La
fin du premier conflit mondial en novembre 1918 ne met pas fin à
l'état de guerre dans les anciens belligérants. La guerre civile
russe bat son plein, la Hongrie de Bela Kun affronte la Roumanie,
l'Allemagne est la proie des insurrections, la Finlande, les pays
baltes et la Pologne combattent pour leur indépendance tout comme
les nationalistes irlandais de l'IRA.
Parmi
ces conflits de l'immédiat après-Première Guerre mondiale, il en
est un qui revêt une importance particulière bien qu'il soit
largement méconnu: la guerre d'indépendance turque de 1919 à 1922.
Ce conflit, où les troupes nationalistes turques dirigées par
Mustafa Kemal affrontent différents adversaires, s'inscrit dans le
mouvement des luttes de libération nationale qui touchent les
territoires des Empires multi-ethniques qui se sont effondrés en
1918. Pourtant la guerre d'indépendance turque possède une
originalité forte qui la distingue des autres conflits
« nationalitaires ». Les nationalistes turcs se veulent
en effet les héritiers de l'Empire ottoman vaincu, même s'ils le
conçoivent centré uniquement sur la nation turque et veulent
profondément le moderniser. Leur combat est donc essentiellement
mené contre ce qu'ils considèrent comme le diktat imposé par les
Alliés au peuple turc et qu'incarne le traité de paix de Sèvres.
La
nation vaincue en 1918 reprend les armes contre ses vainqueurs et,
contrairement à l'Allemagne, elle va parvenir à imposer ses vues et
à faire reculer les Alliés.
David FRANCOIS
Le
démembrement de l'Empire ottoman.
Le 30 octobre 1918,
l'armistice de Mudros met fin à la guerre entre les puissances de
l'Entente et l'Empire ottoman. Le texte signé garantie aux Alliés
le droit d'occuper les forts qui contrôlent les détroits des
Dardanelles et du Bosphore ainsi que celui d'occuper n'importe quelle
partie du territoire ottoman en cas de désordre menaçant leur
sécurité. Les Alliés font également savoir qu'ils n'entendent pas
remettre en cause l'intégrité du pays ou occuper Istanbul. Mais le
13 novembre une brigade française entre dans la capitale ottomane
tandis que des navires français, britanniques, italiens et grecs
débarquent des troupes dans les environs. Le lendemain des troupes
française et grecques occupent également la Thrace orientale. Au
total 3 500 soldats français, britanniques et italiens débarquent à
Istanbul.
Dans le sud de
l'Anatolie, le 1er décembre les troupes britanniques de Syrie
prennent Kilis. Les Français quant à eux pénètrent en Cilicie.
Avec l'aide de la légion arménienne, le colonel Raymond arrive à
Adana le 25 novembre 1918 tandis que les troupes ottomanes se
retirent au nord du Taurus. Les Français en profitent pour prendre
rapidement le contrôle d'Antakya, Mersin, Taurus, Osmaniye et
Islahiye.
Peu
à peu les Alliés s'installent donc dans le pays. Les Britanniques
prennent
également pied sur les bords de la mer Noire pour entrer en contact
avec la République démocratique arménienne. Le 1er décembre, les
troupes britanniques occupent ainsi Kars qui sera prise par les
Arméniens en mai 1919. Les
Français occupent sur la mer Noire les ports de Zonguldak et Eregli
et les zones minières qui les entourent et qui ne seront évacuées
qu'à partir de juin 1920.
Grecs
et Italiens, quant a eux, se déchirent sur le destin de l'Anatolie
occidentale. En décembre 1918, le premier ministre grec,
Eleuftherios Venizelos dit vouloir, selon les promesses faites par
les Alliés durant la Grande Guerre pour que son pays entre dans le
conflit, la Thrace et l'Asie Mineure. Il veut bien laisser Istanbul
aux Britanniques et propose de donner la province de Trébizonde à
l'Arménie. Mais le 28 mars 1919 pour devancer les Grecs, les
Italiens, à qui les Alliés ont promis durant la guerre un contrôle
du sud de l'Anatolie, débarquent à Antalya et avancent jusqu'à
Bodrum au sud-ouest et Konya au centre. Le 30 avril, l'Italie envoie
même un navire de guerre devant Smyrne pour intimider son allié
grec. Mais les Britanniques, qui soutiennent les revendications
grecques, parviennent à faire accepter par les Français et les
Américains l'idée d'un débarquement de troupes grecques en
Anatolie.
Le découpage de la Turquie selon le traité de Sèvres (source: Wikipedia.org)
Le
15 mai, 20 000 soldats de la 1ere division de l'armée grecque
débarquent donc à Smyrne. Sils sont accueillis en libérateur par
la population grecque et arménienne, cette présence étrangère
avive le sentiment national turc et des troubles éclatent. Ainsi un
nationaliste turc, Hasan Thasin tire sur les soldats débarquant dans
le port avant d'être lui-même abattu. Pour les Turcs ce geste
marque le début de la guerre d'indépendance. Les soldats grecs se
répandent alors dans la ville tuant et blessant des soldats turcs
désarmés ainsi que des civils. Les émeutes sont réprimées par
les troupes grecques qui instaurent la loi martiale. Le 28 mai les
Grecs débarquent également à Ayvalik au nord de Smyrne où ils
sont pris à partie par une unité ottomane régulière. Ils occupent
ensuite rapidement la péninsule de Karaburun et prennent le contrôle
de la fertile vallée de Menderes. En quelques semaines c'est
l'ensemble de l'arrière-pays de Smyrne qui est entre les mains de
l'armée grecque.
L'armée grecque entrent à Smyrne (source: Wikipedia.org)
Face
à la décomposition de l'État ottoman, des
troubles violents agitent la région du Pont en mars 1919 où les
populations grecques veulent créer leur propre État. La situation
s'aggrave dans cette région avec le débarquement de 200 soldats
britanniques à Samsun pour empêcher la création de conseils de
soldats, sur le modèle soviétique, dans l'armée turque. Le
ministre de l'Intérieur du Sultan propose alors d'envoyer Mustafa
Kemal mettre de l'ordre dans la région et le nomme donc commandant
de la 9e armée stationnée à Erzurum. Il pense que le héros de
Gallipoli est le mieux à même d'accomplir cette tâche. Le
30 avril, Mustafa Kemal est donc nommé inspecteur de la 9e armée
avec pour mission officieuse de réorganiser ce qu'il reste des
unités militaires ottomanes en Anatolie. Il devient ainsi le
dirigeant des forces ottomanes dans cette région avec la tache
d'arrêter la désintégration de l'armée. A ce titre il sélectionne
un état-major dont les membres viennent clandestinement d'Istanbul
et organise la contrebande d'armes
entre Istanbul et l'Anatolie.
Le
sursaut nationaliste s'amorce.
Pour
accomplir sa mission, Kemal peut compter au début de 1919 sur les
chefs militaires qui luttent pour éviter la désagrégation des
restes de l'armée. En Anatolie la 7e armée est vite dispersée et
il ne reste plus que l'inconsistante 2e armée. Dans le Caucase, la
9e armée retarde jusqu'au 25 janvier 1919 son retrait derrière la
frontière turco-russe de 1914 et sauve ainsi le gros de son
armement. A l'est Kazim Karabekir retire le 1er corps caucasien du
nord-ouest de la Perse et en traversant Batum récupère des canons
japonais et des munitions qu'il envoie à Trébizonde. Le noyau de la
future armée nationaliste se met progressivement en place.
Mustafa Kemal et ses officiers (source: Wikipedia.org)
Dans
les régions menacées par les troupes alliées des organisations qui
veulent à la fois défendre les droits des musulmans mais aussi
organiser la résistance armée se mettent en place. Ces
organisations de défense doivent empêcher la réalisation des
desseins alliés par la résistance passive ou active. Des officiels
ottomans participent et organisent ce mouvement tandis que des
militaires collaborent avec des bandes d'irréguliers pour organiser
la guérilla. Les munitions saisies
par les Alliés sont ainsi secrètement transportées d'Istanbul en
Anatolie centrale.
En
mai 1919 le mouvement national turc peut compter sur deux corps
d'armée, le 20e commandé par Ali Fouad à Ankara et le 15e à
Erzurum sous la direction de Kazim Karabekir mais également sur les
unités irrégulières dirigées par le lieutenant-colonel Ali
Cetinkaya et par des Circassiens comme Rest, Tevfik et Cerkes Ethem.
A la demande de Mustafa Kemal, l'amiral Rauf Bey coordonne l'action
de ces différents groupes tandis que la petite ville d'Ankara
devient le centre de l'organisation de la résistance nationaliste.
Mustafa
Kemal débarque le 19 mai à Samsun puis se rend à Havza. Son statut
de héros de la bataille de Gallipoli lui donne le prestige
nécessaire pour établir des contacts avec des militaires et des
nationalistes, notamment avec Rauf Bey et Ali Fouad, et ainsi
structurer le mouvement de résistance. Le 2 juillet, Kemal reçoit
pourtant un télégramme du Sultan lui demandant de cesser ces
activités nationalistes en Anatolie et de retourner à Istanbul. Il
refuse d'obtempérer. Des officiers nationalistes
proches de lui organisent un congrès à Sivas en juin 1919 qui se
donne pour but de rassembler les forces nécessaires pour combattre
les occupants alliés. Le Sultan ordonne alors l'arrestation de
Kemal. Les nationalistes répondent en septembre en mettant
sur pied un comité représentatif, embryon d'un véritable
gouvernement.
En
janvier 1920 la Chambre des députés ottomanes se réunit. En son
sein se forme vite un groupe nationaliste qui cherche à faire élire
Mustafa Kemal président de la Chambre. Pour mettre fin à cette
situation les Britanniques décident de placer la Turquie sous leur
contrôle. L'Anatolie doit selon eux être occidentalisée par des
gouvernements chrétiens. Le traité de paix de Sèvres traduit cette
orientation en plaçant une partie de l'Anatolie sous l'autorité de
la Grèce, de la République d'Arménie ou des Arméniens de Cilicie.
Le 15 mars les soldats britanniques occupent les principaux bâtiments
de la capitale ottomane et arrêtent les responsables nationalistes
qui sont déportés à Malte. Le 11 avril, le
dernier parlement ottoman est dissous sur ordre du Sultan. Le
système politique ottoman s'effondre donc en quelques jours et le
Sultan apparaît désormais comme une marionnette aux mains des
Alliés. De nombreux intellectuels, dignitaires et chefs militaires
se mettent alors au service de Kemal qui déclare que le seul
gouvernement légal turc est désormais le comité représentatif
d'Ankara. C'est dans cette ville que se réunit, en mars 1920, le
Grand Parlement National qui se choisit
comme président Mustafa Kemal et investit en avril un gouvernement
provisoire turc pour mener la résistance contre les Alliés. Pour
l'heure Kemal affirme toujours se battre pour le Sultan et afin de le
libérer de la tutelle des Alliés.
La
première tache de Mustafa Kemal est de former une armée. Pour cela
il se tourne vers les bolcheviks russes, trop contents de trouver un
partenaire pour lutter contre l'impérialisme occidental. Kemal
rencontre une délégation dirigée par le général Semyon
Boudienny. Les Soviétiques demandent seulement le contrôle des
territoires caucasiens sous souveraineté russe en 1914. Mais Kemal
répond qu'il ne peut prendre d'engagement tant que l'indépendance
de la Turquie n'est pas assurée. Pourtant le soutien soviétique est
pour lui d'une grande importance puisque les armes fournies
permettent d'organiser une véritable armée.
Le
Sultan, pour ôter toute légitimité au mouvement nationaliste,
lance une fatwa contre Kemal, suscitant ainsi des soulèvements,
armés par les Britanniques, en Anatolie contre les nationalistes.
Les autorités kemalistes les répriment violemment instituant des
tribunaux d'exception qui condamnent à la pendaison les rebelles
capturés. Ils doivent également rapidement affronter l'armée du
Sultan qui compte prés de 4 000 soldats et qui vient en aide aux
rebelles anti-kémalistes. Mais rapidement ces derniers sont écrasés
par les troupes circassiennes d'Ethem. Les forces nationalistes sont
éparpillé dans toutes l'Anatolie et les Britanniques envoient de
petites unités pour leur faire face et les empêcher de se
regrouper. Le 13 avril 1920 les premiers combats s'engagent à Düzce
puis s'étendent à Bolu et Gerede. Pendant un mois le nord-ouest de
l'Anatolie est ainsi le théâtre d'affrontements jusqu'à la
bataille prés d'Izmit le 14 juin. L'armée du Sultan et les unités
britanniques sont supérieures en nombre mais les soldats du Sultan
désertent en masse. Quelques jours plus tard les
troupes nationalistes, victorieuses, approchent d'Istanbul. Les
Britanniques sont prêts à battre en retraite et à faire sauter les
dépôts de munitions et d'armes. Mais les navires et les avions
anglais ouvrent le feu contre les troupes de Kemal les forçant à se
retirer.
Si
le danger kémaliste est écarté, la panique s'est emparée de la
capitale ottomane après la défaite des soldats du Sultan. Le
général britannique George Milne demande donc des renforts et
estime qu'il lui faut 27 divisions pour défaire les nationalistes.
Mais les Britanniques ne disposent pas de ces divisions et surtout
l'opinion publique ne peut accepter une intervention militaire de
cette ampleur alors que la Grande Guerre vient à peine de prendre
fin. Pourtant les Alliés ont des atouts: près de 38 000 soldats
britanniques et indiens, 59 000 soldats français dont des troupes
coloniales, 18 000 soldats italiens, entre 30 000 et 50 000 soldats
géorgiens constitués en unités irrégulières, 20 000 soldats
arméniens. Le contingent grec est le plus nombreux et passe de 80
000 hommes en 1919 à prés de 400 000 en 1922. Si les
Américains n'envoient pas de troupes, l'amiral Mark Bristol sert de
conseiller militaire. Mais ces forces sont dispersés et agissent
indépendamment les unes des autres. Surtout chaque nation se fixe
des objectifs propres qui entrent en concurrence avec ceux de leurs
partenaires.
Conscient
que le Sultan est incapable de venir à bout des nationalistes, les
Britanniques dispersent son armée et se tournent vers une troupe
bien entraînée, capable d'affronter les Turcs: l'armée grecque. Le
22 juin 1920 avec l'accord des Anglais, les Grecs passent à
l'offensive en Anatolie en direction du nord et de l'est. Ils
cherchent ainsi à asseoir leur domination sur l'Asie Mineure et
contrôlent rapidement l'ouest et une partie du nord-ouest de
l'Anatolie. En un mois ils occupent la coté égéenne au nord de
Smyrne et le rivage sud de la mer de Marmara. Bursa tombe le 8
juillet, et ils atteignent Usak au bord du plateau anatolien. Ils
envahissent également la Thrace orientale et prennent Edirne le 25
juillet.
Mustafa
Kemal et les nationalistes sont alors dans une situation critique.
Ils sont menacés par les Grecs à l'ouest mais également par les
Français au sud et les Arméniens au nord-est. La division qui règne
parmi les Alliés va leur permettre de renverser la situation.
La
guerre contre les Français en Cilicie.
En vertu des accords Sykes-Picot de 1916, les Français
prennent le contrôle du Liban et de la Syrie mais ils veulent
également étendre leur influence jusqu'aux montagnes du Taurus en
Cilicie. Ils débarquent à Mersin le 17 novembre 1918, 15 000
volontaires arméniens et 150 officiers français qui s'empare de
Tarse la 19. Avant la fin 1918 la France contrôle également les
trois provinces d'Antep, Maras et Urfa. Pour cela, elle s'appuie sur
des milices arméniennes tandis que les Turcs coopèrent avec les
tribus arabes de la région. Kemal envoie également des officiers
organiser la guérilla contre les Français.
La légion arménienne en Cilicie (source: Wikipedia.org)
A
partir de novembre 1919 des troubles éclatent à Maras qui devient
rapidement le théâtre d'une guérilla urbaine qui oblige Français
et Arméniens à quitter la ville en février 1920. La rébellion
s'étend rapidement à l'ensemble de la région. La
ville d' Urfa est reprise aux Français en mai 1920. Le 28 mai la
garnison française de Pozanti est capturé. A l'est, dans les monts
du Taurus, les Turcs prennent d'assaut le fort d'Haçin le 16
octobre. Les Français sont obligés
de battre en retraite.
Les forces françaises se retirent définitivement de
Cilicie en janvier 1922 après la signature des accords de Paris
conclus avec Mustafa Kemal mais dès la fin de 1920 les nationalistes
savent qu'ils n'ont plus rien à craindre sur ce front.
Troupes turques en Cilicie (source: Wikipedia.org)
La
lutte contre l'Arménie.
Les frontières entre la République d'Arménie et
l'Empire ottoman ont été fixé
par le traité de Brest-Litovsk en mars puis par le traité de Batum
en juin 1918. Mais après la victoire alliée, les Arméniens
demandent l'application du 14e point de la déclaration du président
Wilson. Les Américains sont alors favorables à l'idée d'accorder à
l'Arménie la souveraineté des territoires où les populations
arméniennes dominent. Dans le sud de l'Anatolie, les Français se
montrent également favorables à laisser la Cilicie sous domination
arménienne.
Mais la région du Caucase suscite aussi les ambitions
de la jeune Russie soviétique. Le 26 avril 1920 la 11e armée rouge
traverse l’Azerbaïdjan et s'empare de Bakou. L'Arménie est alors
directement sous la menace des Soviétiques. Pourtant le pays se
tourne vers l'ouest pour affronter les Turcs.
Ce sont les Arméniens qui en effet ouvrent les
hostilités en mai 1920 en attaquant la région minière d'Oltu. Le
gouvernement de Kemal prépare la contre-offensive en nommant le 9
juin Kazim Karabekir commandant du front oriental. Des escarmouches
ont lieux tous l'été entre Arméniens et Turcs mais le 13
septembre, 5 bataillons turcs du 15e corps d'armée pénètrent en
Arménie et s'emparent de Peniak obligeant les Arméniens à battre
en retraite vers l'est. Kemal, s’apercevant que les Alliés ne
réagissent pas à cette attaque, ordonne à Karabekir de poursuivre
son avance et de prendre Kars. Le 28 septembre 4 divisions du 15e
corps marchent sur Sarikamis provoquant la panique dans les rangs
arméniens. Mais les unités arméniennes parviennent à les empêcher
de s'emparer de Kars. Malgré les appels à l'aide du gouvernement
arménien, les Alliés n'interviennent pas tandis que la Géorgie se
déclare neutre. Le 24 octobre Karabekir lance 12 000 hommes et 40
canons contre Kars que les Arméniens abandonnent finalement le 30.
Une semaine plus tard les troupes turques prennent Alexandropole
(l'actuelle Gümrü). Le 6 novembre elles atteignent la frontière
orientale de la province de Kars et continuent d'avancer en
territoire arménien s'emparant de la vallée d'Igdir et du mont
Ararat. Le 12 novembre c'est le village stratégique d'Agin qui tombe
aux mains de Karabekir et lui ouvre les portes de la route pour
Erevan.
Les Arméniens acceptent finalement de signer un
armistice le 18 novembre avant d'accepter le 2 décembre le traité
d'Alexandropole qui annule toutes les dispositions du traité de
Sèvres en leur faveur. Mais il est déjà trop tard pour ce pays
puisque le 28 novembre la 11e armée rouge entre en Arménie et
l'occupe totalement pour la transformer en une république
soviétique. Le 16 mars 1921, Turcs et Soviétiques signent le traité
de Kars qui établis les frontières entre les deux parties. Le 12
février 1921, l'URSS attaque la Géorgie. Les Turcs en profitent
pour occuper les districts d'Ardahan et Artvin.
La
victoire contre les Arméniens sécurise les flancs nord et est de
Kemal mais surtout elle permet de libérer des troupes pour combattre
les Grecs sur le front ouest.
L'offensive
grecque.
Venizelos,
avec le soutien des Britanniques et des Français, est résolu a
faire appliquer les clauses du traité de paix de Sèvres signé le
10 août 1920. Ce traité, qui met fin à l'état de guerre entre les
Alliés et l'Empire ottoman, octroie la région de Smyrne et la
Thrace orientale aux Grecs. Pour les nationalistes turcs, cette
disposition est inacceptable et même le Sultan refuse de le
ratifier. C'est afin de convaincre les Turcs d'accepter le traité de
Sèvres que les Britanniques donnent le feu vert aux Grecs en
Anatolie.
Venizelos
lance son armée dans trois directions simultanément vers Aydın,
Afyonkarahisar et la mer de Marmara. Les Grecs sont convaincu de leur
supériorité d'autant qu'il ne rencontre qu'une faible résistance,
les Turcs préférant battre en retraite plutôt que de risquer la
destruction dans une bataille ouverte. Les quelques troupes
nationalistes turques d'Ali Fouad et les unités irrégulières
circassiennes d'Ethem ne peuvent donc les arrêter. Les partisans du
Sultan profitent alors de la situation pour prendre Konya tandis que
les Français reprennent leur progression en Cilicie. Face aux Grecs
les Turcs n'ont que des forces irrégulières qui collaborent mal
avec Kemal. A la suite du désastre de Gediz le 24 octobre 1920,
Kemal met définitivement ces milices au pas et les place sous
son autorité.
Les fronts de la guerre d'indépendance (source: Wikipedia.org)
En
octobre 1920, le roi de Grèce Alexandre meurt d'un empoisonnement du
sang. Les élections qui suivent ce décès sont une défaite pour
Vénizelos qui quitte le pouvoir tandis que le roi Constantin 1er
retrouve son trône perdu en 1917. Les Français et les Italiens
profitent de ce changement à la tête du pays pour retirer leurs
soutiens à la Grèce qui ne peut plus désormais compter que sur
l'appui britannique. Le nouveau roi veut néanmoins un succès en
Anatolie. Avant cela, il prend soin d'épurer l'armée de tous les
officiers partisans de Vénizelos pour les remplacer par des
monarchistes. Mais ces derniers
sont pour la plupart sans expérience du combat contrairement aux
venizelistes vétérans de la Grande Guerre.
L'armée
grecque repart à l'attaque
au début de 1921 pour couper les lignes de communications entre
Ankara et le reste du pays. Le 9 janvier 1921 les Turcs, commandés
par le colonel Ismet, en positions prés de la gare d'Inönü, sont
attaqués et reculent. Kemal envoient alors des renforts tandis que
les Grecs font demi-tour s'estimant en infériorité pour affronter
leurs ennemis. Ce que les Turcs appellent désormais la victoire
d'Inönü n'est en réalité qu'une escarmouche ne faisant qu'une
centaine de morts mais qui galvanise la résistance nationaliste.
Mustafa Kemal sur le front (source: Wikipedia.org)
Pour
régler le problème turc, les Alliés organisent alors une
conférence internationale à Londres. S'ils invitent une délégation
du Sultan, ils font de même avec les nationalistes qui sont donc
reconnu de facto comme un gouvernement légitime. Les Turcs réclament
le retour aux frontières de 1914 avec la Grèce, l'évacuation de la
région de Smyrne et acceptent le contrôle allié sur le Bosphore.
Les Grecs, qui sont persuadés d'avoir l'avantage stratégique sur le
terrain, rejettent ces demandes faisant échouer finalement la
conférence. Mais les Turcs ne repartent pas de Londres les mains
vides puisqu'ils en profitent pour signer un accord avec la France le
9 mars qui prévoit l'évacuation du sud de la Turquie à l'exception
du district d'Alexandrette. Le 12 mars, les Italiens acceptent
également de retirer leurs troupes entre avril et juillet. La parole
reste donc aux armes face aux Grecs mais Kemal a définitivement
sécurisé son flanc sud et surtout, après celui des Soviétiques,
il peut désormais compter sur le soutien de la France et de
l'Italie.
Les
Grecs repartent à l'offensive en mars en direction d'Eskisehir et
Afyonkarahisar. Le général Papoulas, commandant en chef de l'armée
grecque, attaque à nouveau les positions d'Ismet à Inönü le 26
mars avec les 37 000 hommes du 3e corps grec contre les 35 000
soldats turcs. Mieux armés, les Grecs prennent Metristepe le 27
tandis que les contre-offensives turques échouent. Le 31 mars Ismet
contre-attaque à nouveau obligeant les Grecs à battre en retraite.
Kemal
envoie alors des unités dans le sud où les Grecs ont pris la ville
d'Afyonkarahisar. La ville est reprise le 7 avril. Mais le mouvement
de débordement du général Refet échoue finalement et les Grecs
rétablissent leur ligne autour de Doumloupinar. Ils sont néanmoins
stoppés et Kemal en profite pour réorganiser l'armée et donner
l'ensemble du commandement à Ismet.
La
bataille de la Sakarya.
La
Grèce fait alors un ultime effort et rappelle de nouvelles recrues
pour porter les effectifs de son armée à 200 000 hommes en
Anatolie. Le 12 juin Constantin arrive à Smyrne et une offensive est
lancée le 10 juillet. 126 000 Grecs attaquent les 122 000 turcs qui
leur font face. Mais les premiers ont un net avantage matériel avec
410 canons contre 160, 4 000 mitrailleuses contre 700 et 20 avions
contre 4. L'attaque la plus importante se déroule au sud contre
Kütahya pour couper la voie ferrée qui relie cette ville à
Afyonkarahisar afin ensuite de poursuivre vers le nord pour s'emparer
du QG turc à Eskisehir.
La
bataille se déroule donc sur un large front entre Afyonkarahisar et
Kutahya. Ismet dont le gros des troupes stationnent toujours au nord
vers Inönü se retrouve vite en difficulté. Après une percée, les
Grecs s'emparent le 17 juillet de Kütahya et avancent sur Eskisehir.
Les Turcs contre-attaquent le 21 juillet mais c'est un échec. Pour
éviter l'encerclement Kemal ordonne donc dès le 18 juillet la
retraite de ses troupes derrière le fleuve Sakarya.
Au
sud, dans un méandre de la Sakarya, se trouve des unités de
cavalerie chargées de protéger Eskisehir. Elles sont envoyées dans
la steppe au sud-est de Bursa et parviennent à couvrir la retraite
du flanc gauche de l'armée turque qui abandonne Afyonkarahisar aux
Grecs le 23 juillet. Le gros des forces du secteur nord échappe
ainsi à l'encerclement. Les Grecs l'emportent donc tandis que les
Turcs perdent 40 000 hommes dont 30 000 déserteurs. Ankara se trouve
alors directement menacée.
Face
au danger, Kemal se voit donner pour trois mois des pouvoirs
dictatoriaux. Il mène alors une brutale politique de réquisitions
pour fournir aux troupes des vêtements, des vivres, des armes et des
moyens de transports. Les femmes doivent acheminer ce matériel au
front ou remplacer les hommes dans les champs. L'ensemble de la
nation est alors mobilisée pour l'effort de guerre.
Le
roi Constantin, fort de ses succès, veut désormais que ses troupes
s'emparent d'Ankara pour briser définitivement les nationalistes.
Mais ses hommes progressent sur un terrain difficile, entre montagnes
et steppes désertiques, subissant la sécheresse de l'été sans un
ravitaillement suffisant en eau tandis que l'armée de Kemal quant à
elle attend l'ennemi sur le fleuve Sakarya.
La bataille de Sakarya vue par la propagande grecque (source: Wikipedia.org)
Le
20 les Grecs quittent Eskisehir pour se diriger sur Ankara. Papoulas
tente alors de refaire la manœuvre d'encerclement réalisée à
Kutahya. Pendant qu'un corps d'armée se déplace vers l'est le long
de la voie ferré menant à Ankara, deux corps marchent au sud
traversant la steppe d'Anatolie centrale pour attaquer le flanc
gauche turc. Les kemalistes ont creusé des tranchées sur le plateau
de Haymana au sud est d'Ankara. Ils dominent donc des hauteurs que
les Grecs doivent prendre d'assaut.
Les
positions turques suivent le cours de la rivière Sakarya du nord au
sud jusqu'au confluent de l'Ilacaözü où elles obliquent à l'est
et forment un angle droit. Papoulas veut faire une percée à la base
de cet angle et pousser vers le nord-est en direction d'Haymana et
d'Ankara. 100 000 soldats grecs passent à l'attaque face à 90 000
Turcs. Les combats sont très violents et certaines hauteurs changent
de mains à plusieurs reprises. Les Grecs continuent à avancer.
Kemal envisage alors de préparer une nouvelle ligne de défense dans
les faubourgs d'Ankara et donne l'ordre de défendre chaque mètre de
terrain.
Mais
Papoulas craint d'aller plus avant et demande donc de cesser
l'attaque le 12 septembre. Les combattants sont en effet épuisés
par la férocité des combats. Les Grecs sont également en butte à
des problèmes de ravitaillement en raison de l'éloignement de leur
base de départ et les soldats commencent à manquer de nourriture et
de munitions.
Les
Grecs battent en retraite dans l'ordre et parviennent sans
difficulté, à retourner sur leur position de départ. La bataille
de Sakarya a au final duré 21 jours entraînant 3 700 tués et 18
000 blessés dans le camp turc et respectivement 4 000 et 19 000 chez
les Grecs.
La
déroute grecque.
Pendant
que l'armée turque se reconstitue à la fin de l'année 1921 et au
début de 1922 pour atteindre 200 000 hommes, le moral des troupes
grecques s'effondre. Papoulas démissionne au profit du
général Georges Hatzianestis, un incapable qui est tellement sûr
de repousser les Turcs qu'il n'hésite pas à dégarnir son
front pour envoyer trois régiments en Thrace où l'armée marche sur
Istanbul. Mais les Français et les Britanniques renforcent la
défense de la ville et obligent les Grecs à se retirer.
En
Anatolie l'armée grecque a 225 000 soldats à opposer aux 208
000 combattants turcs. Si les Grecs sont mieux équipés, les Turcs
ont l'avantage dans le domaine de l'artillerie lourde et surtout
possèdent une cavalerie plus importante. Les Grecs tiennent alors un
front de 640 km englobant le nord-ouest de l'Anatolie de Gemlik sur
la mer de Marmara aux positions à l'est d'Eskisehir, Kütahya et
Afyonkarahisar où le front tourne au sud-ouest le long de la vallée
de Menderes jusqu'à la mer Égée. L'armée grecque est organisée
en 3 corps d'armée, le 3e au nord, le 2e au centre et le 1er au sud.
Le
plan d'attaque d'Ismet prévoit une poussée venant du sud contre les
Grecs tenant le saillant d'Afyonkarahisar. L'objectif est d'isoler
l'ennemi à l'intérieur et autour de ce saillant. Le secteur choisi
est très montagneux mais les Turcs tiennent le sommet le plus élevé,
le Kocatepe, qui s’élève à 2 000 m. Les Grecs sont retranchés
dans des positions fortifiées. Pour attaquer ces positions les Turcs
doivent descendre dans les vallées étroites et affaiblir l'ennemi
par des tirs d'artillerie. Ils ne comptent porter qu'un seul coup
tant l'opération apparaît risquée. La principale force turque est
la 1ere armée de Nurettin Pacha renforcée par des éléments de la
2e armée au nord. Du sud-est vient le 5e corps de cavalerie de
Farettin Pacha.
Le
26 août un tir de barrage se concentre sur le secteur sud
d'Afyonkarahisar. Les canons grecs se taisent et l'infanterie turque
avance sur les positions ennemies qui opposent une forte résistance.
Les combats sont acharnés et les positions changent plusieurs fois
de mains. Les Turcs progressent mais ne réussissent pas à percer.
Le 27, le 4e corps de la 1ere armée commandé par le colonel
Kemalettin Sami perce enfin les lignes ennemies et prend le pic
d'Erkmentepe haut de 1 650 mètres. La cavalerie de Fahrettin trouve
quant à elle un passage dans les montages et apparaît derrière les
lignes grecques. Ayant perdu le bastion montagneux qui couvre son
flanc droit, le général Trikoupis commandant la 1ere armée bat en
retraite d'Afyonkarahisar pour rejoindre la plaine. Deux divisions du
général Frangou se retirent alors vers l'ouest et perdent ainsi le
contact avec le 1er corps. Les communications sont coupés avec
l'arrière et de Smyrne, Hatzianestis ordonne une
contre-offensive alors que seule une retraite en bon ordre peut
sauver l'armée.
Les
1er et 2e corps grecs se trouvent alors autours de Doumloupinar une
petite ville dans une vallée étroite qui contrôle la voie ferrée
d'Afyonkarahisar à Izmir. La 1ere armée turque arrive par le sud et
l'ouest, la 2e par le nord tandis que la cavalerie arrive par l'ouest
pour encercler les Grecs. Mais ces derniers peuvent compter sur une
division et sur le 3e corps grecs qui sont toujours intacts et qui,
au nord, menacent le flanc droit turc. Malgré ce danger les Turcs
décident néanmoins d'encercler Doumloupinar tandis que des forces
plus faibles doivent harceler les Grecs au nord. Le 29, la ville est
encerclée. Le 30 août, soumis aux tirs d'artillerie turcs et aux
charges à la baïonnette, les Grecs sont défaits. Les 1er et 2e
corps de Trikoupis et Dighenis essayent alors de s'échapper au
nord-ouest par les pentes nord du Murat Dagi mais ils sont alors
détruis en tant que forces combattantes tandis que les soldats qui
échappent à la capture veulent fuir l'Anatolie. Le 2 septembre, les
Turcs reprennent Eskisehir. Dans le nord, le
3e corps grec se prépare à battre en retraite jusqu'à la mer de
Marmara.
Les
Turcs décident de faire poursuivre par les 1ere et 2e armées les
unités grecques en retraite afin de les empêcher de former une
nouvelle ligne de défense avec des renforts venus de Thrace. Les 2
et 3 septembre les généraux Trikoupis et Dighenis tombent dans un
piège en descendant les pentes du mont Murat: ils se rendent avec 5
000 hommes et 500 officiers. Le moral grec s'effondre alors. Le gros
des forces grecques réussit malgré tout à atteindre la cote
égéenne. Le 5 septembre une nouvelle division débarque à Smyrne
pour aider à tenir la ville face aux Turcs mais les soldats se
mutinent. Le 6 et le 7, l'armée de Kémal s'empare de Balikesir,
Bilecik et Aydin. La situation est désespérée pour l'armée
grecque qui abandonnent Nif, qui commande la dernière trouée de la
barrière de montagne à l'est de Smyrne, pour se diriger vers la
péninsule d'Urla au sud-ouest de la ville afin d'être évacuée
d'Anatolie. Le 9 les Turcs prennent enfin Smyrne tandis que le 16 les
derniers soldats grecs quittent la péninsule d'Urla.
L'armée turque entre dans Smyrne (source: Wikipedia.org)
La
stratégie de Kemal d’arrêter et de détruire l'armée grecque
dans le sanctuaire anatolien a parfaitement réussi. En évitant les
opérations imprudentes il a réduit au minimum les pertes puisqu'en
trois ans l'armée turque ne perd face aux Grecs que 13 000 officiers
et soldats et 35 000 blessés.
Après
l'entrée des troupes turques dans Smyrne des troubles éclatent dans
la ville. Les soldats turcs commencent en effet à massacrer les
chrétiens malgré les ordres contraires de Kemal. Le 13 septembre
c'est un immense incendie qui ravage la ville et oblige les habitants
à fuir sur le front de mer afin d’être évacué par des navires
alliés. La présence millénaire des Grecs dans cette ville prend
fin. Les Turcs la reconstruisent sous le nouveau nom d'Izmir.
Après
Smyrne l'armée turque victorieuse s'emparent de Bursa et se dirigent
vers Istanbul et la Thrace. Lloyd George refuse qu'elle traverse les
détroits neutres. Mais si les Britanniques veulent arrêter les
nationalistes par la force, les Français et les Italiens ne veulent
à aucun prix d'une épreuve de force avec les Turcs ce qui est
également le cas de l'opinion britannique qui rejette l'idée d'une
nouvelle guerre. Les Grecs acceptent alors, à la demande des
Britanniques, d'évacuer la Thrace derrière le fleuve Maritsa. Kemal
profitant de la situation et d'un changement de gouvernement en
Grèce, commence sa démonstration de force en envoyant 40 000
soldats vers Çanakkale, 50 000 en direction d'Izmit, 40 000 sur
Istanbul et 20 000 en Thrace.
Le
général britannique Harington commence à négocier avec Kemal.
L'armistice, signée à Madanya, accorde aux Turcs le droit d'occuper
la Thrace orientale. A Londres, la chute de Lloyd George amène à la
tête du pays Bonar Law un conservateur qui souhaite régler à tout
prix la question turque. Pour cela il convoque une conférence
internationale à Lausanne.
La
naissance de la Turquie moderne.
A
la conférence de Lausanne il est décidé que les Détroits
repassent sous contrôle turc en échange de la liberté de
navigation. Concernant la question des minorités nationales et
religieuses en Turquie il est prévu des échanges de populations:
les populations grecques quittent définitivement l'Asie Mineure et
la Thrace orientale, mouvement qui a déjà largement commencé avant
1923 tandis que les Turcs de Grèce quittent le royaume hellène. La
question de la frontière avec la Grèce en Thrace est réglée
tandis que les Turcs abandonnent Mossoul qui reste sous mandat
britannique en Irak. Un traité de paix est signé le 24 juillet
1923, le seul où le point de vue des Alliés ne l'emporte pas
totalement, contrairement aux autres traités de paix concluant la
fin de la Grande Guerre. Le traité de Lausanne du 23 octobre 1923
reconnaît alors la République turque comme l'État successeur de
l'Empire ottoman. Mustafa Kemal a désormais les mains libres pour
transformer en profondeur la Turquie.
Dix
jours après la signature du traité de paix, les troupes alliées se
retirent définitivement d'Istanbul et de l'ensemble de la Turquie.
La victoire turque dans cette guerre d'indépendance permet d'asseoir
le prestige du pays sur la scène internationale et donne à Kemal
l'autorité nécessaire pour commencer l'occidentalisation du pays.
Fort de ces succès, il fait abolir le sultanat ottoman le 1er
novembre 1922 et le dernier Sultan quitte Istanbul le 17 sur un
navire britannique.
Le
mouvement national turc est parvenu, à l'issue de plus de trois de
combats, à faire reculer les Alliés et à rendre caduc le
« diktat » de Sèvres. La catastrophe de 1918 est effacée
et le sentiment national fortifié. Il n'existe plus en effet en 1922
un irrédentisme turc comme il en existe alors un en Allemagne et
dont va se nourrir Hitler pour s'emparer du pouvoir et conduire son
pays et l'Europe dans une nouvelle guerre. La Turquie, modernisée
par Mustafa Kemal Ataturk, peut, par sa victoire dans le guerre
d'indépendance, emprunter un chemin différent de celui des anciens
vaincus de 1918, évitant la catastrophe du Second conflit mondial.
Bibliographie:
Andrew Mango, Mustafa
Kemal Atatürk, Coda, 2006.
Hamit Bozarslan, Histoire de la Turquie : de l'Empire à
nos jours, Tallandier, 2013.Jacques Benoist-Méchin, Mustafa Kémal ou la mort d'un empire, Albin Michel, 1954.
tres bien
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