Si la
participation depuis des siècles des femmes aux différents conflits
militaires est une donnée historique incontournable, même si John
Keegan considère la guerre comme une activité exclusivement
masculine, leur rôle effectif dans ces affrontements est un domaine
récent de la recherche historique qui prend place dans un courant
historiographie récent né aux États-Unis, la gender history.
La guerre est toujours un moment important pour la place des femmes
dans la société. Le départ des hommes à la guerre leur offre des
opportunités nouvelles pour sortir des rôles traditionnels dans
lesquelles les confinent des sociétés patriarcales. La Première
Guerre mondiale est sur ce point un tournant puisque les femmes
remplacent les hommes dans les usines et dans différents services
publics dans le cadre d'une mobilisation totale de la société.
La
Seconde Guerre mondiale est un second moment fort de cette
participation des femmes à la guerre puisque les différents
belligérants sont encore contraints de mobiliser des millions de
femmes pour l'effort de guerre. Elles jouent un rôle crucial sur le
front économique. En Grande-Bretagne elles sont soumises à la
conscription afin de former une armée de travailleuses. Aux
États-Unis, l'image de Rosie la Riveteuse devient un symbole de
cette mobilisation féminine. L'Allemagne mobilise également les
femmes mais avec moins de succès ce qui l'oblige à recruter de
force une main-d'œuvre étrangère.
Si la
mobilisation des femmes sur le front économique amplifie celle
effectuée entre 1914 et 1918, la Seconde Guerre mondiale offre de
nouvelles opportunités aux femmes notamment au sein des forces
armées. En URSS ce sont des centaines de milliers de femmes qui
prennent les armes et servent dans les rangs de l'Armée rouge tandis
qu'aux États-Unis elles s'engagent également dans l'armée mais
sans jamais néanmoins combattre sur le front. Surtout, dans chacun
de ces deux pays, des femmes parviennent à intégrer un domaine
jusqu'alors exclusivement masculin, celui de l'aviation.
David FRANCOIS
Les
WASP, femmes pilotes dans l'Air Force.
Aux
États-Unis c'est peu après Pearl Harbour que l'administration
Roosevelt met en place la Women's Army Auxiliary Corps (WAAC)
qui dépend de l'armée de terre et qui devient à la mi-1943 le
Women's Army Corps (WAC). La formation du WAAC est le fruit de
l'initiative prise en mai 1941 par une représentante républicaine
au Congrès, Edith Rogers, qui propose de créer un corps militaire
féminin. Son objectif n'est pas de permettre aux femmes de monter au
feu mais que soient reconnus les services de celles qui travaillent
pour l'armée et à ne plus les considérer comme des simples civiles
comme ce fut le cas lors de la Grande Guerre. L'idée est généreuse
mais heurte une population pour qui permettre aux femmes de devenir
militaire revient à remettre en cause des hiérarchies sociales
solidement établit.
Pour
faire accepter à une société hostile l'idée que les femmes
puissent devenir soldats le gouvernement américain mène une
propagande habile. Il montre en exemple les femmes britanniques
employées par l'armée dans le cadre de la défense passive comme
des héroïnes qui défendent à la fois leurs familles, leur foyer
et leur patrie. Face à ceux qui craignent que la féminisation de
l'armée ne menace la virilité des troupes, les partisans de la loi
répondent que l'enrôlement des femmes libérera des emplois
militaires permettant aux hommes de rejoindre le champ de bataille.
Ainsi les partisans de la création du WAAC légitiment la
ségrégation entre femme et homme tout en permettant à ces
dernières de franchir un premier pas dans leur intégration au sein
de l'armée. La loi est finalement votée le 14 mai 1942.
Cette
intrusion dans un univers exclusivement viril provoque un certain
trouble chez les militaires masculins parmi lesquels se propagent des
rumeurs sur l'immoralité supposée des WAC. Ces rumeurs, qui se
répandent aussi dans la population civile, ne tarissent pourtant pas
le recrutement. Au total près de 150 000 Américaines servent au
sein de la WAC mais c'est environ 350 000 qui servent dans les
différentes branches de l'appareil militaire américain. La Navy
possède les Women's Accepted for Voluntary Emergency Service
et le corps des Marines les Women's Reserve of the US Marine
Corps. Ces femmes sont employés dans la défense passive, la
défense antiaérienne, sur les bases militaires, les états-majors
et dans les différents services hors des zones de combat.
Volontaires de la WASP de retour d'une mission |
En
septembre 1942, le gouvernement met sur pied deux unités d'aviation
pour les femmes dans le cadre du programme WAC puisqu'à l'époque
l'Army Air Force (AAF) dépend encore de l'armée de terre. La
première est le Women's Auxiliary Ferrying Squadron (WAFS)
qui comprend d'abord 10 pilotes puis 28 en 1943. Quelques jours plus
tard, le commandant en chef de l'AAF, le général Henry Arnold,
approuve la formation de la seconde unité, le Women's Flying
Training Detachment. En juillet 1943 les deux formations
fusionnent pour donner naissance aux Women's Airforce Service
Pilots (WASP), sous la direction de Nancy Love et de Jacqueline
Cochran.
A
l'annonce du recrutement de femmes dans l'AAF, 25 000 femmes se
portent volontaires. Mais les critères de sélections sont
rigoureux, bien plus que pour les hommes. Les volontaires doivent
avoir entre 21 et 35 ans, être diplômé du secondaire et posséder
soit 500 heures de vol soit posséder une licence de pilote
commerciale. Elles doivent également se rendre à leur propre frais
au centre d’entraînement de Wilmington dans le Delaware pour 27
semaines de formations. A la surprise des chefs militaires, ces
volontaires féminines réussissent les tests d'admission dans la
même proportion que les hommes.
Les
volontaires viennent de tous les horizons sociaux avec toute l'envie
de voler et de servir leur pays. Mais sur 25 000 volontaires seules 1
830 intègrent finalement le WASP. Jacqueline Cochran, qui dirige les
opérations de recrutement, est très soucieuse de l'image que donne
la nouvelle formation. Elle sélectionne donc rigoureusement celles
qui peuvent permettre de donner la meilleure image du WASP auprès du
public.
Le
WASP joue un rôle non négligeable dans la conduite de la guerre.
Ces pilotes volent sur différents types d'appareils, des chasseurs
et des bombardiers, dont des B26 et des B29, qu'elles conduisent des
usines aux bases militaires. Elles totalisent ainsi à la fin 1944
près de 90 millions de kilomètres de vol. Elles testent aussi de
nouveaux modèles et participent aux réparations des appareils
anciens. Elles servent également de cibles lors des exercices de
défenses antiaériennes qui parfois ont lieu à balles réelles. Si
les WASP servent uniquement sur le sol américain, les missions
qu'elles accomplissent ne sont pas sans danger puisque les autorités
recensent 38 accidents mortels dans leurs rangs.
Femmes pilotes de l'US Air Force |
Si
les pilotes féminines portent un uniforme, marchent au pas,
participent aux cérémonies militaires, elles conservent un statut
civil et comme elles ne sont donc pas des militaires elles n'ont pas
de grade. Ce statut indistinct se reflète dans l'attitude qu'elles
rencontrent sur les bases aériennes. Les commandants ont
généralement tendance à louer le travail des WASP mais elles sont
aussi en butte au mépris et à l'hostilité de leurs homologues
masculins. Surtout les femmes pilotes sont soigneusement cachées.
Conscients de l’extrême sensibilité de l'opinion à ce sujet,
notamment concernant les pertes, les autorités leur interdisent de
s'exprimer devant les médias et les missions qu'elles accomplissent
sont tenues secrètes. Ce silence provoque parfois des situations
surréalistes: sur certaines bases la police militaire arrête des
WASP qu'elle accuse de port illégal d'uniforme ou de tentatives de
vol d'appareils. Les commandants sont alors obligés d'interdire aux
WASP de porter l'uniforme sur les bases ou de se munir d'une carte
indiquant leur statut de civil au service de l'AAF.
Les
WASP ont néanmoins une place à part dans l'histoire de la
participation des Américaines à la guerre. Dans les autres branches
de l'armée elles restent cantonnées dans des emplois
traditionnellement féminins alors que les WASP occupent des emplois
typiquement masculins et, de plus, dans une arme prestigieuse. Elles
concurrencent donc directement les hommes sur le terrain militaire,
ce qui à court terme va provoquer leur perte.
Les
femmes soviétiques dans la guerre aérienne.
Si la
création des WASP est une incursion féminine de taille dans
l'univers militaire, les Américaines ne sont néanmoins jamais
autorisées à combattre en première ligne. Contrairement aux
Soviétiques. Pourquoi cette différence de traitement ? L'égalité
homme-femme serait-elle plus en avance au pays de Staline ?
L'industrialisation
forcée des années 1930 a déjà contraint de nombreuses femmes à
occuper des emplois traditionnellement masculins dans l'industrie.
Avec l'invasion du pays en juin 1941, les femmes sont mobilisées en
masse dans les usines de guerre ou dans des fonctions de soutien aux
troupes mais jamais en tant que militaires.
L'année
1942 marque un tournant. La pénurie d'hommes sur le front oblige
alors les autorités soviétiques à enrôler dans l'armée les
femmes sans enfants dont le travail n'est pas indispensable à
l'effort de guerre. En 1943 c'est prés de 800 000 femmes qui servent
dans l'Armée rouge dont prés de la moitié dans des unités de
premières lignes. Elles se retrouvent dans certains secteurs clefs,
les services médicaux, les unités antiaériennes, l'aviation, les
unités de partisans, l'infanterie et l'arme blindée. Ce mouvement
de militarisation des femmes n'épargne pas non plus l'aviation.
En
1941, le gouvernement soviétique autorise en effet les femmes
pilotes à prendre part à des missions de combat. Une femme joue un
rôle crucial dans cette décision: Marina Raskova. En 1933, elle
devient la première femme pilote de l'armée de l'air soviétique et
enseigne ensuite à l'école de l'air. Elle se rend célèbre dans
tout le pays à l'occasion d'un raid où elle relie Moscou à
Komsomolsk dans l'extrême-orient sibérien. Elle devient ainsi la
seule femme à se voir accorder le titre prestigieux de Héros de
l'Union Soviétique avant la guerre. Surtout elle attire l'attention
d'un Staline pour qui les exploits aéronautiques démontrent à la
fois les succès de sa politique d'industrialisation et de la
technologie soviétique. Grace à ses liens avec Staline, Raskova se
voit confier en octobre 1941 le commandement du groupe d'aviation n°
122 entièrement formé de femmes. Le 586e régiment de chasse, le
587e régiment de bombardiers (par la suite le 125e régiment de la
Garde) et le 588e régiment de bombardiers de nuit (par la suite le
46e régiment de la Garde) sont organisés sur le même modèle que
les régiments masculins et rien ne les désigne comme des unités
féminines ou auxiliaires.
Avant
que la formation du 122e groupe ne soit officielle, la rumeur se
répand dans la population que le gouvernement va autoriser
l'enrôlement de femmes dans l'armée de l'air. Raskova reçoit alors
des milliers de demande de candidatures. Si les critères de
recrutement sont moins sévères que pour les WASP, Raskova prend
néanmoins soin d'interroger chaque postulante avant d'accepter son
engagement.
Marina Raskova |
Les
trois régiments qui forment le 122e groupe d'aviation accomplissent
près de 30 000 missions durant le conflit mais le plus célèbre
d'entre eux est sans conteste le 46e régiment de bombardiers de la
Garde dont les pilotes sont surnommées par les Allemands les
Sorcières de la nuit. Près de 4 000 femmes servent dans cette unité
dont les pertes sont très élevées. Aux commandes de biplans Po-2
obsolètes elles attaquent les positions allemandes de nuit dans des
conditions particulièrement dangereuses. Pour s'approcher le plus
silencieusement des positions ennemies elles n'hésitent pas à
couper le moteur de leur appareil en arrivant sur leur cible, cette
manœuvre est d'autant plus risquée qu'elles n'emportent jamais avec
elles de parachutes.
Les
femmes pilotes ne reçoivent aucun traitement de faveur durant le
conflit et accomplissent les mêmes missions que les hommes. A la fin
de la guerre, en incluant les régiments mixtes, les femmes
représentent près de 12% du personnel de l'armée de l'air. Pour
preuve de l'importance de cette participation, sur les 91 femmes qui
reçoivent le titre de Héros de l'Union soviétique durant la
guerre, 33 sont des pilotes. Certaines accèdent même au statut de
légende comme Lydia Litvak qui a fait dessiner une rose blanche sur
son Yak 9 et participe à la bataille de Stalingrad.
Les
femmes pilotes, une conquête féminine ?
Reste
après ce tour d'horizon la question de savoir pourquoi les
gouvernements américains et soviétiques ont accepté que des femmes
deviennent pilotes militaire en temps de guerre. Le manque d'hommes
peut expliquer cette décision. Dans ce cas, les femmes peuvent être
utilisées pour des taches peu dangereuses, permettant de libérer
des hommes pour le combat. C'est le sens de la création du WASP aux
États-Unis. Mais en Union soviétique, en octobre 1941 ce ne sont
pas les pilotes qui manquent mais plutôt les appareils. D'ailleurs
le nombre de femmes enrôlées dans l'aviation est trop faible pour
qu'il puisse avoir une influence sur le plan militaire.
Certains
avancent que pour les Soviétiques l'enrôlement des femmes fut
essentiellement motivée par des raisons de propagande. En vérité
les Soviétiques ne mettent jamais en avant les femmes pilotes et
même les correspondants de guerre occidentaux en URSS en parlent
peu. Staline dans ses discours passe également sous silence le rôle
des femmes sur le front notamment dans son discours du 6 novembre
1944 où il vante pourtant la contribution des femmes à l'effort de
guerre. Pourtant les Soviétiques n'hésitent pas à en faire des
combattantes. En 1941 c'est un pays qui lutte pour sa survie et qui
accepte donc que des femmes se battent dans un combat désespéré.
Pourtant, dans des situations similaires, l'Allemagne, le Japon et la
Grande-Bretagne ne font pas ce choix.
L'idéologie
est-elle une explication plus satisfaisante pour comprendre
l'attitude de Staline ? Sur ce point l'attitude soviétique envers
les femmes est symptomatique d'une contradiction qui parcourt
l'ensemble de l'histoire de l'URSS, une contradiction qui s'ancre
dans l'écart qui existe entre les promesses d'émancipation faite
par le socialisme et la réalité de la condition féminine en URSS.
Depuis 1917, le gouvernement soviétique promet l'égalité aux
femmes en les émancipant par le biais de la loi afin de leur
permettre de devenir des membres à part entière de la communauté
socialiste. Mais cette volonté émancipatrice laisse la place à une
vision plus traditionnelle. Si légalement les femmes restent
toujours les égaux des hommes, la propagande leur demande alors de
cultiver leur féminité et met en avant l'image de l'épouse et de
la mère. Les femmes continuent d'occuper les places les mois enviés
dans le monde du travail tout en ayant l'obligation de tenir leur
foyer et de s'occuper des enfants. Cette attitude se retrouve durant
la guerre où les femmes pilotes ne volent pas sur les appareils les
plus récents et ne sont jamais affectées sur les meilleurs secteurs
du front. La participation des femmes à l'effort militaire n'est
donc pas le signe d'une reconnaissance de l'égalité proclamée par
l'idéologie mais bien une mesure d'urgence prise par un régime
désespéré qui veut exploiter les dernières ressources dont il
dispose.
La
décision qui pousse les gouvernements soviétiques et américains à
accepter l'entrée des femmes dans l'aviation militaire possède donc
de nombreuses similitudes. Dans les deux pays elle répond à des
demandes de femmes proches du pouvoir, Love et Cochran aux
États-Unis, Raskova en URSS. Dans les deux pays elle rencontre un
grand succès. Mais c'est le manque d'homme qui autorise cet accès
des femmes à des postes qui leur étaient jusqu'alors fermés. La
seule différence, elle est de taille, réside dans le fait que les
Soviétiques acceptent que les femmes se retrouvent en première
ligne. Les raisons qui ont poussé les gouvernements américains et
soviétiques a enrôlé des femmes pilotes expliquent également la
brutalité avec laquelle ces expériences ont pris fin et l'oubli
dans lequel elles sont rapidement tombées.
Lydia Litvak, La Rose de Stalingrad |
Du
renvoi à l'oubli.
Aux
États-Unis, c'est la question de la militarisation des WASP qui
entraine la fin de ce service. Alors que la Navy accorde un statut
militaire aux femmes qui servent en son sein, l'AAF considère
toujours les femmes comme des civiles. Le 30 septembre 1943, pour
remédier à cette injustice, est déposé à la Chambre des
représentants un projet de loi visant à militariser les WASP. Elle
est examinée le 22 mars 1944 et deux jours plus tard le Sénat se
déclare favorable lui aussi à la militarisation. Mais la situation
en 1944 a profondément changé par rapport aux années précédentes.
Sûr de la victoire prochaine, l'opinion publique a déjà les yeux
tournés vers l'après-guerre et se préoccupe alors de la
réinsertion économique des futurs vétérans. Les femmes ne sont
donc plus les bienvenues et c'est dans cette atmosphère que le
projet de militarisation est débattu par le Congrès.
Les
WASP n'apparaissent plus nécessaires pour faire tourner la machine
militaire américaine. En 1944, les Alliés ont en effet conquis la
supériorité aérienne aussi bien en Europe que dans le Pacifique et
les pertes sont moins lourdes que prévues. Il existe donc des
sureffectifs dans l'aviation et, dans le but de préparer un futur
débarquement au Japon, l'armée, qui a besoin de fantassins, demande
à l'AAF de transférer les pilotes en formation à l'armée de
terre. Des milliers d'hommes deviennent alors susceptibles de devenir
des fantassins pour un assaut qui s'annonce meurtrier. Les pilotes de
retour d'Europe demandent alors, pour éviter ce transfert, de
reprendre les missions confiées jusque là aux WASP. Ces milliers
d'hommes forment rapidement un lobby qui mène une campagne
médiatique pour discréditer les WASP et faire échouer le projet de
militarisation. Robert Ramspeck, membre du Congrès, se fait l'écho
de ce lobby. Il recommande de cesser tout nouveaux recrutements et
d'utiliser les pilotes masculins en surplus pour assurer les missions
exercées jusqu'alors par les WASP. Le rapport reçoit une large
écoute au sein du Congrès et il est largement diffusé par les
médias. En conséquence, le 20 juin 1944, le Congrès rejette la
proposition de militarisation.
Mécaniciennes de la WASP |
Les
médias, à l'unisson de l'opinion, se montrent particulièrement
virulents contre les WASP et peu défendent des femmes qui ont
abandonné leur emploi et leur famille pour défendre leur pays.
Certains insinuent que la création de ce service est illégale ou
insistent sur les pertes en vie au sein du WASP. Cette campagne de
presse porte ces fruits. Le 24 août, l'AAF publie un mémorandum
donnant les grandes lignes pour le démantèlement prochain du WASP.
En décembre 1944, avant donc la fin de la guerre, le service est
totalement démantelé.
L'hostilité
de l'opinion a condamné les WASP. Quand la guerre prend fin aucun
article de presse ne mentionne la contribution des femmes pilotes à
l'effort de guerre. Sans le statut de vétérans les anciennes WASP
rentrent chez elles incapables de profiter de leur expérience et
sans recevoir de compensations ou le bénéfice du GI Bill.
Les
femmes pilotes soviétiques subissent un traitement qui n'est pas
moins brutal. Si pendant la guerre elles sont traitées comme les
hommes, cette situation change radicalement à la fin des combats. A
l'automne 1945 un décret démobilise l'ensemble des femmes servant
dans l'armée. Alors que le retour à la normale se profile, les
autorités font savoir que les femmes doivent dorénavant être des
épouses et des mères. Cette démobilisation s'explique par la
politique nataliste adoptée alors par les autorités après les
terribles pertes démographiques de la guerre et aussi par le besoin
de main d'œuvre dans l'industrie en pleine reconstruction.
Là
aussi le gouvernement soviétique, comme aux États-Unis, est au
diapason de son opinion qui refuse la confusion des genres. Durant la
guerre les femmes ne sont d'ailleurs jamais considérées comme des
combattantes ordinaires et les journaux en parlent avec
condescendance et paternalisme, insistant sur les vertus féminines
traditionnelles qu'elles apportent au front. Celles qui servent dans
des régiments mixtes font l'objet d'une franche hostilité. Les
femmes démobilisées reçoivent généralement un accueil hostile de
la part d'une population qui leur reproche d'avoir perdu leur
féminité et exprime ainsi son rejet à l'idée que des femmes
deviennent des militaires. Cela contredit trop l'image
traditionnelle, toujours aussi prégnante, de la femme, celle qui
donne la vie et non la mort, celle qui hait la guerre et chérit la
paix. Une femme soldat est donc considérée comme contre-nature.
Cette perception populaire rejoint la volonté du gouvernement qui
souhaite désormais que les femmes rejoignent en nombre les usines.
Une pilote soviétique sur son IL-2. |
Une
reconnaissance tardive.
Aux
États-Unis les WASP démobilisées se regroupent dès 1944 afin de
s'entraider pour faciliter leur réinsertion professionnelle mais
surtout afin d'obtenir le statut de vétérans. En 1947 elles
parviennent à convaincre une membre du Congrès, Edith Rogers, de
déposer un projet de loi donnant aux WASP l'ensemble des droits
accordés aux vétérans. Mais la résolution ne reçoit pas assez de
soutien pour être examiné par le Congrès. En 1948, les militaires
qui ont été pleinement satisfaits par l'emploi de femmes dans les
forces armées appuient un projet de loi autorisant l'engagement des
femmes dans la Navy et les Marines. Le 21 avril 1948 les femmes sont
donc autorisés à servir dans les forces armées. Mais l'Air Force
n'a aucune intention d'utiliser les femmes comme pilote.
A
partir des années 1960 les anciennes WASP se regroupent à nouveau
et s'organisent pour faire valoir leur droit d'être considérées
comme des vétérans avec les avantages et la reconnaissance que ce
statut accorde. La décision prise par l'Air Force en 1976
d'autoriser enfin les femmes à être pilote offre une opportunité
aux WASP de venir sur le devant de la scène publique. Elles font
alors savoir que ce furent elles les premières pilotes militaires
américaines et rappellent l'oubli et les injustices dont elles
furent les victimes. Les médias et l'opinion publique sont désormais
à leurs cotés ainsi que les associations masculines de vétérans.
Finalement le 19 octobre 1977 le Sénat leur accorde le statut de
vétérans avec les avantages et la reconnaissance qui lui sont liés.
En
Union soviétique le combat pour la reconnaissance des anciennes
femmes pilotes fut beaucoup plus difficile. Là-bas il n'y eut ni
constitution d'un lobby, ni campagne de presse. L'histoire de ces
femmes n'est mise en évidence qu'à partir des années 1990 grace
aux travaux d'historiens le plus souvent occidentaux. L'historienne
Reina Pennington organise ainsi en 1993 une première réunion
d'anciennes femmes militaires ouvrant la voie à une libération de
la parole qui permet ensuite aux anciennes femmes pilotes d'obtenir
une pleine reconnaissance des services rendus au pays de la part de
l'opinion russe.
Conclusion
Aux
États-Unis aussi bien qu'en URSS durant la Seconde Guerre mondiale,
les femmes n'ont place dans l'armée que lors des situations
d'urgence et donc d'une manière transitoire. L'efficacité dont
elles ont fait preuve au combat, notamment en tant que pilote n'est
jamais un facteur déterminant pour leur laisser toute leur place
dans le domaine militaire. Elles ne sont jamais parvenu à intégrer
l'élite de l'armée ce qui rend plus aisé un retournement de
politique quand la situation de danger s'éloigne ainsi que
l'effacement de leur souvenir dans la mémoire collective.
Pourtant
le rôle des WASP durant la guerre et leur combat pour la
reconnaissance de leur rôle ont facilité l'intégration des femmes
dans l'armée américaine. La simultanéité entre le moment où le
statut de vétérans leur est accordé et l'autorisation donnée aux
femmes de devenir pilote dans l'Air Force n'est pas une simple
coïncidence. Cette égalité des sexes n'existe toujours pas en
Russie où les femmes continuent à servir majoritairement dans des
corps traditionnellement féminins comme les services sanitaires.
Pourtant le cas de l'Union soviétique en guerre est exceptionnel
puisque c'est le premier et le seul exemple de l'utilisation des
femmes dans des unités combattantes dans le cadre d'une guerre
conventionnelle internationale. L'URSS a alors « relâché »
la distinction faite entre les sexes, bien au delà de ce qu'on fait
les autres belligérants. Pourtant, malgré la bravoure et les succès
des femmes militaires, les conceptions traditionnelles sur les genres
n'ont pas été altérées dans des sociétés encore patriarcales où
la bataille pour l'intégration des femmes dans l'armée se jouait
bien plus sur le terrain des valeurs culturelles que dans les cieux.
Bibliographie:
Merryman
Molly, Clipped Wings. The Rise and Fall of the Women Airforce
Service Pilote of World War II, University Press of New-York,
1998.
Myles
Bruce, Les sorcières de la nuit, Albin Michel, 1993.
Pennington
Reina, Wings, Women and War: Soviet Airwomen in World War II
Combat, University Press of Kansas, 2001.
Quétel
Claude, Les femmes dans la guerre, 1939-1945,
Larousse/Mémorial de Caen, 2006.
Verges
Marianne, On Silver Wings: The Women Airforce Service Pilots of
World War II, 1942-1944, Ballantine Books, 1991.
Il y différent modèle d'intégration des femmes dans les forces armées dans les armées occidentales ou veut tout féminiser en donnant des objectifs en termes de pourcentages. Dans les armées russe ou chinoises toutes les unités ne sont pas mixtes mais elles sont présentent.
RépondreSupprimerIl y différent facteur qui peuvent l'expliquer il y en 3 qui me semblent important le décrochage scolaire des garçons et leur faible proportion dans les universités et autre, le féminisme, le manque de prise en compte dans le recrutement et le métier des hommes. Par exemple en 2005 dans une conférence sur le décrochage des garçons "on disait déjà on confond égalité et mixité et non mixte comme inégale", dans le 7 rapports "Les dispositions applicables à la société civile en matière d’égalité entre femmes et hommes ne peuvent être calquées telles quelles à l’institution militaire, en raison même des missions des forces armées", http://fr.wikihow.com/se-pr%C3%A9parer-pour-suivre-la-formation-de-base-des-marines-am%C3%A9ricains, sur le site de Tsahal : “Il ne s’agit pas seulement des capacités physiques des candidats mais également de leur capacités mentales. Ici, hommes et femmes réagissent différemment. Leurs réactions ne sont pas meilleures ou pires, elles sont tout simplement différentes.”. Je pense qu'une femme peut intégrer les forces armées mais que les tests (entre autre) physiques soit les mêmes (pas en les modifiants sans distinction de sexe). Dans tous les cas des unités non mixte ne sont pas rétrogradant c'est peut être mieux en terme de respect mutuelle.