La
Première Guerre mondiale voit l'apparition de la guerre aérienne
qui devient un élément essentiel de la guerre moderne. Si cette
nouvelle arme fait ses preuves sur le plan opérationnel, notamment
tactique, les bases de son utilisation stratégique sont également
posées durant le premier conflit mondial avec les prémisses de ce
qui sera appelé ultérieurement le bombardement stratégique. Il
s'agit d'abord par ce moyen de frapper la machine de guerre adverse
loin en arrière du front afin de la paralyser, mais le bombardement
du territoire ennemi est aussi une arme psychologique destinée à
terroriser les populations civiles. Si des raids de bombardement ont
lieu sur Paris, la Belgique, en mer Baltique et même en Afrique
entre 1914 et 1918, les seules campagnes systématiques visant des
objectifs civils et militaires se déroulent contre l'Angleterre.
Pour
cela l'Allemagne possède une longueur d'avance sur ses adversaires
notamment grâce à aux progrès technologiques réalisés outre-Rhin
dans le domaine des appareils plus léger que l'air. La flotte de
dirigeables, essentiellement de marque Zeppelin, de l'armée du
Kaiser, conçue à l'origine pour des missions de
reconnaissance et de collectes d'informations afin de signaler les
mouvements de l'infanterie ou de découvrir les positions de
l'artillerie ennemie, va devenir pour les populations civiles
anglaise le symbole de la mort venant du ciel. Transformés en
bombardiers, les Zeppelins vont en effet réussir à répandre la
peur dans toute l'Angleterre.
David FRANCOIS.
Bombarder
l'Angleterre.
Le
comte Ferdinand von Zeppelin, l'inventeur de la technologie des
dirigeables et le fondateur de la société Zeppelin, a conçu et
fabriqué presque l'ensemble des dirigeables de l'Allemagne impériale
avant et pendant la guerre. Il a surtout eu une influence énorme sur
la technologie aéronautique et le développement de la guerre
aérienne en général. Le comte commence à travailler sur la
fabrication d' un dirigeable en 1898. En 1900, le vol du Zeppelin LZ
marque une étape dans l'histoire de la guerre aérienne. En effet si
la technologie ne permet pas encore aux dirigeables d'avoir la
stabilité nécessaire pour des voyages civils, ils peuvent néanmoins
être utilisés dans le domaine militaire. En 1911, la technologie
développée par Zeppelin a largement progressé, permettant cette
année là un premier vol civil avec des passagers. Surtout sur le
plan militaire les Italiens utilisent des dirigeables pour bombarder
les troupes ottomanes et les tribus libyenne lors de leur conquête
de la Libye en 1911-1912. Cette utilisation opérationnelle des
dirigeables est remarquée par l'Etat-Major allemand
et, en 1913, l'amiral Alfred von Tirpitz se penche sur la formation
d'une division de dirigeables pour la Kriegsmarine.
L'exemple
de la campagne de Libye et la constitution en Allemagne d'unités de
dirigeables semblent rendre inévitable l'utilisation de cette
nouvelle arme en 1914. D'ailleurs à partir du moment où, à
l'ouest, le front s'enlise dans la guerre de tranchées, germe l'idée
qu'ils peuvent jouer un rôle majeur pour sortir de cette impasse.
Bien que d'abord hésitant, le Kaiser Guillaume II autorise le
haut-commandement allemand à organiser la première campagne de
bombardement stratégique de l'histoire. Cette campagne qui vise
l'Angleterre et plus particulièrement Londres est connu de nos jours
sous le nom de First Blitz.
L'objectif
des militaires allemands pour cette première campagnes de zeppelins
est, par le bais de bombardements aériens, de frapper des cibles
militaires et civiles directement sur le sol britannique. Des cibles
civiles, jusqu'alors inaccessibles, deviennent ainsi des cibles
stratégiques directes permettant de perturber fortement la
production de guerre ennemie et de saper le moral de la population
civile. En somme, il s'agit pour les militaires allemands de semer un
chaos tel à l'arrière des lignes ennemis que l'Angleterre soit
contrainte de demander la paix le plus rapidement possible.
Un dirigeable Zeppelin en 1914. |
La
flotte de dirigeables allemands.
Si
la majorité des dirigeables allemands sont fabriqués par la firme
Zeppelin, des dirigeables avec armatures en bois de la firme
Schutte-Lanz sont aussi utilisés par la marine et l'armée, ce qui
ne manque pas de causer des rivalités. Les zeppelins quant à eux
utilisent une armature en métal utilisant un alliage en aluminium.
Trois types de zeppelins sont utilisés durant le conflit, les Z, les
P, plus gros, plus rapides
et volant plus haut et les R connu aussi sous le nom de Haut
Grimpeurs. Théoriquement ce dernier type de dirigeable est capable
de voler jusqu'à New-York puis de retourner à sa base. Tous les
dirigeables allemand sont des plus léger que l'air fonctionnant avec
de l'hydrogène, un gaz hautement inflammable, même s'il est purifié
pour réduire les risques d'incendie.
En
1916, les dirigeables utilisés par l'Allemagne mesurent pour la
plupart prés de 200 m de long sur 24 m de large et sont donc plus gros
qu'un cuirassé. L'équipage, composé de volontaires, comprend 20
hommes dont la moitié sont des machinistes. Ces appareils ont
l'avantage de pouvoir voler à hautes altitudes échappant ainsi aux
canons antiaériens et aux chasseurs de l'adversaire. Ils peuvent
aussi transporter des quantités importantes
de bombes. Mais les conditions météorologiques et les difficulté
de navigation rendent ces expéditions difficiles et hasardeuses.
Ainsi un dirigeable se rendant sur Londres se retrouve, à cause des
vents, déporté sur Hull où il lâche néanmoins ses bombes.
Surtout
la technologie n'est pas totalement fiable et les risques sont
élevés. Ainsi prés de 40% des équipages périssent. Pour cela il
suffit d'une panne de moteur, d'une tempête ou bien d'un commandant
qui perd son chemin avant que son appareil ne manque de carburants.
Le 19 février 1916, l'équipage du L19, accroché à l'épave de son
dirigeable, est vu par un chalutier britannique à environ 200 km à
l'est des cotes du Yorkshire mais le capitaine anglais refuse de les
secourir. Le L19 sombre donc dans la mer du Nord avant que, six mois
plus tard, on ne retrouve sur les cotes suédoises une bouteille
contenant le dernier rapport du commandant allemand. Mais les
équipages craignent avant tout les incendies qui ne laissent que
rarement des survivants.
Les
premiers raids sur la Grande-Bretagne.
Les
dirigeables allemands sont d'abord utilisés sur la cote orientale de
l'Angleterre. Alors qu'ils ont déjà attaqué précédemment des
navires aux larges des cotes néerlandaises, dans la nuit du 19
janvier 1915, trois zeppelins de la marine, les L3, L4 et L6,
commencent à survoler la Grande-Bretagne. Le L6 rencontre vite des
problèmes techniques et doit rentrer à sa base. Les L3 et L4
continuent leur route affrontant la pluie et la neige sur les cote du
nord-est de l'Angleterre prés de Yarmouth. Les deux dirigeables se
séparent alors, l'un en direction du sud et l'autre du nord. Le L3
bombarde le port de Yarmouth, une cible militaire, sur lequel il
lâche 2 bombes faisant 2 tués et 3 blessé. Le L4 s'enfonce quant à
lui dans les terres et attaque la ville de Kings Lynn où ne se
trouve aucun objectif militaire. Il tue 2 civils et en blesse 13. Au
total 24 bombes de 50kg et 3kg de bombes incendiaires sont largués
cette nuit là. Les deux dirigeables sont néanmoins la cible de tirs
ennemis mais ils parviennent à rentrer sans ennuis à leur base. La
guerre de bombardement commence et un nouvel outil de guerre fait
ainsi ses débuts dans le ciel du sud de l'Angleterre.
Ce
succès provoque un certain enthousiasme chez les militaires
allemands et l'amiral Behncke dans un rapport concernant la mission
du 19 janvier écrit que le zeppelin est « l'arme aérienne la
plus moderne, le triomphe de l'inventivité allemande [en montrant]
qu'il est capable de traverser la mer pour porter la guerre sur le
sol de la vieille Angleterre ». Le 12 février 1915, le Kaiser
lui même exprime l'espoir que la guerre aérienne contre
l'Angleterre soit menée avec la plus grande énergie. Durant ces
premier raids, si des problèmes de navigation obligent les Allemands
à se contenter de bombarder les cotes est de l'Angleterre,
l'objectif principal des dirigeables est Londres.
Les raids de dirigeables selon la propagande allemande. |
Le
premier raid sur la capitale britannique a lieu le 31 mai 1915, après
des tentatives infructueuses aussi bien de l'armée que de le marine,
quand le zeppelin LZ 28 survole la ville larguant 90 bombes
incendiaires et 30 grenades sur un faubourg du nord-est tuant 7
civils et en blessant 35 autres. La ville semble sans défense
puisque les avions britanniques sont toujours incapables d'atteindre
les 3 000 m où naviguent les dirigeables. Une tentative réalisée
par 9 chasseurs échoue après le crash d'un des avions. Désormais
et pour toute la durée de la guerre, l'est de l'Angleterre est
continuellement sous la menace d'une attaque aérienne visant les
installations industrielles et militaires mais également la
population.
En
mai 1915 le haut commandement allemand prend la décision de lancer
une campagne systématique de bombardement du territoire britannique
et donne une liste de cibles: dépôts d'essence, de munitions et de
matériel militaire, casernes et camps de l'armée ainsi que les
docks de Londres. Cette décision naît à la fois du constat que
l'Allemagne possède une flotte de dirigeables qui a montré sa
vulnérabilité lorsqu'elle est utilisée en soutien de l'infanterie,
de l'inactivité de la flotte de haute mer et des gains stratégiques
espérés du bombardement du territoire ennemi. Les dirigeables sont
désormais utilisés dans une campagne continue au rythme de deux
raids mensuels jusqu'en 1917
date à laquelle ils sont remplacés par des avions bombardiers.
Dans
un mémorandum, en juillet 1915, signé par le Kaiser, le
commandement de l'armée ordonne d'envoyer des aéronefs de l'armée
et de la marine effectuer des bombardements stratégiques sur des
cibles militaires et industrielles. Les monuments publics doivent
néanmoins être épargnés tout comme les quartiers d'habitation. Le
Kaiser demande également de ne pas bombarder les palais royaux de
ses cousins Windsor.
Un raid de Zeppelins sur l'Angleterre. |
Les
raids de zeppelins élargissent peu à peu leurs rayons d'action
allant jusqu'à Berwick-on-Tweed à la frontière écossaise au nord,
Warrington et Birmingham à l'ouest et Folkestone au sud-est. En
1915, 47 raids de zeppelins ont lieu sur l'Angleterre et la mer du
Nord, larguant prés de 3 700 kg de bombes incendiaires sur les
villes et les régions côtières. Dans la capitale britannique, 127
personnes sont tuées et 352
blessées entre mai et décembre 1915. Ces attaques venues du
ciel provoquent rapidement une vraie terreur au sein de la
population.
La
campagne continue en 1916. En juillet 1916, deux zeppelins bombardent
Londres où un incendie se déclare. 40 civils sont tués. Le 8
septembre, le L13 cause quant à lui de sérieux dégâts au centre
de la ville. Le 3 octobre a lieu un raid où sont largués 189 bombes
sur Londres tuant 71 civils. Sept zeppelins attaquent l'Angleterre le
27 novembre larguant plus de 200 bombes mais un dirigeable est
néanmoins abattu par les
balles explosives d'un chasseur britannique. En janvier 1917, 9
dirigeables larguent 389 bombes sur les Midlands, le cœur de
l'industrie d'armement britannique. Mais durant le retour de cet
expédition un zeppelin avec ses 16 membres d'équipage s’abîme
dans la mer du Nord. En avril 1917, fort de leur expérience, les
zeppelins s'enfoncent encore plus profondément en territoire
britannique à la recherche de
cibles stratégiques et parviennent à bombarder Sunderland,
Edimbourg et Leith en Écosse faisant là encore des victimes
civiles.
Londres touchée par les bombes des Zeppelins. |
La
riposte britannique.
Les
zeppelins, surnommés les tueurs d'enfants par la presse et le public
anglais, sont l'objet d'une haine générale. Les autorités
britanniques, obligées de réagir face à ces attaques inédites,
décident l'imposition d'un black-out en 1916. Les éclairages
extérieurs sont interdits et les populations doivent calfeutrer
leurs fenêtres pour éviter que les lumières ne permettent aux
dirigeables de se guider vers leurs cibles. Néanmoins, par nuit
clair, il suffit aux zeppelins de remonter l'estuaire de la Tamise
pour atteindre Londres. Les dirigeables volent si haut qu'il n'y a
encore aucun moyen de se défendre contre eux. Mais peu à peu les
Britanniques trouvent néanmoins des parades en déployant de
l'artillerie antiaérienne, des barrages de ballons et en
construisant des chasseurs capables
de les atteindre.
La propagande anglaise contre les raids de dirigeables. |
Le
6 juin 1915, une tentative de raid sur le sud de l'Angleterre échoue
en raison du mauvais temps mais surtout surtout un pilote britannique
parvient à détruire un dirigeable au dessus de Gand en Belgique. Le
2 septembre 1916, un pilote à bord d'un chasseur BE 2c de la 39e
escadrille détruit enfin un dirigeable dans le ciel anglais, un
Shutte-Lanz qui se dirigeait vers Cuffley au nord de Londres. Si
l'habileté et l'expérience du lieutenant Leefe-Robinson lui ont
permis cet exploit il a également bénéficié des nouvelles balles
explosives de type Pomeroy. Ce succès est surtout une victoire
psychologique puisque l’événement a un retentissement national, près de 10 000 personnes viennent visiter le site du crash. Si prés
de 300 000 Londoniens continuent toujours d'utiliser obligatoirement
le métro pour se déplacer la nuit, la victoire de Leefe-Robinson
met définitivement fin à l'invulnérabilité des dirigeables
d'autant que le développement de la détection radio et les progrès
de l'artillerie antiaérienne conjuguent également leurs effets.
Les
défenses autours de Londres ont en effet été
renforcées avec des projecteurs, des canons antiaérien et des
escadrilles de chasse. Mais si un seul obus sur 8 000 touche sa cible
et si près de 90% des pilotes ne croisent jamais un adversaire, ce
réseau dense de projecteurs, de canons et d'avion est fait
rapidement de Londres une zone de danger mortel pour les dirigeables
allemands. Dés le début de l'automne 1916, les Anglais déploient
des projecteurs et des canons à longue portée. L'artillerie
antiaérienne est alors constituée de canons à tir rapide de 3
pouces, installés soit sur des points fixes soit sur des camions.
Ils peuvent tirer 15 coups par minutes à une portée verticale de 5
000 m. Ils permettent ainsi de saturer le ciel de projectiles
obligeant les zeppelins à voler sur les abords de la capitale là où
agissent les chasseurs.
Les
escadrilles britanniques du Home Front sont composées
essentiellement de biplans BE2c, des avions très stables mais lents,
qui ne parviennent qu'en une demi heure à atteindre leur plafond de
3 000m. Pour compenser cette faiblesse, dans chaque escadrille les
patrouilles se succèdent dans le ciel toutes les 3 heures avec
l'ordre de poursuivre et d'attaquer les engins ennemis qu'elles
aperçoivent.
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Les
Britanniques commencent alors à développer une doctrine de la
guerre aérienne qui repose sur le principe que la suprématie
aérienne doit être obtenue par un effort inlassable pour localiser
et détruire les appareils ennemis. Les chasseurs britanniques ne
sont donc que la forme meurtrière d'un système de défense qui
mobilise près de 17 000 hommes. Les stations d'écoute, les
patrouilles navales et les postes d'observation côtiers scrutent le
ciel en permanence. Quand des engins ennemis sont aperçus l'Amirauté
à Londres est immédiatement prévenue par téléphone. Elle ordonne
alors de mettre en marche les projecteurs, de préparer les canons et
de faire décoller les chasseurs à partir d'une douzaine de terrains
d'atterrissage. C'est ainsi que dans la nuit du 1er octobre le
lieutenant Wulfstan Tempest repère le dirigeable L31 qu'il attaque.
Ce n'est qu'après sa troisième série de tir qu'il endommage
réellement le zeppelin. Pour cela il utilise des balles explosives
et incendiaires qui percent un trou dans le ballon du dirigeable.
L'hydrogène qui s'échappe alors s'enflamme au moment où il entre
en contact avec l'air. Ces balles ont déjà permis d'abattre 3
dirigeables dans la nuit du 23 au 24 septembre. Le L31 s'écrase en
flamme à 15 km au nord de Londres. L'équipage meurt brulé à
l'exception du commandant qui a réussi à sauter mais se retrouve
gravement blessé. Ce soir là c'est au total 3 zeppelins qui sont
abattus. L'automne 1916 et les succès remportés par la défense
britannique marqent le début de la fin pour l'utilisation des
dirigeables dans la guerre aérienne.
Le
chant du cygne des dirigeables.
En
1916 les mesures défensives prisent par les Britanniques obligent
les Allemands à mettre au point des dirigeables volant plus haut,
les Hauts Grimpeurs, capables de dépasser les 6 000 m d'altitude et
de voler pendant plus de 15 heures. Mais cela pose de nouveaux
problèmes: la navigation est plus difficile, l'équipage a besoin
d'équipements pour l'oxygène afin de voler si haut, une nacelle
d'observation est également nécessaire pour le bombardement à
travers les nuages tandis que le nombre de bombe transporté doit
être réduit.
Ce
type de dirigeable est particulièrement apprécié par le capitaine
de frégate Peter Strasser, le chef de la division de dirigeables de
la Marine. S'ils ne sont pas armés puisque aucun avion n'est en
mesure de voler aussi haut pour les intercepter, ils ne possèdent
pas non plus de viseurs ce qui rend leurs tirs imprécis. Mais leur
capacité de vols sont tels qu'il est un moment envisager de les
utiliser pour atteindre et bombarder New-York. Par rapport à leurs
prédécesseurs, ce sont de véritables mastodontes dans lesquelles
Strasser a une confiance absolue, oubliant que si des avions
parvenaient à voler aussi haut ils pourraient instantanément
détruire sans problème des dirigeables sans défense.
Opérant
à ces altitudes extrêmes 11 Hauts Grimpeurs de la marine attaquent
le sud et le centre de l'Angleterre le 19 octobre 1917. Profitant de
l'effet de surprise ils échappent aux moyens de détections
britanniques. Mais le retour au pays est un désastre. Sur les 11
zeppelins, trois sont abattus par des chasseurs britanniques ou
français au dessus de la France, un s'écrase à l'atterrissage en
Allemagne et le dernier dérive jusqu'en Méditerranée où il s’abîme.
Le
dernier raid de zeppelin sur l'Angleterre a lieu le 5 août 1918 avec
5 Hauts Grimpeurs commandés par Peter Strasser en personne, un
militaire ayant reçu la médaille Pour le mérite, la plus
haute distinction de l'armée allemande. Il est certain de pouvoir
frapper l'Angleterre au cœur. Mais sous les feu des canons
antiaériens anglais aucun des dirigeables ne touchent de cibles
utiles. Strasser décide néanmoins de voler à basse altitude pour
s'assurer que les objectifs ont été atteints quand il est abattu
par des chasseurs britanniques. Il meurt ainsi que les 23 membres de
son équipage dans l'incendie puis l'explosion de leurs dirigeable
qui s'écrase au sol. Les 4 autres dirigeables larguent leurs
dernières bombes dans la Manche et se hâtent de rentrer.
La fin d'un dirigeable. |
Les
sources divergent quant au nombre de dirigeables utilisés contre la
Grande-Bretagne. Il semble qu'environ 80 ont participé aux raids.
Prés de 220 tonnes de bombes ont été largué sur l'Angleterre
causant la mort d'environ 500 personnes et en blessant 1 500. Comparé
aux destructions sur le front, les raids de zeppelins causèrent des
dommages minimes et n'eurent aucune incidence sur le cours de la
guerre. Mais leur utilisation dans le cadre de bombardement
stratégique s'avère prophétique.
Aucun
des Hauts grimpeurs n'a pourtant survécu à la guerre puisqu'en 1919
les Allemands ont préféré détruire leurs dernières machines
plutôt que de les remettre aux Alliés, mettant ainsi fin à
l'histoire des dirigeables bombardier.
Les
débuts des bombardier lourds, les raids de Gothas.
La
plupart des raids de bombardement sur la Grande-Bretagne durant la
Première Guerre mondiale sont le fait de dirigeables. Mais la
technologie au service de la guerre, notamment dans le domaine
aéronautique progressant à grand pas les Allemands parviennent
durant le conflit à mettre sur pied des bombardier lourds.
Le
premier bombardement allemand réalisé par un avion a lieu sur
Douvres en décembre 1914. Si les dégâts causés par des bombes
rudimentaires est minime l'effet psychologique est indéniable
participant à la psychose britannique face aux menaces venant du
ciel. A partir de l'automne 1916 quand le commandement allemand perd
confiance dans l'utilisation stratégique des dirigeables dont le coût est extrêmement élevé et qui ne causent finalement que des
dommages limités aux Anglais, les bombardiers lourd prennent peu à
peu le pas sur les zeppelins qui n'effectuent plus que 7 raids en
1917 et 4 en 1918. En septembre 1916 l'armée cesse définitivement
d'utiliser des dirigeables et leur préfère des bombardiers lourds,
les Gothas, un bombardier biplan construit par la firme Gothaeur
Waggonfabriek. Seule la marine continue a utiliser les dirigeables
sous la direction de Peter Strasser.
A
la fin de 1916 l'Allemagne commence à planifier une offensive diurne
de bombardement appelée l'opération Türkenkreuz. Le Kagohl 3
(Kampfgeschwader der Obersten Heeresleitung), composé, également
connu sous le nom d'escadrille « Angleterre », de six
Kastas (Kampfstaffel) sous le commandement du Hauptmann Ernst
Brandebourg est alors formé. La Grande-Bretagne a alors réussi à
réduire la menace des zeppelins. La chute du nombre de raids de
dirigeables au cours de l'hiver et du printemps 1917 entraine en
réaction une baisse des craintes dans la population britannique
tandis qu'au Parlement certains demandent des représailles contre
des cibles militaires allemandes. Pour les planificateurs allemands,
le bombardement de cibles en Grande-Bretagne est un objectif à long
terme.
Un Gotha allemand. |
La
pénurie d'avions adaptés, la distance des bases par rapport aux
objectifs ont jusque là limités les opérations des bombardiers
lourds à des raids occasionnels à la fin de 1916, comme le 28
novembre quant un peu par hasard un Gotha largue six bombes sur
Londres. Avec la production du Gotha G.IV en mars 1917, l'Allemagne
dispose enfin d'un avion approprié. Le Kagohl 3 en est équipé et
installe sa base dans la région de Gand. Le 25 mai 1917, 23 Gothas
de cette Kagohl s'envolent pour un raid sur Londres. Deux sont forcés
de rebrousser chemin au dessus de la mer du Nord en raison de
difficultés mécaniques tandis que des nuages sur Londres obligent
les autres à changer de cible pour se diriger sur des objectifs
secondaires sur la Manche comme Folkestone ou le camp de l'armée à
proximité à Shorncliffe. Le raid cause néanmoins 95 décès et 195
blessés, principalement dans la région de Folkestone. A
Shorncliffe, 18 soldats ( 16 Canadiens et deux Britanniques) sont
tués et 90 blessés. Le nombre de victimes de ce raid est largement
supérieur à ceux provoqués par les zeppelins.
Les
premières séries de raids en plein jour des Gothas visent Londres
et le sud-est de l'Angleterre. Au total le nombre de raids de Gothas
est de 27 en 1917-1918. Le 5 juin 1917 une nouvelle attaque de Gothas
est Londres est déviée vers Sheerness dans le Kent. La troisième
tentative est la bonne, le 12 juin 1917, avec 14 Gothas qui lâche
prés de 100 bombes sur la capitale. La plupart ratent leurs cibles
mais elles coûtent la vie à 162 civils, le record de tués à
Londres lors d'un raid allemand, et fait 432 blessés. Parmi les
morts se trouvent 18 enfants tués par une bombe qui touche une école
primaire. A la suite de cette action de nombreux enfants londoniens
sont évacués par les autorités vers la campagne pour échapper à
la menace.
Pour
les Allemands le succès est éclatant surtout qu'aucun des Gothas
n'a été perdu. Les Britanniques ne s'attendaient pas à une attaque
en plein jour ce qui explique le nombre relativement élevé de
victimes. En raison de cette impréparation les premières tentatives
pour intercepter les Gothas sont inefficaces. Un grand nombre
d'avions britanniques a décollé à la dernière minute mais ils ne
sont pas parvenus à atteindre suffisamment d'altitude pour engager
les bombardiers. Un nouveau raid de 22 Gothas a lieu le 7 juillet
1917, entraînant 54 décès et 190 blessés. Une centaine de sorties
de la chasse britanniques permet néanmoins d'abattre un Gotha et en
endommage trois autres. Mais 2 chasseurs anglais sont aussi descendus
par les Gothas. Entre mai et août 1917, la Kagohl 3 réalise ainsi
huit autres raids de jour sur l'Angleterre, dont trois sur Londres.
A
partir de septembre 1917, les progrès de la défense antiaérienne
britannique oblige la Kagohl 3 à abandonner les raids de jour. Si
les attaques nocturnes fournissent une protection contre les
chasseurs et des tirs antiaériens, ils compliquent néanmoins la
navigation et l'atterrissage. Le 31 octobre, 22 Gothas lâchent leurs
premières bombes incendiaires sur la capitale, soit 83 kg de bombes.
La plupart ne provoquent aucun incendie mais 10 civils sont tués.
La
flotte de bombardiers lourds allemands se renforce progressivement,
notamment avec l'arrivée en septembre 1917 du bombardier Zeppelin
Staaken, un biplan quadrimoteur de 42m d'envergure. Ce dernier doit
pallier les défauts des Gothas qui sont des appareils fragiles, très
sensible aux dégâts, notamment a niveau du châssis et du train
d'atterrissage. Il y ainsi chez les Gothas plus de pertes liées à
des accidents que lors des raids proprement dit.
En
décembre 1917, la Kagohl 3 est rebaptisée Bogohl 3
(Bombengeschwader der Obersten Heeresleitung 3). Contrairement à
d'autres unités, qui se compose de trois Bostas (Bombenstaffel), la
Bogohl 3 conserve sa formation initiale de six Staffeln. Rapidement
de lourdes pertes forcent la Bogohl 3 à se retirer des opérations
de combat en février 1918. Les Zeppelins Staaken effectuent 11 raids
du 28 septembre 1917 au 20 mai 1918 larguant 2 772 bombes. Le 16
février 1918 la première bombe de une tonne est lancée sur le
Royal Chelsea Hospital. Deux autres bombes d'une tonne seront
larguées. Seuls deux Zeppelins Staaken sont perdus lors des raids.
Les Allemands mettent également au point en août 1918, la « Elektron
Bomb », une petite bombe incendiaire au magnésium de un kilo
mais elle arrive trop tard pour être utilisée de manière
significative.
Dans
la nuit du 19 mai 1918, les Gothas retournent une dernière fois en
Angleterre. La Bogohl 3 envoie à cette occasion 38 appareils contre
Londres, mais elle subi à nouveau de lourdes pertes. Six Gothas sont
abattus par des chasseurs et des tirs antiaériens et 3 s'écrasent à
leur retour lors de l'atterrissage. Après ce raid, l'action des
Gothas se limite seulement à des frappes tactiques sur le front
occidental. Au total ils ont effectué 22 raids sur l'Angleterre,
larguant 84 740 kg de bombes et ont perdu 61 appareils.
Une attaque sur Londres selon la propagande allemande. |
Les
bombardements allemands sur la Grande-Bretagne durant la Première
Guerre mondiale apparaissent comme anecdotiques. Les 2 000 victimes
dont environ 500 tués causées par les dirigeable et les 3 000
victimes, dont 800 tués, des bombardiers lourds sont quantité
négligeable en comparaison avec les pertes humaines sur les
différents fronts du conflit. Les destructions matérielles sont
insignifiantes, aucune ville, aucun quartier n'est détruit. Surtout
le coût total pour la fabrication de 115 zeppelins est 5 fois
supérieurs au montant des dommages causés par leurs raids en
Angleterre. Alors, des campagnes de bombardements inutiles ?
Si
les résultats matériels des raids de dirigeables et de bombardiers
lourds sont dérisoires l'effet sur le moral de la population
britannique est indéniable. La panique irrationnelle qu'ils
déclenchent préoccupe rapidement le gouvernement de Sa Majesté.
Elle l'oblige donc a prendre des mesures strictes et coûteuses dont
le déploiement de 10 escadrille d'avions supplémentaires et la
mobilisation de 10 000 militaires soustraits ainsi à d'autres
fronts. L'imposition du black-out dans la région londonienne fait
également baisser la production de guerre tout en accroissant le
stress de la population.
C'est
à partir des cette expérience, des leçons tirées de cette
campagne de bombardement sur l'Angleterre, qu'au lendemain de la
guerre s'élabore une doctrine du bombardement stratégique à
travers les écrits notamment de l'italien Douhet. Cette réflexion
théorique sera la base sur laquelle s'appuieront les états-majors
pour mettre au point les bombardements stratégiques qui
ensanglanterons l'Europe de 1936 à 1945.
Bibliographie:
Ian
Castle, London 1917-1918, The bomber Blitz, Osprey Publishing,
2010.
Ian
Castle, London 1914-1917, The Zeppelin Menace, Osprey
Publishing, 2008.
Charles
Septehenson, Zeppelins: German Airships, 1900-1940, Osprey
Publishing, 2004.
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