Il
est des batailles qui ne restent que dans les mémoires régionales
et qui pourtant ont façonné le visage de l'Europe moderne. Celle
qui se déroula devant Nancy le 5 janvier 1477 entre parfaitement
dans cette catégorie. Bien connue en Lorraine, un peu moins en
Bourgogne, elle est largement ignorée ailleurs. La raison en est
simple : cette bataille n'entre pas dans le roman national
français. Ici pas de défaite ou de victoire des armes du roi de
France et la bataille ne retient l'attention que par l'élimination
du grand rival de Louis XI que fut Charles le Téméraire et par le
rattachement définitif du duché de Bourgogne au domaine royal.
C'est
oublier que si Charles avait vaincu la coalition des Lorrains et des
Suisses il aurait fait un énorme pas pour donner une plus grande
cohérence territoriale à ses États qui couvraient déjà les
actuels Pays-Bas, Belgique, Luxembourg mais aussi le Nord-Pas de
Calais, la Franche-Comté, la Bourgogne et le Haut-Rhin1.
Charles, qui ne cache pas alors ses immenses ambitions, demande à
l'empereur germanique le titre de roi de Bourgogne. En septembre 1473
la rencontre a lieu à Trêves pour un couronnement. Mais le faste et
l'éclat des Bourguignons froissent l'empereur qui préfère
rejoindre discrètement Cologne. Qu'à cela ne tienne, le Téméraire
espère bien réussir à donner sa fille et unique héritière Marie
en mariage à Maximilien, le fils de Frédéric III. L'empereur ne
pourra alors refuser le titre royal à Charles surtout si ce dernier
s'impose comme le plus puissant seigneur des marches occidentales du
Saint-Empire ressuscitant l'ancien Lotharingie. Mais il doit pour
cela prendre le contrôle du duché de Lorraine.
David FRANCOIS
Les Etats bourguignons (labatailledenancy54/skyrock.com)
Les
ambitions du Téméraire.
C'est
en 1473 que le duc René II prend la direction du duché de Lorraine
à la mort de son cousin Nicolas d'Anjou. René n'a que 22 ans mais
c'est un jeune homme qui a déjà l'expérience de la guerre
puisqu'il s'est battu pour la maison d'Anjou en Italie contre les
Aragonais. Arrivé à Nancy, il doit faire face à une menace
sérieuse: la Bourgogne. Charles le Téméraire enserre la Lorraine
avec au sud le comté de Bourgogne, l'actuelle Franche-Comté et au
nord la Flandre mais aussi le Luxembourg. A l'est, le duc d'Autriche
Sigismond a engagé au duc de Bourgogne, contre une forte somme
d'argent, ses possessions en Haute-Alsace. Pour la Bourgogne,
s'emparer du duché lorrain permettrait de rassembler dans un bloc
compact les différentes parties du territoire bourguignon et de
joindre directement Dijon à Bruxelles. Et René peut s'inquiéter
car Charles commence à rassembler des troupes à Thionville.
Le
duc René, pour échapper à la menace se tourne d'abord vers le roi
de France. Mais sous la menace du duc de Bourgogne et sous
l'influence à sa cour d'un parti pro-bourguignon, il accepte
finalement de traiter avec Charles. Il signe un traité le 15 octobre
1473 qui met son duché sous la protection du Téméraire, lui
accorde le droit de passage pour ses troupes et lui remet cinq places
de sûreté. Rapidement les exactions des troupes bourguignonnes
provoquent la colère dans la population tandis que René n'hésite
pas à favoriser les troubles et les attaques contre les soldats
bourguignons.
Charles le Téméraire (wikipedia.com)
Pendant
ce temps en Haute-Alsace une révolte coûte la vie à Pierre de
Hagenbach, le bailli bourguignon. Les Suisses se joignent alors aux
Alsaciens et remportent la bataille à Héricourt contre les
Bourguignons. Charles, qui privilégie toujours ses ambitions
allemandes, fait le siège de Neuss sur le Rhin au nom de l'évêque
de Cologne et les renforts qui viennent du duché ravagent la
Lorraine sur leurs passages.
Le
duc René songe quant à lui à changer de camp et à se libérer de
la tutelle bourguignonne. Il fait alors alliance avec le roi de
France Louis XI qui lui accorde sa protection et lui promet de ne
faire ni paix ni trêve avec les Charles sans y inclure le duc de
Lorraine. Ce dernier fait alliance également avec les villes
alsaciennes mais aussi avec l'empereur Frédéric. Le 9 mai 1475, un
envoyé de René se présente sous les murs de Neuss devant le duc de
Bourgogne pour lui signifier la déclaration de guerre lorraine.
René
entraîne son armée sur le Luxembourg avec l'aide de Craon un
lieutenant de Louis XI puis il ravage les terres de l'évêché de
Metz qui lui est hostile. Mais très rapidement la situation se
détériore pour les Lorrains. Charles le Téméraire veut en effet
les châtier. Pour cela il abandonne le siège de Neuss, fait la paix
avec l'empereur mais aussi avec Louis XI qui, trahissant les
Lorrains, signe le 13 septembre 1475 à Soleuvre une trêve de 9 ans
avec le Bourguignon. À ce moment seules les villes d'Alsace
soutiennent toujours René.
Charles
passe à l'attaque. Un de ses capitaines mercenaires, le Napolitain
Campo-Basso, s'empare de Briey. Le bâtard de Bourgogne attaque par
le sud depuis la Franche-Comté. Le 24 septembre, Charles entre dans
Pont-à-Mousson. Les Bourguignons arrivent enfin sous Nancy. René,
incapable de défendre son duché et ignorant du traité de Soleuvre
se rend auprès du roi de France pour lui demander, conformément aux
accords passés, de l'aider militairement. Pendant ce temps, les
Bourguignons s'emparent de la Lorraine: Saint-Dié, Lunéville,
Charmes, Épinal tombent. Il ne reste à René que quelques places à
l'est comme Saverne mais aussi Nancy dont le Téméraire entame le
siège le 24 octobre. La ville est défendue par le bâtard de
Calabre, fils naturel du roi René d'Anjou, l'oncle du duc René. Il
a sous ses ordres environ 3 000 hommes la plupart venant de
Strasbourg. Mais la ville, sans secours et où les vivres s'épuisent
vite, a peu d'alternative. Au bout d'un mois de siège la garnison
avec ses 2 200 soldats allemands et 500 Gascons se rend le 25
novembre 1475. Charles entre alors dans la ville le 30 novembre, jour
de la Saint-André patron de la Bourgogne et se comporte dès lors
comme le souverain. Il convoque les États de Lorraine et promet même
qu'il fera de Nancy la future capitale de ses domaines. Une partie de
la noblesse lorraine veut croire aux rêves de grandeur du Duc
d'Occident et se rallie à Charles.
Le
Téméraire quitte la ville le 11 janvier 1476 pour marcher contre
les Suisses qui soutiennent toujours les Alsaciens révoltés et
combattent dans le pays de Vaud son allié le comte de Romont. Le 3
mars à Grandson les milices de la Confédération infligent une
défaite à Charles et s'emparent de ses canons et de sa vaisselle
d'or et d'argent. Le 11 juin c'est devant la ville de Morat que le
duc de Bourgogne est à nouveau battu par les Suisses2.
Parmi ces derniers se trouve René le duc de Lorraine à la tête
d'un détachement de cavalerie. L'annonce des défaites
bourguignonnes poussent les fidèle du duc René à passer à
l'action en Lorraine. Ils s'emparent de Vaudémont, puis de
Mirecourt, d'Epinal, de Luneville. Rapidement seul Nancy reste encore
aux mains du Téméraire. Le duc René de retour met le siège devant
sa capitale et la garnison bourguignonne se rend le 7 octobre 1476.
Soldats bourguignons (centerblog.net/soldats.htm)
Prémices
de la bataille.
Pendant
ce temps deux armées bourguignonnes fondent sur la Lorraine, l'une
venant des Flandres et l'autre de la Bourgogne sous les ordres du
Téméraire soit de 10 à 12 000 soldats. Mais le duc de Lorraine, en
infériorité numérique, se dérobe au combat à Pont-à-Mousson et
préfère se retirer en Alsace ou en Suisse mettre sur pied une armée
capable d'affronter Charles. Ce dernier met à nouveau le siège
devant Nancy et s'installe à la commanderie Saint-Jean. Il a avec
lui une impressionnante armée de 20 000 hommes. Mais les habitants
ont promis à René de se défendre et de tenir le plus longtemps
possible. L'artillerie bourguignonne cause des ravages aux défenses
mais la ville résiste.
Fin
novembre René est à Bâle pour convaincre les cantons suisses à
l'aider dans son combat. Il se rend ensuite à Lucerne et à Berne où
il promet de fortes sommes aux Suisses. En Alsace Guillaume Herter de
Strasbourg accepte aussi d'aider René. Ce dernier donne alors au
chevalier de Suffren l'ordre de se rendre dans sa capitale assiégée
pour annoncer que les secours arrivent. Suffren tente de percer les
lignes bourguignonnes mais il échoue et Charles le condamne à la
pendaison. La situation se dégrade pourtant pour les Bourguignons
qui n'ont pas pris la peine de contrôler les campagnes où se
développe une guerre de guérilla organisée par des chevaliers
fidèles au duc René. L'assaut bourguignon contre les remparts de
Nancy le 26 décembre est un échec et coûte un tiers des effectifs
du Téméraire.
René II à la tête des troupes suisses (wikipedia.com)
Le
ravitaillement des troupes bourguignonnes se fait aussi de plus en
plus difficile alors que l'hiver se montre particulièrement rude.
Des mercenaires au service de Charles comme le Napolitain Cola II de
Monteforte comte de Campo-Basso trahissent et traitent secrètement
avec l'ennemi français et lorrain. Surtout une armée de secours
lorraine arrive. Cette armée que dirige René compte environ 9 000
soldats. La plupart des hommes sont des mercenaires suisses mais il y
a aussi des Alsaciens. Cette armée se met en route le 26 décembre
et arrive près de Nancy le 3 janvier 1477. Les bandes lorraines qui
parcourent les campagnes rejoignent alors l'armée de René qui
rassemble bientôt 18 000 soldats. Les troupes atteignent
Saint-Nicolas où les Suisses massacrent consciencieusement tous les
soldats bourguignons qu'ils trouvent. C'est là que Campo-Basso
rejoint René le 1er janvier avec sa condotta. Il a dit à Charles
qu'il allait au devant des renforts venant de Flandre. René l'envoie
au nord de Nancy garder les ponts de Bouxières-aux-Dames et de
Condé-sur-Moselle pour couper ainsi l'éventuelle retraite des
troupes de Charles vers Metz.
Le
duc de Lorraine dirige alors une armée d'environ 20 000 hommes
venant principalement de Suisse et d’Alsace. Charles a avec lui
entre 6 000 et 10 000 soldats dont des Hollandais, des
Savoyards, des Anglais et des mercenaires italiens.
Coté
lorrain la cavalerie est sous le commandement de René et de son
maréchal le comte Oswald de Thierstein. Les 6 000 piquiers,
hallebardiers et couleuvriniers suisses qui composent l'essentiel de
l'armée lorraine viennent principalement de Zurich, de Lucerne, de
Berne mais aussi de Schaffouse, de Soleure, d'Appenzell, de Fribourg,
d'Unterwald et d'Uri. Le lucernois Henrich Hassfurter, le zurichois
Hans Waldmann et le bernois Brandolfe de Stein sont à la tête du
contingent des cantons suisses. Les Alsaciens sous les ordres de
Guillaume Herter et les Bâlois fournissent chacun un contingent
d’infanterie. L’abbé de Saint-Gall, le comte Eberhard de
Wurtemberg et les cités de Schaffhouse et de Rothweil envoient des
cavaliers. Pour compléter cette revue il ne faut pas oublier les 300
cavaliers du condottiere Campo-Basso.
Soldats suisses (Wikipedia.com)
L’armée bourguignonne
a quant à elle perdu de son lustre après les défaites de Grandson
et de Morat. Elle n'est plus à la hauteur des ambitions du
Téméraire. Il peut néanmoins compter sur ses capitaines comme son
frère le Grand-Bâtard Antoine, Philippe de Croy comte de Chimay,
Engelberg comte de Nassau-Dillenburg, Frédéric de Florsheim comte
de Bade, Philippe de Hochberg comte de Neufchâtel et Olivier de la
Marche. Deux corps de cavalerie commandés par Josse de Lalaing et le
condottiere napolitain Jacques de Galeotto sont présents tandis que
des pièces d’artillerie mais aussi des archers anglais montés
complètent l'ensemble.
La
bataille.
Le
Téméraire veut livrer bataille et il rassemble ses troupes tôt
dans la matinée du 5 janvier. Il monte son cheval noir dénommé
Moreau et selon la légende, lorsque son écuyer lui tend son casque,
le cimier au lion d’or le surmontant s’en détache et tombe sur
le sol. Charles aurait alors prononcé ces quelques mots en latin Hoc
est signum Dei (c’est un présage de Dieu). Il quitte son camp
où il laisse un petit détachement et se porte sur la route venant
de Jarville et qui mène de Saint-Nicolas à Nancy. Au niveau du
ruisseau de la Madeleine Charles se place sur une hauteur. Il place
son aile gauche le long de la Meurthe sous le commandement de
l'Italien Jacques Galeotto. Sur la hauteur où il se trouve Charles
installe le centre de son armée qui se trouve sous son autorité
directe. Sur un petit tertre à proximité se trouve l'artillerie
bourguignonne3
placée de façon à balayer la route de Saint-Nicolas et juste
derrière elle les archers anglais. L'aile droite se trouve entre le
ruisseau de la Madeleine et les bois de Saurupt sous les ordres de
Josse de Lalaing. La Meurthe protège le flanc droit et la foret le
flanc gauche du dispositif.
Plan de la bataille de Nancy (Wikipedia.com)
Dans
Nancy, les assiégés essayent de profiter de la situation nouvelle
pour tenter une sortie à 7 heures du matin. Avec des fascines ils
réussissent à mettre le feu aux tentes du camp bourguignon et
retournent se réfugier derrière les remparts de la cité. Le duc
René mène quant à lui son armée. Il passe à Laneuveville et
s’arrête au sud de Jarville pour former le plan de bataille. Deux
déserteurs Bourguignons révèlent la disposition des troupes du
Téméraire. Les Lorrains comprennent alors vite que le flanc droit
tenu par la cavalerie de Lalaing est la clef du combat qui s'engage.
A
cause du brouillard les Bourguignons n'ont pas vu arriver les troupes
lorraines. René laisse un petit groupe qui doit attaquer directement
le camp du Téméraire. Cette troupe doit être suivie par des
chariots et des bagages pour faire croire à Charles que c'est face à
lui que va arriver le gros de l'armée ennemie. Pendant ce temps une
avant-garde commandée par Vautrin Wisse seigneur de
Rosières-aux-Salines, emprunte un petit chemin de traverse qui
contourne le bois de Saurupt, traverse le ruisseau de Heillecourt,
franchit le ruisseau de Jarville puis progresse sous le couvert du
bois de Saurupt pour atteindre la lisière de la foret à un
kilomètre des positions bourguignonnes. René conduit le gros de son
armée par le même chemin. La neige abondante, la traversée de
ruisseaux gonflés par les précipitations et cela par un froid
glacial rend cette avancée difficile. Mais grâce à ce mouvement
c'est près de 400 cavaliers, 4 000 couleuvriniers, 4 000 piquiers, 3
000 hallebardiers et 2 000 fantassins qui se retrouvent sur le flanc
droit bourguignon sans que les capitaines du Téméraire ne le
sachent. La neige a en effet cachée la manœuvre et les Bourguignons
font face aux troupes qui attaquent depuis la route Nancy-Saint
Nicolas et qui sont d'ailleurs repoussées sans mal par les canons
bourguignons. Ils ne s'aperçoivent du stratagème que lorsque les
Lorrains qui ont franchi le bois arrivent dans leur dos. Le mouvement
tournant est une réussite et quand sonnent les corps suisses la
défaite bourguignonne semble inéluctable.
En
début d'après-midi l'ordre est en effet donné d'attaquer. Les
Suisses tombent sur l'aile droite bourguignonne de Josse de Lallaing
qui se trouve rapidement submergée et massacrée. Sur l'aile gauche
Galeotto n'a d'autres choix que de franchir le gué de Tomblaine et
de faire retraite vers Metz. Ne reste plus sur le champ de bataille
que les troupes dirigées par le duc Charles. Son artillerie est
incapable de repousser les assaillants qui submergent par leur nombre
les défenseurs. Les couleuvriniers suisses avancent en déchargeant
leurs munitions, suivis des hallebardiers et des piquiers qui
massacrent les Bourguignons encore vivants. Certains se défendent
avec désespoir tandis que d'autres cherchent à se sauver en prenant
la fuite en direction de leur camp près de la commanderie
Saint-Jean. C'est à ce moment que les habitants de Nancy font une
nouvelle sortie et s'empare définitivement du camp bourguignon.
Les
soldats du Téméraire sont désormais pris au piège entre les
Nancéiens et l'armée de René, enfermés dans le triangle que
forment la Meurthe et la Moselle. Pour se sauver ils doivent franchir
ses deux rivières en empruntant les ponts de Bouxières-aux-Dames et
de Condé-sur-Moselle. Mais c'est là que se trouvent les hommes de
Campo-Basso, le mercenaire italien qui a trahi Charles. Il capture
tous les Bourguignons qu'ils trouvent puis les amène ensuite à
Commercy laissant aux Suisses le temps de se rendre dans cette ville
où ces derniers massacrent environ 600 prisonniers. Les soldats
bourguignons qui se sont cachés dans la foret de Haye sont tués par
des paysans ou faits prisonniers. Une poignée parvient néanmoins à
franchir la Meurthe ou la Moselle pour finalement trouver refuge à
Metz.
D’après
les chroniqueurs c'est près de 6 000 cadavres bourguignons qui sont
trouvés sur le champ de bataille ce qui représente prés des 2/3
des effectifs du Téméraire. La défaite est complète et se double
d'un carnage sanglant. A Nancy, comme lors de la confrontation à
Morat, la bataille suit un scénario similaire: les Bourguignons, en
infériorité numérique sont surpris, la panique s'installe, suivie
par un effroyable massacre.
René
a poursuivi les vaincus jusqu'au pont de Bouxières puis il a pris la
direction de Nancy. Le lendemain 6 janvier, jour des Rois, les
habitants organisent des réjouissances tandis que les Suisses
demandent à rentrer chez eux. Le duc de Lorraine accepte et les
raccompagne jusqu’à Lunéville.
La mort du Téméraire par Eugène Delacroix (patrimoine-de-lorraine.blogspot.com)
La
fin du Grand Duc d'Occident.
Reste
un mystère : où se trouve le Grand Duc d'Occident Charles le
Téméraire ? Certains affirment qu'il a réussi à rejoindre
Metz mais d'autres qu'il est mort sur le champ de bataille. Le 6 au
soir on amène au duc René un jeune page de Charles, Baptiste
Colonna un rejeton de la célèbre famille romaine, qui affirme avoir
vu le Téméraire tomber prés de l'étang Sain-Jean. Le 7 janvier
les recherches commencent. Près de l'étang, dans un pré
marécageux, le pré de Virelay, se trouve une quinzaine de cadavres
nus et défigurés par les coups et le froid. Les corps sont examinés
et celui du Téméraire est reconnu par son médecin portugais, Lopo
da Guarda, grâce à la cicatrice de la blessure au cou reçue lors
de la bataille de Monthléry. A cela s'ajoute un coup de hallebarde
qui a causé une large plaie de l'oreille à la bouche. Les loups ont
dévoré l'autre moitié du visage. Les jambes sont transpercées de
coups de lances.
La découverte du corps du Téméraire (gazette-cotedor.fr)
Il
n'est pas possible de connaître les raisons de la mort du duc. Il
est possible que voyant la déroute, il a quitté le champ de
bataille pour essayer de rejoindre la commanderie Saint-Jean puis
Bouxières-aux-Dames. Il doit s'être arrêté dans le pré sur le
bord de l'étang où il est rejoint par une troupe ennemie et le
combat s'engage. Le sieur de Biévres tombe à ses cotés donnant, en
vain, sa vie pour son seigneur. Charles, blessé, tombe lui aussi et
selon la légende c'est le seigneur de Saint-Dié, Claude de
Bauzemont, qui l'achève d'un coup de hache à la tête.
Le
corps du Téméraire est retiré de la glace puis exposé dans Nancy.
René vint le voir et ordonne des funérailles princières qui se
déroulent le 12 janvier. René fait également élever un magnifique
tombeau où le corps du duc Charles repose jusqu'en 1550 quant à la
demande de Charles Quint le corps est transféré à Bruges.
Les
conséquences de la défaite sont immenses puisqu'elle conduit à la
disparition de la puissance bourguignonne. Louis XI s'empare de la
Bourgogne proprement dite mais aussi de l'Artois et de la
Franche-Comté. Marie de Bourgogne, l'unique enfant du Téméraire,
ne conserve que les Pays-Bas qui, à la suite de son mariage avec
Maximilien de Habsbourg entrent dans le giron autrichien. Le rêve
d'un État bourguignon, d'une puissance à cheval entre la France et
l'Allemagne, s'effondre donc à Nancy ce 5 janvier 1477. Il ne
prendra jamais corps tandis que les territoires qui auraient pu le
composer furent pendant encore quelques siècles le terrain
privilégié des grandes batailles européennes.
Bibliographie
-Pfister.
M,
La
Bataille de Nancy,
Imprimerie
centrale de l'Est, Nancy, 1892.
-Pierre
Frédérix, 5
janvier 1477 - La Mort de Charles le Téméraire,
Gallimard, 1966.
-Cinq-centième
anniversaire de la bataille de Nancy (1477) : actes du colloque
de Nancy, 22-24 septembre 1977 organisé par l'Institut de recherche
régionale en sciences sociales, humaines et économiques de
l'Université de Nancy II, Nancy,
Annales de l'Est, 1979.
-Olivier
Petit, « La
Bataille de Nancy » in Histoire Médievale, n°55,
juillet 2004.
1 Sur
la puissance bourguignonne voir Bertrand Schnerb, L'Etat
bourguignon, 1363-1477, Perrin, 1999.
2 Sur
la bataille de Morat nous renvoyons le lecteur vers l'interview de
Pierre Streit par Adrien Fontanellaz sur ce blog: http://lautrecotedelacolline.blogspot.ch/2013/05/interview-de-pierre-streit-la-bataille.html
3 Sur
l'artillerie bourguignonne voir Michael Depreter, De Gavre à
Nancy, 1453-1477 : l'artillerie bourguignonne sur la voie de la
modernité, Turnhout, Brepols, 2011.
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