jeudi 10 juillet 2014

La première bataille d'Angleterre et la naissance du bombardement stratégique


La Première Guerre mondiale voit l'apparition de la guerre aérienne qui devient un élément essentiel de la guerre moderne. Si cette nouvelle arme fait ses preuves sur le plan opérationnel, notamment tactique, les bases de son utilisation stratégique sont également posées durant le premier conflit mondial avec les prémisses de ce qui sera appelé ultérieurement le bombardement stratégique. Il s'agit d'abord par ce moyen de frapper la machine de guerre adverse loin en arrière du front afin de la paralyser, mais le bombardement du territoire ennemi est aussi une arme psychologique destinée à terroriser les populations civiles. Si des raids de bombardement ont lieu sur Paris, la Belgique, en mer Baltique et même en Afrique entre 1914 et 1918, les seules campagnes systématiques visant des objectifs civils et militaires se déroulent contre l'Angleterre.

Pour cela l'Allemagne possède une longueur d'avance sur ses adversaires notamment grâce à aux progrès technologiques réalisés outre-Rhin dans le domaine des appareils plus léger que l'air. La flotte de dirigeables, essentiellement de marque Zeppelin, de l'armée du Kaiser, conçue à l'origine pour des missions de reconnaissance et de collectes d'informations afin de signaler les mouvements de l'infanterie ou de découvrir les positions de l'artillerie ennemie, va devenir pour les populations civiles anglaise le symbole de la mort venant du ciel. Transformés en bombardiers, les Zeppelins vont en effet réussir à répandre la peur dans toute l'Angleterre.

David FRANCOIS.



Bombarder l'Angleterre.
Le comte Ferdinand von Zeppelin, l'inventeur de la technologie des dirigeables et le fondateur de la société Zeppelin, a conçu et fabriqué presque l'ensemble des dirigeables de l'Allemagne impériale avant et pendant la guerre. Il a surtout eu une influence énorme sur la technologie aéronautique et le développement de la guerre aérienne en général. Le comte commence à travailler sur la fabrication d' un dirigeable en 1898. En 1900, le vol du Zeppelin LZ marque une étape dans l'histoire de la guerre aérienne. En effet si la technologie ne permet pas encore aux dirigeables d'avoir la stabilité nécessaire pour des voyages civils, ils peuvent néanmoins être utilisés dans le domaine militaire. En 1911, la technologie développée par Zeppelin a largement progressé, permettant cette année là un premier vol civil avec des passagers. Surtout sur le plan militaire les Italiens utilisent des dirigeables pour bombarder les troupes ottomanes et les tribus libyenne lors de leur conquête de la Libye en 1911-1912. Cette utilisation opérationnelle des dirigeables est remarquée par l'Etat-Major allemand et, en 1913, l'amiral Alfred von Tirpitz se penche sur la formation d'une division de dirigeables pour la Kriegsmarine.

L'exemple de la campagne de Libye et la constitution en Allemagne d'unités de dirigeables semblent rendre inévitable l'utilisation de cette nouvelle arme en 1914. D'ailleurs à partir du moment où, à l'ouest, le front s'enlise dans la guerre de tranchées, germe l'idée qu'ils peuvent jouer un rôle majeur pour sortir de cette impasse. Bien que d'abord hésitant, le Kaiser Guillaume II autorise le haut-commandement allemand à organiser la première campagne de bombardement stratégique de l'histoire. Cette campagne qui vise l'Angleterre et plus particulièrement Londres est connu de nos jours sous le nom de First Blitz.

L'objectif des militaires allemands pour cette première campagnes de zeppelins est, par le bais de bombardements aériens, de frapper des cibles militaires et civiles directement sur le sol britannique. Des cibles civiles, jusqu'alors inaccessibles, deviennent ainsi des cibles stratégiques directes permettant de perturber fortement la production de guerre ennemie et de saper le moral de la population civile. En somme, il s'agit pour les militaires allemands de semer un chaos tel à l'arrière des lignes ennemis que l'Angleterre soit contrainte de demander la paix le plus rapidement possible.

Un dirigeable Zeppelin en 1914.



La flotte de dirigeables allemands.
Si la majorité des dirigeables allemands sont fabriqués par la firme Zeppelin, des dirigeables avec armatures en bois de la firme Schutte-Lanz sont aussi utilisés par la marine et l'armée, ce qui ne manque pas de causer des rivalités. Les zeppelins quant à eux utilisent une armature en métal utilisant un alliage en aluminium. Trois types de zeppelins sont utilisés durant le conflit, les Z, les P, plus gros, plus rapides et volant plus haut et les R connu aussi sous le nom de Haut Grimpeurs. Théoriquement ce dernier type de dirigeable est capable de voler jusqu'à New-York puis de retourner à sa base. Tous les dirigeables allemand sont des plus léger que l'air fonctionnant avec de l'hydrogène, un gaz hautement inflammable, même s'il est purifié pour réduire les risques d'incendie.

En 1916, les dirigeables utilisés par l'Allemagne mesurent pour la plupart prés de 200 m de long sur 24 m de large et sont donc plus gros qu'un cuirassé. L'équipage, composé de volontaires, comprend 20 hommes dont la moitié sont des machinistes. Ces appareils ont l'avantage de pouvoir voler à hautes altitudes échappant ainsi aux canons antiaériens et aux chasseurs de l'adversaire. Ils peuvent aussi transporter des quantités importantes de bombes. Mais les conditions météorologiques et les difficulté de navigation rendent ces expéditions difficiles et hasardeuses. Ainsi un dirigeable se rendant sur Londres se retrouve, à cause des vents, déporté sur Hull où il lâche néanmoins ses bombes.

Surtout la technologie n'est pas totalement fiable et les risques sont élevés. Ainsi prés de 40% des équipages périssent. Pour cela il suffit d'une panne de moteur, d'une tempête ou bien d'un commandant qui perd son chemin avant que son appareil ne manque de carburants. Le 19 février 1916, l'équipage du L19, accroché à l'épave de son dirigeable, est vu par un chalutier britannique à environ 200 km à l'est des cotes du Yorkshire mais le capitaine anglais refuse de les secourir. Le L19 sombre donc dans la mer du Nord avant que, six mois plus tard, on ne retrouve sur les cotes suédoises une bouteille contenant le dernier rapport du commandant allemand. Mais les équipages craignent avant tout les incendies qui ne laissent que rarement des survivants.


Les premiers raids sur la Grande-Bretagne.
Les dirigeables allemands sont d'abord utilisés sur la cote orientale de l'Angleterre. Alors qu'ils ont déjà attaqué précédemment des navires aux larges des cotes néerlandaises, dans la nuit du 19 janvier 1915, trois zeppelins de la marine, les L3, L4 et L6, commencent à survoler la Grande-Bretagne. Le L6 rencontre vite des problèmes techniques et doit rentrer à sa base. Les L3 et L4 continuent leur route affrontant la pluie et la neige sur les cote du nord-est de l'Angleterre prés de Yarmouth. Les deux dirigeables se séparent alors, l'un en direction du sud et l'autre du nord. Le L3 bombarde le port de Yarmouth, une cible militaire, sur lequel il lâche 2 bombes faisant 2 tués et 3 blessé. Le L4 s'enfonce quant à lui dans les terres et attaque la ville de Kings Lynn où ne se trouve aucun objectif militaire. Il tue 2 civils et en blesse 13. Au total 24 bombes de 50kg et 3kg de bombes incendiaires sont largués cette nuit là. Les deux dirigeables sont néanmoins la cible de tirs ennemis mais ils parviennent à rentrer sans ennuis à leur base. La guerre de bombardement commence et un nouvel outil de guerre fait ainsi ses débuts dans le ciel du sud de l'Angleterre.

Ce succès provoque un certain enthousiasme chez les militaires allemands et l'amiral Behncke dans un rapport concernant la mission du 19 janvier écrit que le zeppelin est « l'arme aérienne la plus moderne, le triomphe de l'inventivité allemande [en montrant] qu'il est capable de traverser la mer pour porter la guerre sur le sol de la vieille Angleterre ». Le 12 février 1915, le Kaiser lui même exprime l'espoir que la guerre aérienne contre l'Angleterre soit menée avec la plus grande énergie. Durant ces premier raids, si des problèmes de navigation obligent les Allemands à se contenter de bombarder les cotes est de l'Angleterre, l'objectif principal des dirigeables est Londres.

Les raids de dirigeables selon la propagande allemande.


Le premier raid sur la capitale britannique a lieu le 31 mai 1915, après des tentatives infructueuses aussi bien de l'armée que de le marine, quand le zeppelin LZ 28 survole la ville larguant 90 bombes incendiaires et 30 grenades sur un faubourg du nord-est tuant 7 civils et en blessant 35 autres. La ville semble sans défense puisque les avions britanniques sont toujours incapables d'atteindre les 3 000 m où naviguent les dirigeables. Une tentative réalisée par 9 chasseurs échoue après le crash d'un des avions. Désormais et pour toute la durée de la guerre, l'est de l'Angleterre est continuellement sous la menace d'une attaque aérienne visant les installations industrielles et militaires mais également la population.

En mai 1915 le haut commandement allemand prend la décision de lancer une campagne systématique de bombardement du territoire britannique et donne une liste de cibles: dépôts d'essence, de munitions et de matériel militaire, casernes et camps de l'armée ainsi que les docks de Londres. Cette décision naît à la fois du constat que l'Allemagne possède une flotte de dirigeables qui a montré sa vulnérabilité lorsqu'elle est utilisée en soutien de l'infanterie, de l'inactivité de la flotte de haute mer et des gains stratégiques espérés du bombardement du territoire ennemi. Les dirigeables sont désormais utilisés dans une campagne continue au rythme de deux raids mensuels jusqu'en 1917 date à laquelle ils sont remplacés par des avions bombardiers.
Dans un mémorandum, en juillet 1915, signé par le Kaiser, le commandement de l'armée ordonne d'envoyer des aéronefs de l'armée et de la marine effectuer des bombardements stratégiques sur des cibles militaires et industrielles. Les monuments publics doivent néanmoins être épargnés tout comme les quartiers d'habitation. Le Kaiser demande également de ne pas bombarder les palais royaux de ses cousins Windsor.

Un raid de Zeppelins sur l'Angleterre.


Les raids de zeppelins élargissent peu à peu leurs rayons d'action allant jusqu'à Berwick-on-Tweed à la frontière écossaise au nord, Warrington et Birmingham à l'ouest et Folkestone au sud-est. En 1915, 47 raids de zeppelins ont lieu sur l'Angleterre et la mer du Nord, larguant prés de 3 700 kg de bombes incendiaires sur les villes et les régions côtières. Dans la capitale britannique, 127 personnes sont tuées et 352 blessées entre mai et décembre 1915. Ces attaques venues du ciel provoquent rapidement une vraie terreur au sein de la population.

La campagne continue en 1916. En juillet 1916, deux zeppelins bombardent Londres où un incendie se déclare. 40 civils sont tués. Le 8 septembre, le L13 cause quant à lui de sérieux dégâts au centre de la ville. Le 3 octobre a lieu un raid où sont largués 189 bombes sur Londres tuant 71 civils. Sept zeppelins attaquent l'Angleterre le 27 novembre larguant plus de 200 bombes mais un dirigeable est néanmoins abattu par les balles explosives d'un chasseur britannique. En janvier 1917, 9 dirigeables larguent 389 bombes sur les Midlands, le cœur de l'industrie d'armement britannique. Mais durant le retour de cet expédition un zeppelin avec ses 16 membres d'équipage s’abîme dans la mer du Nord. En avril 1917, fort de leur expérience, les zeppelins s'enfoncent encore plus profondément en territoire britannique à la recherche de cibles stratégiques et parviennent à bombarder Sunderland, Edimbourg et Leith en Écosse faisant là encore des victimes civiles.

Londres touchée par les bombes des Zeppelins.



La riposte britannique.
Les zeppelins, surnommés les tueurs d'enfants par la presse et le public anglais, sont l'objet d'une haine générale. Les autorités britanniques, obligées de réagir face à ces attaques inédites, décident l'imposition d'un black-out en 1916. Les éclairages extérieurs sont interdits et les populations doivent calfeutrer leurs fenêtres pour éviter que les lumières ne permettent aux dirigeables de se guider vers leurs cibles. Néanmoins, par nuit clair, il suffit aux zeppelins de remonter l'estuaire de la Tamise pour atteindre Londres. Les dirigeables volent si haut qu'il n'y a encore aucun moyen de se défendre contre eux. Mais peu à peu les Britanniques trouvent néanmoins des parades en déployant de l'artillerie antiaérienne, des barrages de ballons et en construisant des chasseurs capables de les atteindre.

La propagande anglaise contre les raids de dirigeables.


Le 6 juin 1915, une tentative de raid sur le sud de l'Angleterre échoue en raison du mauvais temps mais surtout surtout un pilote britannique parvient à détruire un dirigeable au dessus de Gand en Belgique. Le 2 septembre 1916, un pilote à bord d'un chasseur BE 2c de la 39e escadrille détruit enfin un dirigeable dans le ciel anglais, un Shutte-Lanz qui se dirigeait vers Cuffley au nord de Londres. Si l'habileté et l'expérience du lieutenant Leefe-Robinson lui ont permis cet exploit il a également bénéficié des nouvelles balles explosives de type Pomeroy. Ce succès est surtout une victoire psychologique puisque l’événement a un retentissement national, près de 10 000 personnes viennent visiter le site du crash. Si prés de 300 000 Londoniens continuent toujours d'utiliser obligatoirement le métro pour se déplacer la nuit, la victoire de Leefe-Robinson met définitivement fin à l'invulnérabilité des dirigeables d'autant que le développement de la détection radio et les progrès de l'artillerie antiaérienne conjuguent également leurs effets.

Les défenses autours de Londres ont en effet été renforcées avec des projecteurs, des canons antiaérien et des escadrilles de chasse. Mais si un seul obus sur 8 000 touche sa cible et si près de 90% des pilotes ne croisent jamais un adversaire, ce réseau dense de projecteurs, de canons et d'avion est fait rapidement de Londres une zone de danger mortel pour les dirigeables allemands. Dés le début de l'automne 1916, les Anglais déploient des projecteurs et des canons à longue portée. L'artillerie antiaérienne est alors constituée de canons à tir rapide de 3 pouces, installés soit sur des points fixes soit sur des camions. Ils peuvent tirer 15 coups par minutes à une portée verticale de 5 000 m. Ils permettent ainsi de saturer le ciel de projectiles obligeant les zeppelins à voler sur les abords de la capitale là où agissent les chasseurs.

Les escadrilles britanniques du Home Front sont composées essentiellement de biplans BE2c, des avions très stables mais lents, qui ne parviennent qu'en une demi heure à atteindre leur plafond de 3 000m. Pour compenser cette faiblesse, dans chaque escadrille les patrouilles se succèdent dans le ciel toutes les 3 heures avec l'ordre de poursuivre et d'attaquer les engins ennemis qu'elles aperçoivent.

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Les Britanniques commencent alors à développer une doctrine de la guerre aérienne qui repose sur le principe que la suprématie aérienne doit être obtenue par un effort inlassable pour localiser et détruire les appareils ennemis. Les chasseurs britanniques ne sont donc que la forme meurtrière d'un système de défense qui mobilise près de 17 000 hommes. Les stations d'écoute, les patrouilles navales et les postes d'observation côtiers scrutent le ciel en permanence. Quand des engins ennemis sont aperçus l'Amirauté à Londres est immédiatement prévenue par téléphone. Elle ordonne alors de mettre en marche les projecteurs, de préparer les canons et de faire décoller les chasseurs à partir d'une douzaine de terrains d'atterrissage. C'est ainsi que dans la nuit du 1er octobre le lieutenant Wulfstan Tempest repère le dirigeable L31 qu'il attaque. Ce n'est qu'après sa troisième série de tir qu'il endommage réellement le zeppelin. Pour cela il utilise des balles explosives et incendiaires qui percent un trou dans le ballon du dirigeable. L'hydrogène qui s'échappe alors s'enflamme au moment où il entre en contact avec l'air. Ces balles ont déjà permis d'abattre 3 dirigeables dans la nuit du 23 au 24 septembre. Le L31 s'écrase en flamme à 15 km au nord de Londres. L'équipage meurt brulé à l'exception du commandant qui a réussi à sauter mais se retrouve gravement blessé. Ce soir là c'est au total 3 zeppelins qui sont abattus. L'automne 1916 et les succès remportés par la défense britannique marqent le début de la fin pour l'utilisation des dirigeables dans la guerre aérienne.


Le chant du cygne des dirigeables.
En 1916 les mesures défensives prisent par les Britanniques obligent les Allemands à mettre au point des dirigeables volant plus haut, les Hauts Grimpeurs, capables de dépasser les 6 000 m d'altitude et de voler pendant plus de 15 heures. Mais cela pose de nouveaux problèmes: la navigation est plus difficile, l'équipage a besoin d'équipements pour l'oxygène afin de voler si haut, une nacelle d'observation est également nécessaire pour le bombardement à travers les nuages tandis que le nombre de bombe transporté doit être réduit.

Ce type de dirigeable est particulièrement apprécié par le capitaine de frégate Peter Strasser, le chef de la division de dirigeables de la Marine. S'ils ne sont pas armés puisque aucun avion n'est en mesure de voler aussi haut pour les intercepter, ils ne possèdent pas non plus de viseurs ce qui rend leurs tirs imprécis. Mais leur capacité de vols sont tels qu'il est un moment envisager de les utiliser pour atteindre et bombarder New-York. Par rapport à leurs prédécesseurs, ce sont de véritables mastodontes dans lesquelles Strasser a une confiance absolue, oubliant que si des avions parvenaient à voler aussi haut ils pourraient instantanément détruire sans problème des dirigeables sans défense.

Opérant à ces altitudes extrêmes 11 Hauts Grimpeurs de la marine attaquent le sud et le centre de l'Angleterre le 19 octobre 1917. Profitant de l'effet de surprise ils échappent aux moyens de détections britanniques. Mais le retour au pays est un désastre. Sur les 11 zeppelins, trois sont abattus par des chasseurs britanniques ou français au dessus de la France, un s'écrase à l'atterrissage en Allemagne et le dernier dérive jusqu'en Méditerranée où il s’abîme.

Le dernier raid de zeppelin sur l'Angleterre a lieu le 5 août 1918 avec 5 Hauts Grimpeurs commandés par Peter Strasser en personne, un militaire ayant reçu la médaille Pour le mérite, la plus haute distinction de l'armée allemande. Il est certain de pouvoir frapper l'Angleterre au cœur. Mais sous les feu des canons antiaériens anglais aucun des dirigeables ne touchent de cibles utiles. Strasser décide néanmoins de voler à basse altitude pour s'assurer que les objectifs ont été atteints quand il est abattu par des chasseurs britanniques. Il meurt ainsi que les 23 membres de son équipage dans l'incendie puis l'explosion de leurs dirigeable qui s'écrase au sol. Les 4 autres dirigeables larguent leurs dernières bombes dans la Manche et se hâtent de rentrer.

La fin d'un dirigeable.


Les sources divergent quant au nombre de dirigeables utilisés contre la Grande-Bretagne. Il semble qu'environ 80 ont participé aux raids. Prés de 220 tonnes de bombes ont été largué sur l'Angleterre causant la mort d'environ 500 personnes et en blessant 1 500. Comparé aux destructions sur le front, les raids de zeppelins causèrent des dommages minimes et n'eurent aucune incidence sur le cours de la guerre. Mais leur utilisation dans le cadre de bombardement stratégique s'avère prophétique.

Aucun des Hauts grimpeurs n'a pourtant survécu à la guerre puisqu'en 1919 les Allemands ont préféré détruire leurs dernières machines plutôt que de les remettre aux Alliés, mettant ainsi fin à l'histoire des dirigeables bombardier.


Les débuts des bombardier lourds, les raids de Gothas.
La plupart des raids de bombardement sur la Grande-Bretagne durant la Première Guerre mondiale sont le fait de dirigeables. Mais la technologie au service de la guerre, notamment dans le domaine aéronautique progressant à grand pas les Allemands parviennent durant le conflit à mettre sur pied des bombardier lourds.
Le premier bombardement allemand réalisé par un avion a lieu sur Douvres en décembre 1914. Si les dégâts causés par des bombes rudimentaires est minime l'effet psychologique est indéniable participant à la psychose britannique face aux menaces venant du ciel. A partir de l'automne 1916 quand le commandement allemand perd confiance dans l'utilisation stratégique des dirigeables dont le coût est extrêmement élevé et qui ne causent finalement que des dommages limités aux Anglais, les bombardiers lourd prennent peu à peu le pas sur les zeppelins qui n'effectuent plus que 7 raids en 1917 et 4 en 1918. En septembre 1916 l'armée cesse définitivement d'utiliser des dirigeables et leur préfère des bombardiers lourds, les Gothas, un bombardier biplan construit par la firme Gothaeur Waggonfabriek. Seule la marine continue a utiliser les dirigeables sous la direction de Peter Strasser.

A la fin de 1916 l'Allemagne commence à planifier une offensive diurne de bombardement appelée l'opération Türkenkreuz. Le Kagohl 3 (Kampfgeschwader der Obersten Heeresleitung), composé, également connu sous le nom d'escadrille « Angleterre », de six Kastas (Kampfstaffel) sous le commandement du Hauptmann Ernst Brandebourg est alors formé. La Grande-Bretagne a alors réussi à réduire la menace des zeppelins. La chute du nombre de raids de dirigeables au cours de l'hiver et du printemps 1917 entraine en réaction une baisse des craintes dans la population britannique tandis qu'au Parlement certains demandent des représailles contre des cibles militaires allemandes. Pour les planificateurs allemands, le bombardement de cibles en Grande-Bretagne est un objectif à long terme.

Un Gotha allemand.


La pénurie d'avions adaptés, la distance des bases par rapport aux objectifs ont jusque là limités les opérations des bombardiers lourds à des raids occasionnels à la fin de 1916, comme le 28 novembre quant un peu par hasard un Gotha largue six bombes sur Londres. Avec la production du Gotha G.IV en mars 1917, l'Allemagne dispose enfin d'un avion approprié. Le Kagohl 3 en est équipé et installe sa base dans la région de Gand. Le 25 mai 1917, 23 Gothas de cette Kagohl s'envolent pour un raid sur Londres. Deux sont forcés de rebrousser chemin au dessus de la mer du Nord en raison de difficultés mécaniques tandis que des nuages sur Londres obligent les autres à changer de cible pour se diriger sur des objectifs secondaires sur la Manche comme Folkestone ou le camp de l'armée à proximité à Shorncliffe. Le raid cause néanmoins 95 décès et 195 blessés, principalement dans la région de Folkestone. A Shorncliffe, 18 soldats ( 16 Canadiens et deux Britanniques) sont tués et 90 blessés. Le nombre de victimes de ce raid est largement supérieur à ceux provoqués par les zeppelins.

Les premières séries de raids en plein jour des Gothas visent Londres et le sud-est de l'Angleterre. Au total le nombre de raids de Gothas est de 27 en 1917-1918. Le 5 juin 1917 une nouvelle attaque de Gothas est Londres est déviée vers Sheerness dans le Kent. La troisième tentative est la bonne, le 12 juin 1917, avec 14 Gothas qui lâche prés de 100 bombes sur la capitale. La plupart ratent leurs cibles mais elles coûtent la vie à 162 civils, le record de tués à Londres lors d'un raid allemand, et fait 432 blessés. Parmi les morts se trouvent 18 enfants tués par une bombe qui touche une école primaire. A la suite de cette action de nombreux enfants londoniens sont évacués par les autorités vers la campagne pour échapper à la menace.

Pour les Allemands le succès est éclatant surtout qu'aucun des Gothas n'a été perdu. Les Britanniques ne s'attendaient pas à une attaque en plein jour ce qui explique le nombre relativement élevé de victimes. En raison de cette impréparation les premières tentatives pour intercepter les Gothas sont inefficaces. Un grand nombre d'avions britanniques a décollé à la dernière minute mais ils ne sont pas parvenus à atteindre suffisamment d'altitude pour engager les bombardiers. Un nouveau raid de 22 Gothas a lieu le 7 juillet 1917, entraînant 54 décès et 190 blessés. Une centaine de sorties de la chasse britanniques permet néanmoins d'abattre un Gotha et en endommage trois autres. Mais 2 chasseurs anglais sont aussi descendus par les Gothas. Entre mai et août 1917, la Kagohl 3 réalise ainsi huit autres raids de jour sur l'Angleterre, dont trois sur Londres.

A partir de septembre 1917, les progrès de la défense antiaérienne britannique oblige la Kagohl 3 à abandonner les raids de jour. Si les attaques nocturnes fournissent une protection contre les chasseurs et des tirs antiaériens, ils compliquent néanmoins la navigation et l'atterrissage. Le 31 octobre, 22 Gothas lâchent leurs premières bombes incendiaires sur la capitale, soit 83 kg de bombes. La plupart ne provoquent aucun incendie mais 10 civils sont tués.

La flotte de bombardiers lourds allemands se renforce progressivement, notamment avec l'arrivée en septembre 1917 du bombardier Zeppelin Staaken, un biplan quadrimoteur de 42m d'envergure. Ce dernier doit pallier les défauts des Gothas qui sont des appareils fragiles, très sensible aux dégâts, notamment a niveau du châssis et du train d'atterrissage. Il y ainsi chez les Gothas plus de pertes liées à des accidents que lors des raids proprement dit.

En décembre 1917, la Kagohl 3 est rebaptisée Bogohl 3 (Bombengeschwader der Obersten Heeresleitung 3). Contrairement à d'autres unités, qui se compose de trois Bostas (Bombenstaffel), la Bogohl 3 conserve sa formation initiale de six Staffeln. Rapidement de lourdes pertes forcent la Bogohl 3 à se retirer des opérations de combat en février 1918. Les Zeppelins Staaken effectuent 11 raids du 28 septembre 1917 au 20 mai 1918 larguant 2 772 bombes. Le 16 février 1918 la première bombe de une tonne est lancée sur le Royal Chelsea Hospital. Deux autres bombes d'une tonne seront larguées. Seuls deux Zeppelins Staaken sont perdus lors des raids. Les Allemands mettent également au point en août 1918, la « Elektron Bomb », une petite bombe incendiaire au magnésium de un kilo mais elle arrive trop tard pour être utilisée de manière significative.

Dans la nuit du 19 mai 1918, les Gothas retournent une dernière fois en Angleterre. La Bogohl 3 envoie à cette occasion 38 appareils contre Londres, mais elle subi à nouveau de lourdes pertes. Six Gothas sont abattus par des chasseurs et des tirs antiaériens et 3 s'écrasent à leur retour lors de l'atterrissage. Après ce raid, l'action des Gothas se limite seulement à des frappes tactiques sur le front occidental. Au total ils ont effectué 22 raids sur l'Angleterre, larguant 84 740 kg de bombes et ont perdu 61 appareils.

Une attaque sur Londres selon la propagande allemande.


Les bombardements allemands sur la Grande-Bretagne durant la Première Guerre mondiale apparaissent comme anecdotiques. Les 2 000 victimes dont environ 500 tués causées par les dirigeable et les 3 000 victimes, dont 800 tués, des bombardiers lourds sont quantité négligeable en comparaison avec les pertes humaines sur les différents fronts du conflit. Les destructions matérielles sont insignifiantes, aucune ville, aucun quartier n'est détruit. Surtout le coût total pour la fabrication de 115 zeppelins est 5 fois supérieurs au montant des dommages causés par leurs raids en Angleterre. Alors, des campagnes de bombardements inutiles ?

Si les résultats matériels des raids de dirigeables et de bombardiers lourds sont dérisoires l'effet sur le moral de la population britannique est indéniable. La panique irrationnelle qu'ils déclenchent préoccupe rapidement le gouvernement de Sa Majesté. Elle l'oblige donc a prendre des mesures strictes et coûteuses dont le déploiement de 10 escadrille d'avions supplémentaires et la mobilisation de 10 000 militaires soustraits ainsi à d'autres fronts. L'imposition du black-out dans la région londonienne fait également baisser la production de guerre tout en accroissant le stress de la population.

C'est à partir des cette expérience, des leçons tirées de cette campagne de bombardement sur l'Angleterre, qu'au lendemain de la guerre s'élabore une doctrine du bombardement stratégique à travers les écrits notamment de l'italien Douhet. Cette réflexion théorique sera la base sur laquelle s'appuieront les états-majors pour mettre au point les bombardements stratégiques qui ensanglanterons l'Europe de 1936 à 1945.


Bibliographie:
Ian Castle, London 1917-1918, The bomber Blitz, Osprey Publishing, 2010.
Ian Castle, London 1914-1917, The Zeppelin Menace, Osprey Publishing, 2008.
Charles Septehenson, Zeppelins: German Airships, 1900-1940, Osprey Publishing, 2004.
Andrew Hyde, The First Blitz, The German Air Campaign against Britain, 1917-1918, Pen and Sword, 2013.
Sven Lindqvist, Une histoire du bombardement, La Découverte, 2012.
Thomas Hippler, Le gouvernement du ciel: Histoire globale des bombardements aériens, Les Prairies Ordinaires, 2014.


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