De
1944 à 1949, la Grèce est
la proie d’une
guerre civile, qui plonge à la fois ses racines dans le passé
récent du pays mais
également dans un environnement international marqué par
l’apparition
de la guerre froide. Seul
conflit armée sur le sol européen où
s’affrontent le bloc communiste et le bloc occidental, elle
ressemble sur bien des
points aux multiples
guerres insurrectionnelles
qui naîtront du contexte de guerre froide, du
Vietnam au Nicaragua en passant par Cuba.
À
travers l’exemple de la guerre civile grecque se dessine les
linéaments des
guerres
insurrectionnelles qui
marqueront la seconde moitié du 20e
siècle mais également
les moyens employés pour la contrer et la vaincre. Apparaît
également l’importance dans ce type de conflit
de facteurs non
spécifiquement militaires comme le contrôle de la population ou
l’environnement international. Mais avant tout cette guerre civile
est incontournable pour appréhender et mieux comprendre la Grèce
contemporaine.
David FRANCOIS
La Grèce |
La
Résistance grecque divisée
La
guerre civile grecque de
1944 à 1949 plonge ses
racines dans la politique intérieure hellène des années 1930. Par
crainte des réformes avancées par le Parlement où domine le
centre-gauche, le roi Georges II fait en
effet dissoudre
l’assemblée en août
1936 et nomme à la tête
du pays, un dictateur, le général Ioannis Metaxas. S’inspirant de
l’exemple du fascisme mussolinien, ce
dernier instaure un régime
autoritaire avec l’appui du roi, de l’armée et de
l’administration. Les partis politiques sont interdits notamment le
Parti communiste grec (KKE) qui passe à la clandestinité pour
survivre. Les opposants au
régime sont arrêtés, les grèves interdites et la censure est
omniprésente.
Le
régime de Metaxas ne bénéficie d’un soutien populaire qu’à
partir de l’attaque italienne contre la Grèce en octobre 1940. La
résistance armée grecque, dirigée par le général Alexandre
Papagos, brise l’offensive des troupes du Duce qui se voient même
repoussées à l’intérieur de l’Albanie. Devant le fiasco
italien, Hitler est contraint d’intervenir. Le 6 avril 1941, la
Wehrmacht attaque la Grèce. Alors qu’elle avait vaillamment
résisté contre les Italiens, l’armée grecque ne peut faire face
devant les troupes allemandes qui, en trois semaines, prennent
possession de l’ensemble du pays. Le roi Georges et le gouvernement
fuient le pays pour se réfugier en Égypte sous la protection
britannique.
À
leur arrivée en Grèce, les Allemands trouvent
dans les prisons un grand nombre de communistes emprisonnés
par le régime de Metaxas. Désireux de rester en
bons termes avec leurs alliés soviétiques, ils décident de les
libérer ce qu’ils ne
tarderont pas à amèrement regretter. En effet, quand la Wehrmacht
attaque l’URSS en
juin, les communistes fondent immédiatement
le Front de libération nationale (EAM) puis
l’Armée nationale populaire de libération
(ELAS) sa branche armée, faisant
appel au patriotisme pour appeler à la résistance contre les
envahisseurs allemands.
Parallèlement
apparaît un autre mouvement de résistance armée en Grèce, la
Ligne nationale démocratique grecque (EDES) de Napoleon
Zervas. Cette
dernière, qui reçoit le soutien du roi et du gouvernement en exil,
est relativement faible et limite ses actions aux régions du
nord-ouest du pays. Néanmoins, l'EDES, bien
qu’anticommuniste, n’hésite
pas à mener des opérations communes avec l'ELAS contre les
Allemands et les Italiens. Plus à droite, existe l’Organisation
X du colonel Georges Grivas qui mène une politique de terreur et de
contre-terrorisme contre les communistes. Dans
cette situation les formations les plus modérées
sont rapidement marginalisées
tandis que se développe une rivalité
sanglante entre l’EDES et l’ELAS, les deux organisations étant
en lice pour prendre le pouvoir après la libération du pays. L’EDES
fournit ainsi quelques informations aux Allemands pour traquer l’ELAS
tandis que cette dernière lance des attaques contre les forces de
l’EDES dès la fin 1942.
En
octobre 1943, l’ELAS, avec ses 20 000 hommes, accroît ses
opérations contre l’EDES qui ne compte que 5 000 combattants. Les
Britanniques, craignant une mainmise communiste sur le pays après la
guerre, fournissent des armes à l’EDES qui en février 1944
reprend les territoires qu’elle avait perdus. Finalement les deux
organisations conviennent d’une trêve tandis que les Britanniques,
afin de résoudre le conflit, organisent une conférence au Liban
réunissant les représentants des partis et des mouvements de
résistance. Quatre mois plus tard, l’EDES et l’ELAS acceptent de
passer sous commandement britannique.
Manifestation communiste à Athènes |
À
l’automne 1944, les troupes allemandes commencent à évacuer la
Grèce. En octobre, le général britannique Scobie
débarque à Athènes avec
deux brigades et des unités grecques libres,
soit environ 26 000 hommes
tandis que le gouvernement en exil
s’installe dans le pays libéré où les luttes politiques ne
tardent pas à reprendre. La Grèce est alors dévastée
par la guerre, le pays est en
faillite, l’industrie est
à l’arrêt, les ports et
les villes sont en ruine. Le
gouvernement royal se montre
vite inefficace face aux problèmes
du pays et manque de soutien dans une
population qui lui reproche à la fois d’être l’héritier de
Metaxas et d’être inféodé à la Grande-Bretagne.
Le
KKE veut profiter de cette situation et montrer le soutien populaire
dont il bénéficie. Avant la fin de la guerre, les
partisans communistes ont déjà
commencé à consolider leur
contrôle des campagnes. L’EAM organise
donc une manifestation, le 2 décembre, à Athènes, malgré
l’interdiction du gouvernement. La démonstration tourne au bain de
sang, plusieurs manifestants sont tués. Les Britanniques ordonnent
alors aux unités de l’ELAS d’évacuer la région d’Athènes
dans les 72 heures. L’ELAS répond le 6 décembre en attaquant des
bâtiments gouvernementaux ainsi que des unités de l’EDES dans le
nord du pays. Les soldats britanniques reçoivent la mission de
rétablir l’ordre mais en quelques jours, l’ELAS prend le
contrôle du pays à l’exception des villes où se trouvent des
garnisons anglaises. Le gouvernement grec se montre
alors totalement incapable de
contrôler une situation qui
ne cesse de se dégrader.
Combats de rue à Athènes fin 1944 |
Dans
les zones qu’ils contrôlent, les communistes
organisent une force de
police secrète l'OPLA qui s’en
prend aux ennemis
réels ou
présumés du KKE et qui, en
trois semaines, exécute prés
de 13 500 personnes. Les unités de l'ELAS comptent alors 40 000
hommes et femmes organisés en deux armées,
celle du sud commandée par
Siantos et Mandakas avec 18 000 combattants et celle du nord dirigée
par Saraphis et Aris avec 23 000 combattants.
Pendant
six semaines une
sanglante lutte a lieu
jusqu’à ce que les
Britanniques, encouragés par la visite de Churchill à Athènes le
jour de Noël 1944,
repoussent les partisans communistes. Si ces derniers ont obligé
l'EDES à fuir le continent pour se réfugier dans l’île
de Corfou, ils ne sont pas parvenus
à prendre le contrôle de la capitale. Ils se retirent des
environs d’Athènes en refusant de libérer les
16 000 otages civils qu’ils
ont raflés, une décision qui entame leur popularité dans les
campagnes et permet ainsi aux
forces gouvernementales de reprendre le contrôle de nombreux
territoires. L’offensive
britannique force finalement l’ELAS à demander un armistice
le 11 janvier 1945. Lors des négociations qui suivent, cette
dernière accepte de rendre une partie de ses armes tandis que le
gouvernement promet une amnistie, des élections libres et un scrutin
pour décider le maintien du roi Georges sur le trône. Cette
première phase, relativement courte,
de la guerre civile a néanmoins
fait 25 000 morts.
Les
communistes en position de force.
Le
compromis de janvier 1945 est instable. De nombreux
groupes communistes sont certes
dissous et l'ELAS remet une partie de ses armes, mais
de nombreux partisans refusent de désarmer et se réfugient dans les
régions montagneuses du pays. En décembre 1945,
le KKE est parvenu à
réorganiser ses forces dont
une partie est passée par des
camps d’entraînement établis en Yougoslavie et en Albanie et
rentre clandestinement en Grèce. La Bulgarie, la
Yougoslavie et l’Albanie
fournissent également des
armes et du matériel aux insurgés communistes, ce qui n’est
pas le cas de l’URSS qui
maintient une réserve prudente. Mais le 21
janvier 1946, lors de la réunion du conseil de sécurité de l’ONU,
le représentant soviétique condamne bruyamment les persécutions
des militants communistes en Grèce. Le KKE voit dans cet incident le
signe que Staline soutiendra la rébellion armée. Il
est vrai que la politique gouvernementale ne fait
qu’envenimer la
situation en permettant à des unités
terroristes paramilitaires de
nettoyer les villes des hommes de l'ELAS ce qui ne fait que renforcer
les forces rebelles.
En
mars 1946, le KKE refuse de participer aux élections nationales
où la droite remporte une victoire écrasante. Sous les ordres de
Markos Vafiadis, célèbre sous le nom de
commandant Markos, de petites unités de l'ELAS
commencent à effectuer des
raids éclairs à travers la frontière
pour obtenir du matériel et des volontaires. À
la fin mars, un groupe armé
entre dans le village de Litochoro, au pied du
mont Olympe, et attaque un peloton de l’armée
qui se rend rapidement. Le poste de gendarmerie résiste mais doit
également se rendre. Les insurgés se retirent rapidement sans subir
de perte alors qu’une unité
britannique approche. C’est
le signal pour tous les partisans
de l'ELAS dans le pays. La trêve de janvier 1945
est définitivement brisée.
Markos Vafiadis, commandant des forces communistes grecques |
Quelques
mois plus tard un groupe de 1 000 à 1 500 partisans s’emparent
de la ville de Deskati en Thessalie. Ils sont armés avec des
mortiers de trois pouces et des armes anti-chars. Il faut cinq jours
aux forces gouvernementales pour nettoyer la zone et rétablir
l’ordre. Les partisans en
retraite passent la frontière yougoslave protégés
par les soldats de Tito. À la fin de 1946, les
incursions communistes deviennent
quotidiennes, des routes sont minées,
des villages pris. Si les rebelles possèdent des combattants dans
l’ensemble du pays, la guérilla est particulièrement forte dans
quatre régions : la Macédoine le long de la frontière avec la
Yougoslavie et l’Albanie, la Thrace, la région de Tripoli-Sparte
au sud du Péloponnèse, la région montagneuse de Thessalie.
Le
gouvernement hésite sur la conduite à tenir, laissant les groupes
d’extrême-droite commettre des exactions dans les villes au lieu
d’envoyer l’armée dans les campagnes protéger la population.
Sous l’influence britannique, le pouvoir
assimile les rebelles à des bandits et non à des guérilleros, ce
qui le conduit à commettre de lourdes erreurs. Ainsi c’est à la
gendarmerie, à la garde nationale et à la police qu’il donne
mission de combattre la rébellion, ce dont ses
forces sont incapables. Il faut attendre octobre 1946 pour que le
gouvernement engage 100 000 militaires qui ne sont ni formés, ni
organisés pour des opérations de contre-insurrection.
Markos
dirige alors environ 4 000
guérilleros en unités semi-autonomes de 100 combattants chacune. À
la fin de 1946, il commande 7
000 combattants qui prennent le nom d’armée démocratique grecque.
Il établit alors son quartier général dans la zone montagneuse de
Gramos et de Vitsi à la jonction des frontières albanaises,
yougoslaves et grecques. Au début de 1947, l’armée démocratique
contrôle environ 100 villages qui lui permettent de s’approvisionner
et de lever des impôts.
Dans ces zones contrôlées
par les communistes, des milliers de sympathisants du gouvernement
sont condamnés après des parodies de procès tandis que les
habitants doivent assister à des rassemblements obligatoires.
Les
forces communistes ne cessent de croître tout au long de l’année
1947. En mars, Markos commande 13 000 insurgés
dans des unités organisées et reçoit le soutien actif d’environ
50 000 autres tandis qu’il peut compter sur environ 250 000
sympathisants dans tout le
pays. À la mi-1947, les rebelles dirigent environ 23 000 combattants
soit de 65 à 70 bataillons
de 250 hommes ou femmes. En octobre 1947, selon le gouvernement,
l’armée démocratique a attaqué 83 villages, détruits 218
bâtiments, fait exploser 34 ponts et détruit 11 trains. À ce
moment plus de 250 000 civils sont sans abri et les quatre cinquièmes
du pays connaissent des troubles.
Les
communistes reçoivent une aide importante de la part des pays du
bloc de l’Est. À l’exception de l’URSS qui
se montre prudente, la Yougoslavie et d’autres
pays socialistes approvisionnent les communistes grecs fournissant
aussi bien de la nourriture
que de
l’artillerie antiaérienne. Un général
yougoslave est même envoyé
au quartier général de l’ELAS conseiller les
camarades grecs. Le gouvernement d’Athènes
est alors dans une situation désespérée.
Les communistes contrôlent déjà
les massifs le long de la frontière avec l’Albanie mais également
le mont Gramos à l’extrémité nord de la chaîne
du Pinde. À partir de ces
bases, ils menacent tout le nord-ouest de la Grèce. Par la suite,
Markos déploie ses unités
dans tout le pays au lieu de
les garder concentrer dans les montagnes, fournissant par la même
occasion des cibles plus faciles
pour l’armée.
À
la fin de 1947, les communistes
lancent une attaque sur la
ville de Konitsa prés de la frontière albanaise soutenu par des
canons de 105 mm situés en Albanie. La bataille qui s’engage
est cruciale pour les communistes qui veulent faire de la
ville la capitale d’une
zone libérée dans l’espoir
d’être reconnu
officiellement par les pays socialistes. Ils jettent donc
dans la bataille 10 000 combattants. Le premier objectif est le pont
de Bourazani qui enjambe la rivière
Aoos. C’est par là
que doivent arriver les renforts gouvernementaux venant de Ioannina
la capitale provinciale. Pour répondre à
l’attaque, l’armée
est obligée de
réquisitionner des DC-3 pour transporter ses troupes sur place. Du
25 au 29 décembre, la bataille fait rage. Finalement les communistes
doivent se retirer laissant prés de 1 200 blessés derrière eux.
Combattants de l'ELAS |
La
défense de Konitsa a pour résultat de remonter le moral d’une
armée qui compte alors 200 000 hommes. A Athènes, un gouvernement
de coalition se forme dirigé par Papandreou tandis que le colonel
Zervas, l'ancien chef de l'EDES, est nommé ministre de l’Intérieur.
Il fait arrêter prés de 3 000 communistes dont certains sont
condamnés à mort tandis que le contre-terrorisme s’installe dans
les villes et les villages, réprimant les sympathisants de gauche.
La violence anticommuniste se déchaîne et de nombreux excès,
notamment l’organisation d’exécutions publiques, entraînent des
protestations de la part des États-Unis et de la Grande-Bretagne. En
réaction, en mars 1947, les communistes, malgré les protestations
internationales, déplacent 28 000 enfants vers les pays du bloc de
l’Est.
Au
niveau international, l’année 1947, marque un tournant pour le
gouvernement grec. Au début de l’année, la Grande-Bretagne
annonce qu’elle ne peut plus soutenir militairement et
économiquement la Grèce. Elle demande donc aux États-Unis de
prendre le relais, ce qu’accepte le président Truman. Pour les
Américains, une victoire communiste en Grèce mettrait en péril la
Turquie et l’ensemble du Moyen-Orient, ce qu’ils ne peuvent
tolérer. Une aide économique mais surtout militaire avec l'envoi
sur place de conseillers se met en place qui va porter ces fruits en
1948.
Sur
le plan militaire, durant toute l’année 1947, l’armée grecque
montre son incapacité à venir à bout de l’insurrection
communiste. Faute de matériel et d’effectifs suffisants pour mener
des opérations dans l’ensemble du pays, les généraux grecs ont
choisi de vaincre d’abord la guérilla dans le sud puis d’envoyer
le gros des troupes dans le nord. Les opérations contre les
guérilleros se déroulent en trois phases. Durant la première phase
les troupes gouvernementales encerclent une région pour piéger les
rebelles et les forcer soit à se battre, soit à se rendre. Dans un
second temps, des ratissages sont effectués afin de nettoyer la zone
puis, dans un troisième temps, le gros des troupes remonte vers le
nord pour effectuer une nouvelle opération. Cette stratégie se
révèle vite un échec. Les communistes parviennent en effet le plus
souvent à fuir les régions visées par ces opérations tandis que
la population locale, consciente que les rebelles reviendront une
fois les militaires partis et craignant les représailles, refuse de
coopérer. Pour tenir le terrain, l’armée est donc obligée de
laisser des troupes sur place ce qui réduit ses forces pour mener
des opérations ultérieures.
Devant
cette impasse, le gouvernement grec essaye de négocier avec les
rebelles, proposant une amnistie à deux reprises en 1947. Pour les
communistes, c’est là un aveu de faiblesse d’autant que le
gouvernement prévient qu’il ne pourra assurer la sécurité des
guérilleros contre des représailles des groupes d’extrême-droite.
Finalement à l’automne 1947, l’armée dédie l’essentiel de
ses effectifs à des missions de défense statique. Manquant de
capacité offensive efficace, elle est incapable d’obtenir une
victoire militaire, laissant l’initiative aux communistes. Sur le
conseil des Américains, le gouvernement met finalement sur pied un
corps de défense nationale. Il s’agit de bataillons à base
régionale qui sont exclusivement chargés de missions de défense
statique et doivent libérer l’armée de ces taches pour lui
permettre de se consacrer à des missions offensives.
À
la fin de 1947, la perspective d’une victoire communiste en Grèce
apparaît sérieuse. Le 24 décembre, Markos annonce la formation
d’un gouvernement provisoire démocratique de la Grèce libre, un
véritable défi pour Athènes qui ferme la porte à tout règlement
politique et pacifique du conflit. Au même moment, refusant une
intervention directe, le président Truman accepte en novembre 1947
l’envoie sur place d’une équipe de planification, sous les
ordres du général James Von Fleet, chargée de donner des conseils
opérationnels à l’armée grecque.
Van
Fleet prépare alors un plan d’opérations pour 1948 qui consiste
dans un premier temps à réduire les forces communistes en Grèce
centrale puis à attaquer la région de Gramos en Épire début juin.
Ensuite l’armée grecque devra nettoyer le Péloponnèse des restes
des formations rebelles. Une campagne d’hiver dans la région de
Vitsi, au nord du pays, mettra un point final au conflit.
La
campagne indécise de 1948
Au
début de 1948, 2 000 partisans communistes contrôlent la Grèce
centrale coupant ainsi Athènes du reste du pays. Pour le
gouvernement, reprendre cette région doit à la fois permettre de
rétablir les liaisons entre la capitale et le reste de la Grèce et
isoler les unités communistes stationnées dans le Péloponnèse.
Trois corps d’armée sont engagés dans l’opération ainsi que
deux groupes de commandos. Le 15 avril, les divisions attaquent
depuis le nord et le sud tandis que des commandos bloquent les cols
de montagnes pour empêcher les rebelles de fuir. Mais la veille de
l’attaque, un groupe de guérilleros, profitant des conditions
météorologiques, parvient à franchir les lignes gouvernementales
et à s’enfuir.
L’opération
une fois lancée se déroule avec lenteur. Ainsi le corps d’armée
A a besoin d’un mois complet pour nettoyer une zone de 90 km de
long sur 50 km de large. Cela laisse largement le temps à la plupart
des unités communistes pour s’échapper et rejoindre le gros des
forces rebelles dans le nord du pays. Néanmoins l’armée grecque
est parvenu à chasser les insurgés de Grèce centrale et peut enfin
revendiquer un succès.
La
seconde phase du plan de Van Fleet débute le 20 juin 1948 avec pour
objectif de prendre le contrôle complet de la zone montagneuse de
Gramos centre névralgique des forces militaires communistes. Elle
concentre en effet plus de 7 000 guérilleros prêts à défendre à
tout prix la région. Lors de cette opération, l’armée doit
d’abord de nettoyer les abords de la zone tenue par les rebelles
puis s’emparer des lignes de défense communistes. Lors de la
dernière phase, l’armée a pour objectif de couper les lignes de
communication entre la région du Gramos et l’Albanie et de lancer
une offensive sur la seconde ligne de défense communiste.
Markos,
qui est informé du plan de l’armée gouvernementale, répond en
renforçant ses lignes de défense. Il établit également une
réserve de 3 000 combattants en Épire qui doit couper les lignes de
ravitaillement de l’armée une fois que celle-ci aura lancé son
attaque.
Partisans communistes à l'entrainement |
L’opération
Couronne débute donc le 20 juin. Son déroulement s’avère lent et
difficile dans une zone montagneuse où les défenses communistes
sont bien préparées. Les rebelles de l’Épire quant à eux
harcèlent les arrières de l’ennemi, l’obligeant à immobiliser
des unités pour les protéger. Van Fleet, dénonce alors
l’incompétence du commandant du corps d’armée B dont il demande
le remplacement. Il l’obtient et c’est le général Kitrilakis
qui prend la direction des opérations. Dans le Gramos,
40 000 soldats affrontent 8 000 guérilleros.
Les deux forces se battent
pour contrôler les massifs. Pour prendre celui
du Kleftis, l’armée lance 20 000 obus sur la
crête qui n’est prise que lors de combats au corps-à-corps.
Markos doit alors faire venir
en renfort 4 000 partisans pour contenir
à contenir l’armée. Le 17e jour de l’opération,
les militaires prennent finalement le contrôle de la ligne de
défense extérieure des rebelles. Après douze autres jours de
combats, Markos ordonne à ses hommes de battre en retraite.
L’écrasante supériorité des troupes gouvernementales le menace
en effet de tous cotés. Certains rebelles prennent alors la
direction de l’Albanie mais la majorité, soit près de 8 000
hommes, arrive à rejoindre la région de Vitsi, l’armée grecque
étant incapable de réaliser l’encerclement prévu de la région
de Gramos.
Malgré
la lenteur des opérations et la fuite des guérilleros qui sont
encore 17 000 dans tout le pays, le gouvernement grec est plutôt
optimiste. L’opération Couronne est officiellement terminée le 21
août tandis qu’une division se lance à l’attaque des
fortifications de la guérilla dans la région de Mourghana.
La
région autour du mont Vitsi, dernier objectif du plan conçu par Van
Fleet, offre un refuge sûr pour les communistes ayant fui le Gramos
d’autant qu’elle permet un excellent approvisionnement par les
routes venant d’Albanie et de Yougoslavie. Le relief montagneux
favorise également la guérilla qui transforme la région en
forteresse. Pour l’armée grecque et les conseillers militaires
américains, si les rebelles ne sont pas délogés de cette zone
avant l’hiver, ils pourront la tenir ensuite jusqu’au printemps
1949. Le corps d’armée B de Kitrilakis prépare donc une attaque
depuis le sud et l’est contre les 4 500 guérilleros qui tiennent
la région. L’offensive est lancée le 30 août mais progresse
lentement en raison de la forte résistance de l’ennemi et des
mauvaises conditions météorologiques. Deux brigades supplémentaires
sont alors envoyées en renfort pour permettre une percée. Le 5
septembre alors que l’armée est sur le point de couper les lignes
de ravitaillement des rebelles avec l’Albanie, les communistes
lancent une vigoureuse contre-attaque qui oblige les militaires à
battre en retraite jusqu’à leurs positions initiales.
Le
corps d’armée B reçoit alors le renfort d’une division ce qui
lui permet de reprendre l’offensive. Cependant la guérilla lance
une nouvelle attaque qui oblige l’armée à reculer de 3 km, un
terrain perdu que les militaires ne reprennent qu’après deux jours
de combats. Les chances du groupe d’armées B de s’emparer de la
région de Vitsi avant l’hiver semblent alors largement
compromises. Les préparatifs pour un nouvel assaut laissent en effet
le temps aux communistes de renforcer leurs positions de défense.
Ils en profitent également pour recruter de nouveaux volontaires
dans la région ce qui leur permet d’avoir un effectif de 7 000
hommes en octobre.
L’armée
grecque lance deux dernières grandes offensives en octobre mais les
deux tentatives se transforment en piteux échecs. À la fin du mois,
elle cesse ces opérations sans avoir réalisé ses objectifs puisque
avec 6 500 hommes les communistes continuent à contrôler la région.
Pour les conseillers américains, la raison principale de cet échec
provient du manque d’agressivité des officiers grecs qui soit
ordonnent la retraite dès qu’ils rencontrent une résistance
sérieuse ou se retirent en désordre quand les communistes
contre-attaquent.
À
la fin de 1948, le gouvernement grec a encore peu de raisons d’être
optimiste. Pendant que l’armée a essayé, en vain, de prendre le
contrôle de la région de Vitsi, la guérilla en a profité pour
accroître ses activités en Thessalie et dans le Péloponnèse. Les
communistes sont même parvenus à combler les pertes subies durant
l’année.
Pour
Van Fleet, l’échec de Vitsi montre la nécessité de renforcer et
d’améliorer les capacités de combat de l’armée grecque. Mais
le temps manque pour cela alors que la guérilla ne cesse de se
renforcer. Pour les conseillers américains, il est indispensable
pour pouvoir l’emporter de fermer rapidement les voies de
communication entre les communistes grecs et l’Albanie et la
Yougoslavie. Cela peut être obtenu soit par un assaut rapide, soit
par une augmentation des effectifs de l’armée. Mais à la fin
1948, l’armée s’est montrée incapable de réaliser la première
option tandis que la seconde ne signifie aucunement une amélioration
des qualités combatives des unités.
Pendant
ce temps les communistes ne restent pas inactifs. Alors que la
situation reste bloquée dans la région de Vitsi, ils réinvestissent
lentement celle du Gramos avec deux divisions. À la fin 1948, trois
brigades ont déjà établi des bastions dans cette zone. Dans le
reste du pays, les raids communistes se font plus nombreux et plus
audacieux. De décembre 1948 à février 1949, les rebelles
parviennent également à recruter près de 5 000 combattants. Ainsi
au début de 1949, ils contrôlent toujours fermement les régions de
Gramos et de Vitsi et conservent l’initiative ailleurs en Grèce.
Le général Van Fleet en compagnie d'officiers grecs |
La
défaite communiste.
Afin
de répondre aux critiques de Van Fleet et de redonner de l’allant
aux troupes, le 21 janvier 1949, le général Alexandre Papagos,
héros de la guerre contre l’Italie en 1940, est nommé commandant
en chef des forces armées grecques. Ce dernier prend des mesures
drastiques pour rétablir un esprit offensif. Les commandants jugés
passifs sont menacés de la cour martiale, les unités n’ont le
droit de battre en retraite que sur l’ordre du quartier général
et les officiers sont autorisés à abattre tous ceux qui feraient
preuve de lâcheté au combat.
Pendant
que Papagos reprend en main l’armée, une opération est organisée
dans le Péloponnèse afin d’écraser les forces communistes qui
s’y trouvent. Si la région ne compte plus que 800 guérilleros au
début de 1948, ils sont près de 4 000 à la fin de l’année.
L’impasse stratégique dans laquelle se trouve alors l'armée dans
le nord du pays après son échec contre Vitsi offre une chance de
reprendre le contrôle du Péloponnèse.
Le général Papagos, commandant en chef de l'armée grecque |
Les
militaires n’ont pas les ressources nécessaires pour mener des
opérations simultanées dans l’ensemble de la région. Le corps
d’armée A décide donc dans un premier temps de nettoyer le nord
du Péloponnèse tout en essayant de neutraliser l’activité de la
guérilla dans le sud, puis dans un second temps l’effort principal
doit consister à nettoyer l’ensemble du Péloponnèse du nord au
sud. Pendant l’ensemble de ces opérations, la marine grecque
installe un blocus maritime le long du golfe de Corinthe pour
empêcher l’arrivée de renforts communistes ou la retraite par mer
des rebelles. L’opération qui débute le 19 décembre 1948 se
déroule comme souhaitée par l’armée. Les militaires font arrêter
4 500 personnes soupçonnées d’aider la rébellion, privant ainsi
la guérilla de ses principaux soutiens logistiques ainsi que de
sources de renseignements. Les bandes de guérilleros ont alors
beaucoup plus de mal à échapper aux militaires. Malgré des
contre-attaques réussies, elles subissent sans relâche la pression
de l’armée. Celle-ci agit méthodiquement et sans précipitations
afin de ne laisser s’échapper aucun rebelle. À la fin mars, ces
derniers ne sont plus que 250 dans le Péloponnèse. La reprise de la
région est un succès pour le gouvernement.
Pour
soulager la guérilla mise à mal dans le Péloponnèse, les
communistes lancent une attaque sur la ville de Karpenisi au sud du
Pinde le 19 janvier et s’en emparent. Il s’agit par cette
manœuvre de forcer Papagos à détourner des troupes du Péloponnèse
mais l’armée ne mord pas à l’hameçon. Elle laisse la ville aux
mains des communistes pendant une quinzaine de jours et attend
l’arrivée de troupes des régions débarrassées des rebelles pour
reprendre la cité.
C’est
à ce moment du conflit que le 27 janvier 1949, Markos lance par
radio depuis Belgrade une proposition de paix qui comprend un appel
au cessez-le-feu, une amnistie générale, des négociations pour
former un nouveau gouvernement et la tenue d’élections dans les
deux mois. Cette annonce peut signifier que les communistes se
sentent en position de force après les échecs de l’armée à la
fin de 1948 et les succès des raids de la guérilla les deux
derniers mois. Mais une semaine plus tard, la rébellion annonce que
Markos, le chef de la guérilla, a été relevé de ses fonctions
militaires ainsi que de ses responsabilités sein du KKE pour raison
de santé. Le KKE est en fait victime d’une purge et Markos ainsi
que de nombreux responsables de l’armée démocratique sont limogés
pour « opportunisme ». C’est le résultat d'un conflit
entre Markos, le commandant militaire, et Nikos Zakariadis le chef du
KKE. Markos, qui ne pense plus avoir les moyens de remporter la
victoire militairement, souhaite poursuivre une stratégie de
guérilla basée sur l’organisation de raids et éviter toute
confrontation directe avec l’armée tout en cherchant une solution
politique avec le gouvernement. Zakariadis, au contraire, souhaite
convertir l’armée démocratique en une force conventionnelle
capable de conquérir et de tenir des territoires et de battre
l’armée grecque. Au-delà de la stratégie militaire, un autre
point de discorde est apparu, concernant le sort de la Macédoine.
Zakariadis est en effet favorable à ce que cette région devienne
autonome ce à quoi s’oppose Markos.
Avec
le départ de Markos et de ses fidèles, Zakariadis a le champ libre.
Il annonce que la Macédoine doit devenir indépendante au sein d’une
fédération balkanique. Cela provoque l’afflux de volontaires
macédoniens dont les effectifs, 14 000 hommes, représentent
rapidement près des deux tiers de ceux de l’armée démocratique.
Mais cette politique mine la base populaire de la guérilla, car les
combattants, s’ils luttent pour une Grèce meilleure, ne veulent en
aucun cas la division du pays. La politique macédonienne du KKE a
également des répercussions internationales en lui aliénant le
soutien de la Yougoslavie. Tito cesse alors de soutenir l’armée
démocratique qui dés juin 1949 ne reçoit plus d’approvisionnement
de la Yougoslavie qui ferme ses frontières avec la Grèce le 10
juillet.
Pendant
ce temps, l’armée grecque et les conseillers américains préparent
les plans pour la campagne de 1949. Van Fleet propose de ne plus
chercher à nettoyer des régions entières mais plutôt à battre
les formations de l’armée démocratique. Il insiste aussi sur la
nécessité de lancer des opérations simultanées sur une vaste zone
dans le but d’empêcher l’adversaire de se soustraire aux
attaques. Il souhaite donc une offensive majeure dans le centre de la
Grèce puis une autre dans la région de Gramos-Vitsi. Cette
stratégie, une fois adoptée, est mise en pratique au printemps 1949
avec l’opération Pyravlos, l’offensive dans le centre de la
Grèce.
L’opération
débute le 25 avril avec le blocage par l’armée des passages qui
conduisent au nord du pays. Le 5 mai, la principale attaque commence.
Les communistes réagissent en divisant leurs forces en petits
groupes de 80 à 120 hommes qui cherchent à éviter tout contact
avec l’armée pour mieux réapparaître une fois que le gros de
celle-ci se sera déplacé vers le nord. Contrairement à ces
espérances, l’armée ne se presse pas pour prendre la route du
nord. Le corps d’armée A, plutôt que d’agir dans le cadre de
formations massives se met à copier les tactiques de la guérilla.
Les unités sont ainsi divisées en petits groupes facilitant la
poursuite des rebelles. Plus important encore, la population locale
fournit des informations sur la localisation des guérilleros.
L’opération Pyravlos se caractérise donc par des dizaines
d’escarmouches durant trois mois plutôt que par quelques grandes
batailles décisives. À la fin de juillet, les communistes sont
vaincus dans le centre de la Grèce, en Thessalie et dans le sud du
Pinde.
Le
succès de l’opération Pyravlos est le prélude à l'assaut final
contre l'armée démocratique dans le nord, qui débute le 2 août
alors que les opérations de ratissage continuent dans le centre du
pays. La situation de l’armée démocratique à l'été 1949 est
mauvaise et oblige Zakariadis à revenir sur sa décision de
construire une armée conventionnelle. Il ordonne que les huit
centres de formation situés dans les pays communistes amis soient
fermés, que les combattants qui s’y trouvent se forment en groupes
de guérilla et infiltrent le nord du pays. Mais ces formations ne
réussissent pas à obtenir le soutien de la population locale qui
les dénonce aux autorités locales.
Dans
la zone de Gramos-Vitsi, les communistes, témoins des préparatifs
d’offensive de l'armée décident de tenir leurs positions
défensives plutôt que de battre en retraite vers l’Albanie. Ils
espèrent résister jusqu’à l’hiver quand les conditions
météorologiques obligeront l’armée à cesser toute offensive.
Ils pourront alors reconstituer leurs forces et reprendre le combat
au printemps 1950.
Officiers grecs après la victoire sur le mont Gramos |
L’armée
grecque lance d’abord une attaque de diversion sur le Gramos avec
l’intention de forcer les communistes à y déployer l’ensemble
de leurs réserves tandis que l'attaque principale a pour cible le
Vitsi. Le stratagème fonctionne, les réserves communistes sont
envoyées dans le Gramos tandis que l’armée lance l’assaut
contre Vitsi le 10 août. Après cinq jours de combats, la région
est sous le contrôle des militaires. Zakariadis décide alors de
défendre le Gramos qui est attaqué à partir du 25 août, notamment
par 50 avions Helldiver livrés par les États-Unis. L’armée
s’empare des positions défensives communistes en trois jours. Des
combats sporadiques se poursuivent jusqu’à la fin août alors que
le gros de l’armée démocratique s’est déjà réfugié en
Albanie.
Enver
Hoxha, le dirigeant albanais, qui craint une invasion de son pays par
l'armée grecque et qui ne veut pas lui fournir un prétexte, décide
alors de désarmer et d’interner tous les Grecs présents en
Albanie. Associé à la décision de la Yougoslavie de cesser toute
aide aux communistes grecs cette mesure signe la fin des combats.
Staline, de son côté,
a depuis longtemps compris
qu’avec l’aide américaine, les communistes grecs n’avaient
aucune chance de l’emporter. L’armée grecque
élimine progressivement les petites bandes d’insurgés qui n’ont
pas suivi la retraite. Pour Staline, depuis Yalta en 1945, la Grèce
appartient à la sphère occidentale, il ordonne donc à l’armée
démocratique de déclarer un cessez-le-feu. La guerre civile est
alors finie.
Prisonniers communistes internés par l'armée grecque |
Conclusion
Le
coût de la guerre civile grecque
est énorme. Environ 160 000 personnes ont perdu la vie tandis que
des centaines de milliers d’autres
ont perdu leur maison et l’ensemble de leurs biens.
80 000 sympathisants des rebelles ont pris
le chemin de l’exil pour
s’installer dans les pays
du bloc de l’Est, la
plupart ne rentrant en Grèce qu’après
le vote de lois d’amnistie
en 1985. Du côté
des combattants, l’armée a perdu 11 000
hommes et les rebelles environ 38 000.
La
guerre civile grecque, l’un
des premiers conflits armés de la guerre froide et le seul à se
dérouler en Europe, inaugure une série d’affrontements
que les théoriciens militaires nommeront guerres révolutionnaires
dans les années 1960 puis guerres asymétriques au début du 21e
siècle. Les communistes, inférieures
en nombre et moins bien équipés, mènent
essentiellement une guerre de partisans, faite de
coups de main où la mobilité et l’esprit
offensif leur assurent le succès. L’armée
grecque répond d’abord
par des méthodes classiques, croyant, à tort, que sa supériorité
numérique pourra venir à bout de l’insurrection.
Le tournant militaire du conflit survient au moment où les
communistes se dotent d’une
assise territoriale, la République de Konitsa, qu’ils
ne peuvent conserver que par une stratégie défensive
conventionnelle. Dans cette configuration, la puissance de feu
supérieure de l’armée,
alliée à l’abandon des
insurgés par la Yougoslavie, conduit
inéluctablement à la victoire du gouvernement d’Athènes.
La
guerre civile grecque démontre
l’importance
du contrôle des populations pour assurer le succès ou non d’une
guerre insurrectionnelle. Les communistes commettent dans ce domaine
une série d’erreurs,
imposant la conscription obligatoire ou instaurant une politique
antireligieuse dans les zones qu’ils
contrôlent ce qui a pour résultat de leur aliéner une partie de la
population.
Du
côté
gouvernemental, une
décision importante est la mise en place du corps de défense
nationale dédié à la défense statique qui
permet de regagner le
soutien de la population. Celle-ci, convaincue d’être protégé et
de ne pas subir les représailles de la guérilla, commence alors à
collaborer avec les autorités et à donner des informations à
l’armée.
Fermement
ancré dans le camp occidental après la victoire sur les
communistes, la Grèce profite alors du plan Marshall pour se
reconstruire puis intègre l’OTAN
en 1951. Mais
l’anticommunisme,
avivé par le souvenir de la guerre civile, est particulièrement
puissant au sein de l’armée
et d’une
partie de l’administration.
Il joue un rôle prépondérant dans les soubresauts que connaît la
jeune démocratie grecque et qui débouche sur la prise de pouvoir
par l’armée
en 1967 instaurant la dictature des Colonels qui s’achève
en 1974. La fin de la dictature entraîne
la légalisation du KKE qui
va dominer le champ
politique à la gauche du Parti socialiste, le PASOK, jusqu’en
2012 où il est supplanté par Syriza, dont le chef et actuel Premier
ministre, Alexis Tsipras a débuté sa carrière politique au sein
des jeunesses communistes.
Bibliographie :
Dominique
Eudes, Les Kapetanios : la guerre
civile grecque, 1943-1949, Fayard, 1970.
Mark
Mazower, Dans la Grèce d’Hitler
1941-1944, Les Belles lettres, 2002.
Christophe
Chiclet, Les Communistes grecs dans la
guerre, L’Harmattan,
1987.
Joëlle
Fontaine, De
la résistance à la guerre civile en Grèce (1941-1946),
La Fabrique, 2012 .
André
Gerolymatos, Red
Acropolis, Black Terror: The Greek Civil War and the Origins of
Soviet-American Rivalry, 1943-1949, Basic
Books, 2004.
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