samedi 1 février 2014

La Guerre d'indépendance turque (1918-1922): la revanche d'un vaincu

La fin du premier conflit mondial en novembre 1918 ne met pas fin à l'état de guerre dans les anciens belligérants. La guerre civile russe bat son plein, la Hongrie de Bela Kun affronte la Roumanie, l'Allemagne est la proie des insurrections, la Finlande, les pays baltes et la Pologne combattent pour leur indépendance tout comme les nationalistes irlandais de l'IRA.

Parmi ces conflits de l'immédiat après-Première Guerre mondiale, il en est un qui revêt une importance particulière bien qu'il soit largement méconnu: la guerre d'indépendance turque de 1919 à 1922. Ce conflit, où les troupes nationalistes turques dirigées par Mustafa Kemal affrontent différents adversaires, s'inscrit dans le mouvement des luttes de libération nationale qui touchent les territoires des Empires multi-ethniques qui se sont effondrés en 1918. Pourtant la guerre d'indépendance turque possède une originalité forte qui la distingue des autres conflits « nationalitaires ». Les nationalistes turcs se veulent en effet les héritiers de l'Empire ottoman vaincu, même s'ils le conçoivent centré uniquement sur la nation turque et veulent profondément le moderniser. Leur combat est donc essentiellement mené contre ce qu'ils considèrent comme le diktat imposé par les Alliés au peuple turc et qu'incarne le traité de paix de Sèvres.

La nation vaincue en 1918 reprend les armes contre ses vainqueurs et, contrairement à l'Allemagne, elle va parvenir à imposer ses vues et à faire reculer les Alliés.

David FRANCOIS

lundi 20 janvier 2014

"DU CHAOS A LA LUMIERE"

LA LOGISTIQUE AMERICAINE A L'EPREUVE DE LA GUERRE HISPANO-AMERICAINE DE 1898
"Ce fut une splendide petite guerre" écrivit l'ambassadeur britannique John Hay à Théodore Roosevelt. Ces mots ont gravé dans le marbre un cliché : celui que la guerre hispano-américaine de 1898 aurait été une promenade de santé pour les Etats-Unis. Il est vrai qu'en moins de quatre mois, Cuba, Porto-Rico et les Philippines ont été conquis, les Espagnols balayés, les Etats-Unis légitimés comme puissance impériale. Pourtant la logistique américaine bégaya au point que cette guerre improvisée fut perçue par la presse comme une farce tragique et que l'Army en tira des enseignements majeurs et durables. 

Nicolas Aubin

vendredi 10 janvier 2014

Les oiseaux de métal de Jiro Horikoshi


Le dernier long métrage de Hayao Miyazaki, Kaze tachinu, sortira prochainement dans les salles. De manière somme toute inattendue, le réalisateur japonais a choisi comme thème de son dernier film la vie de Jiro Horikoshi, un nom que les amateurs de l’histoire de l’aviation militaire ont forcément côtoyé un jour ou un autre dans un article consacré à un des avions les plus mythifiés du XXe siècle, le Mitsubishi A6M Zéro. Nous profitons donc de cette occasion pour présenter les principaux appareils auxquels le nom de ce brillant ingénieur japonais de la firme Mitsubishi a été associé. Ce dernier consacra en effet surtout son talent à concevoir des avions de chasse pour la marine impériale japonaise. Au demeurant, ses créations constituent, par certains aspects, une illustration édifiante du triomphe soudain puis de la descente aux enfers du Japon durant la Guerre du Pacifique.

Adrien Fontanellaz

mercredi 1 janvier 2014

« Dieu les fera tous s'enfuir/Ainsi qu'on voit s'évanouir/Un amas de fumée. » La guerre des camisards.

« Dieu les fera tous s'enfuir/Ainsi qu'on voit s'évanouir/Un amas de fumée.1 » La guerre des camisards.


1702. Des protestants, paysans, tisseurs, se soulèvent dans les Cévennes pour réclamer la liberté de conscience. Le soulèvement dépasse la simple révolte locale pour enflammer les gazettes des pays protestants d'Europe et inquiéter Versailles. Pendant deux ans, jusqu'en 1704, quelques milliers de combattants improvisés résistent à 20 000 soldats royaux et à deux maréchaux. Vaincus, les camisards tentent de relancer la guerre jusqu'en 17102. C'est en 1703 que le mot « camisard » apparaît pour les désigner : l'un d'entre eux, Abraham Mazel, qui rédige ses mémoires cinq ans plus tard, ne peut pas trancher entre deux origines, celle de l'attaque nocturne (camisade) ou du vêtement de la chemise3, ou camisole. C'est en tout cas le mot qui est resté pour désigner cette guerre hors norme4, ni révolte traditionnelle, ni guerre de religion classique, à la fois événement historique important mais aussi formidable objet d'étude pour les historiens.


Stéphane Mantoux.

vendredi 20 décembre 2013

Bizerte 1961, la dernière bataille coloniale de la France

En 1961, la France connaît les derniers affres de la décolonisation. Elle a successivement abandonné l'Indochine en 1954, accordé l'indépendance au Maroc et à la Tunisie en 1955 puis à l'Afrique noire en 1960. En Algérie, en proie à la violence depuis 1954, la victoire du « oui » au référendum du 8 janvier 1961 ouvre, selon la volonté du général de Gaulle, le chemin de l'autodétermination puis de l'indépendance de cette dernière terre française en Afrique.

Ce processus historique ne se fait pas sans résistances, ni tensions. Ainsi la perspective d'une indépendance algérienne à court terme conduit une partie de l'armée à se lancer dans un putsch raté en avril 1961. Si le pouvoir civil surmonte l'épreuve sans difficulté et même raffermi, l'armée, même si elle est restée majoritairement loyaliste, reste profondément ébranlée par les soubresauts de la décolonisation.

Dans la Tunisie, indépendante depuis 1955, le président Habib Bourguiba comprend que l'évolution de la situation en Algérie et les difficultés françaises ouvrent des perspectives nouvelles pour son pays. Il tourne ses regards vers l'immensité saharienne où il n'existe toujours pas de frontières bien précises. Il sait que s'ouvre alors une fenêtre d'opportunité pour agrandir son pays vers le sud en direction du désert et des champs pétrolifères découverts par les ingénieurs français. Les puits des régions d'Hassi-Messaoud et d'Edjeleh sont en effet voisins de la Tunisie. Mais de Gaulle n'a aucune intention de donner satisfaction à Bourguiba. Il ne veut pas remettre en cause la future coopération avec l'Algérie dont la recherche et l'exploitation du pétrole saharien doivent être des éléments centraux. Et puis que répondre au Maroc qui lorgne sur Colomb-Béchar et Tindouf, à la Mauritanie, au Mali, au Niger et à la Libye, si la France accepte les revendications tunisiennes.

Bourguiba craint également son futur face à face avec une Algérie indépendante alors qu'il est déjà brouillé avec le Maroc et surtout l'Égypte après avoir accusé le colonel Nasser d'avoir voulu le faire assassiner. Pour redorer son image ternie dans un monde arabe en pleine évolution, Bourguiba a besoin d'un coup d'éclat qui redore son image de dirigeant anti-impérialiste.

David FRANCOIS.

mardi 10 décembre 2013

La guerre civile syrienne : interview de Tom Cooper

Depuis septembre 2013, je me suis intéressé à la guerre civile en Syrie et en particulier à sa dimension militaire1. Ce faisant, de fil en aiguille et jusqu'à ce jour, j'ai diversifié mes sources d'information pour essayer de proposer des billets de plus en plus construits, susceptibles de fournir des informations pertinentes sur le conflit syrien. C'est ainsi qu'au cours de de mes recherches, j'ai rencontré Tom Cooper, bien connu des passionnés d'aviation militaire sur le web pour son site et son forum associé, ACIG2. Tom Cooper, originaire d'Autriche, est un journaliste spécialisé sur l'aviation militaire, et un historien. A la suite d'une carrière dans le monde du transport -ce qui lui a permis, durant ses nombreux voyages au Moyen-Orient et en Europe, d'établir des contacts avec des sources de première main-, il a progressivement évolué vers l'écriture. Il s'est passionné assez tôt pour l'aviation de l'après Seconde Guerre mondiale et s'est concentré ensuite sur les petits conflits et forces aériennes associées, sur lesquelles il a collecté d'importantes archives. Il s'est focalisé en particulier sur les forces aériennes africaines et arabes, jusqu'alors peu traitées, et sur l'armée de l'air iranienne. Il a déjà publié 14 livres -dont la fameuse série « Arab MiGs », qui examine le déploiement et l'histoire opérationnelle des MiG et Sukhoï des forces aériennes arabes engagées au combat contre Israël (Algérie, Egypte, Irak, Syrie)- et plus de 200 articles sur ces sujets. Bien renseigné sur le conflit syrien, là encore par des sources de première main, Tom Cooper a accepté de répondre à quelques questions. J'ai recueilli ses propos en anglais dans un premier temps, puis je les ai traduits pour notre public francophone.

Source : http://www.acig.info/exclusives/Logo1.jpg



Stéphane Mantoux.


dimanche 1 décembre 2013

Le vote suisse sur l’abrogation du service militaire obligatoire


Le 22 septembre 2013, les citoyens suisse rejetaient massivement, à 73.2 % des votants, une initiative populaire visant à abolir l’obligation de servir, soit, en d’autres termes, la conscription universelle. Pas un seul des 26 cantons suisses n’a approuvé l’initiative, alors que, dans le système fédéral helvétique, celle-ci aurait dû non-seulement obtenir les suffrages de la majorité du corps civique national mais aussi celle des cantons. Après l’Autriche, il s’agit du deuxième Etat européen à avoir rejeté récemment une telle mesure lors d’un référendum. Si il est bien sûr difficile « à chaud » d’apporter une explication définitive à ce résultat somme tout surprenant alors que la plupart des armées européennes se sont professionnalisées, sans doute une courte narration de la campagne en Suisse et une brève description de ses acteurs peut-elle amener quelques pistes de réflexions sur le lien entre armée et population dans ce pays.



Adrien et Blaise Fontanellaz

mercredi 20 novembre 2013

La guerre d'indépendance d'Haïti (1802-1803)

C'est en 1697 par le traité de Ryswick que l'Espagne concède à la France la partie occidentale de l'ancienne Hispaniola, découverte par Colomb en 1492, qui prend désormais le nom de Saint-Domingue1. La culture de la canne à sucre puis du café font la fortune de la colonie française où prospère une classe de grands propriétaires blancs. Saint-Domingue est alors la colonie la plus riche des Antilles grâce à un sol fertile et un climat idéal qui produit sucre, café, cacao, indigo, tabac, coton, ainsi que certains fruits et légumes pour la métropole. Pour cultiver les plantations et en l'absence d'un flux migratoire suffisant en provenance d'Europe, le commerce triangulaire apporte sur l’île des milliers d'esclaves venus d'Afrique occidentale qui rapidement deviennent la population la plus nombreuse de l’île avec 500 000 personnes en 1789. Entre ces deux groupes sociaux et raciaux se développe peu à peu une classe de mulâtres ou d'esclaves affranchis, socialement inférieure aux blancs, mais jalouse de sa distinction vis-à-vis des esclaves noirs.

Le système colonial fonctionne tant bien que mal avant que la déflagration n'éclate en écho aux événements qui secouent la métropole à partir de 1789. Au bout du chemin, c'est une nouvelle nation qui voit le jour, la première République noire du monde.

David FRANCOIS

dimanche 10 novembre 2013

Le siège d'Amida (359 ap. J.-C.)

Le siège d'Amida, en 359 ap. J.-C., oppose l'Empire romain à l'Empire perse des Sassanides. Il a cette particularité d'avoir été décrit par un témoin direct, un ancien officier romain qui a pris part au siège avant de se faire historien de son temps : Ammien Marcellin1. Amida (aujourd'hui Diyarbakir, en Turquie) est située sur un escarpement rocheux qui crée une boucle sur la rive droite du Tigre. L'empereur Constance II (337-361) y bâtit une ville fortifiée en raison de la position favorable et du bon ravitaillement en eau, dans le contexte d'un regain de tension avec les Sassanides. C'est sur cette place que vient buter l'armée du souverain perse Shapour II (309-379), et c'est l'occasion pour Ammien Marcellin, protecteur domestique dans la garnison et acteur de la défense, d'écrire l'histoire du siège. C'est un bon matériau pour tenter une approche de la poliorcétique dans l'Antiquité Tardive. En outre, il permet de s'interroger sur l'écriture de l'histoire par un militaire romain.

Stéphane Mantoux

vendredi 1 novembre 2013

Interview de Nicolas Bernard sur La guerre germano-soviétique

Nicolas Bernard, l'auteur de La guerre germano-soviétique, une synthèse qui s'impose déjà comme incontournable sur le sujet (ce qui ne veut pas dire indépassable, mais force est au moins d'en reconnaître la qualité), a bien voulu répondre à quelques questions qui éclairent davantage l'écriture de ce livre. Il se présente lui-même avant de répondre à mes questions.

Propos recueillis par Stéphane Mantoux.

 

Je suis à la fois Avocat et passionné d’histoire de longue date, plus particulièrement en ce qui intéresse la Deuxième Guerre Mondiale. Elle constitue en effet le point d’orgue de ce qu’Eric J. Hobsbawm appelait « l’âge des extrêmes », une lutte ayant impliqué toutes les passions politiques et idéologiques du « court XXème siècle ».

A ce titre, j’ai contribué à plusieurs revues d’histoire spécialisée. Je me suis également consacré à étudier, voire réfuter, le négationnisme, c’est-à-dire la propagande niant la réalité ou l’ampleur des meurtres de masse, plus particulièrement la Shoah et le génocide arménien. J’avais en effet été choqué, à mes débuts sur Internet, de constater à quel point les « assassins de la mémoire » s’étaient implantés dans ce réseau de communications, ce qui m’a amené à m’investir dans ce combat, qui reste moins une démarche militante que civique. Je gère actuellement le site « Pratique de l’Histoire et Dévoiements négationnistes », avec Gilles Karmasyn qui en est le fondateur : http://www.phdn.org