Les conditions de l'accession
à l'indépendance des pays baltes début 1991, puis le développement
à l'intérieur de ces jeunes États d'une politique anti-russe
symbolisée en Lettonie par l'instauration d'une journée de
commémoration en l'honneur des anciens volontaires de la Waffen SS,
laissent l'image d'une nation lettone fortement hostiles au communisme. Si
cette hostilité est ancienne, elle ne doit pas occulter le fait que
de nombreux Lettons mirent leurs espoirs dans la jeune révolution
soviétique. Et cette espérance ne fut pas seulement sociale mais
également et paradoxalement nationale.
David FRANCOIS
Des Lettons, soldats dans
l'armée de cette Russie, qui avant 1914 était toujours une « prison
des peuples », mirent leurs expériences et leurs talents
militaires au service d'un Lénine qui proclamait alors le droit des
peuples à l’autodétermination. Ces fusiliers lettons formèrent
un instrument militaire de premier plan à l'heure où l'ancienne
armée russe se désintégrait et où la jeune armée rouge faisait
malhabilement ses premiers pas. A plusieurs reprises, ils sauvèrent
le pouvoir bolchevik d'une déroute certaine et ce fut dans leurs
rangs que Lénine choisit ses gardes du corps et la garde du Kremlin.
L'histoire de ces hommes fut
longtemps occultée. En Lettonie, ils sont considérés comme des
traîtres tandis que l'honneur national russe supporte mal leur
réputation de troupe d'élite aux cotés d'unités russes
défaillantes. Des études en anglais et en allemand retracent en
détail cette histoire et il nous a semblé intéressant de réaliser
une synthèse de ces travaux afin de présenter la contribution des
fusiliers lettons à l'instauration du régime soviétique au moment
de la Révolution et la Guerre civile.
Un pays révolutionnaire ?
Au
début du XX° siècle, l'idée d'une nation lettone, réunissant
l'ensemble des personnes parlant la langue lettone existe, bien que
la Lettonie ne fût jamais un État indépendant. Depuis le début du
XVIII° siècle, les provinces de Kurzeme, Latgale et Vidzeme où
vivent ces populations sont des territoires de l'Empire russe,
directement gérés par Saint-Pétersbourg. Et malgré les tentatives
de russification des provinces, l'inexistence d'une immigration
russophone fait que le sentiment national letton ne se développe pas
prioritairement contre la Russie mais plutôt contre la noblesse
allemande.
Les
tsars en incorporant la Livonie et la Courlande dans l'Empire n'en
ont pas modifié les structures sociales héritées du Moyen-Age.
Depuis l'arrivée des chevaliers Teutoniques et des marchands de la
Hanse qui ont fondé les villes, la terre et le pouvoir continuent
d'appartenir à leurs descendants, la noblesse balte. Bien que loyal
envers la monarchie russe, qu'ils servent dans l'administration et
l'armée, ces nobles cultivent la culture allemande, notamment la
langue, en gardant des liens étroits avec le reste du monde
germanique. Maîtres des terres et des industries qui naissent à la
fin du XIX° siècle, ils dominent socialement et économiquement les
Lettons qui forment pourtant 90% de la population en 1914. Chez les
Lettons s'ancre peu à peu l'idée que leur nation subit depuis des
siècles le joug de l'oppression allemande.
La
Lettonie connaît un rapide développement industriel à la fin du
XIX° siècle notamment à Riga. La ville croît et prés de 400 000
ouvriers travaillent dans les usines de la ville. C'est là que se
développent également les courants socialistes et en 1904 naît le
Parti ouvrier social-démocrate letton qui tombe rapidement sous
l'influence des bolcheviks.
En
1905, quand la révolution éclate en Russie, les Lettons s'y
rallient avec enthousiasme lui donnant une tonalité particulière.
Lutte sociale et lutte nationale sont intimement mêlées puisque
dans les deux cas l'adversaire est la noblesse allemande. Ce combat
prend la forme d'attaque contre les propriétés des nobles et
parfois de violences directes contre ces derniers. Dans les bois
s'organisent, autour de jeunes militants social-démocrates, des
groupes armés qui tendent des embuscades aux forces tsaristes. Cette
guérilla rurale, qui perdure jusqu'en 1914, est exalté par Lénine
qui la justifie dans son fameux article La guerre des partisans.
Elle est aussi le lieu d'un apprentissage de la violence pour de
nombreux jeunes, à l'instar de Peter Kyuzis, le futur Jan Berzin,
qui encore adolescent combat au sein de cette guérilla. En retour la
répression est d'une grande férocité, bien plus que dans le reste
de l'Empire russe. Les pendaisons, les fusillades sont nombreuses et
les activités nationalistes durement réprimées.
La
naissance des régiments de fusiliers lettons.
En
1914, si la Russie a quelques raisons de se méfier des Lettons, ces
derniers préfèrent combattre à leurs cotés par haine des barons
allemands. La plupart des Lettons incorporés dans l'armée du tsar
sont regroupés dans le XX° corps d'armée qui marche en août 1914
sur la Prusse-Orientale. Emporté par la défaite des lacs de
Mazurie, le XX° corps est quasiment anéanti en février 1915 par
les attaques allemandes dans les forêts d'Augustow. En mai 1915 les
armées du Kaiser pénètrent en Lettonie atteignant la rivière
Daugava et coupant ainsi le pays en deux. Une grande partie de la
population lettone fuit l'occupation allemande tandis que les
autorités russes évacuent prés de 85 000 ouvriers de Riga, qui,
pour la plupart, se retrouvent à Petrograd, dans le quartier de
Vyborg où ils renforcent les rangs bolcheviks.
Sur
le plan militaire, pendant la retraite russe dans les pays baltes,
deux bataillons lettons sont parvenus à repousser l'avant-garde
allemande à Jelgava. Ce succès, popularisé par la propagande,
pousse les Lettons, notamment les députés à la Douma, à demander
au grand-duc Nicolas, le commandant en chef de l'armée russe, la
permission de constituer des unités purement lettones de volontaires
pour défendre la Lettonie. Si les Russes ne sont pas favorables à
ce type de demande, qui représente une forme de séparatisme, la
situation militaire de l'Empire, qui nécessite la mobilisation de
toutes les forces, oblige à des compromis. Le 1° août 1915, le
grand-duc accepte la demande lettonne. Les nouvelles unités
deviennent les bataillons de fusiliers (Strelniki) lettons.
Huit bataillons sont formés en novembre 1915, auxquels s'ajoutent un
bataillon d'instruction et un de réserve. Les drapeaux portent des
inscriptions en letton, le commandement est letton et les ordres
donnés en letton.
Fusiliers lettons en 1915 |
Le
commandement russe estime que ces unités seront plus efficaces pour
défendre la Lettonie dont la chute menacerait inéluctablement la
sécurité de la capitale Saint-Pétersbourg. Les bataillons lettons
rencontrent un certain succès puisqu'ils sont assiégés par les
volontaires, dont des émigrés de retour en Russie, tandis que les
Lettons servant dans l'armée russe demandent à pouvoir y être
affecté. En définitive ces bataillons strictement lettons ne
comprennent pas plus d'un quart des Lettons servant dans l'armée
russe, soit en septembre 1916 environ 30 à 35 000 hommes sur 150 à
160 000 Lettons mobilisés dans l'armée impériale.
Sur
le front, les bataillons parviennent à contenir l'avance allemande à
la fin de 1915. Les troupes du Kaiser ne parviennent pas à atteindre
Riga et au début de 1916 le front est stabilisé. Entre septembre et
novembre 1916, les 8 bataillons sont transformés en 8 régiments
divisés en 2 brigades, l'une commandée par le Major-Général
August Misins, la seconde par le colonel Auzans. C'est à ce moment
que Jukums Vacietis, un diplômé de l'Académie militaire de
Saint-Pétersbourg et commandant du 5° régiment letton demande la
création d'un corps d'armée letton.
Fusiliers lettons dans les tranchées face aux Allemands |
En
mars 1916, les régiments lettons sont à l'avant-garde de
l'offensive lancée par la 12° armée russe sur le front nord. En
juillet, ils participent à une offensive de diversion vers Riga,
puis à la bataille de l'ile de la Mort et à l'offensive de Noël.
Souvent, lors de ces opérations, les Lettons parviennent à percer
le front allemand, mais à chaque fois les unités russes qui les
accompagnent sont à la traine et ne peuvent les relever causant
ainsi dans les rangs lettons de lourdes pertes et les obligeant à
revenir à leur point de départ. Dans ces conditions il est peu
étonnant que se diffuse chez les fusiliers le sentiment de servir de
chair à canon et d'être les victimes d'une trahison de la part des
Russes, même si l'incompétence des généraux du Tsar et le manque
d'allant des fantassins russes expliquent avant tout les défaillances
lors des offensives. Les social-démocrates lettons qui se sont
opposés à la formation des régiments lettons, dans lesquels ils
voient avant tout des gardiens de la puissance tsariste, profitent de
ces sentiments pour développer leur propagande.
Les
fusiliers de Février à Octobre 1917.
Avec
la révolution de Février 1917, le calme s'installe sur le front
balte. Dans la partie de la Lettonie non occupée par les Allemands
s'installe un conseil territorial provincial bien que le gouvernement
provisoire n'accorde qu'une autonomie très réduite à la province.
Les idées socialistes se développent chez les ouvriers lettons où
les bolcheviks prennent rapidement l'ascendant sur les autres groupes
socialistes. A Petrograd, c'est dans le quartier de Vyborg que se
trouvent les cellules bolcheviques les plus actives et celles-ci sont
largement dominées par des Lettons. De la même façon, après la
révolution de Février se forment des unités de gardes rouges
lettons composés de fusiliers déserteurs et d'ouvriers lettons, la
plupart venant de Vyborg. Au moment où Lénine compte accroître la
puissance militaire des bolcheviks, le contrôle de ces gardes rouges
est une question importante.
L'agitation
révolutionnaire touche également les fusiliers lettons. Ces
derniers se réunissent en mars lors d'une assemblée de délégués
pour demander la formation d'une Lettonie autonome au sein de la
république russe. En avril, ils renouvellent cette exigence,
ajoutant la volonté de poursuivre la guerre jusqu'à la conclusion
d'une paix sans annexion. La propagande bolchevik de paix immédiate
ne semble donc pas toucher des régiments où domine le nationalisme
letton. Pourtant une minorité bolchevique s'organise parmi les
fusiliers et au second congrès, en mai, les résolutions
bolcheviques condamnant le gouvernement provisoire et demandant le
pouvoir aux soviets sont adoptées, un comité exécutif à majorité
bolchevik est désigné. Malgré la formation par les nationalistes
d'une association nationale des soldats lettons, la majorité des
fusiliers suivent désormais les bolcheviks. Il est vrai que le
discours de Lénine qui promet l’autodétermination avec droit de
sécession est plus en phase avec les aspirations des Lettons tandis
que le gouvernement Kerensky se montre toujours centralisateur.
L'espoir de reconquérir la Lettonie dans le cadre d'une révolution
mondiale apportant la paix et le bonheur au genre humain s'empare
donc des soldats après trois ans de guerre.
Des soldats lettons en 1917 |
Pourtant
les choses changent quand le 1° septembre, l'armée allemande passe
à l'offensive en Lettonie. Elle ne trouve face à elle que des
troupes russes démoralisées dont la valeur militaire est nulle. Ce
qui reste d'armée russe se disloque et bat en retraite. Seuls les
régiments lettons, qui ont su maintenir une stricte discipline,
contre-attaquent. Malgré des pertes énormes ils ne peuvent malgré
tout empêcher la chute de Riga le 3 septembre. La volonté des
autorités allemande de faire de la Baltique une terre de
colonisation pour les vétérans de guerre du Reich semble prendre
forme et annihiler les espoirs d'indépendance de la Lettonie. Dans
les villes, particulièrement à Riga, les bolcheviks s'organisent
clandestinement.
A
Petrograd, l'influence des bolcheviks continue à grandir et ils
peuvent toujours compter sur le soutien des Lettons. La garde rouge
lettone est en effet aux avant-postes lors de la manifestation du 3
juillet, dispersée par les mitrailleuses des forces
gouvernementales, puis dans le soutien à Kerensky en septembre face
à la tentative de coup d’État du général Kornilov. L'Institut
Smolny, quartier général des bolcheviks est au même moment protégé
par une unité de gardes rouges lettons. Cette garde de Smolny
devient par la suite officiellement le 1° Détachement communiste
letton, chargé d'assurer la protection de Lénine et des autres
dirigeants, une sorte Garde prétorienne communiste.
Le
8 octobre 1917, Trotsky est élu à la présidence du Soviet de
Petrograd. Le 23 octobre, Lénine parvient à convaincre la direction
du Parti de la nécessité de lancer l'insurrection. Un comité
militaire révolutionnaire est désigné pour diriger le soulèvement.
Dans le plan bolchevik un rôle particulier est donné à la 12°
armée, dont font partie les régiments lettons, et qui est la force
armée la plus proche de la capitale. Lénine envoie donc Vladimir
Antonov-Ovseenko, membre du comité militaire révolutionnaire,
auprès des soldats lettons avec des instructions précises
concernant le déroulement de l’insurrection. Ensemble ils décident
de former des comités militaires révolutionnaires dans chaque
régiment letton et un comité pour l'ensemble de la 12° armée. Les
troupes de cette armée devront, au cours de l'insurrection, occuper
les nœuds ferroviaires stratégiques afin d’éviter que Kerensky,
le chef du gouvernement provisoire, ne puisse faire venir des
renforts loyalistes à Petrograd. Le comité militaire
révolutionnaire de la 12° armée est formé le 31 octobre avec à
sa tête le Letton Juris Carins. Au même moment, certainement
conscient du danger et voulant l'enrayer, Kerensky accepte
l'unification des régiments lettons dans un corps des fusiliers
lettons. Mais il est trop tard, les Lettons ne lui font plus
confiance. Durant la nuit du 7 au 8 novembre 1917, les fusiliers
lettons et les gardes rouges s'emparent des points stratégiques de
Petrograd, le Palais d'Hiver est pris d'assaut et le gouvernement
provisoire chassé. Les marins qui participent à l'assaut sont
commandés par le Letton Eizens Bergs.
Les
fusiliers, remparts de la Révolution.
Lénine
connaît l'importance des régiments lettons au moment où il
s'empare du pouvoir. En effet, alors que l'armée russe se disloque
et que les soldats russes rentrent chez eux, les Lettons, qui ne
peuvent retourner dans leur pays tenu par les Allemands, restent la
seule force militaire organisée et disciplinée. Le succès ou la
déroute de la Révolution d'Octobre dépend en grande partie de
l'attitude des Lettons.
Et
ils choisissent de soutenir Lénine. Ainsi, quant au sein de la 12°
armée, le soviet de soldats, dominé par les mencheviks, se déclare,
le 8 novembre, opposé au gouvernement bolchevik, les fusiliers
lettons se débarrassent d'abord des anti-bolcheviks présents dans
leur rangs puis occupent les villes de Cesis, le 9 novembre, et de
Valmiera, le 11. Le régiment de réserve qui se trouvent alors en
Estonie prend quant à lui le contrôle de la ville de Tartu. Les
Lettons empêchent ainsi le soviet de la 12° armée d'envoyer des
troupes contre Petrograd. Le 20 novembre, le quartier général de la
12° armée installé à Valka et dernier bastion anti-bolchevik de
cette unité et à son tour occupé par les fusiliers lettons. Le
colonel Vacietis, qui a coordonné l'opération, est nommé
commandant de la 12° armée.
Vacietis en 1917 |
A
Moscou où les combats entre bolcheviks et partisans du gouvernement
provisoire durent jusqu'au 15 novembre, le Kremlin, arsenal pour les
gardes rouges, est tenue par le Letton Jan Berzin tandis que la garde
rouge est commandée par un autre Letton, Janis Piece. Mais c'est
dans toute la Russie que les Lettons sont présents et actifs dans
les postes de commandement de la révolution: August Klavs-Klavins
est le commandant militaire de Petrograd tandis que Martin Lacis,
Karlis Petersons et Peter Stucka sont membres du comité militaire
révolutionnaire de la ville.
La
place des Lettons dans le dispositif militaire révolutionnaire va
encore s’accroître. En effet, les bolcheviks ne peuvent faire
confiance aux régiments de la garnison de Petrograd dont certains
ont refusé de combattre les soldats de Kerenski. Les marins de
Kronstadt, à l'humeur instable, n'apparaissent pas non plus
totalement fiables tandis que la garde rouge est militairement
faible. Dans cette situation, le comité militaire révolutionnaire
suggère, afin de protéger le pouvoir bolchevik, de transférer des
régiments de fusiliers lettons dans la capitale. Une compagnie
spéciale chargée de la garde de l'Institut Smolny, quartier général
des bolcheviks arrive le 9 décembre 1917 et le 6° régiment, chargé
de garder la ville, arrive le 8. Moscou demande également son
contingent ainsi que de nombreuses villes. Quand, début décembre,
le pouvoir bolchevik fonde la Tcheka, une police destinée à
détruire les menaces contre-révolutionnaires, de nombreux Lettons
intègrent cet organisme qui se dote d'un corps militaire où, en
avril 1918, des fusiliers lettons sont transféré notamment des
soldats déjà chargés de la protection de Lénine. A Petrograd, fin
1917, les fusiliers gardent les bâtiments officiels mais aussi les
entrepôts et les magasins. Des escarmouches éclatent parfois avec
des soldats démobilisés ou des foules qui souhaitent se livrer à
des pillages.
Un détachement de Lettons à Moscou |
Malgré
la prise du pouvoir par Lénine, l'état de guerre perdure encore
officiellement entre la Russie et les Empires centraux. Dans la
partie de la Lettonie non occupée par les Allemands s'est formé un
gouvernement soviétique, dominé par les bolcheviks, nommé la
République d'Iskolat, et qui peut s'appuyer sur une partie des
régiments lettons qui y sont restés stationner. Mais la situation
reste instable et quand, lors des négociations de Brest-Litovsk
entre Allemands et Soviétiques, ces derniers refusent les conditions
allemandes, les troupes du Kaiser passent à l'attaque. Elles
prennent Daugavpils puis Valka le 22 février. Les régiments lettons
reculent, les 7° et 8° réussissant à échapper à l'encerclement
en quittant Pskov le 25 février. Quand la paix est enfin signée,
l'Iskolat a disparu et la Lettonie dans son entier devient un
protectorat allemand. La situation se fige, les bolcheviks sont
incapables de remettre en cause la domination allemande sur les pays
baltes d'autant qu'à l'intérieur de la Russie la situation se
dégrade.
La
paix de Brest-Litovsk provoque la colère des
socialistes-révolutionnaires de gauche jusque-là alliés des
bolcheviks. Soucieux de reprendre la guerre, ils n'hésitent pas à
utiliser le terrorisme et organisent un coup d'État pour chasser les
bolcheviks. Le 6 juillet, ils tentent de s'emparer de Moscou et
marchent sur le Kremlin protégé par le 9° régiment letton. La
plupart des unités de gardes rouges préfèrent rester neutre. Seuls
les Lettons défendent les bolcheviks. Lénine nomme alors Vacietis
commandant des forces bolcheviques de Moscou. Ce dernier fait entrer
les 1°, 2° et 3° régiments dans Moscou durant la nuit et les
lance dans une contre-attaque le matin du 7. Un détachement
d'artillerie letton commandé par Eduard Berzin bombarde alors le
quartier général des SR de gauche dont le coup a échoué. Moscou
reste aux bolcheviks. A Petrograd la révolte est matée par les 6°
et 7° régiments lettons. Ces régiments participent ensuite à la
prise de Iaroslav le 21 juillet, la ville étant entre les mains du
SR Boris Savinkov. Après la prise de la ville il semble que les
fusiliers ont participé aux exécutions massives orchestrées alors
par la Tchéka. Cet épisode va durablement entacher la mémoire des
fusiliers. Mais une fois encore ils ont sauvé le pouvoir bolchevik.
Malgré
l'écrasement du soulèvement des SR de gauche, les forces
anti-bolcheviques se renforcent et s'organisent dans toute la Russie
donnant le signal au déclenchement d'une guerre civile impitoyable.
Le pouvoir bolchevik doit désormais lutter pour sa survie et là
encore un rôle déterminant est donné aux fusiliers lettons, seule
force disciplinée et fiable, noyau de l'Armée rouge en gestation,
et troupes de choc pour sauver les situations désespérées.
Combats
sur la Volga.
Le
22 février 1918, le 3° régiment de fusiliers lettons et une unité
de garde rouge commandés par le Letton Rudolf Sivers s'emparent de
Rostov, la capitale des Cosaques du Don alors entre les mains de
l'armée des Volontaires du général blanc Denikine. Le 11 février,
le 1° régiment et un bataillon du 4° s'emparent de Rogatchev, en
Biélorussie, tenue par des Polonais anti-bolcheviques. En mars et
avril 1918, les régiments lettons sont intégrés à l'Armée rouge
en formation. Bien qu'éparpillés, les 9 régiments sont regroupés
en une division lettone : les 1°, 2, 3, 4 et 9° régiments
sont à Moscou, le 6° à Petrograd, les 5 et 8° à Bologoye et le
7° à Novgorod. La division possède également des unités de
cavalerie, d'artillerie, d'aviation et du génie. Le 9° régiment a
la particularité d’être formé à partir de la compagnie spéciale
des gardes du corps de Lénine. Les effectifs sont également
complétés par des ouvriers lettons évacués en Russie. La division
lettone compte alors 8 000 soldats en mai 1918 et 17 000 en novembre.
Mais elle ne regroupe pas l'ensemble des Lettons combattant au coté
des bolcheviks. Les unités lettones de garde rouge sont transformés
en unités de l'armée rouge mais sans être incorporés à la
division lettone comme le régiment letton de Saratov.
En
juillet 1918, Jukums Vacietis est nommé commandant des forces
soviétiques du front oriental. Il installe son quartier général à
Kazan où le 5° régiment letton repousse une attaque de la légion
tchécoslovaque le 4 août. Le 6, les forces blanches investissent
Kazan et en chassent les rouges après de violents combats de rue.
Vacietis, qui a décidé de défendre Kazan jusqu'au bout, rassemble
à son quartier général 180 fusiliers, deux pièces d'artillerie et
deux véhicules blindés. Avec 120 fusiliers, il brise l'encerclement
blanc et cherche à rejoindre la forteresse de la ville. Mais quand
ces hommes y parviennent, la garnison, qui a changé de camp, leur
tire dessus. Les Lettons se séparent alors en petit groupes pour
fuir Kazan. L'entreprise est périlleuse et dans le groupe que dirige
Vacietis et qui compte 27 fusiliers, seul 6 réussissent à rejoindre
les lignes bolcheviques, les autres sont tués. Les Lettons ont subi
de lourdes pertes à Kazan. Mais la résistance dont ils ont fait
preuve a permis aux forces soviétiques de se regrouper et de
ralentir l'avance des Blancs. Le 5° régiment letton est alors le
premier régiment de l'armée rouge à recevoir le Drapeau d'Honneur,
une décoration que vient de créer le gouvernement soviétique.
Fusiliers lettons pendant la guerre civile russe |
Pour
redresser la situation sur le front de la Volga, les 1° et 6° et
une partie du 2° régiment lettons rejoignent Sviajsk et empêchent
les Blancs de s'emparer de la ville le 28 août. Le 5 septembre, ce
sont les Lettons qui contre-attaquent et, avec l'aide d'une flottille
de canonnières remontant la Volga, reprennent Kazan le 10 septembre,
signant là la première victoire d'importance de l'armée rouge dans
la guerre civile. Le 6 septembre, Trotski nomme Vacietis premier
commandant en chef de toutes les forces armées soviétiques.
Espoirs
et échec d'une Lettonie soviétique.
A
l'ouest, la situation politique et militaire connaît de profonds
bouleversements. Les Empires centraux s'effondrent entre la fin
octobre et le début novembre 1918. Les bolcheviks, profitant de la
situation, dénoncent le traité de Brest-Litovsk le 13 novembre dans
le but de reprendre les territoires perdus. C'est également l'espoir
de porter secours aux révolutionnaires allemands qui cherchent à
forcer la voie vers une Allemagne soviétique qui motive Lénine à
exporter la révolution communiste au moyen des baïonnettes de
l'Armée rouge.
Fin
novembre 1918, Jukums Vacietis a transféré une partie des régiments
lettons vers Pskov. Ces derniers pénètrent dans le sud de l'Estonie
et le nord de la Lettonie le 2 décembre. Les Soviétiques suivent
les troupes allemandes en retraite, sans jamais chercher le combat,
sachant, par le biais des conseils de soldats allemands, que les
hommes ne souhaitent que retrouver leurs foyers. Le 4 décembre, dans
les territoires lettons occupés par l'Armée rouge, un gouvernement
bolchevik letton dirigé par Peter Stucka est établi, reconnu par
Lénine le 22 décembre. Les fusiliers lettons et des unités
soviétiques continuent toujours à avancer en Lettonie. Le 1°
janvier 1919, les fusiliers mettent en déroute les unités de la
Landeswehr organisée par les barons baltes. L'armée allemande
accentue alors son évacuation tandis que la flotte Alliée, qui
croise dans la Baltique, à ordre de ne pas intervenir.
Le
3 janvier, les fusiliers lettons prennent Riga tandis que le
gouvernement letton nationaliste dirigé par Ulmanis fuie en
direction de Jelgava puis de Liepaja ,un port de la Baltique. Face
aux Soviétiques ne se trouvent alors que 400 soldats lettons
indépendantistes, 500 hommes de la Landeswehr et 200 volontaires
allemands de la brigade de fer. Fin janvier, les nationalistes
lettons ne tiennent plus qu'une petite poche de 50 km de diamètre
autour de Liepaja.
Malgré
leur supériorité les Soviétiques ne se lancent pas à l'assaut du
réduit letton. Il est vrai qu'une fois entré en Lettonie de
nombreux fusiliers ont déserté les rangs pour retrouver leurs
foyers, affaiblissant du même coup le potentiel militaire
soviétique. Au même moment, dans le nord des pays baltes, les
nationalistes estoniens, ravitaillés par les Alliés, démarrent
avec l'aide finlandaise, une offensive menaçant les arrières
soviétiques. Pour écarter cette menace, deux brigades de fusiliers
lettons sont envoyés repousser les Estoniens. Il semble que le
départ de ces unités composées de vétérans a sauvé le réduit
de Liepaja de l'anéantissement. Les forces allemandes encore
présentes dans les pays baltes se renforcent alors avec l'arrivée
de milliers de volontaires venues d'Allemagne qui forment des
corps-francs. Dans leur enclave les nationalistes estoniens
mobilisent 1400 hommes et reçoivent prés de 5000 fusils et 50
mitrailleuses des Britanniques en février. Quand les Estoniens
avancent dans le nord de la Lettonie, des officiers lettons partent
en Estonie pour organiser dans les territoires libérés des unités
lettones.
Insigne des fusiliers lettons rouges |
Les
fusiliers lettons forment alors le noyau d'une petite armée
soviétique lettone. Début février 1919 ils sont organisés en deux
divisions: la 1° comprend les anciens régiments lettons issus de
l'armée impériale tandis que la seconde est composée d'unités
créées depuis la Révolution à l'exemple du régiment de Saratov
ainsi que des quelques milices rouges levées en Lettonie.
L'historien Visvaldis Mangulis estime que ces deux divisions comptent
12 000 hommes en février 1919, puis 27 000 en mai après que le
gouvernement de Stucka ait décrété la mobilisation des hommes dans
les territoires qu'il contrôle. Mais ces chiffres sont critiqués
puisqu'à la même époque les divisions soviétiques ne comptent pas
plus de 5000 soldats et que les armées qui au même moment ont
envahi l'Estonie et la Lituanie ne comptaient pas plus de 8 000
soldats chacune. Il est plus que probable que, suite à la
mobilisation, les divisions lettones n'ont pas dépassé les 10 000
hommes. Mais cette mobilisation change le caractère des régiments
lettons. Aux anciens, nourris aux idées bolcheviks, mais dont les
rangs sont décimés par les combats, se joignent des recrues à la
fidélité incertaine surtout après que le gouvernement Stucka a
nationalisé la terre, frustrant les paysans de la possession de
terres appartenant depuis des siècles aux barons baltes. Les
déceptions et rancœurs que provoque le gouvernement bolchevik
letton qui applique également les principes de la Terreur rouge
expliquent que la plupart de ces nouvelles recrues se débandent dés
les premiers combats.
Alors
que les unités soviétiques sont victimes d'une hémorragie liée
aux désertions de masse, leurs adversaires ne cessent de se
renforcer. Le général allemand Rudiger Von der Golz arrive à
Liepaja le 1° février 1919 pour prendre la tête du 6° corps de
réserve allemand en Lettonie qui comprend la brigade de fer (4000
hommes) et la 1° division de réserve de la Garde (5000 hommes). Son
but est officiellement de sécuriser les frontières orientales de
l'Allemagne contre le bolchevisme. Les Russes blancs vivant en
Lettonie forment quant à eux une unité de 200 hommes intégrés aux
forces de défenses lettones.
Les
forces nationalistes lettones et les Allemands franchissent la
rivière Venta et passent à l'attaque début février 1919. La
Landeswehr reprend Kuldiga le 13 février et Ventspils le 22. Face à
la faible résistance soviétique, Von der Golz poursuit l'offensive.
Le 26 mars les troupes allemandes se trouvent à 30 km à l'ouest de
Riga sur les rivières Lielupe et Musa mais Von der Golz décide
alors de rester l'arme au pied pendant 2 mois.
Les
régiments de fusiliers lettons sont alors concentrés face aux
Estoniens dont les positions menacent directement Petrograd et qui
soutiennent les troupes blanches de Ioudenitch. Ils remportent des
petits succès mais ces gains sont rapidement perdus lors de
contre-attaques ennemies. Au sud, les Soviétiques attaquent
également mais ces combats violents contre les Allemands rencontrent
peu de succès et ne débloquent pas la situation. La position des
Soviétiques devient alors vite intenable puisqu'ils sont coincés
entre deux adversaires puissants, les Estoniens au nord et les
Allemands au sud. L'Armée rouge risque donc d’être coupé de ses
arrières car ses adversaires menacent les voies ferrées reliant
Riga à la Russie alors que la ligne passant par Pskov est déjà
coupée à plusieurs reprises.
Von
der Golz envoie, fin mai 1919, la Landeswehr, commandé par le baron
Manteuffel et où se trouvent de nombreux Allemands, prendre Riga. Le
22 mai la ville tombe. Les Lettons profitent alors de la retraite
soviétique pour avancer au sud et à l'est. Ils prennent Cesis le 30
mai, Jekapbils le 6 juin, Pskov le 25 mai. Ils rencontrent peu de
résistance car les Soviétiques se retirent en hâte du piège que
représente le saillant letton tout comme de la Lituanie qui est
totalement évacué fin mai. Seule le sud-est de la Lettonie reste
encore sous contrôle soviétique.
La
guerre se poursuit en Lettonie mais elle oppose désormais les
nationalistes lettons aux Allemands. Ces derniers sont battu fin juin
et un armistice est signé début juillet sous l'égide des Alliés.
Les Allemands quittent alors la Lettonie et seule la Landeswehr reste
sur place pour combattre les rouges sous la direction du général
britanniques Alexander.
Les
fusiliers lettons et la défaite des armées blanches russes.
La
guerre entre Lettons nationalistes et Allemands est bien accueillie
par les Soviétiques. Elle soulage un pouvoir soviétique dont la
situation au printemps 1919 semble désespérée. L'Ukraine est en
révolte tandis qu'au nord, soutenu par les Estoniens, l'Armée
blanche du Nord-Ouest commandé par Nikolaï Ioudenitch commence sa
marche sur Petrograd. Au sud, les troupes blanches de Denikine
avancent en direction du nord et de Moscou, s'emparant de Tsaritsyne
et de Kharkov en juin.
Sur
ordre de Lénine les régiments lettons sont transférés en août du
front ouest vers le sud, de la Lettonie à la Biélorussie, pour
combattre les blancs autours d'Orel. Ils ont été réorganisés
après la retraite de Riga et les deux divisions ont été fondus en
une seule. Cette mesure et le transfert des régiments visent a
enrayé les désertions toujours aussi nombreuses sur le front
letton. A Orel, la division lettone ne compte plus que 9000 soldats.
La garde lettone du Kremlin |
Les
régiments lettons font encore merveille. Ils brisent le front blanc
et prennent Krom au sud-ouest d'Orel le 15 octobre 1919. Pendant ce
temps une division rouge estonienne attaque Denikine au nord-ouest.
Les 13° et 14° armées rouges avancent au sud. Denikine est alors
obligé d'évacuer Orel le 20 octobre. Les Lettons malgré de lourdes
pertes et une épidémie de typhus continuent à se battre et
prennent Karkhov le 12 décembre. La résistance de Denikine
s'effondre.
A
l'ouest, le 3 janvier 1920, les Estoniens signent un armistice avec
les Soviétiques, ce qui a pour effet de libérer des troupes rouges
pour se battre en Lettonie. Mais les Polonais et les Lituaniens se
sont joint aux Lettons pour reprendre la ville de Latgale. L'armée
lettone qui est passé de 400 hommes en janvier 1919 à 70 000 en
janvier 1920 passe à l'offensive début janvier et, avant la fin du
mois, a libéré l'ensemble du pays. Un armistice est alors conclu
avec la Russie le 1° février mais les Soviétiques demandent à ce
qu'il reste secret. La paix ne sera signée que le 11 août 1920.
Au
sud, contre le général Wrangel, qui a pris la succession de
Denikine à la tête des derrières troupes blanches en Crimée, la
division lettone part à l'assaut du Mur des Turcs, un ensemble de
fortifications bâti jadis par les Tatars dans l'isthme de Perekop.
Le 13 avril 1920, les Lettons prennent le contrôle d'une partie de
ces fortifications mais ils subissent de lourdes pertes, et, quand la
cavalerie blanche contre-attaque, ils ne reçoivent aucun renfort.
Pour l'historien Visvaldis Mangulis, le commandement soviétique a
voulu délibérément, sur ordre de la direction bolchevique,
anéantir, en la sacrifiant, une division lettone fatiguée par des
années de combat et dont les hommes aspirent de plus à plus à
retrouver leurs foyers. Ces derniers peuvent s'appuyer sur un
précèdent puisque la division estonienne a demandé, conformément
au traité passé entre le gouvernement estonien et soviétique, de
rejoindre l'Estonie, ce qui a été accepté, non sans difficulté.
Une unité d'artillerie lettone a également voté une résolution
demandant de pouvoir rentrer en Lettonie dés que les conditions
seraient réunies. Mais le traité de paix avec la Lettonie restant
secret, la division lettone reste dans l'ignorance des possibilités
de rapatriement.
Malgré
la lassitude les Lettons restent des combattants redoutables. Ils
repoussent la cavalerie blanche le 13 avril 1920 mais doivent
abandonner le Mur Turc. Ils repartent à son assaut les 14 et 16
mais sans succès. L'attaque polonaise à l'ouest, qui débute en
avril 1920, oblige alors les Soviétiques à dégarnir le front de
Crimée, permettant à Wrangel de réorganiser ses troupes. Le 7
juin, ce dernier attaque avec des chars et des avions, obligeant les
Soviétiques à reculer sur la rive droite du Dniepr. Le 9° régiment
letton est anéanti tandis que les 4°, 5° et 6° ont subi de
lourdes pertes. Début juillet 1920 la division lettone parvient
toutefois à établir une tête de pont sur la rive gauche du Dniepr
autour de Kakhovka, mais, à la suite de sanglants combats, elle doit
se replier. C'est à ce moment que le 6° régiment refuse d'attaquer
et demande son rapatriement en Lettonie. Le commandement de l'armée
rouge envoi des officiers et commissaires politiques installer un
tribunal militaire pour réduire le mécontentement, mais en vain car
les Lettons continuent à déserter seul ou en groupe.
Dans
la nuit du 6 au 7 août la division franchit à nouveau le Dniepr
près de Kakhovka et établit une tête de pont. L'arrivée de trois
autres divisions rouges en renfort renforce une position qui tient
prés de trois mois menaçant les arrières de Wrangel. Après la
signature, début octobre, d'un armistice avec la Pologne, les
Soviétiques peuvent à nouveau concentrer l'essentiel de leurs
forces contre Wrangel. Le 28 octobre 1920 une grande offensive
soviétique repousse les forces blanches qui ne tiennent plus que la
Crimée. Le 29, l'Armée rouge, dont la division lettone, atteint
l'isthme de Perekop. Le Mur Turc est pris le 9 novembre. Les Blancs
ne possèdent plus comme ligne de défense que le Ushun, une ligne
fortifiée également d'origine tatare. La division lettonne, qui est
restée en réserve, attaque cette position le 11 novembre et
parvient à s'en emparer mettant fin à la résistance blanche en
Crimée.
La
fin des fusiliers lettons.
Avec
la fin de la guerre civile et la consolidation du pouvoir soviétique,
la division lettone ne présente plus le même intérêt pour les
bolcheviks. L'existence d'un État letton indépendant stimule les
espoirs des soldats qui ne souhaitent pas continuer à servir dans
l'Armée rouge. Mais surtout les autorités soviétiques ne peuvent
plus tolérer l'existence d'une organisation militaire puissante dont
le recrutement national ne peut qu'exacerber les sentiments
nationalistes. La division lettone est dissoute le 29 novembre 1920.
Le traité de paix avec la Lettonie est alors connu de tous et des
milliers de soldats rentrent chez eux.
De
nombreux Lettons restent malgré tout en URSS et servent dans l'armée
rouge. Ils sont aussi présents au sein de la police, de la
diplomatie, de l'appareil gouvernemental ou du Parti tout au long des
années 1920 et 1930. Quand Staline, à partir de 1937, s'attaque en
priorité aux étrangers dans le cadre des purges, les Lettons
n'échappent pas à la Terreur. Des centaines sont liquidées en
1937-1938. Jekab Alsknis commandant en chef des forces aériennes
soviétiques est fusillé en 1938, Rudolf Peterson commandant du
train blindé de Trotski pendant la guerre civile et commandant du
Kremlin de 1920 à 1935 est fusillé en 1937, Robert Eidemanis
commandant des 13 et 14° armées rouges pendant la guerre civile
puis chef de l'organisation de la défense civile est exécuté en
1937, Jan Berzine, le chef du renseignement militaire soviétique,
est tué de retour d'Espagne en 1937, Eduard Berzin, qui fit tirer au
canon, contre les SR de gauche à Moscou est tué en 1938. Jukums
Vacietis, ancien commandant de la division des fusiliers lettons et
premier commandant en chef de l'Armée rouge, est professeur à
l’Académie militaire Frunze à Moscou quand il est arrêté avant
d’être abattu en 1938. Heinrih Eihe le vainqueur de Koltchak est
un des rares à échapper au massacre.
Monument de l'époque soviétique en l'honneur des fusiliers lettons |
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