Le
Mig-29, entré en service au sein de l'arsenal soviétique au début des années
80, s’est avéré être un acteur incontournable des conflits conventionnels de
ces deux dernières décennies. A ce titre, il est intéressant de revenir
brièvement sur sa participation dans trois guerres où il affronta en combat
aérien différents adversaires, et de tenter de saisir la raison des
performances décevantes d'un appareil pourtant présenté comme la Némésis des
aviations de l'OTAN lors de son apparition. Cet article, évoquant brièvement
les combats aériens menés par les forces aériennes irakiennes, yougoslaves et
érythréennes ne saurait bien entendu prétendre à l’exhaustivité, comme
l’attestent, par exemple, les deux Mig-29 syriens qui auraient été abattus en
septembre 2001 par des chasseurs israéliens, ou encore le drone géorgien
détruit par un appareil russe du même type au-dessus de l’Abkhazie dans les
mois précédents la guerre des cinq jours d’août 2008.
Adrien
Fontanellaz
L'origine
du Mig-29 remonte au début des années 70, lorsque le bureau d'étude Mikoyan-Gurevich
se vit confier le développement d'un nouveau chasseur destiné à équiper les VVS
(Voïenno-vozdouchnye
sily), l'armée de l’air soviétique, au moment où les évolutions
du Mig-21 arrivaient à leur terme et que les Mig-23 entraient en service. Le
nouvel appareil devait égaler les performances de la nouvelle génération
d'avions de combats alors en développement à l'Ouest, mais aussi être doté de
caractéristiques adaptées à la doctrine d'emploi soviétique. A ce titre, il
devait s'avérer capable d'opérer depuis des terrains sommairement aménagés
proches de la ligne de front. En outre, il fut l’un des premiers appareils
russes équipé d'un radar pouvant détecter et engager des cibles situées vers le
bas. De plus, les réacteurs développés pour l'avion
étaient des turbo-jets,
remplaçant les turbo-fans
employés jusque-là pour propulser les précédentes générations d’avions de
combat soviétiques. Le prototype, désigné 9.01, vola pour la première fois le 6
octobre 1977. Après une mise au point et un développement ardu menés à l’aide
d’une vingtaine d'appareils de pré-production, les premiers exemplaires de
série quittèrent les chaînes de montage en 1982.
Mig-29 irakien, exposé lors du salon de l'armement de Bagdad de 1989 (1-72.forumgratuit.org) |
Le nouvel appareil était armé d’un
canon Gsh-301 de 30 mm alimenté par 150 obus, et emportait un assortiment de
missiles à guidage radar R-27 et à guidage infrarouge R-60 ou R-73 grâce aux
trois pilonnes d’armement situés sous chaque aile. Il pouvait de surcroît
emporter des bombes lisses et des roquettes pour des missions d’attaque au sol.
Le système d’arme reposait sur le radar doppler N019, capable de détecter une
cible d’une SER (Surface Equivalent Radar) de trois m2 entre 50 et 70
kilomètres de distance, complété par un télémètre laser et un détecteur à infrarouge.
Le Mig-29 était de surcroît le premier chasseur au monde à être équipé d’un
viseur de casque ; le NSC-29. Ces équipements donnaient aux pilotes de
Mig-29 une autonomie plus grande que pour leurs homologues pilotant des Mig-21
et 23, mais celle-ci restait relative car la doctrine soviétique en matière
d’interception prônait une stricte subordination des chasseurs aux contrôleurs
aériens au sol. Les deux réacteurs RD-33, d’une poussé unitaire de 8300 kilos,
associés à ses excellentes caractéristiques aérodynamiques, rendaient le Mig-29
très maniable en combat aérien rapproché, lui permettaient de décoller sur une
distance de 220 mètres et d’atteindre une vitesse maximale de 2400 km/h. Ces
performances avaient cependant pour prix une autonomie limitée à 1500
kilomètres, qui pouvait être augmentée de 600 kilomètres grâce à l’emport d’un
bidon ventral. L’appareil était conçu pour être d’une maintenance aisée pour
les unités de première ligne, alors que les opérations d’entretien plus
complexes nécessitaient le renvoi de l’avion vers l’arrière, dans des centres
spécialisés ou chez le constructeur.
Bien que de telles pratiques soient universelles, le système logistique
soviétique appliquait cette logique de manière bien plus poussée que dans les
pays occidentaux. Celle-ci s’avérait particulièrement néfaste pour les pays
acquéreurs dépourvus d’industrie aéronautique, contraints de voir une partie
conséquente de leur parc constamment en cours d’entretien à l’étranger. Il
était ainsi rarissime que le nombre d’avions livrés corresponde au nombre
d’avions mis en ligne. Environ 800 Mig-29 furent produits jusqu’en 1990, et 250
d’entre eux furent exportés vers les pays du Pacte du Varsovie ou d’autres
nations, comme Cuba, l’Inde, la Syrie,
l’Irak, la Yougoslavie ou encore la Corée du Nord. Le prix annoncé de la
version monoplace de l’appareil était de 23 millions de dollars en 1989.
L’avionique des versions export était légèrement bridée par la perte de la
capacité d’emport d’armes nucléaires ou encore par un système IFF moins
performant, le système d’arme restant par ailleurs identique.
Mig-29
sur le Tigre et l’Euphrate
La force aérienne irakienne (Al
Quwwa al Jawwiya al Iraqiya) fut
une des premières en dehors du Pacte de Varsovie à être équipée de cet
appareil. A la fin de 1985, alors en pleine guerre contre l’Iran et désireux de
s’équiper d’avions capables d’affronter la redoutable aviation iranienne,
l’Irak commanda des Mig-29 auprès de l’URSS, un groupe de pilotes et de
techniciens y étant envoyé au début de 1986 pour être converti sur l’appareil. In
fine, la force aérienne reçut 32 monoplaces et 4 biplaces, car les Irakiens
renoncèrent à se faire livrer plus d’exemplaires après avoir eu vent des
caractéristiques du Su-27, qu’ils jugèrent nettement plus adapté à leurs
besoins, et qu’ils choisirent d’acquérir en 1989, avant que ce projet n’avorte
à la suite de l’invasion du Koweït. De ce fait, seul le 6e squadron,
une unité anciennement équipée de Hawker Hunter réactivée pour l’occasion,
reçut l’ensemble des Mig-29 livrés entre 1986 et 1989. Stationné sur la base
aérienne de Tammuz, il devint opérationnel le 17 avril 1988, juste à temps pour
participer aux quatre derniers mois de la guerre contre l’Iran, où ses pilotes
furent dépêchés à plusieurs reprises pour intercepter des appareils ennemis,
mais sans que ces tentatives ne débouchent sur un combat aérien. La mission du
6e squadron était la chasse, et les occasions pour son
personnel naviguant de s’entraîner au largage de bombes ou au tir de roquettes
furent rares. Les Irakiens reçurent des missiles R-27R et R-60MK pour armer
leurs appareils, mais n’eurent pas accès aux R-73 plus récents. En janvier
1991, au moment où l’Irak allait faire face à la coalition internationale, le 6e
squadron constituait un élément essentiel de la chasse irakienne, qui
disposait en sus de 40 Mig-23ML, 19 Mig-25PD et 21 Mirage F-1. Les Mig-29 du 6e
squadron représentaient donc près du tiers de l’effectif total consacré
aux missions de défense aérienne. Cette grosse centaine d’intercepteurs allait
être confrontée à des milliers d’appareils ennemis, les seuls effectifs
américains sur le théâtre d’opérations étant de 2'300 avions de combats. Les
Irakiens s’attendaient à être privés de la possibilité de mener des actions
coordonnées à l’issue de la première semaine de guerre. En effet, leur système
de défense aérienne, conçu par les Français, n’était pas dimensionné pour faire
face à un ennemi d’une telle puissance, malgré sa capacité à opérer de manière
décentralisée en cinq secteurs capables de coordonner intercepteurs, stations
radars et d’écoute électronique, et batteries de SAM et de DCA.
Mig-29 irakien, photographié lors du même événement (www.sirviper.com/) |
Dans ce
contexte, il n’est guère surprenant que l’activité des pilotes du 6e
squadron, principalement basés sur l’aéroport de Tammuz, fut concentrée
durant les premiers jours de la guerre. Dans la nuit du 16 au 17 janviers 1991,
un Mig-29 seul et dépourvu du soutien d’un contrôleur aérien au sol rapporta
avoir tiré un R-27R contre un appareil ennemi de très grande taille, puis,
quelques instants plus tard, avoir décoché un R-60MK contre une autre paire de
cibles. Le tireur annonça dans les deux cas avoir observé une explosion. Un autre
pilote du 6e squadron, cette fois efficacement guidé par le réseau de
défense aérienne, revendiqua une victoire le 19 janvier après avoir tiré un
R-60MK contre un Tornado britannique volant à basse altitude. Cependant, la Royal
Air Force dément avoir subi des pertes en Tornado ce jour-là. L’avion
irakien fut ensuite abattu par une paire de F-15C américains.
Si, au
cours de la guerre, les chasseurs de la coalition annoncèrent avoir abattu en
combat aérien un total de huit Mig-29, les Irakiens ne reconnurent que la perte
de 14 appareils de ce type, dont trois en combat aérien, quatre envoyés se
réfugier en Iran, et sept détruits au sol. Un de ces derniers fut en fait
capturé sur le terrain de Tallil à la fin de la guerre par des soldats de la 24th Mechanized Infantry
Division, qui le détruisirent, à la grande fureur des
services de renseignements américains qui manquèrent ainsi l’occasion de mettre
la main sur un exemplaire intact du Mig-29.
Face
à l’OTAN
Il fallut plusieurs années avant que
des Mig-29 aient à nouveau l’occasion d’affronter un ennemi en combat aérien,
cette fois pour défendre les cieux de la République Fédérale de Yougoslavie
(RFY). Dans les années 80, la Jugoslovensko
Ratno Vazduhoplovstvo i Protiv-Vazdusna Obrana (JRViPVO, la force aérienne
et de défense aérienne yougoslave) commanda une total de 16 Mig-29, dont
quatorze monoplaces et deux biplaces, comme appareil de transition en attendant
la mise en service d’un chasseur développé localement, le Novi Avion, dont l’entrée en service était prévue pour le milieu
des années 90. Le Mig-29 fut alors choisi au détriment du Mirage 2000, en dépit
de la préférence des aviateurs yougoslaves, grâce aux conditions avantageuses
concédées par l’URSS. Par contre, les appareils livrés étaient de seconde main,
ayant déjà été utilisés par l’aviation soviétique durant plusieurs années avant
d’être livrés à la défunte République
fédérative socialiste de Yougoslavie en 1987, après avoir été reconditionnés.
Les Mig-29 équipèrent le 127e LAE (Lovacka Avijacijska
Eskadrila, escadrille
de chasse), basé sur l’aéroport de Batajnica, près de Belgrade. Durant la
guerre qui éclata à la suite des sécessions slovènes, croates et bosniaques,
les pilotes du 127e LAE menèrent régulièrement des missions de
bombardements contre les forces croates et bosniaques sans subir de pertes face
à des adversaires dont les ressources en armement antiaérien étaient limitées.
Mig-29, portant les couleurs de la défunte de la République fédérative populaire de Yougoslavie (www.sirviper.com) |
Lorsque, à la suite de l’échec de la
conférence de Rambouillet durant le début de l’année 1999, l’OTAN fut mandatée
pour mener une campagne aérienne contre la Serbie afin de la contraindre à
céder aux exigences occidentales, le puissant JRViPVO des années 80, aux
capacités semblables à celui de l’Aeronautica Militare italienne à la
même époque, n’était plus qu’un lointain souvenir. Ses effectifs et son
financement avaient fondu, avec des effets drastiques sur l’entraînement des
pilotes et le taux de disponibilité de sa flotte, aggravés par l’embargo sur
les armes frappant le pays. De plus, l’infrastructure industrielle développée
sous Tito pour pourvoir aux besoins des forces armées avait éclaté en même
temps que la République fédérative populaire de Yougoslavie. In fine, pour s’opposer au Jaggernaut
otanien, l’aviation serbe ne pouvait aligner que trois escadrilles de chasse,
les 123, 124e et 126e LAE, équipées de Mig-21bis, ainsi que le 127e LAE et ses Mig-29. Les stocks de
certaines pièces de rechange étant épuisés, seul une poignée de ces derniers
était considérée comme opérationnelle, le parc dans son ensemble étant en
mauvais état. De ce fait, les pilotes du 127e LAE volaient en
moyenne une vingtaine d’heures par année, soit à peine assez pour rester
qualifiés sur leur monture. A titre de comparaison, le nombre d’heures de vol
minimum par pilote et par année au sein des forces aériennes de l’OTAN est de
180. Conscient de ses faiblesses, le JRViPVO
se reposa surtout sur ses batteries anti-aériennes pour s’opposer à l’aviation
otanienne. Les chasseurs du 127e LAE, seuls considérés comme suffisamment
modernes pour être opposés à l’ennemi, devaient mener des missions
d’interception durant les premiers jours de la campagne, puis être gardés en
réserve pour être engagés au moment où les troupes otaniennes lanceraient des
opérations terrestres.
Épave de l'un des deux mig abattus près de Tula, en Bosnie (tenttrash.blogspot.com) |
Durant la première nuit de guerre, le
24 mars 1999, seuls cinq Mig-29, dispersés sur les terrains de Batajnica, Nis
et Ponikve, étaient opérationnels. L’ensemble de ces appareils décolla pour
intercepter l’ennemi, avec des résultats catastrophiques. Un des Mig fut abattu
par un F-15C américain, un autre détruit peu après son décollage, et un
troisième tomba victime des tirs de sa propre DCA. Sur les deux avions qui
parvinrent à regagner leur base, l’un fut gravement endommagé par l’explosion
d’un missile guidé par radar AIM-120 AMRAAM tiré par un F-16 hollandais, alors
que le dernier appareil était parvenu à esquiver plusieurs missiles tirés
contre lui. Cependant, tous les pilotes engagés survécurent et rapportèrent
avoir subi des dysfonctionnements graves de leur système d’arme. La série noire
continua dans l’après-midi du 25 mars, où une paire de Mig-29 décolla de
Batajnica pour intercepter un avion ennemi volant à haute altitude. Souffrant à
nouveau de pannes affectant leur système d’arme, les deux pilotes furent
abattus au-dessus de la Bosnie par une paire de F-15C de l’USAF. A cette
occasion, un des aviateurs serbes parvint à esquiver un des trois AMRAAM tirés
par les chasseurs américains avant d’être touché par un second, puis s’éjecta
avec succès, alors que son équipier était tué. Enfin, un dernier combat intervint
le 4 mai 1999, lorsqu’ un appareil du 127 LAE tenta d’intercepter une formation
ennemie qui venait de bombarder la ville de Valjevo. Le chasseur fut abattu et
son pilote tué par deux F-16C américains. Le tribut prélevé sur les Mig-29
yougoslaves durant l’opération Allied
Forces fut donc élevé, avec six avions détruits en combat aérien, et quatre
autres au sol, sans avoir pu remporter une seule victoire. En effet, les
quelques appareils ennemis détruits durant la guerre le furent par les
batteries de missiles sol-air.
Fulcrum
sur la Corne de l’Afrique
Si les mésaventures des Mig-29 serbes
furent abondamment, bien que partiellement, relayées par les médias occidentaux,
une autre guerre contemporaine de l’opération Allied Forces, bien moins scrutée et pourtant beaucoup plus
intensive, vit également des appareils du même type engagés dans des combats
aériens. Si le JRViPVO était le pâle reflet de sa puissance passée, la force
aérienne érythréenne était au contraire encore dans l’enfance au moment où elle
s’équipa de Mig-29. En effet, celle-ci naquit en 1991, un peu plus d’une année
avant la déclaration d’indépendance du pays le 24 mai 1993, et sa sécession irrévocable
d’avec l’Ethiopie, à l’issue de décennies de guerre. La nouvelle arme fut
fondée autour d’un noyau très restreint d’anciens pilotes et de techniciens
érythréens ayant servi dans la force aérienne éthiopienne. Ceux-ci gérèrent la
montée en puissance de l’ Eritrean Air
Force (ERAF) de manière cohérente, malgré le peu de ressources financières
disponibles dans un des pays les plus pauvres du monde, de surcroît marqué par
les destructions causées par la guerre d’indépendance. Ils commencèrent par
acquérir une poignée de monomoteurs Valmet Redigo d’entraînement en Finlande,
suivis peu après par quatre Y-12 chinois de transport léger. A l’évidence, il s’agissait d’une approche
destinée à assurer la montée en compétence progressive des personnels de la petite
institution. Une nouvelle étape fut encore franchie en 1996, avec la mise en
service de six mono-réacteurs d’entraînement avancé et d’attaque légère
Aermacchi MB-339. Ainsi, en 1998, une douzaine de nouveaux pilotes avaient été
formés, avec l’aide de l’Italie, et surtout de l’Ethiopie. En effet, les
relations entre les gouvernements des deux pays étaient alors amicales, ceux-ci
étant issus des mouvements qui combattirent, puis renversèrent le régime du Derg. Ce climat cordial finit par se
refroidir brutalement du fait de contentieux sur le tracé de la frontière entre
les deux Etats ainsi que sur les taxes prélevées sur les marchandises à
destination de l’Ethiopie transitant par les ports érythréens.
La situation s’aggrava le 12 mai 1998,
lorsque des troupes érythréennes, soutenues par des chars et de l’artillerie,
s’emparèrent de la ville de Badmé et de ses alentours, prenant les Ethiopiens
complètement au dépourvu. Ceux-ci contre-attaquèrent sans succès, puis un
cessez-le-feu entra en vigueur le 14 juin, gelant les positions des
belligérants. Durant cette première phase du conflit, les aviations des deux
adversaires échangèrent une série de raids menés menés par des MB-339 d’un côté
et des Mig-21 et Mig-23BN de l’autre. Afin de se renforcer avant une éventuelle
reprise des hostilités, l’ERAF se fit livrer par l’Ukraine, la même année, cinq
Mig-29, répartis entre quatre monoplaces et un biplace, accompagnés d’un stock
de missiles R-27 et R-73. Le choix de cet appareil avait été influencé par le
commandant de la force aérienne, qui avait été impressionné par ses
performances lors d’un stage qu’il suivit en URSS à la fin des années 80, en
tant qu’officier de la force aérienne éthiopienne sous le régime de Mengistu.
Cependant, les pilotes érythréens durent se convertir sur leur nouvelle monture
en quelques semaines, sans disposer du temps nécessaire pour s’initier à l’art
complexe du combat aérien, ni aux subtilités du système d’arme de l’appareil,
ce qui eut pour effet de contraindre, le moment venu, la force aérienne
érythréenne à les envoyer au combat isolément. Les cinq Mig furent alloués à
une nouvelle unité crée pour l’occasion ; le 5e squadron. La force aérienne éthiopienne
ne resta pas non plus inactive, et renforça son ordre de bataille par la remise
en état de Mig-21 et 23BN supplémentaires restés inutilisés depuis la fin de la
guerre civile. De plus, elle reçut de la Russie, à la fin de l’année 1998, huit
Su-27 achetés pour un montant de 150 millions de dollars, accompagnés par un
contingent de techniciens et d’officiers russes.
Paire de Mig érythréens au décollage (www.erey.50megs.com) |
Les combats reprirent le 5 février
1999, et durèrent environ un mois, durant lequel les Ethiopiens lancèrent deux
offensives majeures. La seconde contraignit les Erythréens à reculer au terme
de très violents affrontements terrestres, au cours desquels les tués se
comptèrent par milliers. C’est dans ce contexte que les chasseurs des deux
camps finirent par se rencontrer. Dans l’après-midi du 25 février, deux Su-27
tirèrent plusieurs R-27 contre un Mig-29 isolé au-dessus de Badmé. Un des
missiles fit mouche, détruisant l’appareil érythréen et tuant son pilote, après
avoir parcouru une distance de 27 kilomètres. Le lendemain, une autre paire de
Su-27 abattit un autre Mig-29 à l’aide de missiles R-27, le pilote érythréen
étant également tué. A la suite de ces deux rencontres, l’ERAF renonça à
contester la supériorité aérienne ennemie. Enfin, la troisième et dernière
phase du conflit débuta le 4 mai 2000 avec le lancement de l’opération Hard Wind par les Ethiopiens, qui
s’emparèrent d’un quart du territoire national ennemi en quelques semaines.
Acculé, le gouvernement d’Asmara n’eut d’autre choix que d’accepter un plan de
paix proposé par l’Union Africaine, les combats cessants le 18 juin 2000. Au
cours de ceux-ci, l’activité du 5e squadron se réduisit à quelques patrouilles au-dessus d’Asmara, et
à une tentative d’interception infructueuse le 29 mai contre une formation de
quatre Mig-23BN qui venait de bombarder l’aéroport d’Asmara.
Conclusion
Les exemples de l'emploi au combat du Mig-29 par les forces
aériennes irakiennes, yougoslaves et érythréennes illustrent avant tout la très
grande complexité de la guerre aérienne, et donc, des institutions qui la
mènent. De fait, les avions de combat ne représentent de nos jours que le
maillon d'une chaîne leur permettant d'agir efficacement, et résumer le
résultat d'un combat aérien aux caractéristiques des avions engagés serait
trompeur. Ainsi, dans le cas yougoslave, la véritable cascade de facteurs qui
s'accumulèrent contre les pilotes du 127e LAE ne pouvait que condamner à
l'échec leurs tentatives d'interception. Ils furent dans un premier temps
victimes de la déliquescence de leur institution, incapable de leur fournir un
entraînement suffisant dans les mois précédents le conflit, puis d'assurer le
bon fonctionnement de leurs appareils au cours de celui-ci. De plus, ils affrontèrent
un ennemi démesurément plus puissant, capable de considérablement réduire le
soutien que pouvait leur prodiguer leur réseau de contrôle aérien. Par
ailleurs, sur le plan tactique, leur déploiement à moyenne altitude durant des
périodes prolongées ne fit que faciliter leur détection par l'adversaire alors
qu'eux-mêmes étaient pratiquement aveugles. In fine, en 1999, les
caractéristiques du Mig-29 étaient intimement connues de leur adversaire, ne
serait que parce que la Luftwaffe allemande comptait une escadre équipée
de cet appareil dans son ordre de bataille, et que les Américains s'étaient
également empressés d'en acquérir en profitant des opportunités offertes par la
chute du mur de Berlin.
Leurs homologues du 6e squadron de la force aérienne
irakienne furent, dans une certaine mesure, plus chanceux que les défenseurs du
ciel yougoslave. En effet, ils avaient été soigneusement entraînés aux
opérations à basse altitude et ce depuis la création de leur unité, du fait du modus
operandi iranien durant la guerre Iran-Irak, qui privilégiait, pour ses
attaques au cœur de l'Irak, l'emploi de petites formations de
chasseurs-bombardiers volant au raz-du-sol. Cette expertise s'avéra pourtant
insuffisante face aux milliers d'avions de tous types de la coalition.
Dans le cas érythréen, la supériorité du radar embarqué du Su-27
comparé à celui du Mig-29 joua sans doute un rôle plus important, dans la
mesure où les réseaux de détection terrestres des deux belligérants étaient
relativement peu développés. Néanmoins, l'accélération subite de la montée en
puissance de l'ERAF avec l'introduction du Mig-29 ne lui laissa pas le temps
nécessaire à l'assimilation des multiples savoir-faire inhérents au combat
aérien. Leurs adversaires éthiopiens, bien qu'ayant aussi dû mettre en service
de manière accélérée un nouveau chasseur, furent certainement moins affectés
par ce phénomène, dans la mesure où ils bénéficièrent d'une important
assistance russe, et que leur force aérienne pouvait également s'appuyer sur
une expérience opérationnelle riche et variée découlant de décennies de
guerres.
Bibliographie
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