La notoriété de la garde républicaine remonte à la
deuxième guerre du Golfe, où elle fit son apparition dans les médias
occidentaux. Elle continua à être abondamment mentionnée durant les différentes
périodes de tension qui marquèrent la crise irakienne, et ce jusqu’à la chute
du régime de Saddam Hussein. Elle constitue à cet égard un paradoxe, car malgré
sa célébrité, elle reste peu connue. Cet article vise donc à présenter
brièvement l’histoire de ce corps.
L’armée est le plus souvent un sujet très sensible
dans la plupart des pays du Moyen-Orient ; photographier un engin militaire
peut potentiellement déboucher sur une peine de prison. Cette opacité ne
facilite évidemment pas la tâche d’éventuels chercheurs ou historiens. Il faut
aussi l’admettre, l’histoire militaire des pays arabes n’intéresse pas un large
public, ce qui n’incite pas les éditeurs à financer la traduction et la
publication de mémoires et autres écrits de militaires arabes. Enfin, il existe
sans doute aussi un substrat de dédain culturel, pour ne pas parler d’un reste
d’occidento-centrisme, favorisant un certain manque de curiosité sous nos latitudes.
Tout ceci explique en grande partie pourquoi la guerre Iran-Irak, qui fut la
plus longue guerre conventionnelle depuis la deuxième guerre mondiale, ait fait
l’objet de si peu d’intérêt. La courte guerre des Malouines entre l’Argentine
et l’Angleterre, à l’origine d’une véritable avalanche de publications,
illustre bien ce contraste
Dans une perspective plus large, l’histoire de la
garde républicaine irakienne, voulue par Saddam Hussein comme une résurgence
moderne de la garde impériale de Napoléon, illustre combien un contexte
politique peut influencer, voire déterminer, l’efficacité d’une institution
militaire. Enfin, et c’est sans doute une raison suffisante pour s’y
intéresser, la garde républicaine, comme l’armée irakienne dans son ensemble,
connut une expérience exceptionnellement variée ; elle affronta non seulement
la redoutable infanterie iranienne, mais aussi, à deux reprises, le colosse
américain.
Enfin, il convient de préciser à quel point la
rédaction de cet article a dépendu des contributions des participants du Air
Combat Information Group, et surtout, des recherches menées par l’armée
américaine après l’invasion de 2003 et dont le résultat est disponible en
ligne. Les américains, suivant les mêmes pratiques que lors de la défaite de
l’Allemagne et du Japon en 1945, cherchèrent à comprendre la perception des
vaincus, au moyen de leurs archives, mais aussi d’interviews menées auprès de
gradés de haut rang. Ces textes donnent, dans le cas irakien, non seulement un
accès passionnant sur les mécanismes internes de la dictature irakienne, mais
aussi sur le fonctionnement de sa machine de guerre. Bien entendu, l’histoire
militaire de l’Irak de ces quarante dernières années reste encore à écrire, et
l’ambition de cet article sur la garde républicaine se limite à soumettre au
lecteur quelques éléments nouveaux sur cette institution.
Adrien
Fontanellaz, article déjà publié sur le blog Militum Historia
Chapitre
I : Naissance et développement
La garde
républicaine (Al Haris Al Jamhuri)
naquit dans le contexte politique extrêmement troublé de la fin des années
soixante, sous la présidence du général Aref. De la taille d’une brigade, son
recrutement privilégiait à l’origine la tribu du chef de l’état, les
Al-Jumayla. Sa création était donc antérieure à la prise de pouvoir par le
parti Baath en 1968. Le nouveau régime n’augmenta pas les effectifs de la
garde, qui restait chargée de la protection de la capitale, mais créa une armée
populaire (Jeish Al Shabi) en 1970
pour « préserver les réalisations de la
révolution [et] soutenir et protéger
le parti contre les conspirations… ». Celle-ci était en réalité une milice
recrutée parmi les membres du parti Baath. L’entraînement de ces soldats à
temps partiels était limité à l’emploi des armes légères. En septembre 1980,
l’unique brigade de la garde républicaine comptait un bataillon de chars T-72,
un régiment de commandos, un bataillon d’artillerie et un bataillon de
lance-roquettes multiples (LRM) BM-21.
Le siège de Khorramchahr
L’attaque
irakienne contre l’Iran le 23 septembre 1980 avait pour objectif principal de
s’emparer rapidement de gages territoriaux afin de contraindre le régime des
ayatollahs à renégocier en position de faiblesse le tracé de la frontière entre
les deux pays. Saddam Hussein, le président irakien depuis le 12 juillet 1979,
pensait qu’une courte campagne militaire serait suffisante, l’ancienne armée
impériale iranienne ayant subi des purges sévères après la révolution, alors
que la taille de son homologue irakienne avait doublé au cours de la décennie
précédent la guerre pour atteindre quatorze divisions. Le calcul du dictateur
s’avéra rapidement erroné. Les colonnes de blindés irakiennes se heurtèrent à
la résistance acharnée des miliciens, ou Basiji
(abréviation de Basiji Mostazafan
; la mobilisation des opprimés), iraniens,
appuyés par les faibles formations de l’armée régulière présentes sur le
théâtre des opérations. Début octobre, une division blindée irakienne manqua
l’occasion de prendre Khorramchahr, une des grandes villes du Khuzestân
iranien, par un coup de main. Le siège devint vite un abcès de fixation en
détournant des unités indispensables à la prise d’autres positions
stratégiques, comme la ville d’Abadan. Malgré un usage massif de l’artillerie
et de bombes au napalm larguées par des avions de transport Iliouchine 76
précédant l’engagement de commandos appuyés par des blindés, les Irakiens ne
parvinrent pas à écraser rapidement la résistance des Pasdarans (gardes révolutionnaires) et des soldats réguliers
iraniens.
Scène de combats de rue à Khorramchahr (via Wikimedia) |
La garde
républicaine fut dépêchée sur place pour épauler les unités régulières durement
éprouvées, puis participa à une attaque massive le 24 octobre 1980, aux côtés
de la 12ème division d’infanterie de l’armée. Usés par trois
semaines d’intenses combats, les défenseurs durent céder et Khorramchahr tomba
le jour suivant. Surnommée le « Stalingrad iranien », la bataille fut si
acharnée que seule une poignée des bâtiments de la ville de 175’000 habitants
échappèrent à la destruction. En moins d’un mois, les deux adversaires
perdirent un total de quinze mille tués ou blessés. La capture de la cité coûta
aux Irakiens une centaine de blindés détruits. Une autre de ses conséquences
fut qu’elle laissa aux Iraniens le temps nécessaire pour acheminer suffisamment
de renforts dans le Khuzestân pour stopper l’avance irakienne.
La
brigade de la garde républicaine, affaiblie lors du siège, ne fut pas en mesure
d’intervenir lorsque, de mars à juin 1982, une série d’offensives expulsèrent
les Irakiens du sol perse en leur infligeant des pertes considérables. Deux des
quatre divisions blindées irakiennes se trouvèrent ainsi réduites à l’état de
brigades en sous-effectifs, alors que l’armée dans son ensemble ne comptait
plus que 150'000 hommes au lieu de 210'000 au début des hostilités.
Muslim Ibn Aqil et Moharram
Dans la
soirée du 1er octobre 1982, les iraniens lançaient l’opération Muslim Ibn Aqil sur le terrain vallonné
du centre du front. Leur objectif était de prendre la ville de Mandali, située
à 120 kilomètres de Bagdad. Le cœur du dispositif d’attaque iranien était
composé de la 28ème division d’infanterie mécanisée et la 81ème
division blindée de l’armée régulière, renforcées par des unités de Pasdarans et de Basiji. Les Iraniens parvinrent au prix de violents combats, chaque
colline étant contestée, à quelques kilomètres de la ville le 4 octobre. Une
contre-attaque irakienne incluant des commandos de la garde républicaine
appuyés par des hélicoptères de combat Gazelle et Mi-25 parvint ensuite à
déloger les Iraniens de leurs positions surplombant Mandali.
Une autre
offensive iranienne, l’opération Moharram,
suivit moins d’un mois après. Elle visait, dans sa première phase, à reprendre
des portions de territoire iranien encore occupées par l’Irak et à s’emparer du
champ de pétrole de Bayat. Trois divisions régulières et cinq brigades des
gardes révolutionnaires participèrent à l’assaut dans la nuit du 1er
novembre, et malgré les champs de mines et le terrain détrempé par de fortes
pluies, parvinrent à capturer une cinquantaine de puits de pétrole, avant
qu’une contre-attaque des blindés irakiens ne se développe dans la matinée du 2
novembre. Celle-ci fut repoussée avec de lourdes pertes grâce à l’intervention
massive de l’aviation iranienne, les hélicoptères Cobra se révélant
particulièrement meurtriers pour les tankistes irakiens. Le 6 novembre, les
forces iraniennes parvenaient à couper la liaison routière entre Sharahani et
Zobeidat, l’un des objectifs de la deuxième phase de l’offensive, puis
donnèrent l’assaut sur la seconde de ces cités. La brigade blindée de la garde
républicaine, dépêchée directement de Bagdad, contre-attaqua à ce moment et
chassa les Iraniens de Zobeidat. Ses chars T-72 flambants neufs infligèrent de
lourdes pertes aux équipes antichars des Pasdarans,
montées sur des motos. Leur blindage frontal était invulnérable face aux RPG-7
de l’ennemi, forçant celui-ci à s’exposer pour tenter de les frapper par les
flancs. Le front se stabilisa dès le 7 novembre, à cause de l’épuisement des
adversaires et de pluies torrentielles qui transformèrent le terrain en champs
de boue.
Changement de rôle
La garde
républicaine se renforça avec la formation de la 2ièmebrigade
blindée au début de 1982 puis de la 3ième brigade de Maghawir(commandos) en 1983. Cette
dernière fut constituée à partir de vétérans de la bataille de Khorramchahr et
d’éléments de l’armée régulière. La 4ièmebrigade d’infanterie
apparut dans l’année qui suivit. Une série d’exercices de grande ampleur, supervisés
par Saddam Hussein en personne, eut lieu au début de l’année 1983. Cette montée
en puissance se fit en même temps qu’une transformation du rôle de la garde
républicaine. Assurer la sécurité du palais présidentiel et des autres sièges
du pouvoir resta la prérogative de la 1ère brigade, alors que les
autres unités devenaient une réserve opérationnelle, préservée en temps normal
et engagée pour contre-attaquer seulement si la situation sur le front devenait
critique. La politique de recrutement des officiers fut aussi modifiée ;
jusque-là domaine réservé de proches du président, les postes d’encadrement
furent dorénavant attribués à des officiers de l’armée sélectionnés avec soin
pour leur compétence. Seule la 1ère brigade continua à recruter ses
cadres exclusivement dans la tribu du président, les Al-Tikriti. Un état-major
divisionnaire fut mis en place le 7 avril 1984 pour encadrer l’ensemble de ces
brigades, jusque-là contrôlées directement par Saddam Hussein.
Division de la garde républicaine
(avril 1984)
Brigades
|
Type
|
1ère
|
mixte
|
2ème
|
blindée
|
3ième
|
commando
|
4ième
|
infanterie
|
10ième
|
blindée
|
D’après Saddam’s generals
Parallèlement,
après une année de guerre, les Irakiens avaient dû faire appel à l’armée
populaire (Jeish Al Shabi), dont le
rôle se limitait jusque-là à des tâches de défense civile et de sécurité
intérieure, pour pallier aux effectifs insuffisants de l’armée. Son recrutement
avait été étendu à l’ensemble de la population mâle de 18 à 45 ans, et
atteignit 400'000 hommes en février 1982. Les limites de cette milice devinrent
très vite apparentes ; elle n’avait jamais disposé d’un vivier de cadres
expérimentés, et ses unités mal entraînées furent bientôt réputées pour leur
faible combativité. Surnommée« l’armée impopulaire » et regardée avec dédain
par les autres branches des forces armées, le Jeish Al Shabi pouvait, pour ces raisons, difficilement constituer
la base nécessaire à la constitution de la réserve stratégique bien entraînée
et politiquement fiable voulue par le haut-commandement irakien.
Badr
La garde
républicaine fut à nouveau mobilisée lors de l’opération Badr, lancée par les Iraniens à travers l’immense marais de Hawizeh
pour couper la liaison autoroutière entre Bassora et Bagdad. Dans la nuit du 11
mars 1985, des Pasdaranset des Basiji débouchèrent du marais, prenant
les défenseurs irakiens par surprise. Dans les trois jours qui suivirent,
l’équivalent d’une brigade de Pasdaransatteignit
l’autoroute, après avoir franchi le Tigre à l’aide de pontons pausés de nuit
par le génie. Le 16 mars, la nouvelle 4ème brigade de la garde et
une de ses consœurs, rapidement acheminées sur place grâce à l’importante
flotte de camions porte-chars dont l’Irak s’était équipé, contre-attaquèrent
avec des unités de l’armée sur plusieurs axes, prenant la poche iranienne en
tenaille. Appuyés par une concentration massive d’artillerie tirant des obus à
charges explosives et chimiques accompagnée par des attaques aériennes contre
les voies de communications ennemies, les soldats irakiens parvinrent à
refouler les Pasdarans dans les
marais après deux jours de combats.
L’enfer de Fao
Au début
de 1986, le commandement des gardes révolutionnaires planifia une nouvelle
offensive, Valfajr VIII, afin de
traverser le Chatt-El-Arab à l’extrême Sud de la frontière entre les deux pays
puis de s’emparer de la péninsule de Fao, qui fournissait une base de départ
idéale pour prendre les défenses de Bassora à revers. Parallèlement, une
opération de diversion fut mise en place plus au Nord afin de masquer l’axe d’attaque
réel. Trois divisions et une brigade autonome de Pasdarans furent allouées à l’offensive avec trois divisions de
l’armée. Dans la nuit du 10 février 1986, masqués par l’obscurité et de fortes
pluies, des nageurs de combats ouvrirent la voie à un assaut amphibie mené par
l’équivalent d’une division d’infanterie, appuyé par les tirs de l’artillerie
positionnée sur la rive iranienne du Chatt-El-Arab. La ville de Fao tomba dans
la journée du 11 février, alors que la 26ième division irakienne,
qui tenait le secteur, s’effondrait dans la nuit du 13 au 14 février.
Les 3ième
et 4ième brigades de la garde républicaine furent dépêchées en
catastrophe pour contre-attaquer. Repérées avant même d’avoir pu terminer leur
déploiement en formation de combat, et alors qu’elles étaient prises dans des
embouteillages causés par la boue, les deux brigades devinrent la cible de
volées de roquettes tirées par des BM-21 iraniens depuis l’autre rive du
fleuve, puis furent attaquées dans la foulée par les deux divisions de Pasdarans présentes dans la tête de
pont. Les gardes républicains ne parvinrent à s’extirper du piège qu’après
avoir perdu en quelques heures un tiers des leurs et la presque totalité de
l’équipement lourd.
Plusieurs
autres brigades de la garde républicaine, dont les 2ièmeet 10ième
blindées participèrent à une contre-attaque massive du VIIèmecorps
de l’armée le 23 février 1986. Trois colonnes blindées, chacune de la taille
d’une division, soutenues par des feux d’artillerie guidés par des hélicoptères
ou des Pilatus PC-7, tentèrent une nouvelle fois de chasser les Iraniens de la
rive irakienne du Chatt-El-Arab. L’effort irakien comprenait aussi
l’intervention massive de forces aériennes, dont le nombre de missions culmina
à 725 par jour au plus fort de la bataille. Les Pasdarans avaient eu cependant le temps de se retrancher, et
utilisèrent des pompes pour transformer les axes de pénétration en champs de
boue et faire des chars ennemis, enlisés, des proies faciles. Les combats
tournèrent au corps-à-corps dans les nombreuses palmeraies situées le long du
front. Les Irakiens durent jeter l’éponge après avoir perdus près de 2000
soldats. Ils n’étaient pas parvenus à reprendre Fao, mais empêchèrent les
Iraniens d’utiliser le territoire conquis comme tremplin vers leur objectif
majeur ; Bassora. Le front se stabilisa à la fin du mois de mars. Les pertes
irakiennes totales durant la bataille se montèrent de 8'000 à 10'000 hommes,
les Iraniennes de 27'000 à 30'000 hommes. Une part importante des soldats
iraniens furent victimes des armes chimiques massivement utilisées par les
Irakiens. Quant à la garde républicaine, elle perdit le tiers de ses effectifs
dans la bataille. Saddam Hussein devait par la suite vanter à plusieurs
reprises le « martyre » de sa garde dans des discours évoquant l’affrontement.
L’expansion de 1986 à 1988
Peu après
la bataille de Fao, le président irakien décida de doubler la taille de la
garde républicaine. De cette impulsion résulta, dans les mois qui suivirent, la
création des divisions blindées Hammourabi
et Al-Madina al-Munawwara ainsi
que des divisions d’infanterie Bagdad
et Nabuchodonosor. Une division de Maghawir vit également le jour. Leur
mise en place nécessita non seulement la création de plusieurs nouvelles
brigades ex-nihilo, mais aussi le
transfert d’unités de l’armée vers la garde. Celle-ci bénéficia de la priorité
dans l’allocation des matériels parmi les plus performants de l’arsenal
irakien, comme les chars T-72 et les véhicules de combat d’infanterie (VCI)
BMP-2 soviétiques. L’expansion se poursuivit avec la création de la division
d’infanterie Adnan, puis celle de la
division d’infanterie mécanisée Tawakalnaavant
les grandes offensives irakiennes de l’année 1988. L’année 1986 vit également
la création de l’Ier corps de la garde républicaine. Celui-ci englobait les
divisions Al-Madina al-Munawwara, Bagdad et la division de Maghawir.
Pour
faire face à l’explosion des besoins en soldats, le vivier de recrutement,
jusqu’alors limité aux natifs de la région d’origine du dictateur, fut étendu,
pour inclure, entre autres, les étudiants bénéficiant d’une formation
technique. Les chefs tribaux furent aussi mis à contribution pour trouver de
nouvelles recrues. Les volontaires ne manquèrent pas car la mise en place
prochaine de la conscription universelle avait été annoncée peu avant par le
régime. Prendre les devants pour entrer dans la prestigieuse garde républicaine
présentait une alternative séduisante pour un jeune homme convaincu de ne pas
pouvoir échapper, à terme, à l’enrôlement dans l’armée régulière ou l’armée
populaire. Ce statut d’élite reposait sur plusieurs piliers. Les soldes étaient
plus élevées que dans l’armée, et l’entraînement des recrues était, dans le
contexte irakien, soigné ; la formation de base durait trois mois puis se
poursuivait au sein des unités. La politique de vampirisation du corps des
officiers de l’armée régulière par le recrutement de ses meilleurs éléments se
poursuivit.
Commandement des Forces de la Garde Républicaine,
1986
Divisions
|
Type
|
Hammourabi
|
blindée
|
Al-Madina al-Munawwara
|
blindée
|
Bagdad
|
infanterie
|
Nabuchodonosor
|
infanterie
|
Division
Maghawir
|
commandos
|
D’après Saddam’s
war
La garde républicaine était
supervisée par le général Hussein Kamil, par ailleurs ministre de l’industrie
et de l’industrialisation militaire et gendre du président. Son autorité
considérable lui permettait de dépasser les clivages bureaucratiques au sein de
l’appareil d’état et garantir que les requêtes de ses commandants soient
exhaussées le plus rapidement possible. Général politique plus qu’officier de
carrière, il ne se mêlait pas de la direction militaire des unités. Il convient
de rappeler que durant tout son règne, Saddam Hussein conserva la haute main
sur le commandement de l’ensemble des forces armées irakiennes. Il
s’entretenait par ailleurs régulièrement avec les commandants de brigades et de
divisions de la garde républicaine, contribuant à renforcer le sentiment
d’appartenance des soldats à un corps faisant figure d’enfant chéri du régime.
Karbala V ; la Somme de la guerre Iran-Irak
La grande
offensive iranienne suivante visa Bassora. Pour les ayatollahs, prendre la
principale ville du Sud irakien pouvait mettre fin à la guerre en causant
l’effondrement du régime baathiste. Mais les obstacles à surmonter étaient de
taille ; la ville avait déjà été la cible d’attaques iraniennes durant la
guerre, et ses défenses continuellement renforcées. Cinq divisions irakiennes
barraient les approches de la cité. Elles s’appuyaient sur six lignes
défensives successives et un lac artificiel, le « lac aux poissons ». Pour
accéder à chacune de ces lignes, un attaquant devait passer sous les tirs
croisés de positions défensives protégées par des monticules de sables. Le
terrain était de surcroît quadrillé par de nombreux canaux. Enfin, un réseau de
routes et de dépôts avait été établi sur les arrières du dispositif pour
faciliter l’acheminement de renforts en cas de nécessité.
Les
Iraniens investirent des moyens considérables dans l’opération. Quatre
divisions de Pasdaran et trois de
l’armée régulière, renforcées par des Basiji,
soit un total de près de 200'000 hommes furent alloués à l’offensive. Les
gardiens de la révolution avaient tiré les leçons de la bataille de Fao ; mieux
équipés que l’année précédente, ils avaient également renforcé l’encadrement
subalterne de leurs unités et s’étaient entraînés aux opérations interarmes et
de franchissement au cours de grandes manœuvres. L’effet de surprise fut obtenu
en trompant les Irakiens avec des simulacres de préparatifs dans le saillant de
Fao. Enfin, d’autres opérations plus limitées étaient planifiées dans d’autres
secteurs du front, après le début de l’assaut, pour y immobiliser le plus
possible de troupes irakiennes.
Baptisée Karbala V, l’offensive débuta dans la
nuit du 8 au 9 janvier 1987. Elle prit la forme d’une attaque en tenaille menée
par deux groupes de taille identique le long de deux axes de pénétration
longeant les rives Nord et Sud du « lac au poissons ». Les 60'000 hommes de la
pince Nord parvinrent à percer les deux premières lignes irakiennes et à
capturer la ville de Salamcheh, à environ 30 kilomètres de Bassora, puis,
malgré les contre-attaques irakiennes, percèrent la troisième ceinture
défensive irakienne le 29 janvier au cours d’un assaut nocturne. Bassora se trouvait
désormais à portée de l’artillerie à moyenne portée iranienne. Le groupe
formant la pince Sud de l’offensive réussit à forcer le dispositif ennemi et à
s’approcher de la banlieue de la grande ville, avant d’être bloqué sur
l’étroite bande de terrain entre le lac et le Chatt-El-Arab. Au plus fort de la
bataille, le front peu étendu était pilonné quotidiennement par des centaines
de milliers d’obus tirés par les près de 5'000 canons et chars d’assauts massés
par les belligérants. Le fait que les Iraniens revendiquèrent avoir tué, blessé
ou fait prisonnier 93'000 soldats irakiens et détruit ou capturé 1'000 blindés
reflète également l’intensité des combats, qui s’achevèrent à la fin du mois de
février. Certaines unités irakiennes, comme la 37ième brigade
blindée de l’armée furent complètement anéanties dans les affrontements. Autre
réminiscence de la guerre des tranchées, les Irakiens se distinguèrent à
nouveau par leur usage massif de l’arme chimique, dont ils maitrisaient de
mieux en mieux l’emploi.
La garde
républicaine n’échappa pas au maelström. Au début de Karbala V, cinq de ses brigades étaient positionnées comme réserve
dans la région de Bassora, et contre-attaquèrent le 12 janvier mais furent
repoussés par les Pasdaran appuyés
par l’intervention des Cobra iraniens. Une nouvelle contre-attaque de grande
ampleur fut lancée contre la pince Nord iranienne le 18 janvier. La division Al-Madina al-Munawwara parvint à chasser
les Iraniens de la rive Ouest de la rivière des Jasmins, un affluent du
Chatt-El-Arab. Il s’agissait cependant d’une victoire à la Pyrrhus. Le chef de
l’armée, le général Adnan Khairallah, fixa aux gardes des objectifs irréalistes
alors que les informations en provenance du front étaient parcellaires. Des
pertes massives et l’anéantissement de plusieurs des brigades de la garde
résultèrent de ce plan mal conçu. La densité des barrages de l’artillerie
iranienne et les infiltrations de leur infanterie rendaient par ailleurs la
communication des unités engagées avec leurs arrières très difficiles.
Passage à l’offensive
Le
sacrifice d’une partie de la fine fleur des forces armées iraniennes lors de Karbala V accéléra le déclin relatif de
la puissance militaire du pays face à l’Irak. L’Iran était désavantagé par des
contraintes extérieures, comme l’embargo américain sur les armes ou son
isolement sur le plan international, ou auto-imposées, comme sa réticence à
enrôler dans ses armées une part aussi importante de sa population que son
adversaire. Après Karbala V, le
nombre d’Iraniens sous l’uniforme atteignait 600'000 hommes, bien moins que le
million d’Irakiens mobilisés. Les livraisons d’armes américaines par Israël,
puis par l’administration Reagan dans le cadre de l’Irangate,n’atteignirent jamais un volume suffisant pour renouveler
les stocks accumulés sous le régime du Shah.
Les autres fournisseurs du pays, comme la Lybie ou la Corée du Nord, étaient
incapables de livrer des équipements d’une qualité équivalente à ceux acquis
avant la révolution. L’Irak, au contraire, bénéficiait de financements octroyés
par ses alliés, d’un accès ouvert au marché de l’armement international, et
avait introduit la conscription universelle. C’est pourquoi les Iraniens
avaient lancés leurs offensives dans des régions peu propices à l’utilisation
des chars afin de réduire l’avantage procuré aux Irakiens par leur supériorité
matérielle croissante.
En 1987,
l’Irak avait déjà perdu 40'000 prisonniers, 250'000 tués et 750'000 blessés.
Une telle saignée risquait de susciter, à terme, une contestation du régime. Mettre
fin à la guerre en contraignant le pouvoir iranien à accepter un cessez-le-feu
et récupérer les territoires perdus nécessitait cependant de quitter la posture
défensive tenue par les forces terrestres irakiennes depuis 1982. Les troupes
iraniennes affaiblies concentraient leurs opérations dans les montagnes du Nord
de l’Irak, alors que celui-ci avait enfin pu dégager les marges nécessaires au
retrait du front de certaines formations et avait eu le loisir de les ré
entraîner. En effet, l’armée régulière irakienne vit sa taille augmenter tout
au long de la guerre; et atteignit cinquante divisions réparties en neuf corps
en 1987, alors elle n’alignait que quatorze divisions en septembre 1980.
Parallèlement, le pays reçu 2'000 tanks, dont 800 T-72, entre 1986 et 1988 et
son arsenal culmina à 5'000 tanks, 4'500 véhicules blindés et 5'500 pièces
d’artillerie en avril 1988, soit un inventaire trois à quatre fois supérieur à
celui des Iraniens. Au début de 1988, encouragé par cette conjoncture
favorable, Saddam Hussein prit la décision de changer de stratégie et de passer
à l’offensive.
La
promotion de nouveaux officiers, plus expérimentés, à des postes de
haut-commandement découla de ce changement stratégique. A l’évidence, le raïs irakien avait pris conscience de la
nécessiter de s’appuyer sur des militaires professionnels pour mener ses
troupes à la victoire. Dans ce contexte, un nouvel homme, le général Ayad
Al-Rawi, fut nommé à la tête du Commandement des Forces de la Garde
Républicaine (CFGR). Il était réputé pour sa compétence, sa méticulosité et son
franc-parler, une qualité peu répandue dans un climat aussi répressif que celui
de l’Irak de Saddam Hussein. Le général Hussein Kamel continuait par ailleurs à
superviser la garde. Pour préparer la troupe à l’offensive, des manœuvres axées
sur la coordination interarmes furent menées à l’échelon du corps d’armée.
Elles incluaient les divisions de la garde et des unités blindées de l’armée.
Des positions iraniennes reconstituées à l’aide de photographies de Fao prises
par les satellites américaines furent utilisées pour accroître le réalisme des
entraînements, qui se faisaient à balle réelle.
La
planification d’une série d’attaques visant à reconquérir les territoires
perdus durant la guerre, avec un premier assaut visant la péninsule de Fao, se
déroula dans le plus grand secret. La cellule chargée de préparer l’opération
se limitait à Saddam Hussein et à une petite dizaine d’officiers généraux, et
laissait les structures hiérarchiques conventionnelles dans l’ignorance. Afin
de tromper l’ennemi sur l’orientation de la menace, un faux quartier-général
fut créé dans le Nord de l’Irak, et des photographies d’une visite du Ministre
de la Défense auprès d’unités de la garde républicaine stationnées dans cette
région diffusées dans la presse officielle.
La seconde bataille de Fao
La
première des offensives planifiée par les Irakiens débuta le 17 avril 1988.
Visant la reconquête de la péninsule de Fao, elle fut baptisée Ramadan Al-Moubarak, car le 18 avril
marquait le début du Ramadan cette année-là. L’assaut devait se dérouler le
long de deux axes de pénétration. Le VIIèmecorps de l’armée,
incluant la 7ième division d’infanterie et la 6ièmedivision
blindée, avait pour mission d’attaquer en suivant la route la plus au Sud,
longeant le Chatt-El-Arab. L’Ier corps de la garde républicaine était
responsable de la deuxième branche de l’offensive. Il représentait 60 % du
total des forces engagées dans la bataille. Le commandant de la garde, le
général Ayad Al-Rawi, étant chargé de la coordination entre cette dernière et
l’armée.
L’assaut
fut précédé d’une violente préparation d’artillerie ; un canon visait chacun
des 70 postes d’observation iraniens, hauts de vingt à trente mètres,
disséminés le long du front. Les gardes républicains étaient appuyés par les
tubes de quatre bataillons d’artillerie. La garnison de la péninsule fut noyée
sous un déluge d’obus explosifs et chimiques. Les divisions blindées Hammourabi et Al-Madina al-Munawwara appuyées par la division d’infanterie Bagdad percèrent rapidement le front
puis s’engouffrèrent dans la brèche avant de foncer vers Fao. Le vent ayant
tourné, les soldats irakiens durent mener l’assaut en portant leurs masques à
gaz. Dans le même temps, La 26ièmebrigade de la garde républicaine,
spécialement entraînée aux opérations amphibies par des experts étrangers sur
les eaux du lac Al-Habbaniyah, et renforcée par des troupes de marine, débarqua
sur les arrières de l’ennemi. La résistance des deux divisions défendant la
péninsule finit par s’effondrer sous les coups de butoir ennemis. Une part
importante des soldats iraniens parvint à s’échapper grâce au dernier ponton
reliant les rives irakiennes et iraniennes du Chatt-El-Arab, laissé intact à
dessein par les Irakiens, mais durent abandonner la totalité de leur équipement
lourd.
Les
Irakiens avaient prévu cinq jours pour mener l’opération à son terme mais
atteignirent leurs objectifs en 35 heures, au prix de pertes relativement
légères. Plusieurs facteurs étaient à l’origine de ce triomphe. Outre une
supériorité écrasante en artillerie et en blindés, les Irakiens alignaient
environ 100'000 hommes, contre 8'000 à 15'000 soldats iraniens. L’aviation
irakienne dominait l’espace aérien au-dessus du champ de bataille et enfin, les
Iraniens ne disposaient de rien de similaire à opposer aux armes chimiques
irakiennes, si ce n’est les seringues d’atropine et les masques à gaz
distribués à la troupe. Le complexe militaro-industriel mis en place par Saddam
Hussein était parvenu à produire d’immenses quantités de Sarin, un gaz
neurotoxique bien plus efficace que le gaz moutarde utilisé depuis 1984.
Tawakalnah al-Allah
Le 25 mai
1988, les Irakiens débutèrent une nouvelle offensive dans le secteur de Bassora
par un des barrages d’artillerie les plus violents de l’histoire, déversant des
tonnes de gaz neurotoxiques non-persistants sur le champ de bataille. Des LRM
Astros II brésiliens capables de tirer des roquettes à sous-munitions à une
distance de 65 kilomètres, furent introduits sur le champ de bataille à cette
occasion par les Irakiens.
Là-aussi,
les Iraniens avaient été préalablement trompés sur l’axe de l’effort principal
ennemi, le secteur visé ayant été dégarni au profit du marais de Hawizeh. La
préparation d’artillerie fut suivie par une attaque massive des forces
mécanisées irakiennes contre le dispositif iranien densément fortifié.
Celles-ci parvinrent, en une dizaine d’heure, à reconquérir l’ensemble des
territoires perdus durant Karbala V.
Les Iraniens mobilisèrent 30'000 soldats et contre-attaquèrent dans le secteur
de Salamcheh le 14 juin, avant d’être repoussés le jour d’après après avoir
perdu 4'000 hommes. Les Irakiens capturèrent 100 tanks et 150 pièces
d’artillerie durant l’ensemble de la bataille. Les combats s’avérèrent
cependant beaucoup plus meurtriers qu’à Fao. Les irakiens perdirent au moins
plusieurs dizaines de blindés alors qu’à Bagdad, le nombre de banderoles
mortuaires suspendues par les familles en deuil connaissait un accroissement
soudain. La division mécanisée Tawakalnah
al-Allah de la garde républicaine se distingua en subissant des pertes
particulièrement élevées.
Cette
attaque était la première d’une série d’offensives collectivement baptisées Tawakalnah al-Allah, littéralement «nous
avons mis notre confiance en Allah», qui avaient pour but la dislocation des
forces terrestres iraniennes et la reconquête des territoires perdus les années
précédentes. Début juin, sur le front central, le IIème corps et des
éléments de la garde républicaine s’enfoncèrent de 45 kilomètres en territoire
iranien, s’emparant de la ville de Dehloran. Puis, les 17 et 18 juin, près de
deux divisions de Pasdaransstationnées
dans la région de Mehran furent détruits par les forces irakiennes renforcées
par des éléments de l’Armée de Libération Nationale (ALN), la branche militaire
de l’Organisation des Moujahidins du Peuple Iranien, composée d’exilés iraniens
hostiles à la république islamique et équipée par les Irakiens. Le 19 juin, une
centaine d’hélicoptères déposèrent, en plusieurs rotations, une brigade de Maghawir de la garde républicaine sur
les arrières des positions iraniennes pour faciliter la pénétration du front
par les éléments mécanisés.
Moins de
deux semaines plus tard, une attaque en tenaille minutieusement planifiée était
déclenchée dans la région des marais du Hawizeh et chassait les troupes
iraniennes des îles Majnoon. Les divisions Hammourabi,
Al-Madina al-Munawwaraet Nabuchodonosor
de la garde républicaine assaillirent frontalement les positions iraniennes
tandis que les troupes du IIIème corps de l’armée contournèrent le
dispositif ennemi et coupèrent les défenseurs des îles Majnoon de leurs
arrières. Les Irakiens lancèrent dans la bataille près de deux mille véhicules
blindés, alors que les Iraniens ne pouvaient leur opposer que une petite
centaine de tanks. Cette offensive s’avéra décisive; entre six et huit
divisions des Pasdarans ou de l’armée
régulières iranienne y furent décimées.
Les
pertes subies lors de Ramadan Al-Moubarak
et Tawakalnah al-Allah,associées
au désastre subi par la marine iranienne face aux américains lors ce que
ceux-ci lancèrent l’opération Praying
Mantis, et enfin la campagne menée par l’armée de l’air irakienne contre
les infrastructures économiques iraniennes, ajoutées au tirs de missiles
balistiques contre Téhéran, finirent par pousser l’ayatollah Khomeiny à
annoncer lors d’une allocution à la radio, le 20 juillet 1988, qu’il se
résignait à boire une potion plus mortelle que le poison en consentant à un
cessez-le-feu avec l’Irak en acceptant la résolution 598 des Nations-Unies.
Chapitre
II : Face à la tempête
D’une guerre à l’autre
L’acceptation
par la République Islamique d’Iran de la résolution 598 des Nations-Unies mit
donc fin à un des conflits les plus meurtriers de la seconde moitié du XXème
siècle. Pour le régime irakien, il s’agissait d’une victoire à la Pyrrhus. Il
avait certes survécu à une menace mortelle, contraint son adversaire à jeter
l’éponge, et récupéré les territoires perdus avec les accords d’Alger de 1975,
mais ces succès avaient été payés au prix fort. Le pays était massivement
endetté, à hauteur de 70 milliards de dollars, alors même qu’il fallait
reconstruire les nombreuses infrastructures détruites durant la guerre.
Aggravant la situation, Saddam Hussein démobilisa son armée au compte-goutte,
craignant qu’une injection massive d’hommes sur un marché du travail incapable
de les recevoir ne génère une hausse spectaculaire du chômage, et donc, une
source potentielle de contestation du régime. En 1990, plus d’un an après la
guerre, le budget de la défense se montait encore à 12.9 milliards de dollars.
Le couteux développement du complexe militaro-industriel continua à être
prioritaire. Il devait permettre à l’Irak de devenir auto-suffisant dans le
domaine de l’armement et à accéder à la parité stratégique avec Israël en se
dotant de l’arme nucléaire. Entre 1984 et 1990, le pays importa auprès de la
France, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, de l’Italie et des Etats-Unis
pour 14.2 milliards de dollars d’équipements industriels. L’ouverture des
portes de l’exposition internationale de matériel de défense à Bagdad le 28
avril 1989 révéla au monde les progrès réalisés par l’Irak dans le domaine des
armements, et eut l’effet d’une douche froide pour les services de
renseignement occidentaux.
A l’issue
de la guerre, la menace iranienne sur les pays du Golfe s’était estompée, et
avec elle, la nécessité de soutenir l’Irak à tout prix. L’Irak ne parvenait
plus à obtenir de nouveaux financements auprès des riches monarchies
pétrolières du Golfe, qui demandaient le remboursement des dettes existantes.
Le régime baathiste réagit par une politique de surenchère, se brouillant avec
pratiquement tous ses voisins. Le régime irakien choqua le monde occidental en
faisant pendre pour espionnage, le 15 mars 1990, un journaliste anglais, Farzad
Bazoft. Le 2 avril, dans une allocution, le raïs
irakien dénonçant une campagne «psychologique, médiatique et politique» le
visant, menaça de brûler la moitié d’Israël en représailles à une éventuelle
attaque de ce pays. En juillet, l’Irak accusa le Koweït de dépasser son quota
de production pétrolière fixé par l’OPEP, et de pousser ainsi le cours du brut
à la baisse. L’Emirat était aussi accusé de pomper du pétrole dans des nappes
situées en Irak. Le 25 juillet 1990, le président irakien crût obtenir un « feu
orange » de Washington pour régler son contentieux avec le Koweït par la force
lors un entretien avec l’ambassadrice américaine à Bagdad, April Glaspie. A ce
moment, Saddam Hussein avait déjà ordonné de préparer l’invasion de l’émirat,
censé résoudre les difficultés financières du régime. Les satellites américains
détectèrent la présence d’éléments de deux divisions de la garde républicaine
près de la frontière entre les deux pays dès le 21 juillet 1990.
L’invasion du Koweït
Le projet
17, nom de code du plan d’invasion de l’émirat, confiait l’exécution de
l’opération à la garde républicaine. Le plan irakien prévoyait une avance
rapide afin de ne pas laisser le temps à l’ennemi de prendre position le long
de la crête de Mitla, seul obstacle géographique propice à la défense le long
des 160 kilomètres séparant la capitale koweïtie de l’Irak. L’offensive suivait
les grands axes de communications reliant la frontière irakienne à Koweït City.
La division Fao, partant d’Um Qasr,
devait descendre la route côtière jusqu’ à la capitale de l’émirat. La division
Hammourabi, suivie par la division Nabuchodonosor, parties de Safwan,
devaient traverser la passe de Mitla avant de déboucher dans la périphérie de
Koweït City. Des commandos de la 3ème brigade Maghawiravaient pour mission de faciliter leur progression en étant
héliportés sur les hauteurs de la crête de Mitla. La division Tawakalnah al-Allah devait progresser
sur le flanc Ouest de la division Hammourabi,
s’emparer de la base aérienne d’Ali Al-Salim, puis se laisser dépasser par la
division Al-Madina al-Munawwara,
avant de se déployer sur la frontière entre le Koweït et l’Arabie Saoudite. La
pince Ouest de l’offensive irakienne était composée de la division Al-Madina al-Munawwara, chargée d’ouvrir
la voie aux divisions Adnanet Bagdad. Elle avait pour objectif le port
de Mina Al-Ahmadi, après être passée par la ville d’Al-Abraq et la base
aérienne d’Ali Al-Salim. Enfin, des éléments la 16ième brigade Maghawir devaient être héliportés à
l’aube directement aux abords de la capitale, avec pour mission prioritaire la
capture de l’émir du Koweït et de sa famille. Chaque division blindée et
mécanisée fut renforcée par une brigade d’infanterie, chargée de réduire
d’éventuels îlots de résistance ennemis sans ralentir la manœuvre. Des canons
de 130 mm étaient placés à l’arrière des formations d’assaut, facilitant leur
progression nocturne en tirant des obus éclairants. Afin de limiter les pertes
koweïties, le commandement irakien renonça par contre aux barrages d’artillerie
massifs qui précédaient habituellement ses offensives.
Une colonne de T-72 de la garde dans Koweït City(via www.theweek.co.uk) |
Le combat
allait s’avérer inégal ; le Koweït ne pouvait opposer que quatre brigades (les
15ième et 35ième brigades blindées, la 6ième
brigade d’infanterie mécanisée, la 80ièmebrigade d’infanterie, un
bataillon de commandos et la garde royale) aux sept divisions et aux trois
brigades irakiennes engagées dans l’opération. Cette infériorité numérique
n’était pas compensée par une supériorité qualitative ; le Chieftain, cheval de bataille des unités blindées koweïties, était
considéré par les Irakiens comme inférieur à leurs T-72. Ceux-ci avaient déjà
eu l’occasion d’affronter ce char d’origine britannique lors de la guerre
Iran-Irak, et en avaient capturé des centaines.
Après
deux semaines de préparations intensives, l’assaut débuta dans la nuit du 2
août 1990 à 01h00. Les formations mécanisées irakiennes, déployées en colonnes
pour accroître leur vitesse, progressèrent rapidement vers leurs objectifs. Peu
après 06h00, la division Hammourabi atteignit
la passe de Mitla, après avoir échangé des tirs avec des éléments de la 6ième
brigade d’infanterie mécanisée koweïti. Les Irakiens détruisirent plusieurs
véhicules blindés ennemis, mais perdirent un T-72 durant l’accrochage, avant
que les koweïtis, croyant affronter une simple unité de reconnaissance, ne
décrochent.
Les
éléments de tête irakiens, après avoir traversé la passe, tombèrent nez-à-nez
avec des Chieftain koweïtis, dans la
périphérie de la ville de Jahra. Ceux-ci appartenaient à un bataillon de marche
hâtivement constitué par la 35ième brigade blindée, casernée dans
les environs. Les militaires koweïtis avaient été pris au dépourvu par
l’invasion irakienne ; plusieurs compagnies de la brigade avaient été détachées
dans d’autres régions du pays, les permissions n’avaient pas été révoquées, et
les blindés n’étaient pas approvisionnés en munitions. Vers 07h00 Le commandant
koweïti ne parvint donc à déployer aux abords de Jahra vers 07h00 que quatre
compagnies de chars avec 38 Chieftain,
une compagnie d’infanterie mécanisée montée sur une dizaine de BMP-2 et M-113,
une batterie de sept obusiers M-109 et une section équipée de missiles
antichars TOW. Les défenseurs ouvrirent le feu et revendiquèrent la destruction
de nombreux véhicules de la division Hammourabialors
qu’elle suivait l’autoroute à six voies contournant la ville avant de
poursuivre vers Koweït City. Le commandant de la 17ième brigade, qui
ouvrait la voie au reste de la division, ne rapporta cependant qu’avoir essuyé
un feu imprécis et perdu un seul tank. A 09h30 du matin, cette brigade
atteignit les rives du Golfe Persique après avoir traversé la capitale, non
sans être ralentie par les embouteillages causés par la population paniquée. En
fin d’après-midi, la division Nabuchodonosor
avait également atteint la ville et avait sécurisé plusieurs de ses quartiers.
Provenant
de l’Ouest, la division Al-Madina
al-Munawwara, déployée en colonne, arriva à son tour devant Jahra, toujours
défendue par la 35ième brigade, vers 11h00. Son avant-garde,
ignorant la présence d’éléments ennemis, fut repoussée par les blindés
koweïtis, puis soumise aux tirs de leur batterie d’obusiers automoteurs. La
réplique de l’artillerie irakienne ne se fit pas attendre, et plusieurs obus touchèrent
le poste de commandement de l’unité koweïtie. Face à cette résistance
inattendue, la division Al-Madina
al-Munawwara déploya ses 10ième et 14ième brigades en
formation de combat, puis passa à l’attaque. A court de munitions et menacés
d’encerclement, les koweïtis se replièrent en direction de la frontière
saoudienne. Le combat fit perdre un temps précieux à la division irakienne,
dont la mission était de bloquer les voies de communications entre Koweït City
et la frontière saoudienne, et ne s’empara du port de Mina Al-Ahmadi que le 3
août à 01h30. Ce retard permit notamment à la 15ième brigade
koweïtie, casernée au Sud de la capitale, de se replier vers l’Arabie Saoudite.
A l’aube
du 2 août, une cinquantaine d’hélicoptères de transport, escortés par des
hélicoptères de combat Mi-24 et Bo-105, déposèrent des commandos la 16ième
brigade de la garde républicaine dans la périphérie de Koweït City. Plusieurs
appareils percutèrent des lignes électriques, causant des pertes et perturbant
l’assaut des commandos contre le palais Dawan, farouchement défendue par la
garde royale appuyée par des automitrailleuses Saladin. L’émir Jaber III et sa famille parvinrent à échapper à la
capture. L’arrivée des éléments mécanisés irakiens dans la capitale plus tard
dans la journée scella le sort des défenseurs du palais, qui tomba à 13h00
après un nouvel assaut irakien appuyé par de l’artillerie. Enfin, la 26ième
brigade navale de la garde républicaine débarqua sans rencontrer d’opposition
majeure dans la banlieue Sud de la ville, mais évita in extremis un échange de tirs fratricides avec l’échelon
précurseur de la division Al-Madina
al-Munawwara qui arrivait dans la zone. L’essentiel de la résistance
organisée des forces koweïties cessa le 2 août, même si des combats sporadiques
continuèrent les jours suivants.
Les
pertes subies durant la conquête furent légères, malgré les combats de Jahra,
ceux autour du palais de l’émir, et les attaques des A-4 de l’aviation koweïti
qui bombardèrent les divisions Al-Madina
al-Munawwara et Bagdad. Les
divisions engagées perdirent en moyenne moins d’une centaine de tués, à l’image
de la division Hammourabi avec 99
tués, 249 blessés et 15 disparus durant la campagne.
La garde républicaine à son zénith
La garde
républicaine démontra ses capacités en improvisant un véritableBlitzkrieg à petite échelle, combinant
l’avance de pointes blindées coordonnées avec des héliportages massifs et une
opération de débarquement. Le fait que les Koweïtis représentaient un piètre
adversaire comparé aux Iraniens n’enlève rien à la performance représentée par
la mise en œuvre aussi rapide d’une opération complexe incluant sept divisions
et deux brigades.
Contrairement
aux calculs du raïs irakien,
l’invasion, puis l’annexion pure et simple du Koweït généra une réprobation
unanime de la communauté internationale. Sous l’égide de l’ONU, et avec une
très forte implication de la diplomatie américaine, de puissantes forces
militaires se déployèrent dans le Golfe Persique. Le commandement irakien
réagit en augmentant la taille de ses forces armées. C’est ainsi que quatre
nouvelles divisions, Al-Quods, Al-Abid, Moustafa et Al-Nida
virent le jour. Certaines ne furent jamais complètement établies, et d’autres
n’étaient pas encore opérationnelles en janvier 1991. Ainsi, au moment où
éclata la guerre du Golfe, le CFGR, toujours dirigé par le général Ayad Al-Rawi
alignait huit divisions opérationnelles réparties en deux corps. Deux de ces
divisions étaient blindées et une mécanisées. Quant à l’armée régulière, elle
comptait, à la fin de 1990, soixante divisions, dont six étaient blindées et
quatre mécanisées.
Ordre de bataille de la garde républicaine en
décembre 1990
Ier corps
|
Division
blindée Hammourabi
|
8ième
brigade blindée
|
17ième
brigade blindée
|
||
15ième
brigade mécanisée
|
||
Division
blindée Al-Madina al-Munawwara
|
2ième
brigade blindée
|
|
10ième
brigade blindée
|
||
14ième
brigade mécanisée
|
||
Division
mécanisée Tawakalnah al-Allah
|
9ième
brigade blindée
|
|
18ième
brigade mécanisée
|
||
29ième
brigade mécanisée
|
||
Division
d’infanterie Al-Fao
|
24ième
brigade d’infanterie
|
|
25ième
brigade d’infanterie
|
||
27ième
brigade d’infanterie
|
||
IIème corps
|
Division
d’infanterie Bagdad
|
4ième
brigade d’infanterie
|
5ième
brigade d’infanterie
|
||
6ième
brigade d’infanterie
|
||
Division
d’infanterie Nabuchodonosor
|
19ième
brigade d’infanterie
|
|
22ième
brigade d’infanterie
|
||
23ième
brigade d’infanterie
|
||
Division
d’infanterie Adnan
|
11ième
brigade d’infanterie
|
|
12ième
brigade d’infanterie
|
||
21ième
brigade d’infanterie
|
||
Non-rattachée
à un corps
|
Division
Maghawir
|
3ième
brigade de commandos
|
16ième
brigade de commandos
|
||
26ième
brigade navale
|
Compilé selon Saddam’s war, Saddam’s generals, The
Mother of All Battles, Iraq Armed Forces Forum et le forum acig,. Plusieurs sources mentionnent que
l’une des divisions d’infanterie aurait été mécanisée, mais sans s’accorder sur
son nom.
Les
Irakiens avaient beaucoup fait évoluer le modèle organisationnel britannique
sur lequel leur armée avait été basée en y intégrant des éléments inspirés des
pratiques soviétiques, américaines, ou simplement issues de leur propre
expérience opérationnelle. En 1990, une division se composait donc
théoriquement de trois brigades, bien que durant la guerre contre l’Iran, les
Irakiens transféraient régulièrement des brigades d’une division à une autre
selon les besoins. Les divisions blindées alignaient deux brigades blindées et
une brigade mécanisée, cette proportion s’inversant dans le cas d’une division
mécanisée. Les divisions d’infanterie comprenaient, outre leurs trois brigades
d’infanterie, un bataillon blindé. Chaque division disposait en sus d’une
brigade d’artillerie, de bataillons de génie, de reconnaissance, de commandos
et d’unités logistiques.
Les
brigades blindées s’articulaient en trois bataillons (katiba, aussi traductible par régiment dans la terminologie
irakienne, le terme Lawai désignant
une brigade) blindés et un bataillon mécanisé. Les brigades mécanisées, en un
bataillon blindé et trois mécanisés. Ces bataillons comptaient trois
compagnies. Chaque compagnie mécanisée disposait de treize VCI ou VTT
(Véhicules Transports de Troupes) et plusieurs camions.
L’organisation
des unités de la garde républicaine différait en plusieurs points de celles de
l’armée régulière. Les compagnies de blindés incluaient quatre sections au lieu
de trois. Avec les deux chars de sa section de commandement, une compagnie
était forte de quatorze chars contre onze pour une unité analogue de l’armée ;
un bataillon blindé de la garde républicaine disposait ainsi de 44 tanks. Les
brigades blindées et mécanisées se démarquaient également en possédant un
bataillon d’artillerie organique. Ainsi, les divisions Hammourabi, Al-Madina
al-Munawwara et Tawakalna al-Allah alignaient
chacune quatre bataillons d’artillerie autopropulsée et au moins un bataillon
d’artillerie tractée à longue portée répartis entre leurs trois brigades de
manœuvre et leur brigade d’artillerie ; soit 90 pièces d’un calibre égal ou
supérieur à 122 mm, auxquelles s’ajoutaient des LRM.
Dotation théorique en blindés des unités de la
garde républicaine
Type d’unité
|
Chars
|
VCI / VTT
|
division
blindée
|
308
|
200
|
division
mécanisée
|
220
|
280
|
Les
unités blindées de la garde républicaine étaient équipée de T-72 modifiés
localement, et rebaptisés Assad Babyle
(lions de Babylone), par l’ajout d’un brouilleur anti-missiles et d’un système
d’enfouissement. Plus d’un millier de ces chars auraient été livrés à l’Irak
par l’URSS et la Pologne entre 1979 à 1988. L’infanterie mécanisée était montée
sur des VCI BMP-1 et BMP-2 soviétiques. La 26ième brigade navale
disposait de VTT amphibies EE-11 Urutu d’origine brésilienne. Le parc
d’artillerie était majoritairement russe ; obusiers automoteurs 2S1 de 122 mm,
2S3 de 152 mm et canons tractés M-46 de 130 mm. Les canons G-5 de 155 mm, achetés
en Afrique du Sud, faisaient figure d’exception à cet égard. Au 31 janvier
1991, les services de renseignements militaires américains estimaient que la
garde républicaine alignait dans ses unités opérationnelles 990 chars d’assaut,
630 canons et 600 véhicules blindés.
L’artillerie
anti-aérienne était dotée de l’équipement classique dans les pays fournis par
l’URSS : canons tractés d’un calibre allant de 14.5 mm à 57 mm, canons
automoteurs ZSU-23/4, missiles anti-aériens à guidage infra-rouge portables
SA-7 et 14, et montés sur chenillés SA-13. En règle générale, les systèmes de
missiles guidés par radar, même mobiles, dépendaient de la force aérienne
irakienne.
Un obusier 2S1 irakien abandonné durant Desert Storm (via Wikimedia) |
La garde
républicaine avait grandi durant les années de guerre contre l’Iran, et évolué
directement en fonction des contraintes nées de ce conflit. Certaines de ses
caractéristiques témoignaient de cet héritage. L’existence de ses quatre
divisions d’infanterie ne se comprenait que par la nécessité de disposer d’une
force bien entraînée pour renforcer les secteurs du front menacés par une
percée des Iraniens. Rappelons que ceux-ci, tant qu’ils eurent l’initiative,
choisissaient le plus possible des théâtres d’opération peu propices au
déploiement de grandes formations mécanisées, et que les Irakiens durent donc
s’adapter en disposant d’infanterie en suffisance. Pour les mêmes raisons,
l’artillerie bénéficia d’un développement bien plus accentué que la lutte
anti-char.
En attendant la tempête
L’invasion
du Koweït menée à bien, les divisions de la garde républicaine furent
progressivement relevées par des troupes de l’armée régulière et de l’armée
populaire, et redéployées entre Bassora et la frontière koweïtie. L’attaque
irakienne suscita, contrairement aux espérances du dictateur irakien, un véritable
tollé sur la scène internationale. La probabilité d’un conflit armé avec les
troupes mandatées par l’ONU pour contraindre les Irakiens à se retirer du
Koweït augmenta au fil des mois, au fur et à mesure de la montée en puissance
de ces dernières, qui culmina avec l’arrivée du VIIèmecorps
américains en provenance d’Allemagne à la fin de l’année 1990. Si la guerre
devait éclater, la stratégie du raïs
irakien consistait à laisser l’adversaire attaquer puis transformer son
offensive en sanglante bataille d’attrition. Cette stratégie reposait cependant
sur deux prés requis qui allaient s’avérer erronés. Le premier était que les
Américains, à la fois dirigeants et contributeurs largement majoritaires de la
coalition, hésiteraient à l’idée de subir des pertes importantes, alors que le
second postulait que les méthodes développées durant la guerre contre l’Iran
s’avéreraient adéquates contre la coalition.
Le
dispositif irakien reflétait cette conception, et se conformait à la doctrine
élaborée durant la guerre contre l’Iran. Les divisions d’infanterie, déployées
le long de la ligne de front avaient une mission purement statique. Chacune
utilisait deux de ses brigades pour tenir son secteur, et gardait sa troisième
brigade en réserve. La doctrine irakienne préconisait en effet de
contre-attaquer le plus vite possible, sans laisser le temps à l’ennemi de
consolider ses gains. Les divisions blindées et mécanisées se tenaient en
retrait, prêtes à intervenir en cas de percée ennemie. La ceinture défensive
irakienne avait plusieurs faiblesses majeures. Elle ne s’appuyait pas, comme
devant Bassora en 1987, sur des obstacles naturels, mais se situait en plein
désert. Les Irakiens s’attendaient à un assaut frontal contre le Koweït depuis
l’Arabie Saoudite accompagné d’opérations amphibies et aéroportées, et leur
dispositif atteignait sa densité maximale le long de la frontière entre ces
deux pays, puis se réduisait progressivement le long de la frontière
irako-saoudienne. Les Irakiens pensaient en effet que l’immense désert séparant
l’Arabie Saoudite des grands axes de communications du Sud de l’Irak offrait
une protection suffisante. Enfin, le milieu désertique tend à favoriser
l’adversaire le plus mobile, et accentue l’impact de l’aviation. De fait, la
force aérienne irakienne ne comptait pas être en mesure de contester la
maîtrise des cieux à la coalition si les hostilités éclataient.
La
mission de la garde républicaine était double : servir de réserve stratégique
prête à contre-attaquer et défendre Bassora. Elle déploya ses divisions en deux
lignes lâches. La plus proche du Koweït se composait, d’Ouest en Est, des
divisions Tawakalnah al-Allah, Al-Madina al-Munawwara,Hammourabi, Bagdad et de la division de Maghawiralors
que la seconde ligne, en retrait plus au Nord, incluait les divisions Nabuchodonosor, Al-Fao et Adnan. Des
mesures furent prises pour contrer les inévitables bombardements alliés ; trois
bataillons de missiles guidés par radar SA-6 furent affectés à la protection
des quartiers généraux de la garde. Pour compliquer le travail de recueil de
renseignements américain, les transmissions radios furent strictement limitées
et remplacées par l’usage d’estafettes ou de liaisons filaires et des exercices
de grande ampleurs, de jour et de nuit, furent menés pour tenter d’échapper à
la surveillance des satellites américains. Afin de minimiser l’impact des
bombardements, les blindés furent enterrés, et les unités se dispersèrent, à
l’image de la 17ième brigade de la division Hammourabi qui répartit ses bataillons sur une surface de 100
kilomètres carré.
Sous les bombes
L’opération
Desert Storm débuta dans la nuit du
17 janvier 1991 par une série de frappes visant principalement le réseau de
défense aérienne irakien. Néanmoins, sur l’insistance du commandant en chef de
la coalition, le général Norman Schwarzkopf, huit bombardiers B-52 déversèrent
cent tonnes de bombes sur les positions de la division Tawakalnah al-Allah cette nuit-là. La garde républicaine avait été
définie par le général comme un des centres de gravité du régime irakien, et
donc une cible prioritaire. Ainsi, le tiers des 18'000 missions dites«
stratégiques » lancées par la coalition durant la guerre visa la garde
républicaine, alors que 37% de l’ensemble des sorties de B-52 la prirent pour
cible. Celle-ci tenta de compliquer la tâche des planificateurs de la coalition
en déplaçant une partie de ses effectifs quotidiennement. Les gardes
républicains parvinrent à leurrer l’aviation américaine en cessant d’ouvrir le
feu sur leurs appareils durant plusieurs semaines. Le 15 février, des avions
d’appui rapprochés A-10 attaquèrent les divisions Tawakalnah al-Allah et Hammourabi.
Trompés par la ruse irakienne, les A-10 s’aventurèrent à basse altitude. Un
premier appareil fut endommagé dans la matinée par un SA-13 tiré par une
batterie de la Tawakalnah al-Allah,
puis plus tard dans la journée, deux autres appareils du même type furent
abattus par la DCA de la division Hammourabi,
un des pilotes étant tué et l’autre capturé. Les attaques s’intensifièrent à
partir de la deuxième semaine de février, les positions de la garde étant
bombardées en moyenne toutes les deux heures. Confrontés à la difficulté
d’atteindre des véhicules enterrés, les américains recoururent à des bombes
guidées par laser pour toucher les blindés irakiens, les repérant de nuit grâce
à leurs appareils de visions thermiques. A la fin de la campagne aérienne, les
renseignements militaires américains estimaient avoir diminué la capacité
opérationnelle des trois divisions blindées et mécanisées de la garde de 23 à
46% selon les unités.
Etat des unités de la garde républicaine, en
pourcentage de leur dotation théorique à effectifs pleins à la fin de la
campagne aérienne
Division
|
% de l’effectif théorique
|
Hammourabi
|
77
|
Al-Madina al-Munawwara
|
54
|
Tawakalnah al-Allah
|
58
|
Al-Fao
|
100
|
Nabuchodonosor
|
88
|
Adnan
|
83
|
D’après
Rebecca Grant in Air Force Magazine, mars 2003
La mère de toutes les batailles
La phase
terrestre des opérations débuta au petit matin du 24 février 1991. Le plan de
manœuvre coalisé mettait à profit les faiblesses du dispositif irakien. Dans un
premier temps, deux divisions de Marines
américaines, flanquées par des contingents arabes, attaquèrent frontalement les
lignes irakiennes au Koweït, pour masquer l’axe d’attaque principal et attirer les
réserves ennemies. Quelques heures après, le VIIèmecorps américain
du lieutenant-général Franks devait pénétrer en Irak à la hauteur de Bassora,
puis bifurquer vers le Koweït et prendre à revers les divisions de la garde
républicaine. Déjà assaillie sur son front par les Marines, l’armée d’occupation irakienne se verrait ainsi coupée de
ses arrières. Il s’agissait d’une manœuvre classique de débordement de
l’adversaire par les flancs associée à une feinte sur l’axe d’attaque escompté
par l’ennemi, présentant certaines similitudes avec le plan jaune allemand de
1940.
Simultanément,
le XVIIIème corps aéroporté pénétra en Irak depuis la frontière
saoudienne avec pour objectif ultime de couper les liaisons terrestres entre
Bassora et Bagdad, puis de descendre vers Bassora afin de détruire les unités
de la garde républicaine stationnées entre cette ville et la frontière koweïtie
en coordination avec le VIIème corps. Le corps aéroporté ne
rencontra pratiquement pas d’opposition lors de son avance, et le 25 février,
sa 101st Airborne Division établit
une position de blocage dans les environs de la ville de Nasiriya. Sa formation
la plus puissante, la 24th Infantry
Division(infanterie mécanisée), pénétra ensuite dans la vallée de
l’Euphrate où elle mena de violents combats contre des éléments bien retranchés
appartenant aux 47ième et 49ième divisions d’infanterie
de l’armée régulière, à la division Nabuchodonosoret
à une brigade de commandos, avant de s’emparer des bases aériennes de Tallil et
Jabbah le 27 février. Dans la matinée, le quartier général de la garde
républicaine rapportait l’effondrement de la 21ièmebrigade de la
division Adnan, dont l’artillerie
avait blessé 23 soldats américains la nuit précédente avant d’être réduite au
silence par les tirs de contre-batterie de ces derniers. Les divisions Nabuchodonosor, Adnan et Al-Fao avaient
été positionnées à 46 kilomètres de Bassora afin de défendre les approches de
la digue permettant la traversée du lac Hammar et de l’autoroute reliant
Bassora à Bagdad. L’avance de la 24th
Infantry Division les contraignit cependant à se replier vers Bassora.
Les
Irakiens n’avaient pas détecté les immenses concentrations de troupes faisant
face à leur flanc dégarni avant le 18 février, où un rapport urgent des
services de renseignement fut adressé au secrétariat de la présidence. Même
plusieurs heures après le déclenchement de l’offensive coalisée, le raïsrefusa d’ordonner le retrait de
troupes du Koweït pour renforcer les secteurs menacés, de crainte de fragiliser
l’ensemble du dispositif irakien. Mais, le 25 février, confrontés à la vitesse
de la progression ennemie et prenant conscience de la menace, les Irakiens se
résolurent à organiser le retrait de leurs unités du Koweït et la défense de
Bassora. La division Tawakalnah al-Allah reçut
l’ordre de couvrir la retraite, alors que la division Al-Madina al-Munawwara devait établir une position de blocage au
Sud de Bassora, et la division Hammourabi,
se replier. Les mouvements irakiens furent compliqués par les chaînes de commandement
distinctes de la garde républicaine et de l’armée régulière, cette dernière
étant souvent laissée dans l’ignorance des positions occupées par la première.
Le sacrifice de la Tawakalnah al-Allah
Le sacrifice de la Tawakalnah al-Allah
L’assaut
principal, mené par le VIIème corps du lieutenant-général Franks,
démarra le dimanche 24 février, une dizaine d’heure après ceux des Marines et du XVIIIèmecorps.
Il était composé des 1st Infantry
Division (infanterie mécanisée, surnommée la Big Red One), des 1st and3d Armored Divisions (blindées), de la 1st Armored Division britannique
(blindée), du 2d Armored Cavalry Regiment (blindé, équivalent à une
brigade) et de la 11th Aviation Brigade,
ainsi que de quatre brigades d’artillerie de campagne. Ces unités alignaient un
total de 1587 tanks, 1502 VCI, 669 pièces d’artillerie et 223 hélicoptères
d’attaque.
Après
avoir percé les défenses frontalières, le corps effectua sa rotation vers l’Est
le 26 février, laissant à la 1st Armored
Division anglaise le soin de réduire les unités de l’armée irakienne situées
au Sud de son axe de progression, et se dirigea droit sur les positions de la
division Tawakalnah al-Allah. Le jour
précédent, cette dernière avait réorienté son dispositif, à environ 130
kilomètres de Koweït City, pour faire face au VIIèmecorps, et s’était
vue renforcée par les restes de la 12ième division blindée de
l’armée, très affaiblie. Entre le 26 février à 15h30 et la fin de l’après-midi
le jour suivant, les gardes républicains furent anéantis par une succession
d’assauts menés par le 2d Armored Cavalry
Regiment, la Big Red One, puis la 3d
Armored Division et la 1st Armored
Division. En tout, l’équivalent de neuf brigades américaines participa à la
bataille. A lui seul, le 2d Armored
Cavalry Regiment comptait 125
tanks M1A1alors que la 3d Armored
Division alignait 316 M1A1 et 285 VCI Bradley.
En bon tacticien, le lieutenant-général Franks était parvenu à masser puis à
lancer une force écrasante contre son objectif. Les combats furent cependant
âpres ; à deux reprises, les brigades de la Tawakalnah
al-Allah parvinrent à stopper la progression ennemie pendant plusieurs
heures, et les américains perdirent durant la bataille neuf M1A1, sept Bradley, onze tués et cinquante-cinq
blessés, victimes de tirs irakiens ou fratricides.
La
division Al-Madina al-Munawwarane
tarda pas à subir à son tour la
puissance des formations blindées américaines. Sa 2ième brigade
blindée avait pivoté vers l’Ouest et établi une ligne défensive longue d’une
dizaine de kilomètres à l’abri d’une crête. Le 27 février, elle fut assaillie
par les 166 M1A1 de la seconde brigade de la 1st Armored Division. Après un bref combat, l’unité irakienne fut
anéantie, les américains rapportant la destruction de soixante T-72 et de
plusieurs dizaines de VCI sans subir de pertes.
La fin des opérations
Le 27
février au soir, prises entre le marteau de la progression des XVIIIèmeet
VIIème corps et l’enclume des cours d’eau de la région de Bassora,
dont la plupart des points de franchissement avait été bombardés, les unités
survivantes de la garde républicaine étaient confrontées à la perspective d’un
anéantissement certain durant la journée suivante. Au petit matin, Radio Bagdad
avait diffusé un ordre de retrait à toutes les unités au Koweït.
Paradoxalement, à ce moment, le commandement irakien ne se considérait pas
comme vaincu, estimant que l’état des divisions Hammourabi et Adnan était
« bon », et que la division Al-Madina
al-Munawwara restait opérationnelle à plus de 50 %. Ces unités auraient
pourtant pu être dans un état bien pire ; les attaques aériennes de la
coalition visant les secteurs où elles se déplaçaient diminuèrent en effet
considérablement ce jour-là.
Une colonne de BMP-1 détruits non loin de l'Euphrate (via Wikimedia) |
Pour
minimiser les risques de bombardements fratricides, les commandants de corps
américains délimitaient avec l’US Air
Force un secteur dans lequel seules les frappes aériennes guidées par des
contrôleurs aériens avancés accompagnant les troupes étaient possibles, à cause
du risque d’imbrication entre unités coalisées et irakiennes dans les secteurs
concernés. Hors, anticipant des mouvements rapides et sur de longues distances,
les états-majors des XVIIIèmeet VIIème corps délimitèrent
des zones très étendues pour la journée du 27 février. Il en résulta que
plusieurs des divisions de la garde républicaine se trouvaient à l’intérieur de
celles-ci, à l’abri d’attaques dirigées depuis les airs, mais aussi hors de vue
des observateurs américains au sol. Ainsi, les divisions Nabuchodonosor,Adnan, Al-Madina al-Munawwara et Hammourabise trouvèrent protégées du
gros des frappes aériennes. Alors que les commandants de corps américains se
préparaient à donner le coup de grâce aux unités irakiennes dans la journée du
28 février, le général Norman Schwarzkopf, croyant que la garde républicaine
avait déjà perdu toute cohésion et l’ensemble de son matériel lourd, ne souleva
pas d’objections lorsque fut prise la décision de proclamer un cessez-le-feu
pour le 28 février au matin. Grâce à cette erreur d’appréciation, la garde
échappa à l’anéantissement, et même diminuée, resta un atout majeur pour le régime
de Saddam Hussein.
Les
américains prélevèrent cependant un dernier tribut avant de quitter l’Irak. Le
2 mars, un combat de plusieurs heures, causé par des tirs d’armes légères
contre des soldats américains au petit matin, opposa la 17ième
brigade de la division Hammourabi à
la 24th Infantry Division. La brigade
irakienne, se déplaçant à l’extrémité Sud de la digue traversant le lac Hammar,
était déployée en colonne et fut littéralement massacrée par les tanks
américains appuyés par les tirs de cinq bataillons d’artillerie et plusieurs
compagnies d’hélicoptères de combat. Les Américains comptèrent 30 carcasses de
tanks, 147 d’autres blindés et 400 de camions et Jeeps. Un seul M1A1 fut
détruit dans l’affrontement.
La mort des lions de Babylone
L’écrasante
défaite subie par les forces armées irakiennes en janvier et février 1991
surprirent le monde. Certes, personne ne pensait qu’elles auraient pu prévaloir
contre la coalition, mais bien peu se seraient doutés qu’un effondrement aussi
rapide soit possible. Cependant, la dissolution des divisions d’infanterie
stationnées le long des frontières n’est pas si surprenante. En plein désert,
une armée dépend totalement de son approvisionnement, même pour couvrir ses
besoins en eau. Hors, la chaîne logistique irakienne fut annihilée par la
campagne aérienne alliée, laissant les soldats isolés et affamés, et soumis de
surcroît à des bombardements massifs. Sur ce type de terrain, des unités peu ou
pas mécanisées, quel que soit leur taille, sont à la merci d’un opposant plus
mobile. Les mêmes causes avaient produit les mêmes effets dans le désert libyen
en 1940.
L’ensemble
des unités de la garde républicaine et certaines de l’armée se battirent
néanmoins avec acharnement, mais sans réussir à infliger des pertes conséquentes
à leur adversaire. La cause première de la défaite ne fut donc pas,
contrairement à l’impression que pourrait laisser penser les nombreuses images
de prisonniers alors diffusées dans les médias, une absence de combativité
universelle au sein de l’appareil militaire irakien. La question reste entière,
comment une armée nombreuse et expérimentée put-elle être balayée en une
centaine d’heures ? La puissance militaire de l’Irak était-elle seulement une
illusion ? Les affrontements entre les divisions Tawakalnah al-Allah et Al-Madina
al-Munawwara, deux des meilleurs unités irakiennes, et le VIIème
corps américain peuvent amener des éléments de réponse.
Le
dispositif tactique de la Tawakalnah
al-Allah, hâtivement constitué, était classique. Une zone de sécurité
faiblement défendue servait à détecter les axes de pénétration de l’ennemi et à
le ralentir. Elle était suivie d’une zone d’opération, ou ligne de défense
principale, où étaient stationnées le gros de l’unité, et enfin d’une zone
arrière, où étaient positionnés les appuis et la logistique. Tant dans le cas
de la division Tawakalnah al-Allah
que dans celui de la 2ième brigade de la Al-Madina al-Munawwara, les Irakiens avaient établi dans la mesure
du possible leurs positions derrière une crête, afin de rendre vulnérables les
tanks ennemis au moment où ils en franchissaient le sommet tout en restreignant
la distance à laquelle ils pouvaient détecter et engager les blindés irakiens.
Pourtant, ces dispositions eurent très peu d’effet sur l’écrasante supériorité
tactique détenue par les troupes américaines. Le plan défensif des deux
divisions comptait des lacunes, mais les raisons de l’infériorité irakienne
doivent avant tout être recherchées dans les caractéristiques de son
adversaire.
Ces deux
batailles, passées à la postérité sous le nom de 73 Easting et Medina Ridge,
impliquèrent des unités du VIIème corps de l’US Army. Cette formation était basée en Allemagne, et sa mission
consistait à contrer une éventuelle offensive de l’armée rouge. Il en résultait
qu’elle était très bien entraînée et équipée. Les meilleures unités mécanisées
irakiennes affrontèrent bien leurs alter
egos américains. A niveau égal, les unités américaines avaient une
puissance de feu bien supérieure à celle de leurs homologues irakiennes. Une
division blindée américaine disposait par exemple d’un bataillon d’hélicoptères
de combats Apache pour l’appuyer. Dans l’ensemble, le matériel était bien
supérieur, comme l’illustre l’évocation de deux systèmes d’armes dont le rôle
allait être prédominant pour déterminer l’issue de ces combats. Les échelons
subalternes irakiens avaient de surcroît été laissés dans l’ignorance de
l’infériorité de leurs équipements, et par extension, de la nécessité
d’élaborer des tactiques pour compenser celle-ci.
Le cheval
de bataille des unités blindées américaines était le M1A1 Abrams. Il
surclassait les T-72 alignés par les gardes républicains dans deux domaines
essentiels: le blindage et la puissance de feu. Les chars du VIIèmecorps
disposaient d’une conduite de tir leur permettant d’engager leurs adversaires
irakiens à distance de sécurité, soit en restant en dehors de l’enveloppe de
tir de l’armement des chars irakiens. De nuit ou dans les conditions visuelles
exécrables régnant de jour sur le champ de bataille lors des affrontements, le
système de vision thermique des Abrams leur conféra un autre avantage majeur.
Les missiles antichars AT-3 Sagger de conception soviétique utilisés par les
Irakiens avaient un inconvénient majeur. L’opérateur devait guider le missile
jusqu’à sa cible manuellement, à l’aide d’une manette. Il s’agissait d’une procédure bien plus complexe et difficile
que pour les missiles TOW américains, qui se calaient sur le faisceau
infrarouge émis par le poste de tir, l’opérateur n’ayant qu’à garder sa cible
au centre de son réticule de visée.
Les
soldats de l’US Army avaient reçu un
entraînement beaucoup plus poussé que leurs adversaires de la garde
républicaine, en prévision des immenses combats mécanisés susceptibles
d’éclater au Centre de l’Europe contre les puissantes forces blindées du pacte
de Varsovie. Par ailleurs, l’humiliation de Vietnam avait été à l’origine de
profondes mutations au sein de l’institution militaire américaine. La doctrine
de l’US Army débuta alors une
évolution qui dura plusieurs années, avant de déboucher sur la publication du
manuel FM 100-5 dans les années 80. Celui-ci prônait notamment l’usage de la
manœuvre, la recherche de la bataille en profondeur et une combinaison
interarmes poussée au maximum, le tout connu également sous le nom de doctrine Air Land Battle. La division Tawakalna Ala Allah se trouva ainsi non
seulement soumise à des tirs d’artillerie et attaquée sur son front par des
blindés supérieurs aux siens, mais fut aussi victime des hélicoptères d’assaut
opérant contre ses arrières. Le tempode
l’assaut américain satura les capacités de réaction du commandement
divisionnaire qui perdit rapidement le contrôle de la bataille. Le fait que les
obus tirés par l’artillerie irakienne tendaient à tomber derrière les pointes
américaines ou que des équipages de blindés furent surpris en dehors de leurs
véhicules à plusieurs reprises illustre l’incapacité des unités de la garde
républicaine à réagir à une vitesse adaptée aux mouvements ennemis.
Sur le
plan stratégique, le pouvoir politique américain avait aussi compris les
dangers de l’interminable montée en puissance des forces engagées au Vietnam
ainsi que celle des différentes campagnes de bombardement visant le Nord de ce
pays. L’engagement militaire dans le Golfe fut donc massif dès le début et les
objectifs donnés aux militaires précis. Le président Bush résista par ailleurs
à la tentation de s’immiscer dans le planning opérationnel et tactique des
forces armées contrairement à ses prédécesseurs deux décennies auparavant, et à
Saddam Hussein, dont le rôle de chef de guerre ressemblait à celui joué par
Josef Staline lors de la « grande guerre patriotique ».
Que ce
soit sur le plan matériel, celui de l’entraînement, de la doctrine ou encore
celui de la stratégie, les forces armées irakiennes durent affronter un
adversaire contre lequel elles ne pouvaient pas gagner. Mais, tout comme la
défaite française de 1940 fit rétrospectivement et exagérément passer le statut
de grande puissance militaire de la France au rang d’ineptie, l’anéantissement
des troupes irakiennes défendant le Koweït put induire en erreur. Malgré toutes
leurs limites, en 1990, les forces armées irakiennes étaient au moins aussi
capables que l’armée égyptienne lors de la guerre du Yom Kippour en 1973, ou
que l’armée syrienne en 1982. Hors celles-ci étaient parvenues à mettre
sérieusement en difficulté Tsahal
dans des guerres conventionnelles. La garde républicaine à elle seule
surclassait sans difficultés les armées richement équipées et financées mais
peu professionnelles des monarchies du Golfe, Arabie Saoudite en tête. Le raïs irakien imposa donc à ses
militaires, pour reprendre la formule consacrée, de combattre le mauvais ennemi
au mauvais endroit et au mauvais moment.
Chapitre
III : Un déclin de douze ans
Intifada
Alors que
le cessez-le-feu entre les troupes irakiennes et la coalition entrait en
vigueur, une nouvelle menace mortelle pour le régime apparut. Dans tout le
pays, le retour des conscrits de l’armée régulière défaite au Koweït si fit de
manière désorganisée, leurs unités s’étant dissoutes dans les combats. Certains
de ceux-ci manifestèrent leur révolte en tirant sur des portraits de Saddam
Hussein dans le Sud du pays. Ces gestes de rébellion furent l’étincelle qui
déclencha un soulèvement qui se répandit au début du mois de mars dans les
villes de Bassora, Karbala, Nadjaf et Koufa, dont la population était
majoritairement chiite. Les insurgés s’en prirent prioritairement aux antennes
locales du parti unique et des organes de sécurité, lynchant les membres sur
lesquels ils mettaient la main.
A l’autre
extrémité du pays, dans le Kurdistan irakien, la débâcle du Koweït encouragea,
à partir du 5 mars, le Front du Kurdistan Uni, composé principalement du PDK
(Parti Démocratique Kurde) et de l’UPK (Union Patriotique du Kurdistan), à
faire descendre des montagnes ses 15'000 peshmergas
pour soutenir les soulèvements ayant éclaté dans les villes en plaine. A la
différence de l’intifada au Sud,
l’insurrection avait été planifiée par les mouvements indépendantistes kurdes.
Les villes de Ranya, Souleimanie, Arbil et Kirkuk tombèrent entre le 5 et le 20
mars 1991. Les forces gouvernementales présentes dans la région ; armées
régulière, milices kurdes progouvernementales et Jeish Al Shabi n’opposèrent pratiquement pas de résistance aux peshmergas. La 24ième
division de l’armée s’effondra en quelques heures sans combattre, alors que les
soldats de l’armée populaire firent massivement défection. Seules les membres
des antennes locales des services de renseignements opposèrent une résistance
acharnée, conscients du sort que leur réserverait la population en cas de
capture. Deux semaines après le début des soulèvements au Nord et au Sud, le
régime ne contrôlait plus que 14 des 18 provinces irakiennes.
Dans le
Sud, la progression de l’insurrection fut ralentie par le manque d’organisation
inhérent à ce type de soulèvement spontané. Les rebelles ne parvinrent pas à
s’organiser pour monter vers Bagdad en mettant à profit le chaos généralisé
frappant le pays et les structures répressives du pouvoir. Mais le coup de
grâce vint des Américains, qui refusèrent de soutenir l’intifada de crainte qu’elle ne soit manipulée par l’Iran. L’abandon
de l’initiative par les insurgés et le« lâchage » politique de Washington permirent
au régime de contre-attaquer. La garde républicaine, dont la plupart des
divisions étaient restées opérationnelles, servit de fer de lance à la riposte
du raïs. Appuyée par des
hélicoptères, elle contre-attaqua à partir du 9 mars, et écrasa l’insurrection
à Bassora la semaine suivante, la dernière ville révoltée, Karbala, étant
reprise le 16 mars. La reconquête menée par les gardes républicains fut brutale
; face à des adversaires munis d’armes légères, ils utilisèrent des chars
d’assaut et de l’artillerie de manière intensive, y compris aux alentours des
lieux saints présents dans certaines des cités insurgées. A Bassora, les
combats puis la féroce répression qui suivit l’intifada firent au minimum un millier de morts dans la population.
Le Sud
mâté, les forces de régime se retournèrent contre les peshmergas. Dès le 20 mars, ceux-ci durent affronter 5'000 soldats
iraniens de l’Armée de libération Nationale (ALN) autour de Kirkuk. Puis, dans
les derniers jours du mois, deux divisions blindées de la garde républicaine
lancèrent un assaut frontal contre la ville accompagné d’un mouvement tournant
pour couper les voies de retraites ennemies. La dernière ville importante tenue
par les peshmergas, Souleimanie,
tomba à son tour le 2 avril 1991. Un cessez-le-feu imposé par les Nation-Unies
entra ensuite en vigueur le 19 avril, mettant fin à l’exode massif des
populations civiles. Les combattants kurdes, équipés d’armes légères, ne
pouvaient affronter les forces mécanisées du pouvoir central en terrain ouvert.
Bien que des éléments de l’armée et de l’ALN, bras armé de l’Organisation des
Moujahidins du Peuple Iranien participèrent à la répression au Kurdistan aux
côtés des forces de la garde républicaine, c’est bien cette dernière qui fut le
socle sur lequel régime s’appuya pour reprendre le contrôle des provinces
perdues.
Les légions d’Ubu
Plusieurs
facteurs déterminèrent l’évolution des forces armées irakiennes durant la
décennie précédent la chute du régime. Le premier de ceux-ci était la crainte
croissante de Saddam Hussein d’être victime d’un coup d’état. De fait plusieurs
tentatives eurent lieu durant cette période. Ainsi, en juin 1996, une vaste
conspiration, soutenue par la Central
Intelligence Agency américaine, fut découverte par les services de
renseignement. Des membres de l’armée régulière et de la garde républicaine
étaient impliqués dans le complot. Quelques mois plus tôt, le 7 août 1995,
Hussein Kamel, l’un des hommes les plus influents du cercle intérieur du
pouvoir irakien, gendre du président et responsable de la garde républicaine,
avait fait défection en Jordanie avant de revenir en Irak et d’être exécuté.
Ces événements ne firent qu’amplifier la tendance du régime à diviser son
appareil militaire en branches séparées et rivales. Par ailleurs, les
soulèvements de 1991 avaient constitué une alerte sérieuse pour le pouvoir en
place, qui consacra une part importante de ses ressources militaires à prévenir
la résurrection d’une telle menace. Enfin la définition par Saddam Hussein des
adversaires potentiels à l’extérieur du pays joua également un rôle majeur dans
l’évolution des forces armées du pays. L’élaboration des grands axes
stratégiques de la politique de défense irakienne tendait à être biaisée, car
les avis du président irakien ne souffraient d’aucune contestation, et, à
partir de 1996, plus personne ne se risquait à énoncer des avis susceptibles de
causer son courroux. Par conséquent, une véritable culture du mensonge se
répandit à tous les niveaux de l’appareil d’état irakien.
En 1991,
le raïs avait redéfini les missions
de ses forces armées ; protéger le régime, se préparer à affronter un
adversaire régional, l’Iran et Israël étant les adversaires considérés comme
les plus probables, et enfin, se prémunir contre une attaque américaine. Le raïs irakien était convaincu que ces
derniers, par crainte de subir des pertes, ne se lanceraient jamais dans une
invasion terrestre de l’Irak, mais limiteraient leurs éventuelles actions à des
frappes aériennes, comme durant l’opération Desert
Fox en 1998.
La taille
de l’armée régulière avait été drastiquement réduite après Desert Storm, mais d’autres organes virent le jour. Issue de la
brigade de la garde républicaine dédiée à la sécurité présidentielle, la garde
républicaine spéciale, totalement autonome, fut créée en 1991 et comprenait
deux bataillons de chars T-72 ainsi que plusieurs bataillons d’infanterie
mécanisées et de commandos. Elle était spécifiquement chargée de la protection
de la capitale et des sites présidentiels. Les milices Al-Quods(Jérusalem) naquirent également durant cette période pour
pallier à la faillite du Jeish Al Shabi durant
l’insurrection de 1991. Leur mission consistait à écraser sans délais toute
tentative de soulèvement populaire. Dispersés dans tout le pays, les miliciens
de cette organisation étaient aussi chargés d’assurer la défense territoriale.
Leurs armes avaient été prélevées sur les stocks de l’armée. Une autre force
parallèle, les Fedayin Saddam,
apparut en octobre 1994. Dirigée par Oudaï Hussein, elle était aussi chargée de
la sécurité intérieure du pays, mais se composait de volontaires engagés à
plein temps, contrairement aux miliciens d’Al-Quods.
Ses membres étaient entraînés aux opérations de sabotage et de guérilla, mais
subissaient une discipline féroce, pouvant inclure l’usage de châtiments
corporels.
La garde républicaine en 2002
A la fin
de l’année 2002, la garde républicaine alignait encore trois divisions
blindées, trois divisions d’infanterie et les 3ièmeet 26ième
brigades Magawir. La composition de
ces unités reste difficile à établir, mais compte tenu des pertes subies en
1991, la dotation organique en matériel des brigades avait probablement été
réduite. Il paraît difficilement concevable que ces divisions aient dans leur
ensemble disposé d’une puissance de feu équivalente à ce qu’elle avait été
avant Desert Storm, même en tenant
compte des équipements rendus disponibles par la dissolution de plusieurs
grandes unités entre 1991 et 2002. Malgré cet affaiblissement, le poids relatif
de la garde républicaine comparé à celui de l’armée s’était fortement accru,
cette dernière ayant été réduite à 17 divisions après 1991.
Divisions blindées
Division
Hammourabi
|
8ième
brigade blindée
|
17ième
brigade blindée
|
|
15ième
brigade mécanisée
|
|
Division
Al-Nida
|
41ième
brigade blindée
|
42ième
brigade blindée
|
|
43ième
brigade mécanisée
|
|
Division Al-Madina al-Munawwara
|
2ième
brigade blindée
|
10ième
brigade blindée
|
|
14ième
brigade mécanisée
|
Divisions d’infanterie
Division
Bagdad
|
4ième
brigade
|
5ième
brigade
|
|
6ième
brigade
|
|
Division
Nabuchodonosor
|
19ième
brigade
|
22ième
brigade blindée
|
|
23ième
brigade
|
|
Division
Adnan
|
11ième
brigade
|
12ième
brigade
|
|
21ième
brigade
|
Compilé selon Saddam’s war, Saddam’s
generals, The Mother of All Battles, A View of Operation Iraqi Freedom
from Saddam’s Senior Leadership, Iraq Armes Forces Forum et le forum acig.
De toutes
ces grandes formations, seule la division Al-Nida
était, avec 500 blindés et 13'000 hommes, à effectif plein. Son commandant
bénéficiait d’une grande autonomie, car natif de Tikrit, la ville d’origine du raïs irakien. Son matériel, chars T-72,
VCI BMP-2, canons de 130 mm et 155 mm, était bien entretenu. Mais, dans l’
ensemble, la valeur opérationnelle de la garde républicaine était réduite
comparée à ce qu’elle avait pu être à la fin de la guerre Iran-Irak. L’embargo
sur les armes frappant le pays depuis 1990 avait rendu le remplacement du
matériel perdu impossible et l’approvisionnement en pièces de rechange
erratique. L’industrie d’armements locale n’était pas capable de remédier aux
effets de l’isolement du pays. Elle avait non seulement été durement frappée
durant Desert Storm, mais fut aussi
victime d’une gestion calamiteuse après la guerre. Ses capacités déjà
insuffisantes furent détournées dans des projets trop ambitieux au détriment
des besoins urgents émis par les forces armées. De plus, la garde républicaine
avait été affaiblie durant l’opération Desert
Fox ; une série de frappes aériennes lancées par les américains et les
britanniques en réaction à l’expulsion par les Irakiens des inspecteurs de
l’ONU chargés de la destruction des stocks d’armes de destruction massive du
pays. Neuf des cent objectifs visés durant l’opération appartenaient à la garde
républicaine.
Des gardes républicains photographiés en 2003 (via Wikimedia) |
Ses
difficultés n’étaient pas seulement d’ordre matériel. Après la défection
d’Hussein Kamel, la supervision de la garde républicaine échut à Koussaï
Hussein, un des deux fils du dictateur. Elle était continuellement espionnée
par les différents services de renseignements du régime, eux-mêmes mis en
situation de rivalité. Enfin, la taille de son propre bureau de surveillance
fut multipliée plusieurs fois après 1991, et finit par compter plusieurs
centaines d’hommes. Les commandants de divisions et de corps ne pouvaient
normalement pas déplacer leurs unités sans l’aval de l’état-major de la garde
républicaine. Ces officiers évitaient par ailleurs de se rencontrer de manière
informelle, de peur d’éveiller les suspicions. Cette atmosphère délétère ou
être soupçonné équivalait à être reconnu coupable ne pouvait que tuer tout
esprit d’initiative chez les cadres de la garde, leur survie dépendant d’une
obéissance aveugle et inconditionnelle aux ordres reçus. Autre exemple de cette
culture du cloisonnement et du soupçon, les officiers de la garde républicaine
ne disposaient pas de cartes de Bagdad, domaine réservé de la garde
républicaine spéciale, alors qu’ils étaient chargés de la défense de sa
périphérie. Une perte de professionnalisme et de compétence découla
inévitablement de la conjugaison entre paranoïa ambiante et pénuries
matérielles.
L’expérience
durement gagnée durant Desert Storm
ne se traduisit pas en évolution doctrinale significative. Pour Saddam Hussein,
l’arrêt de l’offensive de la coalition le 28 février 1991 était le fruit de la résistance héroïque des forces armées
irakiennes, et non un choix politique délibéré du président américain. Cette
version, que nul ne pouvait se risquer à contester, paralysa le processus de
retour d’expérience des cadres de la garde républicaine. Les principales leçons
retenues se limitèrent donc à l’importance de la dispersion et du camouflage
des unités.
La montée des périls
Les
attentats du 11 septembre 2001 offrirent à l’administration Bush junior un
contexte politique favorable à une politique étrangère agressive. Après le
renversement rapide du régime des talibans en Afghanistan, l’attention des
idéologues entourant le Président américain se tourna vers l’Irak. A leurs
yeux, renverser le régime baasiste et le remplacer par un système politique modelé
sur celui des Etats-Unis serait la première étape d’un vaste remodelage du
Moyen-Orient. « Contaminés » par les succès du nouveau pouvoir irakien, les
autres pays de la région ne pourraient qu’adopter le même modèle. Au terme de
ce processus, Washington ne compterait plus que des pays amis dans la région
stratégique du Moyen-Orient.
Cette
ambition se concrétisa, à partir de 2002, par une intense campagne de
dénonciation de l’Irak sur la scène internationale, et une longue série de
manœuvres diplomatiques visant à obtenir le soutien d’autres pays et la
bénédiction des Nations-Unies à une invasion de l’Irak. Parallèlement, la
pression militaire sur les forces irakiennes s’accrût. A partir du mois de juin
2002, la lutte opposant l’aviation américaine et le réseau de défense
anti-aérienne irakien dans le Sud du pays s’accentua fortement. Le 11 janvier
2003, le secrétaire d’état américain à la défense, Donald Rumsfeld, ordonna le
déploiement de 60'000 hommes dans le Golfe Persique. La Grande-Bretagne suivit
quelques jours plus tard en annonçant l’envoi de 26'000 hommes et 100 avions.
Parallèlement, le Koweït accepta de servir de base de départ à une invasion de
son grand voisin du Nord. Officiellement, cette montée en puissance
s’inscrivait dans une stratégie de coercition visant à garantir l’abandon par
le pouvoir irakien de toute capacité de stockage, de développement ou de
production d’armes de destructions massives. Saddam Hussein contribua à offrir
un casus belli à l’administration
Bush à cause des contradictions inhérentes à sa rhétorique. Il tendait à
vouloir simultanément convaincre l’Occident qu’il ne disposait plus de ce type
d’armes, tout en laissant entendre le contraire à d’autres publics pour
rehausser son prestige.
Le raïs irakien réagit à la menace en
définissant une nouvelle stratégie défensive qui prenait à contre-pied la
planification établie par les états-majors irakiens durant les années précédant
la crise. Le 18 décembre 2002, le nouveau plan fut présenté aux cadres de la
garde républicaine. Bagdad devait être protégée par une série de lignes
défensives concentriques dont elle constituait le noyau. Les troupes de la
garde devaient commencer par défendre la plus éloignée, puis retraiter en bon
ordre d’un cercle défensif à un autre tout en épuisant l’ennemi. Etabli par
Saddam Hussein et son entourage immédiat sans consulter les militaires, ce plan
était vague et ne tenait aucun compte des caractéristiques géographiques du
théâtre des opérations. Les officiers présents le 18 décembre durent se
contenter de prendre des notes. Le président irakien attendait des chefs de sa
garde qu’ils sachent faire preuve d’initiative et d’autonomie ; des
comportements qu’il avait pourtant découragé à des degrés divers tout au long
de son règne. Avant même que la guerre ne débute, la garde républicaine se
trouva ainsi dépourvue d’une stratégie cohérente et conforme à ses moyens. Les
préparatifs concrets pour faire face à l’invasion imminente furent limités.
A partir
de la mi-février 2003, des positions défensives furent préparées et les unités
se dispersèrent et se camouflèrent. Chaque blindé devait disposer de plusieurs
emplacements préparés à l’avance. Les soldats reçurent des rations et des
munitions pour un mois de campagne, et se virent alloués trois mois de solde.
La garde républicaine, déployée pour défendre les approches de Bagdad, était
divisée en deux corps. Le Ier corps, avec les divisions Hammourabi, Adnan, Nabuchodonosor et
la 26ièmebrigade de commandos, défendait le Nord de la capitale alors que le IIème corps protégeait le
Sud. Celui-ci comprenait les divisions Al-Madina
al-Munawwara, Al-Nida, Bagdad, la 3ième brigade de
commandos et une division de marche recrutée parmi les cadets des écoles
militaires de la garde.
Iraki Freedom
A la
mi-mars 2003, les américains et les britanniques avaient achevé leur montée en
puissance dans le Golfe Persique. Le refus de la Turquie de servir de base de
départ pour des opérations contre l’Irak contraignait les Alliés à mener leur
invasion sur un seul front, en partant du Koweït, où leurs troupes se
massèrent. La direction globale de l’opération, baptisée Iraqi Freedom, était placée sous l’égide du Central Command
américain du général Tommy Franks, également chargé des actions menées en
Afghanistan. La mise en œuvre de l’invasion relevait de la 3ième
armée du lieutenant-général David Mc Kiernan, chapeautant à son tour le Vème
corps de l’US Army, la 1st Marine
Expeditionary Force et le contingent fourni par les Anglais.
Le fer de
lance du Vème corps américain était la 3rd Infantry Division. Contrairement à ce que son nom laisserait
supposer, elle alignait près de 270 chars de combat Abrams, et l’ensemble de
son infanterie était transportée par des VCI Bradley. La majeure partie de la 101st Airborne Division et une brigade
de la 82nd Airborne Division, moins
lourdement équipées, complétaient les effectifs du corps. La 1st Marine Expeditionary Forcese
composait de la 1st Marine Division et
de la Task Force Tarawa, un
groupement ad hoc de la taille d’une
grosse brigade. Enfin, une unité hybride de blindés et d’infanterie légère, la 1st Armoured Division regroupait les
troupes anglaises.
L’ouverture
des hostilités approchant, des équipes de forces spéciales s’infiltrèrent en
Iraq pour recueillir du renseignement susceptible de favoriser l’avance
coalisée. La guerre éclata le 20 mars 2003 par des frappes aériennes
d’opportunité sur Bagdad, un renseignement ayant fait croire aux américains
qu’ils connaissaient la position précise de Saddam Hussein à ce moment. Contrairement
aux attentes irakiennes, les forces terrestres coalisées passèrent à l’attaque
dans les 24 heures suivantes, sans longue préparation aérienne comme cela avait
été le cas en 1991. En effet, le rendement militaire d’une telle campagne
aurait été amoindri par la dispersion des forces irakiennes dans des zones
habitées, contrairement à 1991, où elles étaient majoritairement concentrées
dans des régions désertiques. De plus, les Alliés craignaient que les dommages
collatéraux inhérents à ce type d’action ne permettent au dictateur irakien de
marquer des points sur le plan médiatique, devenu un front à part entière dans
toute guerre contemporaine.
Les
commandos de marine britannique de la 3rd
Commando Brigade, soutenus par les Marines
américains, débarquèrent sur la péninsule de Fao le 21 mars 2003, puis
s’emparèrent du port d’Umm Qasr après de durs combats. Les fusiliers marins
anglais rejoignirent ensuite les gros de la 1st
Armoured Division, dont la tâche était de s’emparer de Bassora.
Simultanément, la 3rd Infantry Division débutait
son avance parallèle à la vallée de l’Euphrate à travers le désert alors la 1st Marine Division entamait sa
progression vers Kut. L’objectif ultime des deux divisions américaines était de
prendre Bagdad le plus rapidement possible.
Ainsi sonne le glas
Le début
de la guerre surprit la division Nabuchodonosor
alors qu’elle était en transit entre ses casernements habituels de Kirkuk
et le sud de la capitale où elle devait renforcer le IIème corps. Au
cours de son périple de plusieurs centaines de kilomètres, la division dut
abandonner son matériel lourd de crainte de le voir détruit par les frappes
aériennes ennemies, et ses soldats furent contraints de se déplacer en petits
groupes pour minimiser cette menace. Malgré cela, lorsqu’elle se regroupa à
Al-Hilla, sa destination, l’unité avait perdu 10 % de ses effectifs et la
majeure partie de sa puissance de feu organique.
En
général, les mesures de camouflage et de dispersion des unités irakiennes
limitèrent leurs pertes tant qu’elles restaient statiques. Mais, le moindre
mouvement était fatal ; aussitôt détectées, elles subissaient les tirs
extrêmement précis de l’aviation. Lors de Desert
Storm, 10 % des armes tirées par les avions coalisés étaient guidées, alors
que durant Iraqi Freedom, cette
proportion était montée à 70 %. Les militaires américains avaient fait aussi
d’immenses progrès dans le recueil de renseignements durant la décennie
séparant les deux guerres. Ainsi, des drones surveillaient constamment le champ
de bataille. Les officiers irakiens ne pouvaient pas utiliser leurs moyens de
communications non-filaires de crainte d’être détectés, puis bombardés. L’effet
sur le moral de la troupe de la capacité ennemie à les frapper avec une extrême
précision de jour, de nuit et par tous les temps fut dévastateur.
Le sort
de la division Al-Nida illustre les
effets de la campagne aérienne. Bien camouflée et dispersée, elle subit peu de
dégâts durant la première semaine de guerre, seul un de ses bataillons
d’artillerie étant détecté et détruit. Les Américains parvinrent cependant à
localiser ses 42ième et 43ième brigades au début de la
deuxième semaine, et les soumirent à des attaques intensives durant plusieurs
jours. La division fut ensuite détachée pour renforcer le Iercorps,
mais, à la fin de son transfert, elle ne comptait plus, de l’aveu de son
commandant, que 1'500 hommes sur 13'000, 70 % des soldats ayant déserté. La
plus puissante division de la garde républicaine fut littéralement dissoute par
l’aviation de l’ennemi, sans même avoir pu affronter ses forces terrestres.
Dans les derniers jours du mois de mars, une autre unité, la division Bagdad, chargée de la défense d’Al-Kut,
affronta brièvement les Marines avant
de retraiter vers Abou Ghraib. A la fin de son repli, sa taille était inférieure
à celle d’une brigade.
Les
gardes républicains réussirent cependant à riposter contre l’armada aérienne
alliée à une reprise. Dans la nuit du 23 mars au 24 mars, 30 hélicoptères de
combat AH-64 Apaches du 11th Aviation
Helicopter Regiment de l’US Army furent
envoyés pour frapper la division Al-Madina
al-Munawwara. La formation fut prise à partie par un violent barrage de
tirs d’armes automatiques et de missiles portables après avoir survolé Karbala.
Les Irakiens avaient éteint puis rallumé l’éclairage de la cité pour donner le
signal de l’ouverture du feu à l’ensemble de leurs unités. Tous les appareils
engagés furent endommagés à des degrés divers par les tirs irakiens, même si un
seul d’entre eux fut abattu et son équipage capturé. Réutilisant la ruse
appliquée avec succès en 1991, les gardes républicains s’étaient abstenus de
dévoiler leurs positions anti-aériennes avant que des cibles vulnérables ne
s’aventurent à portée de tir. Contraints dès le début de l’affrontement à se lancer
dans des manœuvres évasives, les pilotes américains ne purent revendiquer que
la destruction d’une douzaine de chars, de quelques véhicules divers et six
canons antiaériens S-60 de 57 mm, un maigre bilan compte tenu de la puissance
de feu phénoménale de leurs AH-64.
T-72, abandonnés par leur équipages et qui survécurent aux frappes aériennes (via Wikimedia) |
Le 2
avril, La 1st Brigade de la 3rd Infantry Division parvient à
traverser l’Euphrate non loin de Karbala grâce un pont laissé intact par le
génie irakien sur ordre de Saddam Hussein. Le fleuve représentant le dernier
obstacle géographique majeur avant Bagdad, la réaction du commandement irakien
fut de mobiliser tous les moyens disponibles pour réduire la tête de pont
américaine. Des éléments de la 10ièmebrigade de la division Al-Madina al-Munawwara, de la 22ièmebrigade de la
division Nabuchodonosoret de la 3ième brigade Magawir, soutenue par les unités d’artillerie disponibles, furent
dépêchés par le IIème corps pour contre-attaquer. L’assaut irakien
eut lieu dans la nuit du 2 au 3 avril, les éléments mécanisés progressant sur
deux axes et les fantassins sur un autre. Peinant à coordonner leurs mouvements
en pleine nuit, les soldats irakiens se firent massacrer par la puissance de
feu américaine. Leurs blindés, équipés d’équipements de vision nocturne
obsolètes, furent détruits à longue portée par les tirs à longue portée des
Abrams, alors que leurs voies de retraites étaient pilonnées par les LRM
ennemis. A l’aube, les unités déjà décimées furent encore soumises aux attaques
aériennes. Les forces irakiennes laminées, la 3rd Infantry Division reprit sa progression et s’empara de
l’Aéroport International Saddam, dans la périphérie de Bagdad, dans la nuit du
3 au 4 avril 2003.
Simultanément,
la 2nd Brigadede la 3rd Infantry Division fut détachée au
Sud-Est de la capitale pour éliminer les 2ième et 14ièmebrigades
de la division Al-Madina al-Munawwara,
laissés en arrière par la progression américaine. Progressant sur deux axes,
les blindés américains prirent à revers les deux brigades simultanément. Les
Irakiens, attaqués par derrière et dont les blindés étaient dispersés dans les
palmeraies, furent incapables de réagir de manière coordonnée. Les soldats des
deux brigades désertèrent en masse sous le choc. La 17ième brigade
de la division Hammourabi fut
également anéantie à l’Ouest de la capitale par d’autres éléments de la 3rd Infantry Division. Dans les jours
suivants, des colonnes blindées américaines pénétrèrent dans Bagdad, surmontant
facilement l’opposition fanatique mais désorganisée des éléments irréguliers
cherchant à les stopper. Le 9 avril, une statue de Saddam Hussein fut renversée
sur la place Firdos, symbolisant la chute de la ville, tombée sans être devenue
le « Stalingrad sur le Tigre » que beaucoup craignaient. La résistance
organisée cessa avec la disparition du raïs
irakien.
L’inéluctable défaite
En 2003,
les gardes républicains ne se battirent pas avec le même acharnement que lors
de Desert Storm. A la différence de
la guerre précédente, ils connaissaient l’étendue de leur infériorité face aux
Américains. Usés par l’omnipotence de la menace aérienne, la plupart mirent à
profit la confusion due aux combats pour déserter. Ainsi, en 2003, la
résistance la plus acharnée fut le plus souvent l’œuvre des Fedayin Saddam. Il faut néanmoins tenir
compte du fait que ces derniers combattirent fréquemment en milieu urbain, plus
favorable que la campagne où les gros de la garde républicaine étaient
déployés.
Mais, la
faillite de la garde républicaine fut avant tout celle de son
haut-commandement. Il s’avéra, dès le déclenchement des opérations,
complètement coupé des réalités du terrain. Les informations transmises par les
chefs des Fedayin Saddam et les
dirigeants locaux du régime étaient le plus souvent lacunaires et d’un
enthousiasme trompeur. Le 1er avril 2003, alors que l’US Army débouchait de la trouée de
Karbala, Saddam Hussein ordonna le transfert de la division Al-Nida du IIème corps vers Ier.
Le raïs était convaincu que la
progression ennemie venant du Koweït était une diversion, et que l’offensive
réelle proviendrait du Nord en partant de la Jordanie.
Le volume
des forces terrestres coalisées était bien inférieur à ce qu’il avait été douze
ans plus tôt, mais la rapidité de leurs mouvements désorienta les Irakiens.
Ceux-ci ne disposaient pas de remède face à la mobilité alliée ; leur
suprématie aérienne interdisant à leurs brigades de manœuvrer. Avant même que
la guerre n’éclate, la seule liberté des Irakiens était de choisir leurs
positions défensives et d’abandonner l’initiative à l’ennemi sans même pouvoir
s’y adapter. Avec de tels désavantages, bien peu d’armées auraient pu mettre
les Américains en difficulté dans un combat conventionnel. De surcroît, comparé
à ses adversaires, la garde républicaine était mal armée et mal entraînée.
Conclusion
« Oui, les gardes jouent un rôle très important et
nous en remercions Dieu. Quand les historiens écriront sur la garde de
Napoléon, ils la placeront aux côtés de la garde républicaine irakienne »
Saddam
Hussein
Cette
affirmation du dictateur irakien peut faire penser, dans un premier temps, à
une de ces fanfaronnades dont il était coutumier mais sa comparaison contient
paradoxalement des éléments de vérité. Comme la garde consulaire puis
impériale, la garde républicaine recruta en partie en puisant parmi les
meilleurs éléments de l’armée régulière. Engagée dans les situations les plus
critiques, elle servit aussi de dernier rempart avant l’effondrement. Comme
pour sa consœur deux siècles plus tôt, sa montée en puissance eut
nécessairement pour effet symétrique un affaiblissement de l’armée. Néanmoins,
la garde républicaine, contrairement à son ancêtre française, portera toujours
une tache indélébile ; celle d’avoir aussi été un instrument de répression au
service d’un système totalitaire, et massivement utilisé en tant que tel. Mais,
il est vrai qu’aux yeux du dictateur irakien, les massacres de civils n’avaient
guère d’importance.
Cette
brève histoire de la garde républicaine montre à quel point l’efficience d’un
corps militaire ne peut être jaugée qu’en prenant aussi en compte le contexte
politique dans lequel il évolue. En effet, les attentes, ou en d’autres termes,
les missions implicites qu’il reçoit du pouvoir déterminent ensuite ses
capacités purement militaires. De fait, la garde républicaine navigua
constamment entre deux exigences antagonistes ; l’efficacité sur les champs de
bataille et une soumission absolue au régime. A l’origine simple organe de
protection des lieux de pouvoir, elle devint en quelques années une puissante
force armée capable de mener des opérations interarmes à l’échelle du corps.
Durant la longue guerre contre l’Iran, la survie politique du raïs reposait sur le succès de ses
troupes. Conscient de cela, il accepta le retour d’une relative autonomie
professionnelle au sein de celles-ci. Cette évolution chez Saddam Hussein
rappelle celle de Staline après l’enclenchement de l’opération Barbarossa. Face à un ennemi extérieur
et par pur pragmatisme, le dictateur redonne, à contrecœur, un peu de liberté
et d’autonomie à ses officiers. Puis, dès la fin de la guerre Iran-Irak et
encore plus après la défaite de 1991, le mouvement de balancier s’inversa, et
autant qu’un atout, la garde devint une menace potentielle. La surveillance
exercée à son encontre ne fit alors que s’accroître. Que cela se fisse
nécessairement au détriment de sa capacité militaire devenait secondaire. Pour
le raïs, la menace interne était
devenue plus forte que la menace externe.
Enfin, le
contraste entre l’efficacité de la garde républicaine en 1988 et ses cuisantes
défaites de 1991 et 2003 souligne qu’il est vain d’évaluer les performances
d’une armée sans prendre en compte les caractéristiques de ses adversaires.
Bibliographie
Zaloga Steven, et Laurier Jim, M1 Abrams vs T-72 Ural:
Operation Desert Storm 1991, Osprey Publishing, 2009.
Al-Marashi Ibrahim, Salama Sammy, Iraq's Armed Forces: An
Analytical History, Routledge, 2008.
Ward Steven R., Immortal: A Military History of
Iran and Its Armed Forces, Georgetown University Press, 2009.
Woods Kevin M., The Mother of All Battles: Saddam Hussein's
Strategic Plan for the Persian Gulf War, Naval Institute Press, 2008.
Woods Kevin M, Murray Williamson, Nathan, Elizabeth
A, Sabara Laila, Venegas Ana M, Saddam’s generals, Perspectives of the Iran-Irak War, Institute for
Defense Analyses, Alexandria, 2010.
Woods Kevin M, Murray Williamson, Holaday Thomas,
Elkhamri Mounir, Saddam’s
War, An Iraqi Military Perspective of the Iran-Irak War, National Defense
University, Washington, 2009.
Woods Kevin M, Pease Michael R, Stout Mark E, Murray
Williamson, Lacey James G.,Iraki Perspective Project, A View of Operation Iraqi Freedom from
Saddam’s Senior Leadership, Joint Center for Operational Analysis and
Lessons Learned .
Cooper Tom et Bishop Farzad, Iran-Iraq War in the Air
1980-1988, Schiffer Publishing, 2003.
Pelletiere Stephen C., The Iran-Iraq War: Chaos in a
Vacuum, Praeger, 1992.
Timmerman Kenneth R, Le lobby de la mort, Calmann-Lévy ,
1994.
Francona Rick, Ally to Adversary: An Eyewitness Account of
Iraq's Fall from Grace, Naval Institute Press, 1999.
Charbonnier
Victor, Les Moujahidins du Peuple iranien : un
combat douteux, Editions L'Harmattan, 2003.
Rottman Gordon,Armies of the Gulf War, Osprey
Publishing Limited, 1993.
Nordeen Lon, Isby David, M60 vs T-62: Cold War Combatants 1956-92,
Osprey Publishing Limited, 2010.
Zaloga Steven, T-72
Main Battle Tank 1974-93, Osprey Publishing Limited, 1993.
Jamieson Perry D, Lucrative Targets: The U.S. Air Force in the
Kuwaiti Theater of Operations, University Press of the Pacific, 2005.
Atkinson Rick, Crusade: The Untold Story of the Persian
Gulf War, Mariner Books, 1994
Cockburn
Andrew et Patrick, L’énigme Saddam, Editions Générales
First, 1999.
Bamarni
Ahmed, Au
printemps kurde, moi peshmerga, je donne mon âme, Ramsay, 1999.
Keegan John, The Irak War, Knopf, 2004.
Bernstein Jonathan, AH-64 Apache Units of Operations Enduring
Freedom and Iraqi Freedom, Osprey Publishing Limited, Oxford, 2005.
Forum de discussion du Air Combat Information Group (www.acig.org)
Iraq
Armed Forces Forum (http://iraqimilitary.org)
Cooper Tom, Iraqi invasion of Iran (www.acig.org)
Cooper Tom, Fire in the Hills: Iranian and Iraqi Battles of Autumn 1982
(www.acig.org)
Tom Cooper, Iraqi invasion of Kuweit (www.acig.org)
Bourque Stephen A, Correcting Myths about the Persian Gulf War
: The Last Stand of the Tawakalna, The Middle East Journal, The Middle
East Journal, Volume 51, Number 4, autumn 1997
Frank N. Schubert Frank N, Kraus Theresa L, The Whirlwind War The United States Army in
Operations DESERT SHIELD and DESERT STORM
(http://www.history.army.mil/books/www/WWINDX.HTM)
Grant Rebecca in The Great Escape, Air Force Magazine, mars 2003
(http://www.airforce-magazine.com/MagazineArchive/Documents/2003/March%202003/0303escape.pdf)
Manuel FM-100-5 ( http://www.fprado.com/armorsite/US-Field-Manuals/FM-100-5-Operations.pdf)
Rapport parlementaire britannique sur Desert Fox(http://www.parliament.uk/documents/commons/lib/research/rp99/rp99-013.pdf)
Globalsecurity (http://www.globalsecurity.org/military/ops/southern_focus.htm)
Synthese
sur Iraki Freedom de PBS (http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/invasion/cron/)
Nelson
Robert A in The Battle of the Bridges, numéro de
septembre-octobre 1995 du magazine Armor.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire