon est quand à elle vaincue à Forbach, Woerth et Reichsoffen
avant d’être acculée à la reddition à Sedan le 2 septembre.
L'Empereur est fait prisonnier. A l'annonce de ces désastres, le 4
septembre, la République est proclamée à Paris où se forme un
gouvernement de Défense nationale.
Malgré
le changement de régime la guerre continue. Fin septembre Paris est
encerclée par l'armée allemande. Dans l'Est cette dernière
conquiert l'Alsace. Strasbourg, assiégée, se rend le 28 septembre.
L'armée du général von Werder est alors libre de descendre par le
sud des Vosges puis la vallée de la Saône vers Lyon mais aussi la
Loire par Nevers et Dijon. Alors que Léon Gambetta à Tours organise
l'armée de la Loire qui doit délivrer Paris, la menace que
représente les Allemands qui menacent de prendre à revers cette
armée est prise au sérieux. Tenir la Bourgogne devient alors un
enjeu fondamental pour la poursuite de la guerre. Mais pour tenir
cette région il faut des troupes.
Pour
tenir dans l'Est, le gouvernement de la Défense nationale ne peut
alors compter que sur quelques milliers de gardes mobiles et des
francs-tireurs. Ces deux types de formations sont nées de la loi
militaire de 1868, la loi Niel. Cette dernière met sur place la
réserve de l'armée, la garde mobile, formée par ceux pour qui le
tirage au sort a été favorable ou bien qui ont réussi à se faire
remplacer pour effectuer leur service militaire. La loi Niel prévoit
également la formation des compagnies de francs-tireurs volontaires.
La jeune République peut aussi commencer à compter sur l'arrivée
de volontaires venues de l'étranger. Il s'agit de Français
expatriés qui rentrent au pays et qui viennent des quatre coins du
monde mais également d'étrangers qui veulent se mettre au service
du pays de la Liberté. Le plus célèbre de ces volontaires
étrangers est le héros de l'Expédition des Milles, le général
Giuseppe Garibaldi qui, deux jours après la défaite de Sedan,
propose ses services à la France. Le 7 octobre il débarque à
Marseille précédé par des centaines de chemises rouges. C'est sur
lui que le gouvernement de la Défense nationale compte s'appuyer
pour tenir l'Est du pays.
Pour
réussir sa mission Garibaldi doit d'abord former une armée. Il peut
pour cela compter sur les volontaires garibaldiens mais également
sur les autres volontaires étrangers, des Espagnols, des Polonais,
des Grecs et même des Égyptiens. Il s'appuie aussi sur des groupes
de gardes mobiles et de francs-tireurs. Nommé Commandant en Chef de
la zone des Vosges de Strasbourg à Paris il s'installe à Dole le 13
octobre. Le 11 novembre il organise avec ces troupes éparses une
armée formée de quatre brigades. Deux brigades sont placées sous
les ordres de ses propres fils, Ricciotti et Menotti, les deux autres
sont commandées par Louis Delpech vite remplacé par Cristiano
Lobbia et Jozsef Bossack-Hauké un Polonais ancien officier du tsar
mais qui s'est battu contre les Russes lors de l'insurrection
polonaise de 1863. Jean-Philippe Bourdon dit Bordone est chef
d'état-major tandis que le gendre de Garibaldi, Stefano Canzio,
dirige le quartier général avant de prendre la direction d'une 5e
brigade.
Carte des opérations de la guerre de 1870 (home.nordnet.fr)
La
première bataille de Dijon (29-31 octobre 1870).
Pendant
que l'armée des Vosges s'organise, les troupes allemandes du général
August von Werder débouchent des Vosges et arrivent à Lure, à
l'ouest de Belfort le 13 octobre. La vallée du Doubs est alors mise
en défense par les Français mais les Allemands avancent vers
l'ouest et passant par Vesoul marchent sur Gray en Haute-Saône,
délaissant Besançon et Dole. Le 26 octobre ils sont à Gray et le
prochain objectif qu'ils se fixent est Dijon. Le 27, jour où à
Metz, Bazaine dépose les armes, l'armée allemande envahit la Côte
d'Or.
Une
formation de francs-tireur, « l'armée de la Côte d'Or »
du docteur Lavalle organise la défense de la capitale bourguignonne
après avoir tenté de ralentir l'avancée allemande prés de Talmay.
La défense est organisée avec l'aide du maire Auguste Dubois et du
préfet d'Azincourt. Pour défendre la ville il y a aussi la garde
nationale et des Mobiles de la Loire, de l'Isère, de l'Yonne et de
la Haute-Garonne. Pourtant le général Fauconnet qui commande
l'ensemble des troupes régulières dirige un conseil de guerre qui
décide à la fois de désarmer la garde nationale et de retirer les
troupes sur Beaune. Le 29 octobre les troupes parties, Dijon n'est
plus défendue. Les Allemands arrivent alors à Montmuzard à l'ouest
de la ville défendue par quelques volontaires. Mais la population
dijonnaise, qui est farouchement républicaine, refuse le départ des
troupes. Fort de ce soutien, le préfet décide de rappeler les
troupes de Beaune, troupes qui rejoignent Dijon dans la nuit du 29 au
30 octobre.
Le 30
octobre, deux brigades badoises approchent de la cité des Ducs de
Bourgogne. Des francs-tireurs tentent de ralentir cette progression
mais les soldats allemands parviennent à s'emparer du village de
Saint-Apollinaire à l'est de la ville et, malgré la résistance des
Mobiles de la Lozère, de l'Yonne et de la Côte d'Or, pénètrent
finalement dans la ville. Le général Fauconnet est tué quand à
lui dans les combats qui ont lieu à l'est de la ville mais aussi
vers Fontaine-lès-Dijon et Montchapet à l'ouest de Dijon. Les
combats durent près de cinq heures avec l'active participation de la
population civile. Une barricade est ainsi construite rue Jeannin.
Des civils font le coup de feu tandis que les Allemands en exécutent
sommairement quelques-uns en représailles. Au final les Badois
perdent 1 600 hommes durant la journée et finissent par se retirer.
Mais cette victoire est amère pour les Dijonnais puisque les troupes
françaises reculent également jusqu'à Beaune. Le 31, Dijon, sans
défenseurs, doit finalement capituler et les Badois entrent dans la
ville.
La bataille du 30 octobre 1870 dans les rues de Dijon (gazette-cotedor.fr)
La
guerre n'est pas pour autant terminée en Côte d'Or. A Beaune le
général Camille Crémer rassemble des troupes éparses dans le
quadrilatère Auxonne-Saint-Jean de Losne- Nuits-Saint-Georges-Dijon,
tandis que des groupes de francs-tireurs tiennent la vallée de la
Saône. Les Allemands ne restent pas inactifs et début novembre ils
marchent en direction de Dole où ils savent que Garibaldi organise
son armée des Vosges. Mais le détachement badois fait face à une
véritable guerre de guérilla et doit finalement rebrousser chemin
le 5 novembre. Les Allemands essayent aussi d'avancer vers le sud et
atteignent Nuits-Saint-Georges. Là aussi ils doivent affronter une
guerre de guérilla. Face à ces résistances les Allemands ne
sortent plus de Dijon que pour effectuer des raids et mettre en coupe
réglé la campagne. Mais les risques sont grands là aussi car les
francs-tireurs, qui connaissent bien la région et sont renseignés
par la population, réalisent des embuscades meurtrières comme à
Vougeot le 20 novembre.
Pendant
ce temps l'armée des Vosges de Garibaldi a quitté Dole pour
rejoindre Autun où elle arrive le 9 novembre. L'armée a reçu de
Charles de Freycinet, délégué à la Guerre du gouvernement, une
nouvelle mission : empêcher que les Allemands qui sont à Dijon
ne se portent sur la vallée de la Loire. Pour mener cette mission
Garibaldi ne dispose que de 6 000 hommes et presque pas d'artillerie
ni de cavalerie. L'armée des Vosges prend donc ses quartiers à
Autun, ville de province conservatrice et catholique où la
cohabitation est délicate avec des garibaldiens qui ont tiré en
1867 sur les soldats du Pape.
La
seconde bataille de Dijon (novembre 1870).
Les
Allemands qui sont à Dijon et occupent le nord et le centre de la
Côte d'Or ne sont pas assez nombreux pour mener de grandes
opérations mais Garibaldi sait également que son armée n'est pas
encore de taille pour les affronter dans une bataille traditionnelle.
Garibaldi souhaite alors organiser des opérations de guérilla sur
une grande échelle afin d'immobiliser le maximum de troupes
ennemies. Mais les Allemands ne sortent guère de leurs garnisons et
postes. Le général de l'armée des Vosges décide néanmoins
d'organiser une action sur Dijon qui doit être soutenue par des
attaques de diversion au nord et au sud de la ville.
Au
sud de la capitale bourguignonne, le commandant Lhoste organise une
embuscade vers Fixin et capture au matin du 21 novembre une
patrouille de soldats badois. Puis le 22 ses hommes parviennent à
repousser à Chamboeuf un contingent allemand venu les déloger. Pour
l'opération au nord Ricciotti Garibaldi dirige la IVe brigade avec
pour mission de passer entre Auxerre et Troyes afin de détruire les
lignes de communication entre Strasbourg et Paris. Le 14 novembre la
brigade quitte Autun pour Saulieu. Quand Ricciotti Garibaldi apprend
qu'une garnison d'environ un millier de soldats allemands se trouve à
Châtillon-sur-Seine il décide de mener un raid. Le 19 novembre à
l'aube ses hommes entrent en silence dans la ville. Le capitaine
Michard doit s'emparer de L'Hotel de la Côte d'Or où logent les
officiers prussiens. Au signal Michard et ses hommes s'emparent de
l’hôtel et capturent ceux qui s'y trouvent tandis que les autres
détachements pénètrent dans les maisons qui longent la Grand Rue
et mettent hors de combat les Allemands qui y logent. Les soldats
allemands qui dormaient dans les autres quartiers se regroupent
autour de la mairie. Devant la résistance prussienne qui s'organise,
les francs-tireurs décident de se retirer et se dirigent vers
Semur-en-Auxois. Dans la bataille les Français ont capturé 123
fantassins et 44 cavaliers prussiens mais aussi six voitures de
bagages. Durant le combat le major Alvensleben, le frère des
généraux qui commandent les IIIe et IXe corps allemands a été
tué.
Quand
Garibaldi apprend l'exploit de son fils il estime que le moment est
propice pour effectuer son coup de main sur Dijon. Pour cela il
organise ses troupes en deux colonnes d'attaque, la première doit
progresser par le nord le long de la voie ferrée venant de Paris
tandis que la seconde doit suivre la vallée de l'Ouche pour
atteindre la capitale de la Bourgogne. Pour que l'opération
réussisse il faut néanmoins que joue l'effet de surprise. Mais le
25 novembre, la colonne que dirige Bossack est repérée par le poste
allemand de Velars.
Le 26
au matin les troupes de Garibaldi montent sur le plateau qui domine
Dijon au nord-ouest. Mais sur ce plateau se trouve la brigade badoise
du général-major von Degenfeld. Garibaldi en personne lance le
signal de l'attaque. Les Badois sont alors obligés de battre en
retraite. Ils abandonnent le village de Prenois pour se regrouper à
Darois le long de la route de Troyes. Finalement les Garibaldiens
atteignent Darois où ils passent la nuit. Garibaldi qui a apprécié
la combativité de ces troupes prend la décision de s'emparer de
Dijon par la force. Le 27 au matin la troupe reprend sa marche en
avant. Mais elle rencontre les Badois de la 9e compagnie qui
l'attendent entre les deux buttes de Talant et Fontaine-lès-Dijon
qui commandent l'accès à Dijon. Par six fois les Garibaldiens
tentent de briser les défenses allemandes. Ils n'y parviennent pas
et doivent se retirer. Les Allemands, qui veulent profiter de
l'occasion pour éradiquer toute nouvelle menace, concentrent des
troupes et se lancent à la poursuite des Garibaldiens. Delpech qui
commande la 3e brigade de l'armée des Vosges stationne à Pasques
avec pour mission d’arrêter l'avance allemande. Il parvient à
stopper les poursuivants puis se retire à Ancey où là encore il
ralentit la progression allemande. Pendant ce temps Garibaldi
regroupe ses forces à Lantenay avant de rentrer à Autun.
Les garibaldiens à Dijon (wikipedia.fr)
Les
Allemands atteignent finalement Autun le 1er décembre. Ils tâtent
les défenses de la ville. L'artillerie entre en action de chaque
coté et après quelques escarmouches les Allemands se retirent pour
rentrer à Dijon. La prise d'Autun est en effet pour eux de peu
d’intérêt et les met même en danger car des troupes françaises
stationnent toujours à Beaune.
Débarrassé
de la menace de l'armée des Vosges le général Werder en profite
pour envoyer une colonne de 2 300 hommes en direction du sud pour
sécuriser une région infestée de francs-tireurs. La colonne,
harcelée par les francs-tireurs, arrive néanmoins à
Nuits-Saint-Georges où le combat s'engage. Les Allemands sont battus
et retournent à Dijon. Werder, humilié, veut prendre sa revanche et
purger le sud de la Côte d'Or des francs-tireurs. Le 18 décembre
c'est prés de 12 000 hommes répartis en 4 colonnes qui prennent la
direction de Nuits-Saint-Georges. Les 10 000 mobiles du général
Crémer arrivent de Beaune. La bataille est rude, l'une des plus
meurtrières de la guerre. La 1ere Légion du Rhône perd ainsi 50%
de son effectif. Les Prussiens arrivent malgré tout à entrer dans
la ville que les Français évacuent. Mais le 19 décembre, Werder
fait rentrer ses troupes à Dijon. Jusqu'à la fin de la guerre le
sud de la Côte d'Or reste libre des Prussiens. A l'occasion de la
bataille de Nuits-Saint-Georges le général Werder s'exclame « Ce
n'est pas la Côte d'Or, c'est la Côte de Fer ! ».
Du
début décembre à la fin janvier les combats de grande envergure
cessent à nouveau au profit d'opérations de guérilla. Ces
dernières sont principalement menées par la brigade de Ricciotti
Garibaldi et différents corps-francs dont celui de Charles
Bombonnel. Le 5 décembre, 114 Prussiens sont ainsi tués dans une
embuscade près de Sombernon.
La bataille de Nuits (bataille-de-nuits.e-monsite)
La
troisième bataille de Dijon (janvier 1871).
Fin
décembre, la France veut jouer son dernier atout dans la guerre
après l'échec de l'armée de la Loire. Gambetta et Freycinet ont
réussi à rassembler prés de 140 000 hommes qui prennent la
direction de la Franche-Comté pour former l'armée de l'Est sous les
ordres du général Bourbaki. L'objectif qui lui est donné est, à
partir de Besançon, de remonter vers le nord pour atteindre Belfort,
toujours assiégé, et de là marcher sur le nord-est pour couper les
arrières allemands de l'Allemagne.
Le
général von Moltke est conscient du danger que représente l'armée
de l'Est. Il fait évacuer Dijon par les 40 000 soldats de Werder et
forme une armée du Sud confiée à Edwin von Manteuffel. Pour couper
le mouvement français du sud au nord, de la Franche-Comté à
l'Alsace, les Allemands peuvent essayer d'attaquer par l'est sur les
arrières de l'armée de l'Est en direction de la Suisse. Mais pour
parvenir à fermer la nasse sur des Français trop avancés au nord
ils doivent éviter d’être pris à revers par les troupes qui
stationnent en Bourgogne, c'est à dire l'armée des Vosges de
Garibaldi.
Deux
corps d'armée allemands venant de la région parisienne sous les
ordres de von Manteuffel ont franchi la Saône et un autre l'Ognon et
marchent sur Dole et Mouchard pour couper les voies ferrées qui
ravitaillent depuis Lyon l'armée de l'Est et peuvent aussi lui
permettre de se replier. Une fois les voies prises les Allemands
pourront alors remonter vers le nord-est et prendre à revers
Bourbaki. Pour protéger ce mouvement, des troupes sont détachées
pour marcher sur Dijon par le Nord tandis que les troupes de von
Kettler doivent attaquer par le Nord-ouest. Le but de ces attaques
est clair : il faut empêcher que l'armée de Garibaldi ne sorte
de Dijon et ne marche sur le Jura pour attaquer à revers les
Prussiens.
C'est
alors que débute la seconde invasion de la Bourgogne par le
nord-ouest cette fois-ci. Les Prussiens arrivent en effet par la
route de Paris. Les francs-tireurs essayent de retarder cette
progression par des opérations de guérilla dans la vallée de la
Seine à Courceaux le 2 janvier, à Semur-en-Auxois le 7, à Crépand
le 8. Les Allemands continuent à avancer.
Alors
que la menace prussienne se précise dans le nord-ouest, Garibaldi
arrive à Dijon et se rend d'abord sur la butte de Talant qui
commande l'accès à la ville. Dans l'Est, Bourbaki est battu à
Villersexel le 9 janvier. Le 17, ce dernier ordonne la retraite car
Manteuffel a réussi à passer entre Langres et Dijon et arrivent sur
les arrières de l'armée de l'Est. L'armée des Vosges a pourtant
tenté de ralentir l'avance de Manteuffel. La IVe brigade de
Ricciotti Garibaldi a attaquée à Baigneux-les-Juifs. Celle du
général Lobbia a harceler si bien les Allemands que le 15 janvier
la brigade n'a plus la possibilité de rejoindre Dijon et doit se
réfugier à Langres. La brigade de Ricciotti Garibaldi parvient
quand à elle à rentrer à Dijon le 16 janvier.
Le
jour où la IVe brigade rejoint Dijon, Garibaldi apprend que 4
régiments prussiens sous les ordres de von Kettler marchent sur la
ville. Les francs-tireurs essayent toujours de ralentir cette avance
au cours d'accrochage sanglant comme celui à Verrey-sous-Salmaise le
17 janvier. Dijon prépare sa défense tandis que de rares renforts
viennent soutenir les Garibaldiens.
Le 21
janvier les troupes de von Kettler arrivent par les trois grandes
routes qui mènent à Dijon. La colonne principale vient par celle de
Troyes et Châtillon, une autre par la route de Langres et la
troisième par la route de Paris le long de la vallée de l'Ouche.
Les premiers combats ont lieu sur la route de Troyes où les soldats
du général Bossack affrontent les Allemands à Prenois avant de se
réfugier à Fontaine-lès-Dijon. A l'ouest les hommes de Menotti
Garibaldi arrêtent les Allemands à Plombières. Mais le champ de
bataille s'élargit aussi au nord de Dijon quand le village de
Messigny est attaqué. Ricciotti Garibaldi organise une
contre-attaque rapide : les Prussiens perdent alors prés de 150
hommes et doivent quitter le village.
Au
centre les troupes de Bossack sont en difficultée. Elles sont
avancées jusqu'à Daix mais là elles se sont heurtées à une forte
résistance. Bossack est tué et la moitié de ses hommes sont hors
de combat. Les autres battent alors en retraite et se réfugient vers
les buttes de Talant et Fontaine-lès-Dijon tandis que les Allemands
les poursuivent. L'axe principal de l'attaque allemande devient dès
lors cette route de Troyes qui, entre les deux buttes de
Fontaine-lès-Dijon et Talant, mène au cœur de Dijon. La colonne
allemande descend le vallon en direction de Fontaine-lès-Dijon. Le
combat qui s'engage alors avec les hommes de Menotti Garibaldi et le
reste de la brigade Bossack est violent. Garibaldi père qui suit les
combats à partir de Talant sait que si les Poméraniens s'emparent
de la butte de Fontaine il sera impossible de tenir Dijon. La Ve
brigade de Stefano Canzio et la IVe de Ricciotti Garibaldi arrivent
en renfort. Les Allemands sont repoussés mais attaquent Talant où
ils font désormais porter le gros de leurs efforts. Les combats sont
acharnés et très meurtriers. Les Français contre-attaquent avec
succès mais ils sont stoppés net devant le village de Daix et
doivent se replier sur Talant poursuivis par les Allemands. Le sort
du combat se joue alors avec la prise du village d'Hauteville qui
domine le champ de bataille. Contournant Daix les soldats de
Garibaldi parviennent à s'emparer de la position. Les Allemands
échouent donc finalement dans leur projet de s'emparer de Dijon par
le Nord-Ouest. Ils ont en outre perdu près de 500 hommes contre prés
de 800 hommes pour l'armée des Vosges.
La mort de Bossack (laguerrede1870enimage.fr)
Le 22
janvier les Garibaldiens accentuent leur avantage dans cette partie
du secteur. Ils descendent de la butte de Talant pour faire reculer
les Prussiens et reprendre Daix. Finalement les Allemands se
retirent : ils ont été contenus et refoulés avec de lourdes
pertes. Freycinet envoie alors un télégramme de félicitations mais
les Allemands continuent de se renforcer en Côte d'Or et se
préparent à un nouvel assaut.
Le 23
janvier, les Garibaldiens sont toujours à Talant et
Fontaine-lès-Dijon tandis que troupes allemandes avancent par le
nord, par la route de Langres sur un terrain sans obstacle. Un peu à
l'écart de cette route se trouve une grande villa, le château de
Pouilly, où stationnent des soldats français, des Mobiles. Les
Allemands bombardent la position mais les Mobiles tiennent. Les
Prussiens passent alors à l'attaque. Sous le nombre les Français
reculent sauf neuf soldats qui résistent dans le château. Les
Allemands sont alors obligés de mettre le feu pour les déloger.
Pour faire bonne mesure ils jettent un prisonnier blessé dans le
brasier pour faire taire toute résistance.
Les
Garibaldiens arrivent en renfort pour défendre le nord de la ville.
La IVe brigade de Ricciotti Garibaldi se poste dans le seul bâtiment
existant le long de la route, l'usine Bargy, en réalité un
établissement d'équarrissage. Des obus prussiens tombent sur
l'usine avant que les Poméraniens des 2e, 61e et 21e régiments
n'avancent. Les soldats de Ricciotti Garibaldi les laissent approcher
avant d'ouvrir un feu nourri. Les Poméraniens sont cloués sur
place. Pour contourner l'obstacle des troupes allemandes parviennent
à déborder l'usine par l'ouest. Les Garibaldiens doivent alors
évacuer le bâtiment mais ils parviennent à se retrancher dans la
cour.
Les
Poméraniens continuent à attaquer l'usine. Les fusillades se
déroulent à bout portant. Les Allemands subissent de lourdes pertes
notamment en officiers. Quand le soldat qui porte le drapeau du 61e
régiment poméranien tombe, la lutte devient plus acharnée encore
puisque les autres fantassins allemands qui s'en emparent sont
abattus par les francs-tireurs. C'est alors un monceau de cadavres
qui séparent chaque camp. Quand la fusillade cesse enfin il ne reste
plus qu'une poignée de soldats poméraniens qui abandonnent
rapidement le terrain mais également le drapeau de leur régiment.
Les Allemands continuent à attaquer ailleurs mais ils se heurtent
aux soldats de Canzio qui viennent de Montchapet. L'usine Bargy est
dégagée puis vient le tour du château de Pouilly. Sans point
d'appui les Allemands battent alors en retraite en direction de
Langres. Ils n'essayeront plus de reprendre Dijon. Cette bataille est
l'une des rares victoires françaises de ce désastre nationale que
fut la guerre de 1870.
La prise du drapeau (laguerrede1870enimage.fr)
Le 26
janvier les Garibaldiens défilent victorieusement dans la ville dont
les abords sont dégarnis de Prussiens. Le 28, alors que les combats
sont terminés en Bourgogne, l'armée des Vosges se dirige vers Dole
pour porter secours à Bourbaki. Le 29, les Garibaldiens sont à Dole
mais aussi à Bourg-en-Bresse. Ce jour là, la France a déjà
capitulée. Mais à la demande de Bismarck, le Doubs, le Jura et la
Côte d'Or ont été exclus de l'armistice. Ce délai permet de
mettre un point final à la déroute de l'armée de l'Est. Encerclés
sur les plateaux du Haut-Doubs les restes de la troupe, affamés et
gelés, franchissent la frontière suisse pour être désarmés et
internés.
Le drapeau poméranien pris par les garibaldiens à Dijon (laguerrede1870enimage.fr)
Le
1er février 1871, Dijon est de nouveau occupé par les Allemands.
Elle le reste jusqu'au 12 octobre 1871. La Ville s'engage à
respecter le monument aux morts allemands construit par les troupes
d'occupation. En 1937, un représentant de l'ambassade d'Allemagne
vient encore officiellement le visiter. Le drapeau du 61e régiment
poméranien, l'un des deux seuls pris à l'ennemi lors de la guerre
de 1870 est conservé à Paris aux Invalides avant d'etre repris par
les Allemands en 1940. En 1899, la ville de Dijon reçoit la Légion
d'Honneur des mains du président de la République Emile Loubet pour
les combats du 30 octobre.
Le
défenseur de Dijon, Giuseppe Garibaldi est élu député de la Côte
d'Or le 8 février. Devant une Assemblée nationale largement
conservatrice et hostile au révolutionnaire italien, Victor Hugo
prend sa défense : « De toutes les puissances
d'Europe aucune ne s’est levée pour défendre cette France qui,
tant de fois, avait fait sienne la cause de l'Europe... pas un roi,
pas un État, personne... un homme est intervenu... le seul des
généraux français qui... n'ait pas été vaincu... »
Garibaldi ne siège
qu'une fois avant de démissionner et de rentrer sur son île de
Caprera au large de la Sardaigne où il s'éteint en 1882. Sa mémoire
est largement délaissée à Dijon où ne subsiste, pour rappeler son
passage, qu'un modeste buste placé contre un mur à plus de 3 mètres
du sol derrière un arbre. A 67 ans, en août 1914, Ricciotti
Garibaldi, demande à nouveau à s'engager dans l'armée française
pour combattre l'Empire allemand.
Bibliographie.
-Giuseppe
Garibaldi, Mémoire
d'un chemise rouge,
Sextant, 2008.
Sur
la guerre de 70.
-François
Roth, La
guerre de 1870,
Fayard, 1990.
-Pierre
Milza, L'année
terrible - La guerre franco-prussienne septembre 1870 - mars 1871,
Perrin, 2009.
La
guerre en Bourgogne.
-Robert
Molis, Les Francs-Tireurs et les Garibaldi. Soldats de la
République : 1870-1871 en Bourgogne, Tirésias, 1995.
-Lt-Colonel
de Coynart, La guerre à Dijon, 1870-1871, relation militaire,
Dumaine, 1873.
-Robert
Middelton, Garibaldi, ses opérations à l'armée des Vosges, Garnier
Frères, 1872.
PS: l'auteur dédie ce texte à son arrière-arrière-arrière grand oncle, Joseph Carpentier, épicier, tué d'une balle allemande en plein front en défendant Dijon le 30 octobre 1870.
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