samedi 10 août 2013

La bataille de Nancy ou la fin du rêve bourguignon

Il est des batailles qui ne restent que dans les mémoires régionales et qui pourtant ont façonné le visage de l'Europe moderne. Celle qui se déroula devant Nancy le 5 janvier 1477 entre parfaitement dans cette catégorie. Bien connue en Lorraine, un peu moins en Bourgogne, elle est largement ignorée ailleurs. La raison en est simple : cette bataille n'entre pas dans le roman national français. Ici pas de défaite ou de victoire des armes du roi de France et la bataille ne retient l'attention que par l'élimination du grand rival de Louis XI que fut Charles le Téméraire et par le rattachement définitif du duché de Bourgogne au domaine royal.

C'est oublier que si Charles avait vaincu la coalition des Lorrains et des Suisses il aurait fait un énorme pas pour donner une plus grande cohérence territoriale à ses États qui couvraient déjà les actuels Pays-Bas, Belgique, Luxembourg mais aussi le Nord-Pas de Calais, la Franche-Comté, la Bourgogne et le Haut-Rhin1. Charles, qui ne cache pas alors ses immenses ambitions, demande à l'empereur germanique le titre de roi de Bourgogne. En septembre 1473 la rencontre a lieu à Trêves pour un couronnement. Mais le faste et l'éclat des Bourguignons froissent l'empereur qui préfère rejoindre discrètement Cologne. Qu'à cela ne tienne, le Téméraire espère bien réussir à donner sa fille et unique héritière Marie en mariage à Maximilien, le fils de Frédéric III. L'empereur ne pourra alors refuser le titre royal à Charles surtout si ce dernier s'impose comme le plus puissant seigneur des marches occidentales du Saint-Empire ressuscitant l'ancien Lotharingie. Mais il doit pour cela prendre le contrôle du duché de Lorraine.

David FRANCOIS



Les Etats bourguignons (labatailledenancy54/skyrock.com)


Les ambitions du Téméraire.
C'est en 1473 que le duc René II prend la direction du duché de Lorraine à la mort de son cousin Nicolas d'Anjou. René n'a que 22 ans mais c'est un jeune homme qui a déjà l'expérience de la guerre puisqu'il s'est battu pour la maison d'Anjou en Italie contre les Aragonais. Arrivé à Nancy, il doit faire face à une menace sérieuse: la Bourgogne. Charles le Téméraire enserre la Lorraine avec au sud le comté de Bourgogne, l'actuelle Franche-Comté et au nord la Flandre mais aussi le Luxembourg. A l'est, le duc d'Autriche Sigismond a engagé au duc de Bourgogne, contre une forte somme d'argent, ses possessions en Haute-Alsace. Pour la Bourgogne, s'emparer du duché lorrain permettrait de rassembler dans un bloc compact les différentes parties du territoire bourguignon et de joindre directement Dijon à Bruxelles. Et René peut s'inquiéter car Charles commence à rassembler des troupes à Thionville.

Le duc René, pour échapper à la menace se tourne d'abord vers le roi de France. Mais sous la menace du duc de Bourgogne et sous l'influence à sa cour d'un parti pro-bourguignon, il accepte finalement de traiter avec Charles. Il signe un traité le 15 octobre 1473 qui met son duché sous la protection du Téméraire, lui accorde le droit de passage pour ses troupes et lui remet cinq places de sûreté. Rapidement les exactions des troupes bourguignonnes provoquent la colère dans la population tandis que René n'hésite pas à favoriser les troubles et les attaques contre les soldats bourguignons.

Charles le Téméraire (wikipedia.com)


Pendant ce temps en Haute-Alsace une révolte coûte la vie à Pierre de Hagenbach, le bailli bourguignon. Les Suisses se joignent alors aux Alsaciens et remportent la bataille à Héricourt contre les Bourguignons. Charles, qui privilégie toujours ses ambitions allemandes, fait le siège de Neuss sur le Rhin au nom de l'évêque de Cologne et les renforts qui viennent du duché ravagent la Lorraine sur leurs passages.

Le duc René songe quant à lui à changer de camp et à se libérer de la tutelle bourguignonne. Il fait alors alliance avec le roi de France Louis XI qui lui accorde sa protection et lui promet de ne faire ni paix ni trêve avec les Charles sans y inclure le duc de Lorraine. Ce dernier fait alliance également avec les villes alsaciennes mais aussi avec l'empereur Frédéric. Le 9 mai 1475, un envoyé de René se présente sous les murs de Neuss devant le duc de Bourgogne pour lui signifier la déclaration de guerre lorraine.

René entraîne son armée sur le Luxembourg avec l'aide de Craon un lieutenant de Louis XI puis il ravage les terres de l'évêché de Metz qui lui est hostile. Mais très rapidement la situation se détériore pour les Lorrains. Charles le Téméraire veut en effet les châtier. Pour cela il abandonne le siège de Neuss, fait la paix avec l'empereur mais aussi avec Louis XI qui, trahissant les Lorrains, signe le 13 septembre 1475 à Soleuvre une trêve de 9 ans avec le Bourguignon. À ce moment seules les villes d'Alsace soutiennent toujours René.

Charles passe à l'attaque. Un de ses capitaines mercenaires, le Napolitain Campo-Basso, s'empare de Briey. Le bâtard de Bourgogne attaque par le sud depuis la Franche-Comté. Le 24 septembre, Charles entre dans Pont-à-Mousson. Les Bourguignons arrivent enfin sous Nancy. René, incapable de défendre son duché et ignorant du traité de Soleuvre se rend auprès du roi de France pour lui demander, conformément aux accords passés, de l'aider militairement. Pendant ce temps, les Bourguignons s'emparent de la Lorraine: Saint-Dié, Lunéville, Charmes, Épinal tombent. Il ne reste à René que quelques places à l'est comme Saverne mais aussi Nancy dont le Téméraire entame le siège le 24 octobre. La ville est défendue par le bâtard de Calabre, fils naturel du roi René d'Anjou, l'oncle du duc René. Il a sous ses ordres environ 3 000 hommes la plupart venant de Strasbourg. Mais la ville, sans secours et où les vivres s'épuisent vite, a peu d'alternative. Au bout d'un mois de siège la garnison avec ses 2 200 soldats allemands et 500 Gascons se rend le 25 novembre 1475. Charles entre alors dans la ville le 30 novembre, jour de la Saint-André patron de la Bourgogne et se comporte dès lors comme le souverain. Il convoque les États de Lorraine et promet même qu'il fera de Nancy la future capitale de ses domaines. Une partie de la noblesse lorraine veut croire aux rêves de grandeur du Duc d'Occident et se rallie à Charles.

Le Téméraire quitte la ville le 11 janvier 1476 pour marcher contre les Suisses qui soutiennent toujours les Alsaciens révoltés et combattent dans le pays de Vaud son allié le comte de Romont. Le 3 mars à Grandson les milices de la Confédération infligent une défaite à Charles et s'emparent de ses canons et de sa vaisselle d'or et d'argent. Le 11 juin c'est devant la ville de Morat que le duc de Bourgogne est à nouveau battu par les Suisses2. Parmi ces derniers se trouve René le duc de Lorraine à la tête d'un détachement de cavalerie. L'annonce des défaites bourguignonnes poussent les fidèle du duc René à passer à l'action en Lorraine. Ils s'emparent de Vaudémont, puis de Mirecourt, d'Epinal, de Luneville. Rapidement seul Nancy reste encore aux mains du Téméraire. Le duc René de retour met le siège devant sa capitale et la garnison bourguignonne se rend le 7 octobre 1476.

Soldats bourguignons (centerblog.net/soldats.htm)



Prémices de la bataille.
Pendant ce temps deux armées bourguignonnes fondent sur la Lorraine, l'une venant des Flandres et l'autre de la Bourgogne sous les ordres du Téméraire soit de 10 à 12 000 soldats. Mais le duc de Lorraine, en infériorité numérique, se dérobe au combat à Pont-à-Mousson et préfère se retirer en Alsace ou en Suisse mettre sur pied une armée capable d'affronter Charles. Ce dernier met à nouveau le siège devant Nancy et s'installe à la commanderie Saint-Jean. Il a avec lui une impressionnante armée de 20 000 hommes. Mais les habitants ont promis à René de se défendre et de tenir le plus longtemps possible. L'artillerie bourguignonne cause des ravages aux défenses mais la ville résiste.

Fin novembre René est à Bâle pour convaincre les cantons suisses à l'aider dans son combat. Il se rend ensuite à Lucerne et à Berne où il promet de fortes sommes aux Suisses. En Alsace Guillaume Herter de Strasbourg accepte aussi d'aider René. Ce dernier donne alors au chevalier de Suffren l'ordre de se rendre dans sa capitale assiégée pour annoncer que les secours arrivent. Suffren tente de percer les lignes bourguignonnes mais il échoue et Charles le condamne à la pendaison. La situation se dégrade pourtant pour les Bourguignons qui n'ont pas pris la peine de contrôler les campagnes où se développe une guerre de guérilla organisée par des chevaliers fidèles au duc René. L'assaut bourguignon contre les remparts de Nancy le 26 décembre est un échec et coûte un tiers des effectifs du Téméraire.

René II à la tête des troupes suisses (wikipedia.com)


Le ravitaillement des troupes bourguignonnes se fait aussi de plus en plus difficile alors que l'hiver se montre particulièrement rude. Des mercenaires au service de Charles comme le Napolitain Cola II de Monteforte comte de Campo-Basso trahissent et traitent secrètement avec l'ennemi français et lorrain. Surtout une armée de secours lorraine arrive. Cette armée que dirige René compte environ 9 000 soldats. La plupart des hommes sont des mercenaires suisses mais il y a aussi des Alsaciens. Cette armée se met en route le 26 décembre et arrive près de Nancy le 3 janvier 1477. Les bandes lorraines qui parcourent les campagnes rejoignent alors l'armée de René qui rassemble bientôt 18 000 soldats. Les troupes atteignent Saint-Nicolas où les Suisses massacrent consciencieusement tous les soldats bourguignons qu'ils trouvent. C'est là que Campo-Basso rejoint René le 1er janvier avec sa condotta. Il a dit à Charles qu'il allait au devant des renforts venant de Flandre. René l'envoie au nord de Nancy garder les ponts de Bouxières-aux-Dames et de Condé-sur-Moselle pour couper ainsi l'éventuelle retraite des troupes de Charles vers Metz.

Le duc de Lorraine dirige alors une armée d'environ 20 000 hommes venant principalement de Suisse et d’Alsace. Charles a avec lui entre 6 000 et 10 000 soldats dont des Hollandais, des Savoyards, des Anglais et des mercenaires italiens.

Coté lorrain la cavalerie est sous le commandement de René et de son maréchal le comte Oswald de Thierstein. Les 6 000 piquiers, hallebardiers et couleuvriniers suisses qui composent l'essentiel de l'armée lorraine viennent principalement de Zurich, de Lucerne, de Berne mais aussi de Schaffouse, de Soleure, d'Appenzell, de Fribourg, d'Unterwald et d'Uri. Le lucernois Henrich Hassfurter, le zurichois Hans Waldmann et le bernois Brandolfe de Stein sont à la tête du contingent des cantons suisses. Les Alsaciens sous les ordres de Guillaume Herter et les Bâlois fournissent chacun un contingent d’infanterie. L’abbé de Saint-Gall, le comte Eberhard de Wurtemberg et les cités de Schaffhouse et de Rothweil envoient des cavaliers. Pour compléter cette revue il ne faut pas oublier les 300 cavaliers du condottiere Campo-Basso.

Soldats suisses (Wikipedia.com)


L’armée bourguignonne a quant à elle perdu de son lustre après les défaites de Grandson et de Morat. Elle n'est plus à la hauteur des ambitions du Téméraire. Il peut néanmoins compter sur ses capitaines comme son frère le Grand-Bâtard Antoine, Philippe de Croy comte de Chimay, Engelberg comte de Nassau-Dillenburg, Frédéric de Florsheim comte de Bade, Philippe de Hochberg comte de Neufchâtel et Olivier de la Marche. Deux corps de cavalerie commandés par Josse de Lalaing et le condottiere napolitain Jacques de Galeotto sont présents tandis que des pièces d’artillerie mais aussi des archers anglais montés complètent l'ensemble.


La bataille.
Le Téméraire veut livrer bataille et il rassemble ses troupes tôt dans la matinée du 5 janvier. Il monte son cheval noir dénommé Moreau et selon la légende, lorsque son écuyer lui tend son casque, le cimier au lion d’or le surmontant s’en détache et tombe sur le sol. Charles aurait alors prononcé ces quelques mots en latin Hoc est signum Dei (c’est un présage de Dieu). Il quitte son camp où il laisse un petit détachement et se porte sur la route venant de Jarville et qui mène de Saint-Nicolas à Nancy. Au niveau du ruisseau de la Madeleine Charles se place sur une hauteur. Il place son aile gauche le long de la Meurthe sous le commandement de l'Italien Jacques Galeotto. Sur la hauteur où il se trouve Charles installe le centre de son armée qui se trouve sous son autorité directe. Sur un petit tertre à proximité se trouve l'artillerie bourguignonne3 placée de façon à balayer la route de Saint-Nicolas et juste derrière elle les archers anglais. L'aile droite se trouve entre le ruisseau de la Madeleine et les bois de Saurupt sous les ordres de Josse de Lalaing. La Meurthe protège le flanc droit et la foret le flanc gauche du dispositif.

Plan de la bataille de Nancy (Wikipedia.com)


Dans Nancy, les assiégés essayent de profiter de la situation nouvelle pour tenter une sortie à 7 heures du matin. Avec des fascines ils réussissent à mettre le feu aux tentes du camp bourguignon et retournent se réfugier derrière les remparts de la cité. Le duc René mène quant à lui son armée. Il passe à Laneuveville et s’arrête au sud de Jarville pour former le plan de bataille. Deux déserteurs Bourguignons révèlent la disposition des troupes du Téméraire. Les Lorrains comprennent alors vite que le flanc droit tenu par la cavalerie de Lalaing est la clef du combat qui s'engage.

A cause du brouillard les Bourguignons n'ont pas vu arriver les troupes lorraines. René laisse un petit groupe qui doit attaquer directement le camp du Téméraire. Cette troupe doit être suivie par des chariots et des bagages pour faire croire à Charles que c'est face à lui que va arriver le gros de l'armée ennemie. Pendant ce temps une avant-garde commandée par Vautrin Wisse seigneur de Rosières-aux-Salines, emprunte un petit chemin de traverse qui contourne le bois de Saurupt, traverse le ruisseau de Heillecourt,  franchit le ruisseau de Jarville puis progresse sous le couvert du bois de Saurupt pour atteindre la lisière de la foret à un kilomètre des positions bourguignonnes. René conduit le gros de son armée par le même chemin. La neige abondante, la traversée de ruisseaux gonflés par les précipitations et cela par un froid glacial rend cette avancée difficile. Mais grâce à ce mouvement c'est près de 400 cavaliers, 4 000 couleuvriniers, 4 000 piquiers, 3 000 hallebardiers et 2 000 fantassins qui se retrouvent sur le flanc droit bourguignon sans que les capitaines du Téméraire ne le sachent. La neige a en effet cachée la manœuvre et les Bourguignons font face aux troupes qui attaquent depuis la route Nancy-Saint Nicolas et qui sont d'ailleurs repoussées sans mal par les canons bourguignons. Ils ne s'aperçoivent du stratagème que lorsque les Lorrains qui ont franchi le bois arrivent dans leur dos. Le mouvement tournant est une réussite et quand sonnent les corps suisses la défaite bourguignonne semble inéluctable.

En début d'après-midi l'ordre est en effet donné d'attaquer. Les Suisses tombent sur l'aile droite bourguignonne de Josse de Lallaing qui se trouve rapidement submergée et massacrée. Sur l'aile gauche Galeotto n'a d'autres choix que de franchir le gué de Tomblaine et de faire retraite vers Metz. Ne reste plus sur le champ de bataille que les troupes dirigées par le duc Charles. Son artillerie est incapable de repousser les assaillants qui submergent par leur nombre les défenseurs. Les couleuvriniers suisses avancent en déchargeant leurs munitions, suivis des hallebardiers et des piquiers qui massacrent les Bourguignons encore vivants. Certains se défendent avec désespoir tandis que d'autres cherchent à se sauver en prenant la fuite en direction de leur camp près de la commanderie Saint-Jean. C'est à ce moment que les habitants de Nancy font une nouvelle sortie et s'empare définitivement du camp bourguignon.

Les soldats du Téméraire sont désormais pris au piège entre les Nancéiens et l'armée de René, enfermés dans le triangle que forment la Meurthe et la Moselle. Pour se sauver ils doivent franchir ses deux rivières en empruntant les ponts de Bouxières-aux-Dames et de Condé-sur-Moselle. Mais c'est là que se trouvent les hommes de Campo-Basso, le mercenaire italien qui a trahi Charles. Il capture tous les Bourguignons qu'ils trouvent puis les amène ensuite à Commercy laissant aux Suisses le temps de se rendre dans cette ville où ces derniers massacrent environ 600 prisonniers. Les soldats bourguignons qui se sont cachés dans la foret de Haye sont tués par des paysans ou faits prisonniers. Une poignée parvient néanmoins à franchir la Meurthe ou la Moselle pour finalement trouver refuge à Metz.

D’après les chroniqueurs c'est près de 6 000 cadavres bourguignons qui sont trouvés sur le champ de bataille ce qui représente prés des 2/3 des effectifs du Téméraire. La défaite est complète et se double d'un carnage sanglant. A Nancy, comme lors de la confrontation à Morat, la bataille suit un scénario similaire: les Bourguignons, en infériorité numérique sont surpris, la panique s'installe, suivie par un effroyable massacre.

René a poursuivi les vaincus jusqu'au pont de Bouxières puis il a pris la direction de Nancy. Le lendemain 6 janvier, jour des Rois, les habitants organisent des réjouissances tandis que les Suisses demandent à rentrer chez eux. Le duc de Lorraine accepte et les raccompagne jusqu’à Lunéville.

La mort du Téméraire par Eugène Delacroix (patrimoine-de-lorraine.blogspot.com)



La fin du Grand Duc d'Occident.
Reste un mystère : où se trouve le Grand Duc d'Occident Charles le Téméraire ? Certains affirment qu'il a réussi à rejoindre Metz mais d'autres qu'il est mort sur le champ de bataille. Le 6 au soir on amène au duc René un jeune page de Charles, Baptiste Colonna un rejeton de la célèbre famille romaine, qui affirme avoir vu le Téméraire tomber prés de l'étang Sain-Jean. Le 7 janvier les recherches commencent. Près de l'étang, dans un pré marécageux, le pré de Virelay, se trouve une quinzaine de cadavres nus et défigurés par les coups et le froid. Les corps sont examinés et celui du Téméraire est reconnu par son médecin portugais, Lopo da Guarda, grâce à la cicatrice de la blessure au cou reçue lors de la bataille de Monthléry. A cela s'ajoute un coup de hallebarde qui a causé une large plaie de l'oreille à la bouche. Les loups ont dévoré l'autre moitié du visage. Les jambes sont transpercées de coups de lances.

La découverte du corps du Téméraire (gazette-cotedor.fr)


Il n'est pas possible de connaître les raisons de la mort du duc. Il est possible que voyant la déroute, il a quitté le champ de bataille pour essayer de rejoindre la commanderie Saint-Jean puis Bouxières-aux-Dames. Il doit s'être arrêté dans le pré sur le bord de l'étang où il est rejoint par une troupe ennemie et le combat s'engage. Le sieur de Biévres tombe à ses cotés donnant, en vain, sa vie pour son seigneur. Charles, blessé, tombe lui aussi et selon la légende c'est le seigneur de Saint-Dié, Claude de Bauzemont, qui l'achève d'un coup de hache à la tête.

Le corps du Téméraire est retiré de la glace puis exposé dans Nancy. René vint le voir et ordonne des funérailles princières qui se déroulent le 12 janvier. René fait également élever un magnifique tombeau où le corps du duc Charles repose jusqu'en 1550 quant à la demande de Charles Quint le corps est transféré à Bruges.



Les conséquences de la défaite sont immenses puisqu'elle conduit à la disparition de la puissance bourguignonne. Louis XI s'empare de la Bourgogne proprement dite mais aussi de l'Artois et de la Franche-Comté. Marie de Bourgogne, l'unique enfant du Téméraire, ne conserve que les Pays-Bas qui, à la suite de son mariage avec Maximilien de Habsbourg entrent dans le giron autrichien. Le rêve d'un État bourguignon, d'une puissance à cheval entre la France et l'Allemagne, s'effondre donc à Nancy ce 5 janvier 1477. Il ne prendra jamais corps tandis que les territoires qui auraient pu le composer furent pendant encore quelques siècles le terrain privilégié des grandes batailles européennes.


Bibliographie

-Pfister. M, La Bataille de Nancy, Imprimerie centrale de l'Est, Nancy, 1892.
-Pierre Frédérix, 5 janvier 1477 - La Mort de Charles le Téméraire, Gallimard, 1966.
-Cinq-centième anniversaire de la bataille de Nancy (1477) : actes du colloque de Nancy, 22-24 septembre 1977 organisé par l'Institut de recherche régionale en sciences sociales, humaines et économiques de l'Université de Nancy II, Nancy, Annales de l'Est, 1979.
-Olivier Petit, « La Bataille de Nancy » in Histoire Médievale, n°55, juillet 2004.

1 Sur la puissance bourguignonne voir Bertrand Schnerb, L'Etat bourguignon, 1363-1477, Perrin, 1999.
2 Sur la bataille de Morat nous renvoyons le lecteur vers l'interview de Pierre Streit par Adrien Fontanellaz sur ce blog: http://lautrecotedelacolline.blogspot.ch/2013/05/interview-de-pierre-streit-la-bataille.html
3 Sur l'artillerie bourguignonne voir Michael Depreter, De Gavre à Nancy, 1453-1477 : l'artillerie bourguignonne sur la voie de la modernité, Turnhout, Brepols, 2011.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire