Au
milieu de 1917 l'armée russe est à la croisée des chemins. En
mars1
les soldats de la garnison de Petrograd ont refusé d'obéir aux
ordres de leurs supérieurs et se sont mutinés accélérant la chute
du régime tsariste. L'armée entame alors sa troisième année de
guerre dans l'incertitude au milieu d'un pays en crise où l'ensemble
de la société se divise entre partisans de la poursuite du conflit
contre les Empires centraux et ceux qui demandent la paix.
C'est
dans une situation de crise morale, mais aussi politique, économique,
sociale et militaire qu'en mai 1917 le socialiste modéré Alexandre
Kerensky devient ministre de la Guerre dans le gouvernement
provisoire. C'est un partisan de la poursuite de la guerre au nom de
la parole donnée aux alliés britanniques, français et, depuis
avril, américains, mais également au nom d'une Révolution russe
qui doit, selon lui, s'inspirer de l'exemple français pour redresser
le pays et former une armée révolutionnaire comme en l'an II. La
chute du tsarisme permet en effet à l'Entente d’apparaître
dorénavant comme le camp de la démocratie contre des Empires
autocratiques. La guerre n'est plus celle du tsar mais celle du
peuple et de la démocratie russe pour libérer le territoire occupé
par l'ennemi.
C'est
dans ce contexte que Kerensky se décide à organiser une grande
offensive. Sa réussite doit ranimer l'ardeur guerrière russe, unir
la nation, renforcer la jeune démocratie et rassurer les Alliés
occidentaux. Et pourquoi pas amener la fin du conflit alors que sur
le front occidental, le nouveau généralissime français, Robert
Nivelle, prépare une offensive qu'il espère décisive. Mais dans la
situation de la Russie à l'été 1917, cette offensive est bien plus
qu'une simple opération militaire. De son résultat dépend la
survie de l'État et de la société russe, l'avenir de l'armée et
de la Révolution démocratique de Février.
David FRANCOIS