Le
22 septembre 2013, les citoyens suisse rejetaient massivement, à
73.2 % des votants, une initiative populaire visant à abolir
l’obligation de servir, soit, en d’autres termes, la conscription
universelle. Pas un seul des 26 cantons suisses n’a approuvé
l’initiative, alors que, dans le système fédéral helvétique,
celle-ci aurait dû non-seulement obtenir les suffrages de la
majorité du corps civique national mais aussi celle des cantons.
Après l’Autriche, il s’agit du deuxième Etat européen à avoir
rejeté récemment une telle mesure lors d’un référendum. Si il
est bien sûr difficile « à chaud » d’apporter une
explication définitive à ce résultat somme tout surprenant alors
que la plupart des armées européennes se sont professionnalisées,
sans doute une courte narration de la campagne en Suisse et une brève
description de ses acteurs peut-elle amener quelques pistes de
réflexions sur le lien entre armée et population dans ce pays.
De
la vache sacrée aux vaches maigres
L’armée
suisse moderne est, depuis son origine au 19e
siècle, basée sur le système de la milice. Ce principe veut que
tout citoyen mâle soit astreint à une obligation de servir dans
l’armée, décomposée en une école de recrues de plusieurs mois
suivie de périodes ponctuelles de plusieurs semaines de rappel sous
les drapeaux, appelées cours de répétition. Ce système, bien
qu’il ait fait l’objet d’adaptations, est, dans son essence,
resté en vigueur depuis plus d’un siècle et demi.
En
revanche, dans la pratique, l’universalité de la conscription a
varié selon les époques en fonction des besoins en effectifs de
l’armée. Ainsi, en 1991, alors qu’elle était encore
dimensionnée en fonction des impératifs de la Guerre froide,
l’armée pouvait mobilier 745'000 hommes, alors qu’un peu plus
d’une décennie plus tard, en 2004, après deux réorganisations
majeurs, ce chiffre était tombé à 232'000 hommesi.
L’ordre de bataille fondit de manière similaire, l’organisation
des troupes de 1961 incluant douze divisions soutenue par de
nombreuses brigades indépendantes, alors qu’après la réforme
« Armée XXI », l’ordre de bataille ne devait inclure
plus que huit brigades de combatii.
Cette cure d’amaigrissement se produisit principalement au cours
des deux décennies écoulées : en 2004 on ne comptait plus que
174 bataillons sur les 745 existants encore dix ans plus tôtiii.
Cette décrue refléta une diminution massive des crédits attribués
à la défense. En 1989 encore, les dépenses attribuées à ce poste
équivalaient à 4.5 % du PNBiv,
pour ne représenter plus que 0.8 % du PIBv
au cours de ces dernières années.
Face
à des besoins en main d’œuvre de plus en plus réduits,
l’institution durcit progressivement ses critères de sélection,
au point où, en 2005, 41 % des appelés se présentant dans les
centres de recrutement furent déclarés inaptes au servicevi.
En parallèle, la durée du service militaire, incluant école de
recrue et cours de répétition, passa de 330 jours en 1991 à 262
jours en 2004, les cours de répétition devenant par ailleurs
bisannuels, tandis que la possibilité était offerte aux soldats
d’opter pour un service long unique de 300 joursvii.
Enfin, depuis 1992, un service civil de remplacement est ouvert aux
objecteurs de conscience. Les réformés ne répondant pas aux
critères de sélection de l’armée gardent la possibilité de
servir au sein de la Protection civile (PC), ou plus simplement de
s’acquitter d’une taxe militaire indexée sur leurs revenus
imposables.
Ce véritable dégraissage a
été symptomatique de la fin d’un âge d’or. En effet, l’armée
fut, tant que la menace du Pacte de Varsovie perdura, très peu
contestée, car soutenue par une véritable union sacrée formée de
l’ensemble de la classe politique, gauche gouvernementale comprise,
forgée durant la « défense spirituelle » de la Suisse
durant l’entre-deux guerres pour résister aux totalitarismesviii.
Cet édifice éclata avec la fin de la Guerre froide ; le Parti
socialiste suisse (PSS) se montra de plus en plus sensible à son
aile antimilitariste tandis que les partis du centre-droit virent
dans celle-ci une variable d’ajustement budgétaire. In
fine, seule
la droite conservatrice continua à prôner une armée apte à mener
une défense territoriale autonome. De confus débats sur les
missions attribuées à cette dernière, le degré de coopération
international qu’elle était susceptible de mener ou encore son
déploiement à l’étranger firent continuellement rage. De plus,
certains des mythes nationaux sur lesquels s’appuyait le consensus
politique de la Guerre froide furent durement remis en question,
comme le rôle joué par l’armée dans la préservation de la
neutralité du pays durant la Seconde guerre mondiale. Cette
cacophonie politique devait offrir à un groupe de taille limitée la
possibilité de marquer de son empreinte le débat à plusieurs
reprises durant cette période.
Le
Groupe pour une Suisse sans Armée
Le
mouvement à l’origine du vote du 22 septembre 2013 sur l’abolition
du service militaire obligatoire est le Groupe pour une Suisse sans
Armée (GSsA), créé en 1982 par un noyau de jeunes socialistes
autour de figures comme Andréa Gross, futur conseiller national
socialiste zurichoisix.
Le nouveau mouvement ne naquît pas dans un vacuum
mais fut au
contraire une des conséquences de la vague pacifiste qui toucha
l’ensemble des pays ouest-européens afin de s’opposer au
déploiement des euromissiles au tournant des années 70 et 80, et
dont les effets se firent également sentir en Suisse, notamment
lorsque, le 5 décembre 1981, 40'000 manifestants se réunirent
devant le Palais fédéral à Bernex.
L’organisation,
qui ne comptait que 500 membres au moment de sa création, avait été
fondée expressément dans le but de lancer une initiative populaire
visant purement et simplement à abolir l’armée. Lancée en mars
1985, cette initiative, intitulée « Pour une Suisse sans armée
et pour une politique globale de paix » finit par être
présentée en votation le 26 novembre 1989, où elle recueillit 35.6
% des suffrages, et atteignit même la majorité dans les cantons du
Jura et de Genèvexi.
Il s’agissait là d’un résultat remarquable pour une formation
relativement isolée et qui comptait cette année-là que 5'000
membresxii.
Le GSsA atteignit peut-être son zénith en 1992, lorsqu’il lança
une initiative « Pour une Suisse sans nouveaux avions de
combat », destinée à empêcher l’achat d’une trentaine de
F/A-18C. Alors fort de 30'000 membres, il parvint à récolter
503'719 signatures en un seul mois, alors que 100'000 suffisent pour
lancer un référendum d’initiative populairexiii.
Lorsque les votations eurent lieu, l’initiative fut cependant
repoussée par 57,1% des électeursxiv.
Le
groupe revint à la charge avec deux autres initiatives déposées en
1999, « Pour une Suisse sans armée » et « Pour un
service volontaire pour la paix » qui ne recueillirent que 21.9
et 23.2% des suffrages respectivement en 2001xv.
Si l’ensemble des initiatives proposées par le GSsA ont été
refusées par le peuple, il convient de rappeler que seulement 12 des
138 initiatives présentées devant les citoyens entre 1891 et 2000
obtinrent la double majorité du peuple et des cantonsxvi.
Cependant, il n’est pas rare que mouvements politiques ou
associatifs lancent des initiatives dans le seul but d’imposer
leurs thèmes sur la scène politico-médiatique. De plus, même
rejetée, une initiative peut fortement influer sur le débat
parlementaire, pour autant qu’elle ait recueilli un nombre de
suffrages conséquents. Ainsi, même rejetée, l’initiative « Pour
une Suisse sans armée et pour une politique globale de paix »
fut un véritable choc dans la mesure où rares furent ceux qui
imaginèrent qu’elle puisse recueillir un aussi grand nombre de
voix dans la population et elle pesa donc lourd sur les débats sur
l’armée du début des années 90. Selon Josef Lang, un des
fondateurs du GSsA, cette campagne fut perçue comme un grand succès,
l’objectif du mouvement ayant été principalement de « libérer
la société de la mentalité militariste »xvii.
Peut-être
échaudé par le manque de succès relatif de ses deux dernières
initiatives, le GSsA se lança en 2010 dans la récolte des 100’000
signatures nécessaires à l’aboutissement d’une nouvelle
initiative populaire : « Oui à l’abrogation du service
militaire obligatoire ». En effet, avec cette nouvelle
proposition, le GSsA pouvait difficilement être accusé d’idéalisme
ou de pacifisme naïf, étant entendu que la Suisse était alors
entourée de pays ayant renoncé, ou prévoyant de le faire, à la
conscription universelle, si l’on fait abstraction du cas
autrichien. In
fine, le
groupe, soutenu par les partis de gauche, parvint à déposer dans
les délais, le 5 janvier 2012, l’initiative munie de 107'280
signaturesxviii,
garantissant ainsi sa présentation devant le peuple.
Dans
son détail, l’initiative abrogeait l’obligation de servir tout
en conservant une armée essentiellement basée sur principe de la
milice et étendait par ailleurs à l’ensemble de la population la
possibilité de se porter volontaire pour effectuer un service civil.
Le
camp du oui à l’initiative
Avant
que la campagne ne débute, il aurait été légitime de penser que
le GSsA avait de réelles chances de l’emporter, d’’une part
parce que le soutien des partis de gauche comme les Verts et le PS,
qui représentent bon an mal an un bon tiers de l’électorat, était
acquis, et d’autre part parce que prôner la fin du service
militaire obligatoire pouvait sembler s’inscrire dans une certaine
modernité, la majeur partie des Etats européens ayant renoncé à
la conscription. De plus, il semblait possible qu’une partie des
représentants de l’économie lui apporte son soutien, compte tenu
des inconvénients engendrés par l’absence régulière d’employés
s’acquittant de leurs obligations militaires, parfois désignées
par le vocable de «vacances vertes». Une étude réalisée en 2012
concluant que 48 % de la population était favorable à l’abolition
de l’obligation de servirxix
ne pouvait que conforter cette analyse.
La
campagne fut lancée lors d’une conférence de presse tenue à
Berne le 30 juillet 2013 par les principales organisations soutenant
l’initiative. Outre le GSsA, celle-ci comptait le PS et les Verts
mais aussi plusieurs associations, soit Männer.ch, une association
masculine, Zivildienst, une association défendant le service civil,
et enfin l’organisation féministe pour la paix. Ceux-ci
présentèrent leurs arguments respectifs en faveur de l’initiative.
L’organisation féministe pour la paix dénonça l’armée comme
une institution nuisible à la société alors que les socialistes
évoquaient surtout la nécessité d’aboutir à une armée de
taille plus limitée et moins coûteuse, tandis que Männer.ch
précisait s’opposer à la préparation aux actions violentes
inhérentes au service militairexx.
In fine,
il apparût alors qu’il n’existait pas réellement d’unité de
doctrine entre ces mouvements, le conseiller national vert Balthasar
Glätti devant même confier que « le lancement de notre
campagne n’est pas vraiment réussi »xxi.
Si
elle put surprendre certains journalistes, cette diversité était
probablement inévitable car il n’est pas exclu qu’une éventuelle
tentative visant à fixer au forceps une doctrine et un argumentaire
commun n’aurait fait qu’aboutir à une dislocation de cette
coalition relativement hétérogène. En effet, les positions entre,
mais aussi souvent au sein, des organisations soutenant l’initiative
étaient hétérogènes. Ainsi, même dans le GSsA, la décision de
lancer cette initiative n’alla pas sans causer de réels débats
car une fraction de celui-ci, définie comme antimilitariste,
craignait de faire le lit d’une armée professionnelle en cas de
succès, le but ultime du mouvement devant avant tout rester
l’abolitionxxiide
l’institution.
La
position du PSS était peut-être, dans ce contexte, la plus
cohérente. Son programme, adopté lors du Congrès de Lausanne en
2010, préconise clairement la suppression de l’armée suisse dans
le cadre d’un renoncement général des Etats à leurs forces
armées, qui seraient remplacées par des « troupes
internationales de maintien de la paix dans le cadre d’un système
collectif de sécurité sous l’égide de l’ONU ». Dans
l’attente de cette perspective lointaine, l’armée suisse doit
être réduite et remodelée pour participer à la « promotion
internationale de la paix » xxiii
tout en étant composée uniquement de volontaires alternant
occupation professionnelle « civile » et périodes de
service, soit en d’autres termes, précisément le modèle prôné
par l’initiative du GSsA. En revanche, au cours de la campagne,
quelques voix dissidentes au sein du parti se firent entendrexxiv.
Parmi celles-ci figuraient celle de Hans-Ulrich Jost, historien
réputé, qui estimait que la question posée par l’initiative se
résumait au choix entre armée de milice et armée professionnelle
et que la première était plus démocratique,xxv
ou encore celle de Jean-Luc Rennwald, ancien conseiller national, qui
prôna le vote blanc comme seule manière de concilier
antimilitarisme et refus d’une armée professionnellexxvi.
Il est difficile d’estimer l’impact que put avoir ces dissidences
sur le parti, mais un sondage réalisé entre le 5 et le 9 août 2013
estimait que le taux d’acceptation de l’initiative chez les
socialistes était de 57%, bien en dessous de celui des Verts qui
atteignait 76%xxvii.
La
position de ce dernier parti est moins précise que celle du PS, le
manifeste adopté par l’Assemblée de ses délégués en 2002
stipulant qu’ils « défendent l’idée d’une réduction
massive du budget militaire au profit d’une implication beaucoup
plus forte dans la promotion de la paix »xxviii,
tout en s’opposant à toute idée d’intégration dans l’OTAN.
En Suisse romande, les interventions répétées dans les médias de
Jean-Luc Recordon, sénateur et membre influent du parti, en faveur
d’une armée professionnelle, présentée comme à la fois moins
coûteuse et plus adaptée face aux menaces contemporaines telle que
la cyberguerre, était clairement assumée. Outre les deux grands
partis de la gauche, le camp abolitionniste put également compter
sur le soutien de groupes à l’influence limitée, comme le comité
de soldats contre l’obligation de servirxxix.
En revanche, les formations d’extrême-gauche ne donnèrent le plus
souvent pas de consignes de votes, pour des raisons généralement
proches de celles de Jean-Luc Rennwald tandis que le Parti suisse du
travail – Parti ouvrier populaire s’était positionné contre
l’initiative « en
raison du risque qu’un OUI soit la porte ouvert à une
professionnalisation de l’armée et à son intégration à un
système de défense international comme l’OTAN. »xxx.
Enfin,
le camp en faveur de l’initiative put compter sur un soutien limité
de la part de membres de partis de droite, fédérés au sein du
comité «Bourgeois contre l’obligation de servir ». Ceux-ci
principalement issus du Parti libéral-radical (PLR) ne comptait
qu’une centaine de membres au 15 août 2013, et leur impact sur la
campagne fût relativement limitéxxxi.
En effet, l’ensemble de la droite se montra, contrairement aux
attentes du GSsA fermement opposée à l’initiative. Par ailleurs,
certaines voies issues du monde académique ou économique se firent
entendre, comme celle de Reiner Eichenberger, professeur ordinaire de
théorie de la politique économique et financière à l’Université
de Fribourg qui, suivant les préceptes de Milton Friedman, préconise
une armée suisse modelée sur la National
Guard
américainexxxii
Une
opposition déterminée
Les
opposants à l’initiative se fédérèrent dans un comité contre
l’initiative du GSSA intitulé « Non à une initiative
contre la sécurité ». Les motifs invoqués à ce refus de
l’initiative furent notamment que « le système de milice
encourage la capacité à travailler en équipe, la loyauté et fait
office de ciment pour notre pays »xxxiii.
En effet, les partis de droite voient traditionnellement dans l’armée
un symbole national et identitaire important dans un pays ne comptant
ni unité linguistique, confessionnelle ou encore culturelle.
Ce
comité était d’ailleurs composé de la Société suisse des
officiers mais aussi des principaux partis de droite du pays, à
savoir le Parti démocrate-chrétien (PDC), la national-conservatrice
Union démocratique du centre (UDC), et du Parti libéral-radicalxxxiv
chargé du leadership de la campagne ainsi que de petits partis comme
le Parti bourgeois-démocrate (PBD)xxxv
et le Parti évangélique (PEV)xxxvi. La
campagne du non profita des services de l’agence de communication
GOAL AG connue pour son expertise en marketing politique et ses
affiches chocsxxxvii.
L’affiche représentait d’ailleurs une croix fédérale se
faisant couper en morceaux par un couteau de cuisine GSSAxxxviii.
Les
arguments les plus fréquemment utilisés par le comité étaient que
la sécurité ne serait plus garantie en cas d’abandon de
l’obligation de servir, car elle remettrait en cause tout le
système de sécurité basé sur la conscription, soit le service
civil et la Protection civile. La crainte de la création d’une
armée professionnelle, composée de « Rambos », prémices
à une suppression pure et simple de l’armée fut également
invoquéexxxix.
Ainsi, alors que le Parti libéral-radical affirmait que « Le
but du GSSA n’est pas d’avoir une armée de milice volontaire
mais d’abolir l’armée par la petite porte »xl,
le PDC expliquait son opposition en arguant que « Le principe
de milice en vigueur en Suisse et l’identification de ses citoyens
à l’Etat – les principaux piliers de cette nation issue d’une
volonté commune qu’est la Suisse- seraient anéantis à moyen
terme »xli.
La
campagne des opposants à l’initiative a également profité de
l’engagement du ministre de la défense, issu de l’UDC, et
président de la Confédération, Ueli Maurer. Celui-ci défendait
l’apport des citoyens à l’armée : « La qualité de
l’armée suisse repose sur le fait que les compétences militaires
et civiles se complètent et s’enrichissent »xlii,
mais en reconnaissant finement que certaines améliorations au
service militaire obligatoire visant à la conciliation avec la
vie professionnelle étaient nécessaires : « l’armée
doit devenir plus flexible »xliii
et en rappelant que l’armée se réformait régulièrement en
fonction du contexte général : « nous nous adaptons peu
à peu aux nouvelles menaces »xliv.
Conclusion
Le
tempo
de la campagne s’accéléra au fur et à mesure que la date de la
votation s’approchait alors que le débat politique fut
raisonnablement bien relayé dans la presse. Sur le plan
audio-visuel, celui-ci culmina par exemple dans les émissions Arena
et Infrarougexlv,
en Suisse-allemande et en Suisse-romande respectivement, diffusés
dans les semaines précédant le vote. En revanche, le nouveau média
que représente Internet fut beaucoup plus exploité par les
opposants que par les initiants. Ainsi, rien qu’en Suisse romande,
les premiers créèrent plusieurs sitesxlvi
et pages facebook très régulièrement alimentés sans réellement
d’équivalents chez les seconds, à l’exception du site officiel
du GSsAxlvii.
De
manière générale, les initiants, s’ils réussirent généralement
à convaincre leur électorat « naturel », ne parvinrent
pas à présenter leur proposition comme une démarche favorisant une
évolution rationnelle de l’armée suisse. Ceci était d’une
part, comme nous l’avons vu, la conséquence de leurs divisions
quant au but réel de leur initiative mais aussi le reflet d’un
manque de familiarité très répandu dans les milieux de gauche
quant à la « chose militaire ». Si la plupart de leurs
slogans étaient adapté à un public pacifiste et antimilitariste,
ils étaient fondamentalement inadéquats pour convaincre un
électorat plus centriste ainsi que l’exemplifie leur dénonciation
répétée de l’existence d’’une « armée de masse »
alors que dans les faits l’ordre de bataille actuel est inférieur
à dix brigades soit un effectif bien peu en rapport avec ce que
cette expression tend à désigner.
Cependant,
ce manque de familiarité avec les questions de défense de la
plupart des figures de proue du camp en faveur de l’initiative,
dont l’intervention du conseiller national socialiste Carlo
Sommaruga lors du débat de l’émission Infrarougexlviii
est un bon exemple, ne saurait seule expliquer l’asymétrie en
terme de crédibilité entre partisans et opposants de l’initiative.
En effet, certains opposants présents dans les médias étaient
officiers, car le système de milice suisse implique que ceux-ci ne
sont pas tenus de s’abstenir de prendre part au débat politique si
tant est qu’ils s’expriment en qualité de citoyens et purent
donc apporter leurs compétences au débat. D’autre part, si les
politiciens de droite aussi peu au fait des questions militaires que
leurs adversaires de gauche ne manquent pas, il leur fut loisible de
s’appuyer sur ce que l’on pourrait appeler un corpus
idéologique
plus structuré. Ainsi, rien qu’en Suisse romande, deux petits
opus,
rédigés par des historiens ou des experts, furent spécifiquement
édités pour contrer les arguments du GSsA dans les mois précédents
la votationxlix.
In
fine, la
votation du 22 septembre fut un véritable triomphe pour le camp du
non, dans la mesure où, si dans les semaines précédentes, plus
personne ne s’attendait à ce que l’initiative puisse obtenir une
majorité des votes, le fait que seulement 22.8 % des votants aient
exprimé leur soutien à l’initiative démontra clairement que la
population helvétique reste clairement attaché au principe de
l’obligation de servir. Les partis de droite profitant de cette
occasion pour préciser leur vision de l’armée et leur attachement
à cette dernière. La Suisse restera donc, pour les années à
venir, l’un des derniers pays européens à conserver une armée de
conscription.
i
Hervé DE WECK, La Suisse peut-elle se défendre seule ?,
Bière, Cabedita, 2011, p. 104
ii
Ibid., p.116
iii
Ibid., p.
106
iv
Ibid., p. 108
v
Ibid., p. 116
vi
Ibid., p. 121
vii
Jean-Jacques LANGENDORF, Une digue au Chaos, Bière,
Cabédita, 2013, p.46
viii
Dictionnaire historique de la Suisse, voir sous voir sous
http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F17426.php,
consulté le 6.10.2013
ix
Yves PETIGNAT, « Pourquoi le GSsA risque un flop le 22
septembre », Le Temps, le 17 septembre 2013.
x
Marco, GIUGNI,
Florence PASSY, Histoires
de mobilisation politique en Suisse, de la contestation à
l’intégration, Montréal, L’Harmattan,
1997, p. 74.
xii ,
Ibid., p.
74
xiii
Ibid., p.
78
xiv
Ibid., p. 78
xv
Dictionnaire historique de la Suisse, voir sous
http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F15312.php,
consulté le 8 octobre 2013
xvi
Dictionnaire historique de la Suisse, voir sous
http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F10386.php,
consulté le 8 octobre 2013
xvii
Yves PETIGNAT, « Notre initiative rend la suppression de
l’armée utopique », Le Temps, 26 août 2013.
xviii
AP/NEWSNET, « Plus de 107'000 signatures contre le service
militaire obligatoire », 24 heures, 5 janvier 2012,
consulté le 8 octobre 2013 sous
http://www.24heures.ch/suisse/Plus-de-107-000-signatures-contre-le-service-militaire-obligatoire/story/16127173
xix
Yves PETIGNAT, « Pourquoi le GSsA risque un flop le 22
septembre », Le Temps, 17 septembre 2013.
xx
Yves PETIGNAT, « Le coup d’envoi de l’initiative du
GSsA fait long feu », Le Temps, 31 juillet 2013.
xxi
Ibid.
xxii
Laura DROMPT, « L’initiative du GSsA divise à gauche »,
Le courrier, 31 août 2013, consulté le 8 octobre 2013 sous
http://www.lecourrier.ch/113510/l_initiative_du_gssa_divise_a_gauche
xxiii
Programme du PSS 2010, p. 44, disponible sous,
http://www.sp-ps.ch/fre/Media-library/AA-SP-Schweiz/Partei/Parteiprogramme/Programme-du-parti-2010,
consulté le 10 octobre 2013.
xxiv
Dont celle de l’un des auteurs de l’article, voir
http://www.domainepublic.ch/articles/23341
xxv
Kevin GERTSCH, et Patrick VALLELIAN, « Obligation de
servir : Un Suisse sur deux échappe à l’armée »,
L’Hebdo numéro 34, semaine du 22 août 2013, p. 18.
xxvi
Jean-Luc RENNWALD, « Pour une troisième voie dans le
débat sur l’obligation de servir », Le Temps, le
29 août 2013.
xxvii
ATS, « Refus net en vue pour l’abrogation de l’obligation
de servir », Le Temps, 6 août 2013, consulté le
11 octobre 2013 sous
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/69418f36-0686-11e3-9097-,
c992e910f623/Net_refus_en_vue_pour_labrogation_de_lobligation_de_servir
xxviii
Manifeste consulté le 11 octobre 2013 sous le site du Parti
écologiste suisse :
http://www.verts.ch/web/gruene/fr/positions/programmes_verts/programmes_verts/manifeste_vert.html
xxix
« Deux comités bourgeois et de soldats contre l’obligation
de servir » swissinfo.ch le 15.08.2013, consulté le 11
octobre 2013
http://www.swissinfo.ch/fre/nouvelles_agence/international/Deux_comites_bourgeois_et_de_soldats_contre_lobligation_de_servir.html?cid=36684392
xxx
Position disponible sur le site du Parti du Travail,
http://www.pdt-ge.org/?Sombre-dimanche-pour-les
consulté le 21.10.2013
xxxi
« Deux comités bourgeois et de soldats contre l’obligation de
servir » swissinfo.ch du 15.08.2013, consulté le 11
octobre 2013
http://www.swissinfo.ch/fre/nouvelles_agence/international/Deux_comites_bourgeois_et_de_soldats_contre_lobligation_de_servir.html?cid=36684392
xxxii
Reiner EICHENBERGER, L’obligation du service militaire est
contraire à l’idée libérale, interviewé par Yves
Petitgnat, Le Temps du 12 août 2013.
xxxiii
Comité interpartis contre l’initiative contre la sécurité,
« L’armée et une assurance pour la Suisse »,
communiqué de presse, Berne, le 9 août 2013.
xxxiv
Parti né de la fusion en 2009 du « grand vieux parti »
à l’origine de la Suisse moderne, le Parti radical-démocratique,
et du petit Parti libéral suisse.
xxxv
Dissidence « libérale » de l’UDC créée en 2008.
xxxvi
Parti d’origine protestante siégeant avec le groupe
démocrate-chrétien au sein des chambres fédérales.
xxxvii
Agence sollicitée depuis une quinzaine d’année par l’UDC
suisse pour ses campagnes politiques comprenant des affiches
« choc ».
xxxviii
Pour voir l’affiche :
http://initiative-contre-securite-non.ch
xxxix
LT, ATS, « Les partisans du service militaire fustigent une
initiative ʽʽsournoiseʻʼ », Le Temps, 9 août 2013.
xl
« Ne pas mettre en péril le système de milice »,
communiqué de presse du PLR, Berne le 30 juillet 2013.
xli
« NON à la suppression de l’armée-NON à l’abrogation du
service militaire obligatoire », communiqué de presse du PDC,
le 16 août 2013.
xlii
Ueli MAURER, « Il faut changer l’image dépassée de
l’armée », interviewé par Yves Petignat, Le Temps,
samedi 24 août 2013.
xliii
Ibid.
xliv
Ibid.
xlv
Pour voir le débat en français :
http://www.infrarouge.ch/ir/2019-special-votation-citoyen-soldat
xlvi
Par exemple http://initiative-contre-securite-non.ch/
xlvii
http://www.gssa.ch/spip/
xlix
Soit Jean-Jacques LANGENDORF, avec la collaboration de Mathias
TUSCHER, Une digue au Chaos : L’armée des citoyens,
Editions Cabédita, 2013 et Dominique
ANDREY, Robert DE CREMIERS, Olivier DELACRETAZ, Félicien MONNIER,
Félix STOFFEL, Mathias TUSCHER, Servir
pour être libres !, Lausanne, Cahiers de la Renaissance
vaudoise, numéro 151, 2013.
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