vendredi 6 janvier 2017

Bataille pour Bakou

Bien que la principale zone de conflit de la Première Guerre mondiale se trouve en Europe, les armées de la Grande-Bretagne, de la France, de la Russie, de l’Allemagne, de l’Empire ottoman se combattent également en Afrique, en Asie et dans le Pacifique. Parmi les moins connus de ces champs de bataille dispersés à travers le monde se trouve ce que l'on appelle alors la Transcaucasie. L’effondrement de l’Empire tsariste déstabilise le vaste territoire qui va du Caucase aux frontières de l’Inde qui devient alors un lieu de confrontation entre les puissances en guerre. Si la région suscite bien des convoitises c’est d’abord parce qu’elle est une zone stratégique reliant la Méditerranée et l’Europe à l’Asie centrale. Mais à ce motif ancien, fruit des nombreuses guerres qui opposèrent par le passé les Russes et les Ottomans, s’en ajoute un nouveau en ce début de 20e siècle, le pétrole.

Bakou est emblématique de l’importance géopolitique que représente alors le Caucase. La ville, aux confins de la Russie et de la Perse, port sur la mer Caspienne ouvrant sur l’Asie centrale est également au centre d’un riche champ pétrolifère. La ville devient au début de l’année 1918 le centre d’une lutte féroce où s’affrontent Ottomans, Britanniques et Soviétiques alors que les nationalités locales, géorgiennes, arméniennes et azerbaïdjanaises affirment leur volonté d’indépendance. Épisode méconnu de la Première Guerre mondiale, la bataille pour le contrôle de Bakou préfigure les affrontements qui, jusqu’à nos jours, démontrent le rôle clef que joue la région du Caucase.

David FRANCOIS



Bakou, ville stratégique
La région de Bakou est connue depuis longtemps pour sa richesse en pétrole exploitée à partir de sources et de fosses peu profondes. Au 19e siècle, les autorités tsaristes s’intéressent de plus en plus à cette ressource naturelle et, pour encourager l’exploitation pétrolière, elles réalisent un forage dans ce qui deviendra par la suite l’immense champ pétrolifère de Bibi-Eybat. C’est à la fin du siècle que les Occidentaux commencent à s’intéresser au riche potentiel de la région. La première société étrangère à s’installer est celle des frères Nobel rapidement suivie par celle des Rothschild. L’industrie pétrolière se développe rapidement et en 1898, la Russie devient le plus grand pays producteur de pétrole et occupe cette place jusqu’en 1902. Au début du 20e siècle, plus de 50% du pétrole mondial est ainsi produit dans la région de Bakou.

La ville qui ne compte que 2 500 habitants au début du 19e siècle devient un centre commercial et industriel important attirant une population de plus en plus nombreuse qui se chiffre à près de 200 000 personnes à la fin du siècle. La construction du chemin de fer reliant la ville au port de Batoumi sur la mer Noire fait de Bakou un carrefour stratégique sur la voie reliant la Russie, l’Iran et l’Asie centrale via la mer Caspienne.

Bakou en 1900


En 1917, au moment où, à Petrograd, les bolcheviks prennent le pouvoir, les armées russes contrôlent encore les régions de la Transcaucasie et une partie de l’Anatolie orientale depuis 1916. Mais à l’ouest, les armées de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie occupent la Pologne et menacent l’Ukraine. Le peuple russe est alors las de la guerre tandis qu’une grande partie des soldats souhaite retrouver leur foyer. Le nouveau pouvoir bolchevik doit prendre en compte cette aspiration à la paix s’il veut survivre. Le décret sur la paix est le premier acte de politique étrangère du nouveau gouvernement. Lénine propose alors à tous les peuples et gouvernements engagés dans le conflit l’ouverture immédiate de négociations pour « une paix démocratique et juste sans annexions ni indemnités ».

Les Alliés considèrent la démarche de Lénine comme une véritable trahison des engagements pris par la Russie tsariste et confirmés après la Révolution de février par le gouvernement provisoire et Kerenski. Le retrait unilatéral du conflit mondial de la part de la Russie risque en effet de donner un avantage décisif aux Empires centraux. En mars 1917, les Allemands disposent de 76 divisions sur le front oriental, représentant environ 2 millions de soldats. Le transfert de ces unités vers le front occidental soulève la possibilité d’une victoire allemande sur les Alliés. Il est donc vital pour ces derniers que l’Allemagne et ses alliés soient contraints de laisser des troupes à l’Est. Cette question fait l’objet d’un mémorandum du gouvernement britannique du 21 décembre 1917 qui demande de maintenir des contacts réguliers en Ukraine, auprès des Cosaques, en Finlande, en Sibérie et dans le Caucase. Il s’agit d’empêcher l’Allemagne et ses alliés de placer ses régions sous leurs tutelles et de s’emparer de leurs ressources naturelles. Les Britanniques, qui se sont entendus avec les Français le 23 décembre 1917 pour se partager des zones d’influence en Russie et se sont vu attribuer celle du Caucase, redoutent une expansion ottomane au cœur de cette région.

Champ pétrolifère de Bakou


Les préoccupations britanniques concernant le développement d’un mouvement pan-turque résultent de la perspective de voir le gouvernement ottoman retrouver, à la faveur du décret sur la paix bolchevik, les territoires perdus en 1916 en Anatolie orientale et en Transcaucasie. À la faveur des négociations germano-soviétiques, le gouvernement ottoman avance en effet ses revendications concernant le Caucase où vit une importante communauté musulmane et laisse entrevoir ses ambitions expansionnistes dans cette région, mettant ainsi en danger les positions britanniques en Orient.


Le Caucase et la paix de Brest-Litovsk.
Peu de temps après la Révolution bolchevique, le Caucase apparaît pour Londres comme une région vitale pour la sauvegarde de ses intérêts notamment en Perse, en Afghanistan mais surtout en Inde. À la fin de 1917, les craintes de Londres semblent fondées puisque tout indique une occupation imminente de la Transcaucasie par les armées ottomanes, point de départ d’une possible unification des populations musulmanes turcophones du Caucase, de la Trancaspienne et de l’Asie centrale sous la bannière du Sultan de Constantinople. Les autorités ottomanes ont bien compris que la décision de Lénine de cesser la guerre leur fournit la possibilité d’exercer leur influence dans le Caucase sans rencontrer d’opposition sérieuse. Enver Pacha, le ministre de la Guerre, commence à planifier une offensive pour s’emparer de Bakou et unir les populations turcophones d’Asie centrale sous une direction ottomane.

Au cours des négociations de paix entre les puissances centrales et la Russie soviétique, les attentes ottomanes concernant le Caucase ne cessent de croître. Au final, les délégués turcs demandent la cession des districts d’Ardahan, de Kars et de Batoumi qui avaient été cédés à la Russie lors du traité de Berlin de 1878. Le traité de Brest-Litovsk, signé le 3 mars 1918, leur donne satisfaction. Les trois districts demandés sont rattachés à l’Empire ottoman et permettent à celui-ci d’accroître son influence dans tout le Caucase notamment avec le contrôle de Batoumi, le port où transite une part importante du pétrole de Bakou.

La cession des districts de Kars, Ardahan et Batoumi provoque immédiatement une vive inquiétude dans le Caucase. La région est alors au bord du chaos après la chute du gouvernement provisoire de Kerenski. Dans le nord du Caucase, les cosaques du Terek refusent de reconnaître l’autorité du gouvernement bolchevik. Les populations montagnardes et celles du Daghestan suivent cet exemple et à la suite d’une série de réunions communes, les autorités des cosaques du Terek et des montagnards mettent en place un gouvernement provisoire du Terek-Daghestan au début de décembre 1917. Ce gouvernement contrôle rapidement l’ensemble de la région du nord du Caucase, établissant sa capitale à Vladikavkaz.

Au sud des monts du Caucase, s’étend la Transcaucasie où vivent les Géorgiens, les Arméniens, les Azerbaïdjanais et d’autres minorités. En novembre 1917, à la suite de la Révolution d’Octobre, une réunion de représentants géorgiens, arméniens et azerbaïdjanais a lieu à Tiflis et crée un gouvernement provisoire pour la région sous le nom de Commissariat transcaucasien. Ce dernier déclare d’abord son intention de conserver son pouvoir jusqu’à la réunion de l’Assemblée constituante russe puis, quand cette dernière est dissoute par les bolcheviks le 19 janvier 1918, il met en place une assemblée représentative, le Seim. En avril 1918, ce dernier proclame l’indépendance de la Transcaucasie qui devient une République fédérative démocratique.

Le Seim ne reconnaît pas le traité de Brest-Litovsk malgré ses efforts pour entamer des négociations séparées avec les Ottomans en février 1918. Au moment où l’armée turque se concentre sur le front caucasien et que la Russie négocie une paix humiliante, des pourparlers directs avec l’Empire ottoman semblent en effet le moyen le plus réaliste d’éviter une annexion turque. Deux jours avant la conclusion de la paix de Brest-Litovsk, le Seim désigne donc une délégation pour négocier avec les Turcs. Les pourparlers débutent à Trébizonde, au sud-est de la mer Noire, à partir du 14 mars mais se heurtent rapidement à la demande ottomane de reconnaître comme préalable à toute discussion l’annexion des districts de Kars, Ardahan et Batoumi.

Turcs et Britanniques dans le Caucase


Début avril, les troupes ottomanes franchissent la frontière de 1914. Le Seim mobilise ses troupes pour empêcher l’invasion des trois districts mais dès le 4 avril les Turcs prennent Sarikamis puis chassent les troupes du général arménien Nazarbekov de Kars. Pendant ce temps, le 7 avril, le 4e corps ottoman prend Van pendant que le long de la mer Noire des unités marchent en direction de Batoumi. Sur la route qui les conduit à travers la partie orientale de la Transcaucasie, les Turcs reçoivent le soutien des Tatars azerbaïdjanais.

À la mi-avril, l’avancée ottomane dans le Caucase oblige finalement le gouvernement de la République transcaucasienne à accepter l’offre turque d’une nouvelle conférence à Batoumi. Lors de celle-ci, en mai, les Turcs présentent un projet de traité dans lequel ils revendiquent les régions d’Akhaltsikhé et d'Akhalkalaki en Géorgie, celle de Surmali et une partie de celles d’Alexandropol et d’Etchmiadzin en Arménie. Outre ces revendications territoriales, ils demandent également des privilèges sur le commerce, la navigation, le trafic frontalier et une forte réduction des forces armées de la République transcaucasienne.

La perspective d’une mise sous tutelle de l’ensemble de la région par les Ottomans se précise d’autant que les musulmans azerbaïdjanais ne s’y opposent pas. Les Arméniens craignent une telle situation, mais ils n’ont alors plus les forces nécessaires pour s’y opposer. Les Géorgiens quant à eux, craignant d’être isolé, approchent le général allemand von Lossow pour lui demander la protection du Reich. Les Allemands qui souhaitent contrôler le pétrole et les autres ressources naturelles du Caucase à leur bénéfice profitent de cette demande pour installer une base solide dans la région et contrer l’influence ottomane. Le colonel von Kressenstein dirige un détachement qui s’installe à Tiflis et entre en contact avec la Diète géorgienne. La protection allemande permet à cette dernière de proclamer l’indépendance de la Géorgie le 26 mai mettant ainsi fin à l’existence éphémère de la République transcaucasienne. Deux jours plus tard, l’Arménie et l’Azerbaïdjan proclament à leur tour leur indépendance.

Le 4 juin, les trois nouvelles républiques du Caucase signent des traités séparés avec les autorités ottomanes à Batoumi. Elles acceptent les demandes turques, cédant de l’espace afin de gagner du temps. Ainsi, en juin 1918, l’Empire ottoman n’a pas seulement rétabli dans la région ses frontières de 1914 mais également celle de 1878. L’accord conclu avec le gouvernement azerbaïdjanais stipule aussi l’octroi d’un soutien militaire turc pour assurer la stabilité intérieure et la sécurité du pays. En vertu de cette disposition, une armée ottomane renforcée par des Azerbaïdjanais et des volontaires musulmans se met en marche en direction de la Caspienne pour combattre les bolcheviks et les Arméniens qui tiennent Bakou. Cette armée est placée sous les ordres du frère cadet d’Enver Pacha, Nouri Pacha, un extrémiste de la cause pan-turque. En prenant le contrôle de la route de Kars à Bakou via Djoulfa, l’objectif pour Ottomans est d’asseoir leur influence dans le Caucase mais également de menacer la Perse sous contrôle britannique.


La Commune de Bakou.
Au début de 1918, alors que les troupes turques pénètrent dans le Caucase après l’impasse des pourparlers de Trébizonde, à Bakou se déroulent des affrontements majeurs entre les musulmans locaux et les bolcheviks. La ville est alors la seule cité de Transcaucasie sous le contrôle des bolcheviks. Après la Révolution de février, un système de double pouvoir a vu le jour à Bakou avec d’un côté la formation, sur ordre du gouvernement provisoire de Petrograd, d’un Comité exécutif des organisations publiques et de l’autre un Soviet des députés ouvriers de Bakou qui lors de sa première réunion élit Stepan Chaoumian à sa tête. Contrairement à ce qui se passe à Petrograd ou à Moscou, les bolcheviks de Bakou n’essayent pas de s’emparer du pouvoir par la force, préférant un changement politique à long terme, une transition pacifique par le biais d’une prise de contrôle du gouvernement local.

Stepan Chaoumian, le dirigeant bolchevik de Bakou


La population de Bakou se compose alors principalement de trois nationalités, les Russes, les Arméniens et les Azerbaïdjanais. Chaque groupe ethnique possède sa propre organisation politique. Les Arméniens se concentrent autour du Dachnak, un parti socialiste modéré favorable à l’unité nationale arménienne. La majorité des Azerbaïdjanais soutient le Moussavat, un parti laïc nationaliste tandis que les Russes se partagent entre les mencheviks et les socialiste-révolutionnaires. Si depuis la Révolution de février, les bolcheviks sont l’objet d’une sympathie croissante, la véritable question à Bakou est celle d’un possible conflit ethnique entre les communautés arméniennes et musulmanes.
Lorsque le front du Caucase se désintègre à la suite du décret sur la paix, le Soviet de Bakou ne dispose d’aucune force militaire et doit s’allier aux Dachnaks qui dirigent des unités de volontaires arméniens. Cette situation ne fait qu’accroître les tensions ethniques et religieuses en provoquant la colère des musulmans de Bakou. Dans cette atmosphère instable, les musulmans prennent les armes avec le soutien de la cavalerie tatare de la division Sauvage transférée de Petrograd à la suite de l’échec du putsch du général Kornilov. Dès le début de 1918, des combats sporadiques éclatent dans le Caucase entre les musulmans et les Russes et les Arméniens.

A Bakou, le conflit commence le 24 mars lorsqu’un détachement de soldats musulmans de la division Sauvage arrive dans la ville et refuse d’être désarmé par les autorités du Soviet. Dans un premier temps, les Arméniens se déclarent neutres dans un conflit qui oppose seulement les musulmans au Soviet mais rapidement l’affrontement se transforme en guerre ethnique et religieuse avec l’intervention des unités arméniennes. Les combats durent trois jours, causant la mort de prés de 3 000 volontaires musulmans, avant que les bolcheviks et les Arméniens ne l’emportent.

Combattants arméniens


Par la suite cet épisode sera décrit dans l’historiographie soviétique comme la victoire des forces révolutionnaires sur les contre-révolutionnaires du Moussavat, du Dachnaks, des SR et des mencheviks. Le soutien arménien aux bolcheviks est balayé afin de présenter l’événement comme une victoire du prolétariat de Bakou sur la bourgeoisie azerbaïdjanaise. En réalité, les bolcheviks s’appuient et utilisent les rivalités ethniques pour renforcer leurs positions. Les musulmans vaincus et les Arméniens affaiblis par la bataille, personne ne peut plus s’opposer à leur prise du pouvoir. Le Conseil des commissaires du peuple est mis en place lors d’une réunion du Soviet de Bakou le 25 avril et se déclare organe du gouvernement soviétique en Transcaucasie. Pour les musulmans, mars 1918 marque un tournant. Ils rejettent la nouvelle autorité installée à Bakou et rompent avec les bolcheviks, plaçant désormais leurs espoirs dans les armées ottomanes qui apparaissent comme de futurs libérateurs.

La responsabilité de la prise de Bakou est confiée au général ottoman Nouri Pacha qui le 4 mai arrive à Tabriz pour organiser l’armée islamique du Caucase. Une partie de l’armée ottomane, environ 12 000 hommes, progresse sur l’axe Ulukhanli-Qazax puis se dirige en direction de Gandja qui est occupé le 25 mai par la 5e division caucasienne du commandant Mürsel Pacha. Plus au sud, les troupes ottomanes progressent à partir de Tabriz et Djoulfa en direction du nord et de l’est.

A Bakou, le Soviet se mobilise pour résister à la progression ottomane. À la fin mai 1918, la Commune de Bakou dispose de 19 bataillons d’infanterie représentant environ 15 000 hommes, une centaine de cavaliers, trois canons de montagnes et 4 mortiers. L’essentiel de ces troupes ainsi que du commandement est composé d’Arméniens issus le plus souvent des Dachnaks à l’exemple du commandant Hamazasp.

Le 6 juin, le commissaire du peuple à la Guerre, Grigory Korganov donne l’ordre d’attaquer Gandja. Avançant le long de la voie ferrée du Transcaucasien, les forces rouges prennent Kurdamir le 12 juin puis Karamaryan. Sur leur passage les musulmans sont victimes de massacres de la part des troupes arméniennes ce qui accroît la colère contre le régime soviétique. Du 16 au 18 juin, de violents combats ont lieu autour de Karamaryan et finalement l’armée islamique du Caucase est repoussée avec de lourdes pertes. Surpris, le commandement turc fait venir 15 000 en renfort à Gandja. Au cours de la bataille de Göyçay, du 27 juin au 1er juillet, l’armée islamique inflige une défaite aux troupes rouges qui se replient sur Karamaryan avant d’abandonner Agsu le 2 juillet puis Kurdamir le 10 et Kerar le 14. Épuisés, menacés de débordements sur leurs flancs, les rouges reculent le long de la Transcaucasienne tandis que les forces ottomanes ne cessent de se rapprocher de Bakou.

Moscou veut sauver la ville dont le pétrole doit continuer à approvisionner la Russie soviétique et permettre ainsi la survie du nouveau régime. Des négociations sont donc entamées avec l’Allemagne dans l’espoir qu’elle intervienne pour faire cesser l’offensive de son allié turc en échange de livraison de pétrole. À la fin août, un nouvel accord germano-soviétique semble sur le point de sauver Bakou. Le 27, la Russie soviétique annonce qu’elle ne s’oppose pas à la reconnaissance par le Reich de l’indépendance de la Géorgie et qu’elle est prête à lui livrer un quart du pétrole extrait à Bakou. En contrepartie, l’Allemagne s’engage à refuser de soutenir toute opération militaire d’une puissance tierce dans les régions situées au-delà de la Géorgie ainsi qu’une occupation de la région de Bakou.

Si cet accord représente un sérieux revers pour les Ottomans, sur le terrain les forces allemandes n’ont pas la capacité de s’opposer aux Turcs d’autant que le Reich retire ses troupes pour les envoyer en France où sa situation militaire est critique. À ce moment-là, les Ottomans ne sont qu’à 60 kilomètres de Bakou. Les 5e, 15e et 36e divisions reçoivent l’ordre de s’emparer de la ville. Les Allemands ne s’y opposent pas et certains chefs militaires recommandent même la participation d’unités allemandes afin de sauvegarder les intérêts du Reich dans la région. Finalement, suite à un accord conclu avec les Ottomans, les Allemands se retirent au nord de la rivière Kamenka tandis que von Kressenstein conseille au gouvernement géorgien de laisser les Turcs emprunter les routes qui traversent le sud de la Géorgie.


L’improbable alliance soviéto-britannique.
Pendant ce temps, les Britanniques cherchent depuis le début de l’année 1918 à atteindre le Caucase pour établir des contacts avec les éléments pro-alliés. Cette mission est confiée au général Lionel C. Dunsterville, un ami de Rudyard Kipling, nommé, en janvier 1918, chef de la mission britannique au Caucase. Son principal objectif est alors de contrecarrer les visées pan-turques de Constantinople sur le Caucase.

Dunsterville peut s’appuyer sur place sur les officiers de renseignements britanniques membres de la petite mission militaire rattachée au quartier général de l’armée russe du Caucase et qui, après la Révolution, sont restés sur place pour essayer de persuader les Russes de continuer à résister aux Ottomans. En 1918, ces officiers se trouvent à Tiflis au sein de l’agence militaire du Caucase sous les ordres du colonel Pike. En février, arrive à Bakou le major Goldsmith qui rejoint ensuite Tiflis où il est chargé d’entrer en contact avec les groupes locaux, y compris les bolcheviks, et d’établir une liaison efficace avec les troupes britanniques stationnées dans le nord de la Perse.

Les Ottomans dans le Caucase


Durant l’été 1918, les bolcheviks de Bakou et les Britanniques stationnés au nord de la Perse se trouvent sous la menace directe de l’avancée de l’armée ottomane. Une fois cette dernière installée à Bakou, il deviendra plus difficile d’empêcher sa progression vers l’est, en Perse et en Transcaspienne. Il lui suffira en effet de franchir la Caspienne pour atteindre Krasnovodsk et la steppe turkmène avant d’atteindre le Turkestan. Britanniques et bolcheviks partagent donc un objectif commun : empêcher les Ottomans de s’emparer de Bakou. La possibilité d’une alliance de circonstance s’esquisse. Déjà, à la fin février 1918, Goldsmith a obtenu l’accord de Chaoumian pour faire transiter par Bakou en direction de Tiflis, 40 officiers et 50 soldats britanniques accompagnés de quatre véhicules.

Le 22 mai 1918, Dunsterville demande au général Marshall, commandant de l’armée britannique en Mésopotamie, la permission de rassembler un corps expéditionnaire afin de défendre Bakou contre les Ottomans. Le 24, Marshall fait savoir au War Office que Dunsterville est prêt à intervenir dans le délai d’une semaine. Londres est réticente à autoriser une telle coopération avec les bolcheviks. Le 27 mai, le War Office répond donc à Marshall qu’il interdit à Dunsterville de se rendre dans le Caucase. Ce dernier insiste néanmoins en avançant qu’il n’est pas possible de laisser l’ennemi s’emparer des puits de pétrole de Bakou mais Londres reste inflexible et répète l’ordre de ne pas envoyer de troupes. Si le Premier ministre, Lloyd George, refuse toute coopération avec les bolcheviks c’est parce qu’il est persuadé que les Ottomans sont un danger moindre pour les intérêts britanniques en Orient que celui que représentent les Soviétiques.

La position de Moscou est étrangement similaire à celle de Londres. Le pouvoir bolchevik préfère abandonner Bakou aux Ottomans plutôt qu’aux impérialistes britanniques jugés plus dangereux. Il demande donc aux bolcheviks de Bakou de ne pas solliciter l’aide anglaise pour défendre la ville. Malgré cette unanimité entre Londres et Moscou, sur le terrain une coopération se met en place. Les bolcheviks travaillent en effet avec l’agence militaire du Caucase pour surveiller l’avance allemande et turque dans le nord de la région tandis que la route militaire géorgienne et la gare de Vladikavkaz sont contrôlées par des patrouilles composées de Britanniques et de bolcheviks. Les Anglais échangent également avec les bolcheviks des véhicules Ford contre du carburant et Chaoumian rencontre à plusieurs reprises le vice-consul britannique à Bakou avec qui il envisage de faire appel aux troupes de Sa Majesté pour défendre la ville.

Afin de ne pas désobéir au War Office, Dunsterville envoie à Bakou le général Lazar Bicherakhov et ses 1 800 cosaques du Terek. Cet ancien officier du tsar, qui a organisé une petite troupe en Perse au service des Britanniques, propose au Soviet de Bakou de mettre ses forces à sa disposition ce qui est accepté par le Conseil des commissaires du peuple de la ville qui connaît pourtant ses liens étroits avec les Anglais et ses penchants antibolcheviks. Bicherakhov et son régiment, accompagné de quelques officiers britanniques, de deux trains blindés, d’artillerie et de véhicules blindés arrivent à Alyat un port à 60 kilomètres au sud de Bakou le 5 juillet avant de rejoindre le front pour participer à la bataille de Kurdamir. Bicherakhov reçoit alors le commandement de l’aile droite du front rouge, le centre et la gauche restant sous les ordres de Korganov.

Le 16 juillet, les Dachnaks alliés au SR, propose au Soviet de Bakou de demander l’aide britannique. Malgré le rejet de cette proposition par la majorité, Chaoumian interroge néanmoins Moscou. Lénine reste inflexible, il estime toujours qu’une fois à Bakou, les Anglais seront beaucoup plus difficiles à en chasser que les Ottomans.


Le général Dunsterville
 


Les bolcheviks perdent Bakou.
À la fin juillet, le risque d’une prise de Bakou par les armées turques, sur fond de pénurie alimentaire de plus en plus aiguë, se précise. L’arrivée de nouvelles divisions du front occidental renforce les capacités de l’armée ottomane. Chaoumian insiste auprès de Moscou afin de recevoir des renforts et permettre de sauver la situation. Engagé sur de multiples fronts, le gouvernement soviétique parvient à faire parvenir à Bakou le 19 juillet, en provenance de Tsaritsyne, un escadron de cavalerie, un bataillon de marins, un escadron de reconnaissance et une batterie d’artillerie qui sont confiés à Grigory Petrov commissaire militaire de la région de Bakou.

Le 20 juillet, l’armée islamique du Caucase s’empare de Samaxi et le 25 juillet, les Ottomans occupent le port d’Alyat. Fin juillet, ils ne sont plus qu’à une quinzaine de kilomètres de Bakou. Découragés, environ 3 000 soldats arméniens refusent alors de monter au front obligeant le commandant des forces rouges à Bakou, Avetisov, à demander au Soviet d’entamer des négociations avec les Ottomans. Au Soviet de Bakou, les SR, mencheviks et Dachnaks proposent à nouveau, le 25 juillet, de faire appel aux Britanniques. Malgré l’opposition de Chaoumian, la proposition est adoptée à une faible majorité.

Le 27 juillet, Chaoumian écrit à Lénine pour lui faire part de la situation et demander des renforts d’urgence afin de pouvoir maintenir Bakou sous contrôle soviétique. Les bolcheviks reçoivent d’Astrakhan des armes et des munitions dont 3 véhicules blindés, 80 canons et 160 mitrailleuses mais le front commence à s’effondrer. Le 29, les troupes rouges battent en retraite vers Bilajari aux portes de Bakou tandis que les troupes de Bicherakhov doivent se replier sur Derbent et Petrovsk au Daghestan.

Le 31, les bolcheviks rompent leur alliance avec les Dachnaks, les SR et les mencheviks. Le Conseil des commissaires du peuple de Bakou annonce sa démission et décide d’évacuer les militaires et les autorités civiles vers la Russie soviétique. Les dirigeants bolcheviks et une partie des troupes s’embarquent le soir même en direction d’Astrakhan mais le navire est détourné sur Achgabat au Turkménistan où les bolcheviks sont remis au comité, composé de SR et de mencheviks alliés aux Britanniques, qui contrôle la région. Le 20 septembre, 26 commissaires bolcheviks sont fusillés sur ordre du comité dont Chaoumian, Korganov et Petrov. A Bakou, dès le lendemain du départ des bolcheviks, le pouvoir passe aux mains d’un Directoire de la Caspienne centrale, une coalition dominée par les SR et composée de Russes et d’Arméniens. Le général Jacob Bagratouni devient ministre de la Guerre et le commandement des troupes est confié au général Dokoutchaev.

La situation militaire reste désespérée pour les défenseurs de Bakou qui, démoralisés, continuent à battre en retraite. Alors que le colonel Avetisov, chef d’état-major, demande que la ville se rende, un avis partagé par le Conseil national arménien, le Directoire sollicite officiellement un soutien britannique pour protéger Bakou.

À la suite de cette demande, Dunsterville parvient à persuader Londres de la possibilité d’empêcher la prise de Bakou par les Ottomans grâce à l’intervention d’une petite armée britannique. Il reçoit la permission d’envoyer deux bataillons avec de l’artillerie et des véhicules blindés.

Soldats britanniques à Bakou



L’arrivée des Britanniques.
Depuis son arrivée à Bagdad en janvier 1918, Dunstervillle rassemble des troupes où se retrouvent principalement des combattants venus des Dominions, Canadiens, Australiens, Néo-Zélandais, Sud-Africains mais également des Indiens. À la mi-février, une partie de ses troupes, qui a pris le nom de Force Dunsterville, part de Bagdad en direction d’Anzali. Le parcours ne se fait pas dans des conditions faciles, le nord de la Perse est alors le théâtre où opèrent les Jangalis, groupes de révolutionnaires perses commandés par Mirza Kuchik Khan, qui harcèlent les Britanniques. Arrivée à Anzali sur la Caspienne, la Force Dunsterville est stoppée par le Soviet de la ville qui refuse de la laisser embarquer pour rejoindre le Caucase. Les Britanniques sont alors obligés de trouver asile à Hamadan et enfin à Qazvin.

Début août 1918, lorsqu’il reçoit l’autorisation du War Office pour se rendre à Bakou, Dunsterville envoie de nouveau ses hommes à Anzali où ils réussissent cette fois-ci à monter sur des navires en direction du Caucase. Les effectifs sont faibles, environ un millier d’hommes, quelques automitrailleuses Austin et deux avions Martinsyde G 100. Le 4 août, un premier bataillon du 4e régiment d’infanterie de l’Hampshire arrive à Bakou sous les ordres du colonel Stokes. Deux jours plus tard, débarquent des unités du 7e régiment du North Staffordshire sous la direction du colonel Keyworth chargé d’organiser la défense de la ville. Le 17 août, Dunsterville en personne et le gros des forces britanniques engagées, des troupes du 9e régiment du Warwickshire et du 9e régiment du Worcestershire, posent le pied à Bakou en provenance d’Anzali.

La Force Dunsterville s'installe à Bakou


Dunsterville, conscient que ces troupes, dont l’effectif est trop faible, ne sont pas en mesure de contraindre les Ottomans à reculer à moins de recevoir un soutien militaire important qui semble peu probable. L’armée britannique doit tenir d’autres fronts et la distance avec Bagdad, en l’absence d’un réseau ferré important, rend l’approvisionnement des troupes très difficiles. Il estime néanmoins que la présence de ses hommes peut aider à remonter le moral des défenseurs de la ville. Pour cela, il fait, par exemple défiler une de ses compagnies dans la ville, n’hésitant pas à lui faire traverser plusieurs fois la même rue afin de faire croire à une présence britannique plus importante. Dans le même temps, Dunsterville ne peut que constater le manque d’efficacité des troupes locales où règne l’absence de discipline. Les Britanniques rassemblent néanmoins les dépôts d’armes et de munitions et organisent une armée de 10 000 hommes qui comprend 7 000 Arméniens et 3 000 Russes.

Bakou se trouve sur la rive sud d’une étroite bande de terre qui s’avance dans la Caspienne. À l’est de la ville se trouve une série de falaises dominées par la voie de chemin de fer qui se glisse vers l’ouest en direction des champs de pétrole au nord-ouest de Bakou puis encercle la ville pour rejoindre la zone portuaire. Au-delà de ces falaises se trouvent une succession de crêtes qui forment les sommets de la péninsule où se trouvent des lacs salés et des marais. C’est sur ces terrains élevés que Dunsterville décide de concentrer la défense de Bakou, notamment près du Volcan de boue.



Automitrailleuse britannique




La prise de Bakou.
Le 5 août, l’étau se resserre sur la ville de Bakou où la panique commence à s’installer. Il ne reste plus que 3 000 défenseurs locaux, mais ce jour-là, un détachement, soutenu par de l’artillerie, lance une contre-attaque et parvient à chasser les Ottomans de leurs positions. Les 15 et 16 août des combats ont lieu à Bibiheybat, Badamdar et à la Porte au Loup.

Le 25, un millier de soldats de l’armée islamique du Caucase attaque les positions britanniques au Volcan de boue. Ils sont repoussés à quatre reprises avant que les hommes de Dunsterville, sans soutien des forces arméniennes, soient obligés de se replier après avoir perdu tous leurs officiers et 80 soldats. Cette position clef pour la défense est définitivement aux mains des Turcs dans l’après-midi. Le même jour, les troupes ottomanes stationnées à Novkany, au nord de la péninsule, attaquent les hauteurs à l’est de Binagadi. Venant de Digah, les Britanniques trouvent les positions abandonnées par les Arméniens, mais ils parviennent néanmoins à repousser l’assaut turc à l’aide de leurs mitrailleuses Lewis.

La nouvelle ligne de défense qui s’organise après l’attaque du 25 ne satisfait pas Dunsterville, d’autant que les Turcs, désormais maîtres des hauteurs, peuvent bombarder la ville. Le 31 août, les soldats de Mürsel Pacha attaquent à nouveau la colline de Binagadi. L’offensive ottomane est violente, obligeant les Britanniques à battre en retraite sur une position de secours alors que sur leur droite les Arméniens sont repoussés. Les soldats de Dunsterville sont finalement contraints de se replier au milieu des puits de pétrole pour s’installer sur de nouvelles positions prés de Baladjari.

La prise de Bakou


Dunsterville est maintenant convaincu que la poursuite de la défense de Bakou est vaine. Le War Office qui a été tenu au courant de la situation lui suggère d’abandonner la ville en détruisant la raffinerie de pétrole. A Bakou, le Directoire s’insurge contre le possible départ des Britanniques et menace même d’ouvrir le feu sur leurs navires. Pendant ce temps, les Ottomans préparent l’assaut final. Le coup principal est porté par la 5e division caucasienne qui comprend les 9e, 10e, 13e régiment d’infanterie caucasienne, le 56e régiment d’infanterie et un régiment d’artillerie. Le 38e régiment d’infanterie, le 106e régiment d’infanterie caucasien et un groupe d’artillerie forment la 15e division sous les ordres du colonel Suleiman Isset Bey. Le groupe sud, commandé par le colonel Djamil Djakhid Bey, comprend le 4e régiment d’infanterie et environ 300 cavaliers. Le commandement ottoman concentre ainsi aux approches de Bakou environ 10 000 hommes et 40 canons.

Quelques jours plus tard, des déserteurs arabes de la 10e division de l’armée ottomane avertissent que l’attaque sur Bakou est prévue pour le 14 septembre. Les Britanniques se positionnent mais, sans connaître dans quelle direction aura lieu l’offensive ennemie, ils dispersent leurs forces qui sont néanmoins renforcées par 500 cosaques de Bicherakov arrivés la veille à Bakou. Le mauvais temps empêche en outre la petite aviation de Dunsterville d’effectuer des reconnaissances pour connaître les lieux de concentration de l’ennemi.

L'artillerie ottomane bombarde Bakou


À l’aube du 14, l’artillerie turque pilonne les positions défensives sur l’ensemble du front. Huit à dix bataillons ottomans passent à l’offensive, traversent la voie ferrée au sud de Khoja Hasan, bousculent les cosaques de Bicherakov, franchissent la Porte au Loup et atteignent finalement les falaises qui surplombent Bakou. Les Britanniques tentent de les arrêter mais sans succès. Voyant sa dernière ligne de défense franchie, Dunsterville décide que toute résistance est désormais inutile et donne l’ordre de faire rembarquer les troupes. Profitant de la nuit, les Britanniques montent à bord des navires qui prennent rapidement la mer. Le Directoire mettant ses menaces à exécution fait tirer sur les navires anglais qui parviennent néanmoins à s’échapper sans dommage. C’est désormais aux membres du Directoire de fuir la ville prise d’assaut.

Le 15 septembre, les unités de l’armée islamique du Caucase occupent entièrement Bakou où elles capturent 36 officiers et 1 650 soldats dont 4 Britanniques. Dunsterville a perdu 180 hommes, morts, blessés ou disparus pendant la défense de Bakou tandis que les pertes turques s’élèvent à environ 2 000 victimes. La ville passe alors sous le contrôle du gouvernement de la République d’Azerbaïdjan qui y installe sa capitale dès le 19 septembre. La division de Dunsterville est dissoute le 22 septembre et ses soldats rejoignent les unités dispersées dans le nord de la Perse. Dunsterville est quant à lui envoyé en Inde.


L’occupation de Bakou par les Ottomans est un coup sévère porté aussi bien aux Britanniques qu’aux bolcheviks. Le contrôle turc sur cette région stratégique ouvre les ressources pétrolières de Bakou à l’exploitation par les Empires centraux et menace également les positions britanniques en Orient. Pour les bolcheviks, la chute de Bakou signifie la perte de leur seule base de pouvoir dans le Caucase tout en augmentant le risque d’une campagne musulmane antibolchevik en Asie centrale.

Il existe, de mai à septembre 1918, une véritable convergence d’intérêts entre les Britanniques et les Soviétiques concernant le Caucase qui, sur le terrain, conduit à des rapprochements. Mais pour Moscou, les Britanniques ne cherchent dans cette région qu’à renforcer le front antibolchevik et à terme anéantir le régime socialiste en Russie tandis que Londres considère les événements du Caucase selon les règles du « Grand Jeu », cette concurrence impérialiste née au 19e siècle et dont l’enjeu est le contrôle de l’Asie centrale. Dans la situation mouvante et confuse du Caucase de cette époque et en l’absence de toute coordination entre Soviétiques et Britanniques, la région de Bakou ne peut échapper à une prise de contrôle par les Ottomans.

Le succès turc est de courte durée. L’armée ottomane est rapidement contrainte de quitter la région, conformément aux termes de l’armistice de Moudros signée le 30 octobre 1918, reconnaissant la défaite de Constantinople dans la Première Guerre mondiale. Le 17 septembre, les troupes britanniques occupent la ville qu’ils ne quittent qu’en août 1919 après la reconnaissance du gouvernement azerbaïdjanais par Londres.

À la mi-avril 1920, bousculant les restes de l’armée blanche de Denikine, la 11e armée rouge atteint la frontière nord de l’Azerbaïdjan. Le 28 avril, elle entre, sans rencontrer de résistance, dans Bakou qui devient, jusqu’en 1991, la capitale de la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan.


Bibliographie :
En anglais :
-Firuz Kazemeadeh, The struggle for Transcaucasia, 1917-1921, Philosophical Library, 1951.
-C. H. Ellis, The Transcaspian Episode, 1918-1919, Hutchinson and Company Ltd, 1963.
-Leslie, Missen, Dunsterforce. Marshall Cavendish Illustrated Encyclopedia of World War I, Marshall Cavendish Corporation, 1984.
-Bülent Gökay. ‘The Battle for Baku (May-September 1918): A Peculiar Episode in the History of the Caucasus’, Middle Eastern Studies, Vol. 34, N° 1, janvier 1998.

En russe :
-Волхонский М, Муханов В, По следам Азербайджанской Демократической Республики, Европа, 2007.
-Безугольный А. Ю, Генерал Бичерахов и его Кавказская армия. Неизвестные страницы истории Гражданской войны и интервенции на Кавказе. 1917—1919, Центрполиграф, 2011.
-Михайлов В. В, « К вопросу о политической ситуации в Закавказье на заключительном этапе первой мировой войны », Вестник Санкт-Петербургского университета, Сер. 2, вып. 4, 2006.

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