jeudi 3 décembre 2015

L'impossible réforme : l'armée soviétique sous l'ère Gorbatchev 1986-1991

Les deux décennies de pouvoir brejnevien ont doté l'URSS d'une formidable puissance militaire mais cela s'est fait au prix de l'appauvrissement du pays. Le niveau de vie baisse, la productivité décline et la croissance est absente. Lorsqu'il arrive au pouvoir après les deux courts règnes de Iouri Andropov et de Konstantin Tchernenko, Mikhaïl Gorbatchev est convaincu que la situation précaire de l'économie mais également les problèmes démographiques et écologiques qui touchent le pays entrainent lentement l'URSS sur la voie du déclin, un point de vue qui est d'ailleurs largement partagé par les élites dirigeantes. Le système doit donc être profondément réformé pour assurer in fine sa survie. Pour cela le nouveau secrétaire général du PCUS prend la décision de revenir sur 7 décennies de politique militaire, une étape qu'il estime nécessaire pour effectuer les changements politiques mais surtout économiques indispensables.

La série de réformes qu'il impulse alors bouleverse profondément l'armée. Il fait sortir le pays du bourbier afghan, met un terme à la course aux armements, réduit le budget alloué à la défense et engage le retrait des forces soviétiques d'Europe orientale. Mais les transformations induites par les politiques de la Perestroïka et de la Glasnost déstabilisent l'armée. Pilier central du régime au côté du Parti, le processus de démocratisation la place inévitablement sous le feu des critiques. Elle perd rapidement un prestige inentamé depuis 1945, se divise entre réformateurs et conservateurs et s'effrite sous le coup des revendications nationalistes. En moins de dix ans, la plus puissante armée du monde se décompose, incapable en aout 1991 de renverser un Gorbatchev déjà fragilisé, avant de disparaître définitivement en même temps que le drapeau soviétique était descendu une dernière fois sur le Kremlin.

David FRANCOIS

dimanche 1 novembre 2015

Le bûcher des hirondelles; les débuts du Kawasaki Ki-61-I Hien


Le Kawasaki Ki-61 se distingua en étant le seul chasseur entré en service dans le service aérien de l’aviation impériale japonaise à être équipé d’un moteur en ligne.  Il fut aussi, avec le Nakajima Ki-44, le premier appareil produit en grandes quantités se démarquant de la tradition fermement établie au sein du service visant à mettre l’accent sur la maniabilité à basse vitesse, fut-ce au détriment de la protection et de l’armement. Pourtant, et malgré ses réelles qualités, le chasseur de Kawasaki fut impuissant à influer de manière déterminante sur le cours des campagnes aériennes opposant forces aériennes alliées et japonaises.
Adrien Fontanellaz



jeudi 1 octobre 2015

Les fantômes du Kansas; Guerre civile au Kansas, 1854-1861


Dans les années qui ont précédé la guerre de sécession, une guerre civile a déchiré le territoire du Kansas, ouvert depuis peu à la colonisation. Son enjeu : l'implantation de l'esclavage dans ce futur état, et même au-delà : son extension vers l'Ouest. Au point où l'on se demande si ce n'est pas la petite guerre qui a participé au déclenchement de la grande ... Cet épisode est connu dans l’historiographie américaine sous le nom de Bleeding Kansas (« Le Kansas ensanglanté »).

Jérôme Percheron
Coups de feu dans les rues de Lawrence, Kansas, 1856
https://causesofthecivilwar.wikispaces.com/%E2%80%9CBleeding+Kansas%E2%80%9D

jeudi 3 septembre 2015

Janvier 1919 : Feu sur Berlin la Rouge.

Les hommes corps-francs du Regiment de Potsdam sous les ordres du major von Stephani sont prêts à passer à l'action. Pendant que les soldats se mettent en route, le major est déjà parti en reconnaissance observer l'édifice que sa troupe doit conquérir dans la journée. C'est déguisé en révolutionnaire que l'ancien officier de l'armée impériale pénètre dans l'immeuble qui abrite le siège du quotidien social-démocrate le Vorwärts. Sous le prétexte de s'engager dans les milices rouges il parvient à parcourir sans encombre les différents bureaux et peut donc minutieusement inspecter le bâtiment avant de rejoindre ses hommes qui ont déjà pris position. Il demande alors aux Spartakistes qui occupent l'immeuble de se rendre. Ces derniers refusent une telle proposition et s'en remettent au sort des armes pour juger de l'issue du conflit. Les mitrailleuses, obusiers et mortiers du corps-francs de von Stephani entrent alors en action. La bataille pour Berlin commence.

Cette bataille qui, aux premiers jours de l'année 1919, ensanglante la capitale du Reich est à l'origine de deux mythes. Le premier veut que ce soulèvement ouvrier soit l'œuvre délibérée des Spartakistes, ceux là qui ont créé fin décembre le Parti communiste allemand, estimant le moment venu d'installer le bolchevisme en Allemagne. Le second fait la part belle aux corps-francs présentés comme cette troupe invincible, ayant repris Berlin et ainsi sauvé l'Allemagne du péril communiste. Comme tous les mythes, ils présentent une part minime de vérité et beaucoup d'exagération et d'occultation. L'étude de cette insurrection et des combats de rue qu'elle provoque, la première du XX° siècle dans une capitale de l'Europe occidentale, peut seule permettre de casser les mythes patiemment entretenus et de mieux appréhender les débuts d'un aspect fondamental de l'art militaire: la contre-insurrection en milieu urbain.

David FRANCOIS

samedi 1 août 2015

Arab MiG's - Interview de Tom Cooper


Tom Cooper, originaire d'Autriche, est un historien et journaliste spécialisé sur l'aviation militaire. A la suite d'une carrière dans le monde du transport - ce qui lui a permis, durant ses nombreux voyages d'établir des contacts avec des sources de première main -, il a progressivement évolué vers l'écriture. Il s'est passionné assez tôt pour l'aviation de l'après-Seconde Guerre mondiale et s'est concentré ensuite sur les petits conflits et forces aériennes associées, sur lesquelles il a collecté d'importantes archives. Il s'est focalisé en particulier sur les forces aériennes africaines et arabes, jusqu'alors peu traitées, et sur l'armée de l'air iranienne. Il est notamment co-auteur de la série Arab MiG’s, comprenant cinq volumes - le sixième devrait être disponible cette année encore – publiés par Harpia Publishing. Tom Cooper a accepté de répondre à nos questions relatives à cette série de livres.

 


Ses propos ont été recueillis en anglais puis traduits en français. Cette traduction a été délibérément aussi littérale que possible afin de refléter le plus fidèlement possible les propos originaux ; il nous a paru en effet préférable de privilégier le fonds à la forme. Cependant, pour nos lectures lisant l’anglais, l’interview originale figure directement en dessous de la traduction.

Propos traduits par Adrien Fontanellaz

 

mercredi 1 juillet 2015

Femmes dans l'armée de l'air soviétique et dans l'US Air Force: le genre et la guerre

Si la participation depuis des siècles des femmes aux différents conflits militaires est une donnée historique incontournable, même si John Keegan considère la guerre comme une activité exclusivement masculine, leur rôle effectif dans ces affrontements est un domaine récent de la recherche historique qui prend place dans un courant historiographie récent né aux États-Unis, la gender history. La guerre est toujours un moment important pour la place des femmes dans la société. Le départ des hommes à la guerre leur offre des opportunités nouvelles pour sortir des rôles traditionnels dans lesquelles les confinent des sociétés patriarcales. La Première Guerre mondiale est sur ce point un tournant puisque les femmes remplacent les hommes dans les usines et dans différents services publics dans le cadre d'une mobilisation totale de la société.

La Seconde Guerre mondiale est un second moment fort de cette participation des femmes à la guerre puisque les différents belligérants sont encore contraints de mobiliser des millions de femmes pour l'effort de guerre. Elles jouent un rôle crucial sur le front économique. En Grande-Bretagne elles sont soumises à la conscription afin de former une armée de travailleuses. Aux États-Unis, l'image de Rosie la Riveteuse devient un symbole de cette mobilisation féminine. L'Allemagne mobilise également les femmes mais avec moins de succès ce qui l'oblige à recruter de force une main-d'œuvre étrangère.

Si la mobilisation des femmes sur le front économique amplifie celle effectuée entre 1914 et 1918, la Seconde Guerre mondiale offre de nouvelles opportunités aux femmes notamment au sein des forces armées. En URSS ce sont des centaines de milliers de femmes qui prennent les armes et servent dans les rangs de l'Armée rouge tandis qu'aux États-Unis elles s'engagent également dans l'armée mais sans jamais néanmoins combattre sur le front. Surtout, dans chacun de ces deux pays, des femmes parviennent à intégrer un domaine jusqu'alors exclusivement masculin, celui de l'aviation.

David FRANCOIS

lundi 1 juin 2015

L'opération Carlota


Une des caractéristiques de la politique étrangère du gouvernement révolutionnaire cubain fut la constance et le volontarisme avec lequel il tenta de soutenir d’autres mouvements révolutionnaires, que ce soit par des livraisons d’armes, la mise à disposition de financements, de formations prodiguées à Cuba ou par l’envoi à l’étranger d’instructeurs ou de combattants. Cette politique fut poursuivie en Amérique du Sud - l’exemple bolivien étant sans doute le plus connu – mais aussi en Afrique où, dès le mois d’octobre 1963 un contingent comprenant 686 hommes, 22 T-34 et de l’artillerie fut envoyé en Algérie afin de soutenir le gouvernement d’Ahmed Ben Bella alors engagé dans une guerre contre le Maroc. Dans les années qui suivirent, l’action des Cubains se porta en Afrique noire, où ils s’efforcèrent notamment de soutenir les mouvements indépendantistes en lutte contre les autorités coloniales portugaises, marquant le début d’un processus qui culmina près de deux décennies plus tard avec la présence continue de plusieurs dizaines de milliers de leurs soldats sur le continent.

Adrien Fontanellaz


vendredi 1 mai 2015

Guerre et désinformation : les Anges de Mons, 1914.

Les interventions et apparitions surnaturelles ou divines sur les champs de bataille sont choses relativement courantes dans les récits et chroniques de l'Antiquité ou du Moyen Âge. La plus célèbre de ces apparitions a lieu lors de la bataille du Pont Milvius le 23 octobre 312 puisqu'elle décide l'empereur romain Constantin à se convertir au christianisme. Ces récits d'apparitions se font de plus en plus rares au fil des siècles. L'une des dernières recensées a lieu en 1675 lors de la guerre du roi Philippe en Nouvelle-Angleterre. Au moment où la petite ville d'Hadley dans le Massachusetts est sur le point de succomber aux assauts des Indiens, un vieillard armé d'une antique épée apparaît. Il organise la milice, la conduit à l'attaque et à la victoire et puis disparaît aussi subitement qu'il est venu. Le surnaturel semble ensuite déserter le champ de bataille, tout comme il est chassé du reste de la vie sociale par les progrès de la science. C'est pourtant à l'aube de la première guerre industrielle de l'Histoire qu'il refait surface, quelque part en Belgique à l'été 1914.

David FRANCOIS

mercredi 1 avril 2015

Interview de Stéphane Mantoux; Les Guerres du Tchad


Stéphane Mantoux est agrégé d’histoire, anime le blog Historicoblog3 et a cofondé les blogs l’autre côté de la colline et U235. Il collabore de longue date avec plusieurs titres de la presse spécialisée en histoire militaire et de défense et a déjà publié une Offensive du Têt paru chez Tallandier en 2013. Dans son second livre, publié par les éditions Lemme edit dans leur collection Illustoria, Stéphane Mantoux propose une synthèse sur les guerres ayant marqué l’histoire du Tchad contemporain et a bien voulu répondre à nos questions sur son ouvrage.
 
Propos receuillis par David FRANCOIS et Adrien Fontanellaz


dimanche 1 mars 2015

La guerre du Sonderbund




Souvent perçue comme un oasis de concordance et de modération, la Suisse dût pourtant surmonter de vives tensions afin de parvenir à élaborer son architecture politique et institutionnelle contemporaine et dont la mise en place date de 1848, année de l’adoption d’une constitution fédérale, dotant le pays d’une Assemblée fédérale et surtout d’un exécutif permanent, le Conseil fédéral. Cet accouchement se fit pourtant au forceps car il fallut une guerre civile, connue sous le nom de guerre du Sonderbund, pour surmonter les antagonismes exacerbés qui divisaient le pays. L’affrontement fut cependant court et peu sanglant et n’est souvent décrit que par quelques phrases dans les livres d’histoire. La Suisse se trouva pourtant au bord du gouffre durant quelques semaines et un conflit plus long aurait pu avoir des conséquences incalculables sur l’avenir du pays. In fine, si cette guerre fut la résultante d’un faisceau de facteurs politiques, économiques et religieux, la manière dont elle se déroula favorisa grandement l’émergence d’une solution politique  durable. A cet égard, elle constitue un exemple où l’histoire militaire s’avère nécessaire à la compréhension globale d’un phénomène beaucoup plus large – en l’occurrence, la naissance de la Suisse moderne.

Adrien Fontanellaz


dimanche 1 février 2015

Renaissance de la marine japonaise 1945-2014



La « force d’auto-défense maritime » japonaise, héritière de la flotte impériale totalement démantelée en 1945, est devenue depuis 2012 la 3ème marine militaire du monde en termes de tonnage1, derrière ses homologues américaine et russe. Elle se retrouve maintenant en première ligne face à une Chine qui entend s’affirmer de plus en plus sur mer. La marine du soleil levant est aujourd’hui à un tournant de son histoire, tiraillée entre son statut, très contraint par la constitution japonaise, et un contexte géostratégique tendu. Mais revenons tout d’abord sur les circonstances de l’émergence de ce géant maritime très discret, et comment en est-il arrivé là.
Jérôme Percheron 

En haut : le porte-avions Amagi, chaviré dans le port de Kure en 1946. En Bas : le "destroyer porte-hélicoptères" Izumo, lancé le 6 août 2013. Sources : U.S. Navy investigation board - U.S. Navy military archives [haut] et http://www.mycity-military.com [bas]




jeudi 1 janvier 2015

La bataille de Peregonovka, un tournant de la guerre civile russe ?

La bataille de Peregonovka en septembre 1919 n'a jamais eu un grand retentissement y compris dans l'historiographie de la guerre civile russe. Les Soviétiques ne pouvaient célébrer un combat remporté par une armée anarchiste tandis que les Blancs ne voulaient rappeler qu'ils avaient en cette occasion été battus par une troupe de paysans. Seule les fidèles de Nestor Makhno ont entretenu la mémoire de cette bataille en affirmant qu'elle a marqué un tournant de la guerre civile. Selon eux, en obligeant l'armée blanche de Denikine en route sur Moscou, à détourner des troupes vers l'Ukraine, Makhno a en effet favorisé la contre-attaque soviétique d'Orel qui a mis un terme final aux ambitions blanches de s'emparer de Moscou et d'abattre le pouvoir soviétique.

David FRANCOIS