Albert Grandolini est enseignant et exerce dans un lycée de la région parisienne. Ses centres d'intérêt sont principalement liés aux conflits contemporains et à l’ère Asie Pacifique, mais il ne délaisse pas pour autant d’autres période. Auteur de plusieurs ouvrages sur la guerre du Vietnam, il collabore à différents magazines spécialisés en histoire militaire (Tank Zone, Batailles et Blindés) et d’histoire aéronautique (Fana de l’aviation, Air Enthusiast, Air International, Flieger Revue Extra). Il contribue par ailleurs au site Air Combat Information Group (ACIG) et à ce blog. A la suite de la parution en 2015 chez Helion and Company de ses deux volumes sur l'offensive de la Pâques en 1972, il a bien voulu répondre à nos questions sur cette période cruciale de l'histoire militaire vietnamienne.
Pouvez-vous
nous éclairer sur le contexte à l’origine de l’offensive
nord-vietnamienne de 1972. Quels étaient les objectifs de celle-ci ?
Ils
s’élaborent à la lumière de l’échec de l’offensive du Têt
de 1968 où les communistes ont subi de très lourdes pertes, près
de 100 000 homes. Elles sont accentuées par les violents
combats de l’année 1969 et les coups portés à l’appareil
politico-administratif du Viet Cong consécutif à la brutale
opération Phoenix pilotée par la CIA : entre 26 000 et
41 000 militants furent éliminés. Le Viet Cong n’aligne plus
qu’environ 30 000 combattants. Le sacrifice n’a pas été
vain cependant car il a enrayé le processus d’escalade et de
renforcement des forces américaines. Après le Têt, Washington
suspend les bombardements du Nord Vietnam et des négociations
s’ouvrent à Paris entre les belligérants.
L’autre
facteur important concerne la résilience des autorités sud
vietnamiennes et surtout de l’Armée de la République du Vietnam
(ARVN). Les communistes misaient sur son effondrement et le
« soulèvement » de la population des villes. Malgré ses
déficiences en termes d’organisation et le factionnalisme de ses
chefs, elle a réagi avec vigueur et souvent combattu avec
acharnement comme à Hué ou bien à Cho Lon, le quartier chinois de
Saigon. La pacification des campagnes a aussi fait beaucoup de
progrès, appuyée sur une première réforme agraire qui malgré ses
objectifs limités répond à une des principales demandes du monde
rural.
Mais
ce sursaut de la part des nationalistes vietnamiens arrive bien tard
car la nouvelle administration américaine du Président Richard
Nixon est décidée de sortir au plus vite de cette impasse
stratégique. Car même si tactiquement la situation s’améliore
sur le terrain, tant qu’Hanoi continuera d’envoyer ses forces au
Sud, le conflit perdurera. Or, sur le plan budgétaire le fardeau de
la guerre est de plus en plus difficile à supporter alors
qu’économiquement les États Unis sont au bord de la récession.
Le mouvement anti-guerre qui cristallise aussi les revendications
sociales, raciales et sociétales se transforme en une crise
politique. Washington tente alors un plan de relance et décide de
mettre fin au système monétaire de l’étalon-or et initie des
réformes sur l’égalité des droits civiques. Aux couts matériels
de la guerre s’ajoute celui de la désagrégation morale du corps
expéditionnaire sur le terrain. Les tensions raciales, les
désertions, les refus d’obéissances et le meurtre d’officiers
par leurs hommes sèment le désarroi au sein de l’institution
militaire qui craint que la gangrène ne gagne toutes les forces
armées.
Nixon
cherche alors une sortie par le haut du conflit en limitant
l’intervention au sol de ses troupes. C’est une vielle idée,
déjà exprimée dans la doctrine de l’administration Eisenhower du
« New Look » à l’issue de la Guerre de Corée et quand
le Pentagone se posait déjà la question s’il fallait engager des
troupes américaines en Indochine. Washington se contenterait de
fournir un soutien logistique et surtout un appui aérien à ses
alliés. Le relais doit donc être passé aux Sud Vietnamiens dans le
cadre de la « Vietnamisation » de la guerre. A eux de
prendre en charge à la fois la pacification, tâche principale qui
leur a été dévolue depuis l’intervention américaine, et les
opérations contre les unités régulières nord vietnamiennes. Un
processus complexe et qui devait s’étaler au moins jusqu’à vers
1975 - 1977.
Mais
le temps presse et Washington accélère son retrait. Le nombre de
troupes au Sud Vietnam passe de 400 000 hommes en 1969 à 69 000
en mars 1972, principalement dans la logistique et l’aviation. On
confie même aux Sud Vietnamiens les incursions contre les
sanctuaires communistes au Cambodge et au Laos, avec des résultats
mitigés. Début 1972, il n’y a pratiquement plus de troupes
américaines au sol. Parallèlement, sur le plan diplomatique, les
Américains tentent de débloquer les négociations de paix à Paris.
Ils entament des rencontres secrètes avec les représentants nord
vietnamiens sans en aviser leurs alliés sud vietnamiens. Nixon
engage aussi des négociations avec Moscou dans un premier épisode
de détente dans la Guerre Froide à propos de la limitation des
armements stratégiques. Mais surtout, grâce à la diplomatie
parallèle d’Henri Kissinger, Nixon rend visite à Mao Tse Toung à
Pékin le 21 février 1972, reconnaissant de facto le régime
communiste chinois. Washington espère que les parrains du régime de
Hanoi, chinois et soviétiques, puissent infléchir ses dirigeants.
Cependant
c’est faire peu de cas de l’indépendance de la direction nord
vietnamienne vis-à-vis des « grands frères communistes ».
Elle a toujours joué Moscou contre Pékin, même au plus fort de la
crise opposant les deux géants du communisme, pour mieux obtenir
leurs aides dans une surenchère de celui qui soutiendra le plus le
pays considéré alors le plus en pointe dans la lutte contre
« l’impérialisme ». Un jeu subtil et parfois dangereux
afin de ne pas s’aliéner l’une des deux puissances communistes
et qui atteint désormais ses limites.
Le
Politburo à Hanoi et le Général Vo Nguyen Giap savent néanmoins
que le temps leur est compté. Le retournement de la position
chinoise inquiète. Certains parlent même d’un coup de poignard
dans le dos. Jusqu’à quand peuvent-ils compter sur l’aide de
Pékin ?
Les
Nord Vietnamiens décident alors le tout pour le tout. Ils planifient
une grande offensive contre le Sud en engageant leurs forces
régulières motorisées, soutenues pour la première fois par des
centaines de chars. Sur le plan militaire, c’est alors la plus
importante campagne du conflit. L’objectif est de détruire l’armée
sud vietnamienne avant le terme du processus de « Vietnamisation »,
d’occuper le plus de territoire possible, de faire dérailler les
progrès de la pacification et d’apparaitre en position de force
lors des négociations. Le moment semble propice car il n’y a
pratiquement plus de troupes terrestres américaines. Washington
réagira probablement par un surcroit de support aérien et peut-être
une nouvelle campagne de bombardement contre le Nord. Mais ses
dirigeants estiment être en mesure d’y faire face.
La
guerre du Vietnam est encore largement perçue comme essentiellement
une guerre de guérilla. Quelles furent les moyens engagés par
l’armée populaire du Vietnam (APVN) et comment celle-ci était-elle
structurée ?
Traditionnellement,
elle est structurée selon trois niveaux de forces, fondement de
l’organisation et de la doctrine d’emploi de l’APVN ; les
forces locales organisées en milices, les forces régionales
regroupées en bataillons et régiments, en tout 2 millions de
combattants, et les forces régulières, plus de 530 000 hommes.
Pour une population totale de 14 millions, cette organisation
implique une très forte militarisation de la société et fait
pratiquement de chaque citoyen, homme ou femme, un combattant
mobilisable. Sur le plan défensif, elle vise à épuiser un ennemi
qui chercherait à occuper le territoire national par des actions de
guérilla, puis à le repousser en mobilisant les divisions des
troupes régulières. Ce modèle d’organisation a été reproduit
au Sud Vietnam où le Viet Cong jouait peu ou prou le rôle dévolu
aux forces locales tandis que des divisions nord vietnamiennes
étaient chargées d’affronter le gros des forces américaines.
Sur
le plan doctrinal, depuis sa fondation sous l’égide du général
Giap, l’APVN identifie d’abord une phase de « défense
stratégique » face à un adversaire supérieur militairement
en l’entrainant dans une guerre d’usure. Ensuite, une phase
« d’équilibre stratégique » doit être recherché
contre un ennemi usé par l’opiniâtreté de la résistance. Il
s’agit alors de déterminer le moment stratégique opportun pour
ravir l’initiative et lancer la troisième phase de la guerre, la
« contre-offensive stratégique », en mobilisant avant
tout le gros du corps de bataille régulier.
Dès
sa fondation en 1945, l’APVN chercha à se doter d’un corps de
bataille régulier moderne. Il a fallu pourtant attendre la fin de la
guerre d’Indochine pour qu’elle puisse réellement mettre en
œuvre un corps de bataille régulier qui fut mobilisé tout entier à
Dien Bien Phu. Depuis, l’intervention américaine l’a obligée à
envoyer ses unités régulières au Sud sous forme de grosses
formations d’infanterie qui ressemblent beaucoup à celles engagées
au Tonkin en 1954 contre les Français.
Néanmoins,
l’effort de modernisation n’a pas pour autant était abandonné.
Dès le début des années 1960, les Nord Vietnamiens mettent sur
pied des divisions motorisées et développent un corps blindé. Mais
beaucoup de ressources sont ensuite allouées au profit du
Commandement de la Défense Anti-aérienne et les services
logistiques. La fin de l’opération Rolling Thunder, les
bombardements de l’aviation américaine contre le Nord, en octobre
1968 offre le répit nécessaire. Giap s’attèle particulièrement
à développer ses unités blindées destinées à être le fer de
lance de la nouvelle offensive. Grâce à l’aide russe et chinoise,
Hanoi aligne aux environs de 750 chars et canons d’assauts au début
de 1972. Ils sont regroupés en 16 bataillons et 4 régiments
blindés destinés à appuyer les 16 divisions motorisées du nouveau
corps de bataille régulier. Les chars sont engagés de façon
décisive dès 1971 lorsqu’opérant au sein d’un corps d’armée
mis sur pied dans ce but, ils repoussent les divisons sud
vietnamiennes engagées au sud Laos.
Les
forces nord vietnamiennes qui s’apprêtent à participer à
l’offensive Nguyen Hue, du nom d’un empereur qui repoussa au
18ème
siècle une invasion chinoise, sont donc loin d’être des troupes
de guérilla mais une force mécanisée moderne. Pour contrer la
supériorité aérienne de l’ennemi, les divisions de Hanoi
disposent d’une nombreuse DCA dont des missiles SAM-2 et SAM-7.
Néanmoins,
pris lui aussi par le temps, Giap n’a pas pu parfaire
l’entrainement de ses nouvelles unités. Certaines divisons
engagées au Sud ont été rappelées pour se réorganiser. D’autres
n’ont été que partiellement modernisées dans leurs sanctuaires
cambodgiens et laotiens. Surtout, beaucoup d’officiers n’ont
aucune expérience des opérations combinées à grande échelle. La
coordination infanterie-tank va en souffrir.
Quel
était l’état des forces sud-vietnamiennes, souvient décriées
comme corrompues et inefficaces ?
Elles
sont l’héritière de l’Armée Nationale Vietnamienne mise sur
pied vers la fin du premier conflit indochinois sous l’égide des
forces françaises. Elles regroupaient des anciennes troupes
coloniales, diverses milices confessionnelles (catholiques, sectes
Hoa Hao et Cao Dai), et des militants nationalistes qui avaient dans
un premier temps rejoints le Viet Minh. Une armée qui fut
restructurée par les Américains et en grande partie réorganisée
pour faire face à une menace conventionnelle. Pourtant à partir de
1959 c’est à une vaste campagne de guérilla soutenue par le Nord
Vietnam qu’elle doit faire face. La Garde Nationale en charge de la
pacification est vite débordée et l’ARVN doit s’impliquer
directement dans les opérations. La guerre tourne au désavantage
des Sud Vietnamiens divisés entre eux depuis le renversement du
président Ngo Dinh Diem. Les coups d’états se succèdent et
l’ARVN est au bord de l’implosion. Les communistes en profitent
et passent à l’offensive, leurs forces sont désormais organisées
en régiments et divisions d’infanterie. Seule l’intervention des
troupes américaines permet de stabiliser la situation. A partir de
1965, on assiste à une véritable « américanisation »
de la guerre car l’ARVN est reléguée aux tâches de pacification
considérées comme secondaires. Les Américains ne font pas
confiance à une institution très politisée qui de facto a remplacé
le pouvoir civil. La gestion directe du pays par les militaires et
leurs implications dans les affaires économiques génèrent
corruptions et népotisme. Ils s’en méfient tellement qu’il n’y
a pas de commandement commun entre Américains et Sud Vietnamiens,
nuisant à l’unicité de l’effort de guerre.
Le
nouvel homme fort du Sud Vietnam, le Général Nguyen Van Thieu a au
moins le mérite de stabiliser la situation politique et de reprendre
en main son armée. Néanmoins, cela se fait au profit d’une
coterie d’officiers choisis plus pour leur loyalisme que pour leurs
compétences. Thieu gère les affaires militaires directement avec
chacun de ses quatre commandants de corps d’armées, jaloux de
leurs prérogatives et qui gèrent leurs zones opérationnelles comme
des fiefs. La coopération entre eux est parfois difficile et les
opérations regroupant plusieurs corps d’armées demeurent
l’exception plutôt que la règle. Le chef d’état-major
interarmes a peu de pouvoir et s’occupe principalement de la
gestion administrative et de la logistique.
Avec
la Vietnamisation, l’ARVN subit un changement de paradigme et doit
désormais prendre à sa charge le gros des opérations militaires.
Elle subit une expansion forcenée et une modernisation accélérée
afin de remplacer les unités terrestres américaines. Il est d’abord
prévu d’étaler dans le temps cet effort gigantesque qui porte les
effectifs à 1 100 000 hommes pour une population totale de 19
millions d’habitants. Mais cet agenda fut bouleversé par le
retrait accéléré des troupes américaines. Début 1972 Nixon
estima que l’ARVN était devenue autonome et qu’elle n’aurait
plus besoin du soutien de troupes terrestres américaines. Même si
contrer l’APVN est devenu la mission essentielle, la pacification
n’en reste pas moins une mission très importante qui mobilise plus
de la moitié des effectifs au sein des Forces Régionales,
organisées en bataillons avec leurs batteries d’artilleries de
soutien, et des Forces Populaires, organisées en compagnies. Les
forces régulières (535 000 hommes) sont organisées en 11
divisions d’infanterie motorisées, une division aéroportée et
une division de Marine, ces deux dernières unités constituant la
réserve stratégique. Le corps blindé dispose de 19 escadrons de
cavalerie et un escadron de char dotés de 450 chars et 1 200
VTT M 113. Chaque division d’infanterie se voit attaché un
escadron de cavalerie de 17 chars M41 et 66 M113. A tout cela
s’ajoute encore près de 500 000 hommes des Forces Populaires
d’Auto-Défense, des miliciens à mi-temps gardant leurs villages
et dotés d’armes obsolètes datant de la Seconde Guerre Mondiale.
La
qualité de l’encadrement des unités demeure inégale, le pire
côtoyant le meilleur. Le taux de désertion demeure important, près
de 13% des effectifs, mais il faut relativiser ce chiffre car
beaucoup de ces déserteurs se réengagent auprès des forces
régionales proches de chez eux. Beaucoup aussi désertent lors des
moissons pour venir en aide à leurs familles avant de se représenter
auprès de leurs unités. Le moral de la troupe demeure fragile mais
peu à peu une véritable conscience nationale se fait jour, surtout
depuis que l’adversaire est majoritairement constitué de nord
vietnamiens. Il est vrai que le régime de Thieu cultive les
particularismes culturels propres au Sud, un état de fait ancré
dans l’histoire tourmentée du pays où pendant plusieurs siècles
il fut déjà séparé en deux le long d’une ligne frontière
proche de l’actuelle Zone Démilitarisé (DMZ). Curieusement, ce
nationalisme sudiste est renforcé par un groupe d’ultra, réfugiés
du Tonkin forcés de venir au Sud après la partition du pays en
1954. Pour eux, tout doit être fait pour abattre le régime
communiste d’Hanoi pour pouvoir rentrer chez eux. Lorsqu’il est
bien encadré, le soldat sud vietnamien fait preuve d’autant de
courage et d’abnégation que son adversaire du Nord. Certains
officiers supérieurs américains estiment d’ailleurs certaines
unités d’élite, comme les parachutistes, les Marines ou encore
ceux de la 1er
Division, comme étant parmi les meilleures du monde.
On
accéléra aussi la modernisation et l’expansion de l’aviation
sud vietnamienne qui vers la fin de 1971 alignait plus de 1 400
appareils servis par 42 000 hommes. C’est une force
professionnelle bien entrainée. A cette date, elle assurait déjà
les deux-tiers des missions d’appui de l’ARVN mais qui de par son
équipement et sa doctrine d’emploi ne lui permet pas de mener une
campagne d’interdiction efficace de la logistique ennemie au-dessus
de la Piste Ho Chi Minh et encore moins d’intervenir contre ses
bases arrières au Nord Vietnam. La marine opère près de 1700
bâtiments, principalement des unités côtières et fluviales
héritées des flottilles des « eaux brunes » de l’US
Navy, et mis en œuvre par 43 000 marins.
Quelle
était l’étendue du soutien américain prodigué au Sud-Vietnam à
ce moment ?
Du point de vue logistique, Saigon dépend entièrement des Américains qui arment ses forces armées et assurent leurs fonctionnements. D’un point de vue opérationnelle, les Sud Vietnamiens continuent de bénéficier d’un encadrement d’équipes de conseillers, de l’état-major aux unités sur le terrain. Néanmoins, même dans ce dernier domaine, le retrait accéléré des forces armées américaines s’est traduit par une diminution du nombre de conseillers, passant de 11 000 en 1969 à 5 400 en 1972. A part la division de Marine et la division Aéroportée, réserves stratégiques de l’ARVN, qui bénéficient de la présence de conseillers jusqu’au niveau du bataillon, les autres formations n’en disposent plus qu’à l’échelle divisionnaire et du corps d’armée. Chaque chef de province sud vietnamien, généralement un colonel en charge des forces régionales et locales, est aussi suppléé par une équipe de conseillers US en charge de la pacification.
Pour
clarifier les responsabilités, chaque conseiller américain est en
théorie d’un grade inférieur à l’officier sud vietnamien
auquel il est attaché. C’est une fonction éminemment politique
qui requiert des compétences à la fois militaires mais aussi
« diplomatique » tout en tenant compte des différences
dans le domaine professionnel aussi bien que culturel. Or, en cette
phase de désengagement américain, la qualité des conseillers tend
à se dégrader. L’état-major s’efforce d’y affecter des
officiers expérimentés mais leur implication est inégale. Beaucoup
partage la même vision condescendante qu’exprime en général
leurs concitoyens sur leurs alliés. S’attendant à retrouver une
organisation calquée sur l’US Army, ils découvrent une
institution de pays du tiers-monde avec ses faiblesses et des codes
sociaux souvent incompréhensibles. La barrière de la langue n’aide
pas non plus à approfondir les relations entre alliés. Aux
critiques de manque de professionnalisme des uns, répondent les
reproches de manque d’expériences au combat des autres. Beaucoup
d’officiers de l’ARVN combattent depuis des années, certains
officiers supérieurs depuis la première guerre d’Indochine, alors
que leurs conseillers se contentent généralement d’un tour de
service de six mois qui ne leur laisse pas le temps de bien connaitre
leurs unités. Par conséquent, le conseiller se cantonne souvent au
rôle de logisticien et de coordination de l’appui aérien
américain où son expertise est appréciée.
Durant
toute la campagne, les Américains vont poursuivre leur programme de
renforcement de l’ARVN tout en compensant les pertes subies lors
des combats. Matériels, équipements et munitions ne manqueront pas
aux Sud Vietnamiens car un effondrement des forces de Saigon
signerait l’échec de la politique de Vietnamisation de Nixon.
Pourriez-vous
nous décrire les opérations menées le long de la DMZ, soit la
frontière entre Nord et Sud-Vietnam, ainsi que celles lancées
depuis la frontière cambodgienne ?
Comme
à son habitude, Giap prend un soin particulier pour la préparation
logistique de son offensive. C’est jusqu’à présent son plus
grand défi dans ce domaine car il doit soutenir une douzaine de
divisions lancées sur trois théâtres d’opération très éloignés
les uns des autres. Il a en effet souvent multiplié les opérations
de diversion au cours de ses campagnes dans le but de fixer les
forces adverses : lors de Dien Bien Phu, il avait multiplié les
feintes vers le Laos et en Annam ; pendant l’offensive du Têt,
le long de la DMZ, à Khe Sanh, avant de s’en prendre aux
principales villes du Sud Vietnam. Pour des raisons à la fois
militaires et politiques, il avait d’abord envisagé de porter son
effort principal sur le secteur au nord de Saigon, avec des
offensives secondaires à travers la DMZ et sur les hauts plateaux du
centre.
C’est
d’ailleurs dans ce dernier secteur que les renseignements
américains et sud vietnamiens avaient envisagé une offensive
limitée pour l’année 1972 et y avaient redéployé la Division
Aéroportée. Mais l’ampleur de la campagne d’interdiction
aérienne le long de la Piste Ho Chi Minh lui fait rapidement prendre
conscience que soutenir un théâtre aussi lointain serait
extrêmement difficile. Aussi, pour des raisons évidentes, il change
ses plans pour faire porter l’effort principal sur le Théâtre Tri
– Thien visant le secteur de Quang Tri – Hue juste au sud de la
frontière entre les deux Vietnam.
La
préparation logistique débute dès octobre 1971 sous la supervision
du Groupe Logistique 559 en charge de la fameuse Piste Ho Chi Minh.
Par celle-ci transitent aussi les unités descendues du Nord Vietnam,
leurs véhicules et blindés. Malgré les attaques aériennes, les
Nord Vietnamiens non seulement parviennent à déployer la plupart
des divisions participant à l’offensive sur leurs positions de
départ mais réussissent aussi à dissimuler leurs présences aux
services de renseignement alliés grâce à des mesures de
camouflages exceptionnelles et un strict contrôle des communications
radio. En tout 70 000 tonnes de fournitures vont être convoyées
vers le Sud. La présence d’une centaine de chars à moins de 80km
de Saigon va ainsi plonger l’ARVN dans le désarroi.
L’assaut
se déclenche finalement le 30 mars 1972, lundi de Pâques, contre
les positions sud vietnamiennes le long de la DMZ où sont concentrés
5 divisions soutenues par plus de 250 blindés et 400 canons.
Simultanément, les positions de l’ARVN sont prises de flanc par
une autre division attaquant à partir du Laos. Le tout est protégé
par deux divisions de défense anti-aérienne, y compris deux
régiments de SAM-2 dont c’est la première apparition au Sud
Vietnam. Les troupes nord vietnamiennes enfoncent les défenses de
la 3e
division de l’ARVN, une unité tout juste mise sur pied et pas
encore pleinement opérationnelle. Les troupes sont abasourdies par
l’apparition des chars communistes, des unités se débandent. Le
commandant du I Corps sud vietnamien est vite dépassé par les
évènements, confiant de facto la conduite de la bataille au chef de
la 3e
division. Il réussit à stopper les Nord Vietnamiens à Quang Tri
mais n’a pas suffisamment de force pour les repousser. Au bout d’un
mois pour réorganiser leurs forces et leur logistique, ceux-ci
déclenchent une nouvelle offensive qui emporte le réduit sud
vietnamien. Pour l’ARVN c’est un désastre, mais les communistes
ont aussi subi de très lourdes pertes. Leurs divisions foncent
ensuite sur Hue maintenant défendue par la division aéroportée, la
1e
division et la division de Marines. Surtout, le Président sud
vietnamien Nguyen Van Thieu a été obligé de remplacer le
défaillant commandant du I Corps par un des meilleurs généraux sud
vietnamien, Ngo Quang Truong. Il a carte blanche pour défendre à
tout prix l’ancienne capitale impériale, centre culturel et
historique du pays. D’urgence, l’USAF établit un pont aérien
pour reconstituer les stocks de matériels et de munitions.
Durant
tout l’été les Nord Vietnamiens s’épuisent contre les défenses
échelonnées de la ville. A l’automne, ils renoncent et décident
de consolider en profondeur leurs gains territoriaux, y massant 7
divisions. L’ARVN se heurte de plein fouet à ce dispositif
lorsqu’elle repasse à l’offensive en vue de refouler les Nord
Vietnamiens vers leur frontière. Une campagne méthodique qui
s’étend jusqu’à vers la fin de l’année. Une avance néanmoins
couteuse, dictée par les contraintes du terrain, une étroite bande
côtière bornée sur son flanc ouest par la cordillère annamitique,
qui favorise les défenseurs. Il laisse peu de latitude à des
manouvres de débordements même si l’ARVN lance des opérations
amphibies et héliportées derrière les lignes ennemies. Le général
Truong va recourir à une débauche de moyens d’appui-feu pour
briser les lignes ennemies successives. En plus de l’aviation, l’US
Navy engage des douzaines de destroyers et croiseurs le long de la
côte pour soutenir l’avance des Sud Vietnamiens. Après avoir
brisé trois lignes de défense successives, les Sud Vietnamiens
atteignent enfin les faubourgs de Quang Tri. Les Nord Vietnamiens s’y
sont retranchés et décident d’y livrer un combat sans esprit de
recul, espérant y saigner à blanc les meilleures divisons de
l’ARVN. Pendant 8 semaines des combats de rue acharnés s’y
déroulent. Des bataillons entiers de l’APVN disparaissent dans le
chaudron. Finalement, les Marines sud vietnamiens réoccupent
entièrement la ville. Une dernière offensive est lancée vers la
DMZ mais la Task Force blindée sud vietnamienne qui est sur le point
de déboucher sur la frontière est repoussée avec de lourdes
pertes. Le cessez-le-feu, le 27 janvier 1973, fige sur place les
adversaires, la partie septentrionale du Sud Vietnam est de facto
géographiquement intégrée au territoire nord vietnamien.
Si
l’irruption de chars nord vietnamiens à travers la DMZ a été une
mauvaise surprise, la seconde phase de l’offensive de Giap va
prendre complètement au dépourvu l’ARVN et ses conseillers
américains. Déjouant les moyens de reconnaissance et de collecte de
renseignement de ses ennemis, Giap a réussi à concentrer au
Cambodge un corps d’armée soutenu par une centaine de blindés
juste au nord de Saigon ! Des attaques de diversions
immobilisent une grande partie des forces du III Corps sud vietnamien
qui protège la capitale. Puis 3 divisions motorisées, chars en
tête, s’emparent de Loc Ninh sur la Route 13. Les Sud Vietnamiens
se replient sur An Loc, 80km à peine au nord de Saigon. Un vent de
panique souffle sur la ville. Mais la 5e
division de l’ARVN retranchée sur place offre une résistance
acharnée. Bientôt, An Loc est encerclé et les défenseurs ne
tiennent plus que la partie sud de la citée. Les tirs de DCA sont si
intenses que les hélicoptères ne peuvent plus s’y poser. Le
périmètre tient désormais grâce à des parachutages.
Saigon
ordonne une contre-attaque le long de la Route 13 afin de lever le
siège. En plus des moyens du III Corps, une division est transférée
du delta du Mékong pour l’opération. Celle-ci va durer plusieurs
mois, les Nord Vietnamiens faisant preuve une nouvelle fois de leur
aptitude à adapter leurs dispositifs défensifs en fonction du
terrain très vallonnés, fait de jungles et de marécages, pour
infliger des pertes sévères à l’ARVN. Les positions fortifiées
s’étalent en profondeur, les môles de résistance sont reliés
entre eux par des tranchées et des tunnels, couverts par des champs
de mines et l’artillerie. Chaque assaut débouche sur un combat
d’infanterie au corps à corps. Des empoignades identiques ont lieu
à An Loc même où les forces régulières de l’ARVN sont
efficacement soutenues par des miliciens qui défendent leurs foyers.
Après
trois offensives majeures, les Nord Vietnamiens sont repoussés. Le
siège de la ville est levé par la colonne de secours. An Loc
démontre à Giap que l’ARVN peut-être une force combattante
redoutable qui n’a rien à envier à ses rustiques Boi Doi.
Alors
que les Sud Vietnamiens et leurs conseillers américains
s’attendaient seulement à une offensive sur les hauts plateaux du
centre du pays pour l’année 1972, ce théâtre des opérations est
finalement le dernier à être touché par l’offensive Nguyen Hue
de Giap. La région est du ressort du II Corps de l’ARVN. Son chef,
le général Ngo Dzu est en fait sous la coupe de son conseiller
américain, un personnage hors normes, John Paul Vann. Ce dernier
avait quitté l’US Army près de dix ans auparavant au grade de
lieutenant-colonel, en désaccord avec la politique suivie par
Washington au Sud Vietnam. Il y dénonçait l’incompétence et la
corruption du régime de Saigon et l’échec de la stratégie de
contre-insurrection. Il retourne au Sud Vietnam cependant en tant
qu’officier civil du Département d’État, en charge de la
pacification et du développement rural. Aussi bien ses compétences
que des appuis politiques lui permettent de se faire nommer comme le
conseiller en chef du II Corps. Une décision qui fait grincer les
dents chez les officiers américains. L’US Army a d’ailleurs dû
modifier ses propres règlements pour nommer ainsi un civil à ce
poste, d’autant que Vann insiste pour obtenir l’équivalent en
grade d’un général trois étoiles, un rang au-dessus de tous les
autres conseillers de corps d’armées ! Il arrive surtout à
se faire muter auprès de lui le général Ngo Dzu, connu pour ses
médiocres performances militaires. Il ne s’en cache d’ailleurs
pas et se revendique comme étant le véritable commandant du II
Corps. Le « général en civil » comme le surnomme la
presse va être l’âme de la campagne à venir, avec son énergie,
son courage physique, mais aussi ses limites au niveau tactique. En
effet, sur ce plan, il fera preuve de peu d’initiatives, se
contentant d’une stratégie défensive. Peut-être manque-il
confiance dans ses unités sud vietnamiennes ?
Il
concentre une division renforcée dans le nord des hauts plateaux et
pendant plusieurs semaines se contente d’écraser sous des tapis de
bombes de B-52 les 3 divisions nord vietnamiennes qui, pugnaces,
investissent au fur et à mesure le camp retranché de Dak To II –
Tan Canh. Elles creusent des tranchées, positionnent de l’artillerie
sur les crêtes, ouvrent des routes pour les camions, et surtout
poussent leurs blindés au plus près. L’assaut est finalement
déclenché le 23 avril. Les attaques coordonnées de l’infanterie
et des chars font tomber une à une les positions sud vietnamiennes
dans la cuvette. En 24 heures, le camp retranché est conquis. C’est
un nouveau désastre pour l’ARVN.
Vann
se replie sur la ville de Kontum plus au sud. Un nouveau chef de
corps d’armée moins conciliant lui est adjoint, le général Ly
Tong Ba, un officier des blindés. Il élargit le périmètre de
défense de la ville, en créant des bases d’appui-feu qui doivent
ralentir les Nord Vietnamiens. Ceux-ci bientôt encerclent la ville
mais comme à An Loc, l’ARVN se défend farouchement. Là encore,
pont aérien et parachutages ravitaillent les assiégés. Les
offensives communistes sont toutes repoussées, les Sud Vietnamiens
faisant preuve d’une grande souplesse tactique, sachant céder du
terrain pour y canaliser les Nord Vietnamiens, contre-attaquant avec
des chars et l’appui de l’aviation.
Dans
le reste du pays, dans la plaine du Binh Dinh, dans le delta du
Mékong, les attaques de guérilla, les tirs de roquettes contre les
centres urbains, sont plus fréquents mais demeurent limités. Au
moment du cessez-le-feu en janvier 1973, les Nord Vietnamiens ont
acquis des gains territoriaux conséquents mais près de 80% de la
population sud vietnamienne demeure dans les zones contrôlées par
Saigon. Surtout, l’ARVN ne s’est pas effondré sous les coups de
boutoirs des chars de Giap. Les pertes de l’APVN ont été
considérables, estimées à plus de 120 000 hommes et 500
chars.
Giap
dont la position au sein du Comité Central est déjà affaiblie
depuis le décès de son mentor, le Président Ho Chi Minh en 1969,
doit céder le commandement de l’APVN à son adjoint, le général
Van Tien Dung. Il conserve néanmoins le poste de ministre de la
défense et surtout celui de Président de la toute puissante
Commission Militaire du Comité Central.
Quel
fut l’impact des tanks, ainsi que celui de la puissance aérienne,
durant ces opérations ?
Les
blindés sont apparus au Vietnam très tôt, dès 1919 lorsque des
chars Renault FT-17 y sont déployés. Ils sont destinés à un rôle
de police coloniale. Même si à priori le régime de moussons et le
terrain de ce théâtre d’opération paraissent peu adaptés aux
blindés, avec une partie du territoire recouverte de jungles,
montagnes et marécages, près de la moitié est pourtant praticable
par les chars toute l’année. Les véhicules à capacité amphibie
apportent un surplus de mobilité comme dans la région du delta du
Mékong. C’est ainsi que les forces françaises lors de la guerre
d’Indochine vont mettre en œuvre un nombre conséquent de
véhicules : 450 chars et près de 2 000 autres blindés vers la
fin en 1954. Ils constituent l’armature des unités d’intervention,
les fameux Groupements Mobiles, des régiments motorisés interarmes
à la pointe du combat contre les réguliers de Giap. Les Américains
qui prennent la relève, après une période de tâtonnements, vont
aussi déployer leurs blindés qui vont offrir puissance de feu et
mobilité à leur infanterie. Le VTT M113 va d’emblée s’imposer
non seulement pour amener des troupes jusqu’à la zone de contact
avec l’ennemi mais leur permettre de l’engager à bord même des
véhicules dotés de mitrailleuses, mortiers et canons sans reculs.
En 1969, l’US Army aligne 600 chars et plus de 2 000 M113 sur
un tiers de la surface opérationnelle des Français. Mais c’est
l’introduction en nombres de blindés de la part des communistes
qui va changer la nature du conflit. Les chars utilisés jusqu’ici
en appui de l’infanterie vont être utilisé dans un rôle de
rupture des lignes de front dans le cadre d’opérations
conventionnelles. Pour la première fois de la guerre, des combats
de blindés importants, comme lors de l’enfoncement de la DMZ ou à
Tan Canh, vont avoir lieu. Les Sud Vietnamiens surpris par la
présence de chars ennemis vont se ressaisir. Leurs tankistes,
souvent dotés de matériels inférieurs, comme le char léger M41
face au T-54 communiste, vont souvent avoir le dessus grâce à une
plus grande expérience et à un entrainement rigoureux. Ils
excellent dans les tirs longues distances enseignés par les
Américains et sont souvent meilleurs tactiquement. Les Patton de
l’ARVN vont ainsi porter un coup d’arrêt aux régiments blindés
nord vietnamiens devant Quang Tri, en revendiquant plus de 80 chars
ennemis. Côté Nord Vietnamien, la mise sur pied hâtive du corps
blindé se fait cruellement ressentir. A l’exception de quelques
opérations combinées réussies, les tankistes de l’APVN verront
leurs efforts dilapidés dans de vaines attaques menées en ordre
dispersé contre des centres urbains. La mauvaise coordination entre
chars et infanterie sera la cause de lourdes pertes lorsque les
blindés s’aventureront seuls dans les rues de An Loc ou de Kontum.
Même s’ils ont déjà été déployés lors de la guerre des Six
Jours en 1967, ce n’est que lors des combats au Vietnam en 1972 que
les missiles antichars (TOW et AT-3 Sagger) vont être mis en œuvre
de façon significative, un an avant la guerre du Kippour, quand ils
feront la une des journaux.
L’appui
aérien américain va jouer un rôle déterminant au fur et à mesure
que Washington va renforcer ses unités aériennes déployées en
Asie du Sud Est dès le déclenchement de l’offensive nord
vietnamienne. Au début de celle-ci, et compte tenu du niveau des
opérations alors en cours, les Américains ne disposaient plus que
de 83 chasseur-bombardiers au Sud Vietnam. Mais au bout de quelques
semaines, l’USAF va engager jusqu’à 400 Phantom, 54 F-111A et 72
A-7D ainsi que près de 200 B-52. L’USMC va elle déployer près de
150 Skyhawk, Phantom et Intruder. Quant à l’US Navy, elle va
mettre en ligne jusqu’à six porte-avions avec plus de 400
appareils de combat. L’aviation légère de l’US Army est encore
très présente avec près d’un millier d’hélicoptères.
La
nouvelle campagne aérienne décidée par Nixon contre le Nord
Vietnam, l’opération Linebacker, va surprendre les dirigeants
communistes de par son ampleur et l’étendue des objectifs visés,
dont beaucoup étaient classés « hors limites » pour les
pilotes américains lors de la campagne précédente. Ainsi, les
principaux ports sont tout de suite pris à partie, leurs accès
minés. Les dépôts à l’intérieur des périmètres de Hanoi et
Haipong sont impitoyablement bombardés. Les voies de communications
sont systématiquement attaquées, les accès ferroviaires avec la
Chine particulièrement visés. Une grande partie du système de
défense anti-aérien nord vietnamien est détruit. Leur aviation
(250 MiG-17/19/21) offre tout d’abord une résistance acharnée
mais est forcée de se cantonner à des attaques ponctuelles en
coordination avec les SAM.
Les Nord Vietnamiens vont apprendre au prix fort l’impact d’une campagne aérienne d’interdiction sur la logistique d’un corps de bataille moderne. Le minage des ports par l’aéronavale américaine va faire chuter de façon importante l’importation des matériels livrés par mer par les Soviétiques. Ils en sont réduits à décharger les cargos au large et acheminer à terre leurs cargaisons avec des barges et sampangs. L’introduction de nouvelles munitions guidées, comme les bombes GBU-10 à guidage laser, ouvre l’ère des « armes intelligentes » par l’aviation américaine. Déployées encore en petit nombre, elles furent essentiellement utilisées contre des objectifs à « haute valeur rajoutée » comme par exemple les ponts. Là où il fallait des douzaines de missions et d’appareils abattus, un seul raid suffisait pour abattre des ouvrages d’arts tel que le pont Doumer d’Hanoi ou encore celui de Thanh Hoa qui avait jusqu’alors résister à tous les assauts. A la fin de l’été, la plupart des unités nord vietnamiennes déployées au Sud se plaignent de ne plus recevoir qu’un tiers de leurs besoins en vivres, matériels et munitions.
Sur
le champ de bataille même, la concentration de moyens conventionnels
de l’ennemi permet pour la première fois depuis le début de la
guerre aux aviateurs américains d’utiliser leurs matériels à la
pleine mesure de leurs capacités. Les pilotes sud vietnamiens ne
sont pas en reste et sont crédités des deux tiers des 500 chars
communistes revendiqués par l’aviation alliée. L’US Army met
aussi en œuvre avec succès quelques hélicoptères armés de
missiles antichars (SS-11 et TOW) ; cette expérimentation
accéléra les programmes d’acquisition d’hélicoptères
anti-char pour le théâtre Centre Europe. La puissance de feu brute
illustrée par les tapis de bombes larguées par les B-52 avait
encore toute sa place. Engagés dans un rôle d’appui tactique, les
bombardiers géants du Strategic Air Command placèrent leurs bombes
à 500m des lignes amies et en plus d’une occasion, leurs frappes
massives renversèrent le cours de la bataille. Par contre, engagés
en masse en décembre 1972 au Nord Vietnam (opération Linebacker
II), ils subirent de lourdes pertes.
Les
unités de transport jouèrent un rôle considérable en soutenant
les villes assiégées de Kontum et An Loc, soit par des posés
d’assaut sous le feu ennemi, soit par des parachutages. Les pertes
furent élevées, l’USAF perdit 5 C-130E et une quarantaine
d’autres endommagés et la VNAF 2 C-123K, 1 C-119G et 10 CH-47A à
An Loc. Les Sud Vietnamiens perdirent encore 5 Provider à Kontum.
Pour se mettre hors de portée de la DCA nord vietnamienne, les
Américains développèrent des techniques de parachutage à hautes
altitudes qui à la fin donnèrent satisfaction. Indubitablement,
l’aviation américaine a joué un rôle crucial dans l’échec de
l’offensive communiste.
Pourriez-vous
nous éclairer sur les leçons que tira l’armée populaire du
Vietnam de son échec de 1972 et inversement, de l’impact de
cette offensive sur l’armée de la république du Vietnam ?
Si
au niveau tactique échec il y a, il reste à le relativiser. Certes,
l’objectif principal qui est la destruction de l’armée sud
vietnamienne, du moins de lui infliger des pertes telles qu’en tant
qu’institution elle ne soit plus un outil militaire crédible, a
échoué. Le programme de « vietnamisation » est même
accéléré dans le cadre des opérations Enhance et Enhance Plus,
des livraisons massives de matériels par les Américains en vue de
compléter les stocks de l’ARVN avant l’entrée en vigueur du
cessez-le-feu. L’APVN s’est trompé dans ses prédictions et
sous-estimé la combativité des soldats du Sud. Hanoi en tire les
conclusions et devant la réalité du terrain ne fait plus de la
démission du président sud vietnamien Nguyen Van Thieu un préalable
à un accord de paix. Les efforts pour raviver le mouvement Viet Cong
donne des résultats mitigés. Certes, les Sud Vietnamiens ont dû
faire face à un regain d’attaques de guérilla et les zones sous
contrôles communistes sont plus nombreuses que jamais depuis
l’offensive du Tet de 1968. Dans ces zones « libérées »,
les Nord Vietnamiens réorganisent les unités Viet Cong en
bataillons et régiments indépendants, leurs rangs étant corsetés
par des troupes venues du Nord. Mais plus jamais les maquisards du
Sud représenteront une menace vitale pour le régime de Saigon.
Sur
le plan stratégique, il en est de toute autre chose pour Hanoi. Les
termes des « accords de paix » obtenus à Genève lui
sont plus que favorables car en gros ils reprennent les grandes
lignes des propositions nord vietnamiennes. Contre la libération des
prisonniers alliés, la situation militaire est gelée sur place au
Sud. Les États Unis sont obligés de retirer leurs dernières forces
et seule une petite mission militaire est autorisée à être
présente pour superviser l’aide militaire à l’ARVN. Il est
interdit à cette mission de prodiguer des conseils à l’État
Major sud vietnamien. On reconnait de façon implicite à Hanoi le
droit de maintenir ses troupes au Sud. Deux commissions sont mises en
place pour appliquer les accords : une tripartite regroupant les
représentants des gouvernements sud et nord vietnamiens ainsi que
ceux du « gouvernement révolutionnaire provisoire »
(GRP) du Viet Cong en charge d’élaborer un processus politique
qui doit à terme aboutir à des élections si aucune des parties ne
s’y oppose ; une quadripartite regroupant des délégations
militaires nord et sud vietnamiennes, du Viet Cong et des USA pour
régler les questions techniques. Des observateurs militaires neutres
(Canadiens, Hongrois et Iraniens) sont censés faire respecter le
cessez-le-feu. Il est évident qu’un tel dispositif fonctionnant
sur le principe de l’unanimité est d’emblée voué à l’échec.
Amer, les Sud Vietnamiens font remarquer qu’aucunes de leurs
demandes n’ont été prises en compte ; retrait des Nord
Vietnamiens du Sud ; reconnaissance de la DMZ comme frontière
internationale séparant les deux Vietnam ; maintient d’un
contingent américain conséquent comme en Corée afin de garantir le
cessez-le-feu et à terme la survie du régime. Pour Saigon,
Washington a décidé de se désengager complètement de la région
maintenant que de nouvelles relations ont été établies avec Pékin.
Pour
Hanoi, les accords de paix sont une grande victoire car ils
signifient le retrait définitif des Américains du Sud. Le maintien
des « zones libérées » préserve l’avenir. La
campagne Nguyen Hue de 1972 valide le concept du Dau Tranh, ou
« conflit total », qui dicte la stratégie des
communistes vietnamiens depuis 1945, où les objectifs militaires
sont subordonnés aux buts politiques, menés de front avec les
efforts diplomatiques et de « conquête de l’opinion publique
occidentale ». La victoire ne s’obtient pas seulement en
recherchant à l’emporter au cours d’une campagne décisive mais
sur une succession d’offensives combinée à des actions de
guérilla. Cela implique une forte résilience et une capacité de
mobilisation sur la durée pour un effort de guerre total. L’état
nord vietnamien et son système de contrôles totalitaires a été en
mesure de mobiliser sa population pour qu’elle en accepte les
sacrifices face à la puissance de feu américaine. Surtout, il a su
réaffirmer la légitimité de son combat présenté comme l’ultime
croisade pour libérer tout le pays de la tutelle étrangère en
mobilisant le patriotisme ardent des combattants de l’APVN.
C’est
d’ailleurs dans cet état d’esprit que les Nord Vietnamiens
préparent l’étape suivante de la guerre car sur le terrain le
cessez-le-feu n’a jamais pu être appliqué. Ils doivent
réorganiser et rééquiper leurs forces suite aux leçons apprises
en 1972. La priorité est à la mise sur pied de grandes unités
mécanisées avec l’accent mis sur une meilleure intégration
interarmes. Cela va aboutir à la création de Corps d’Armées
Stratégiques, de puissantes formations regroupant 3 divisions
motorisées, 1 division de défense anti-aérienne, 1 brigade
blindée, 1 brigade d’artillerie et 1 brigade du génie.
L’encadrement de ces unités bénéficie d’une formation
approfondie à la guerre mécanisée. Ce sont ces forces mobiles qui
vont porter les coups de buttoirs ultimes pour abattre définitivement
un Sud Vietnam complètement abandonné des Américains. Elles sont
soutenues par des services logistiques renforcées qui achemine
maintenant l’essence pour les chars par des réseaux de pipelines
jusqu’à chaque théâtre d’opérations au Sud. Comme va le
démontrer la campagne de 1975 les généraux nord vietnamiens vont
faire énormément de progrès au niveau tactique, sachant s’adapter
aux développements inattendus du champ de bataille. D’autant plus
que la nouvelle doctrine mise en place encourage leurs initiatives
alors que jusqu’à présent ils avaient tendance à s’en tenir de
façon rigide aux plans initiaux. Ce nouvel art opératif atteindra
son summum lors de la campagne éclair de 1979 contre les Khmer
Rouges au Cambodge.
Alors
que les Nord Vietnamiens analysent et remédient à leurs échecs
tactiques, l’ARVN a beaucoup plus de mal à s’adapter à la
nouvelle forme de guerre mécanisée qui lui est désormais imposée.
Le manque de mobilité au niveau stratégique de ses forces demeure
toujours sa principale faiblesse. C’est le manque de coopération
entre les différents corps d’armées et zones militaires qui en
sont les causes. Des déficiences profondément ancrées dans le
système politique même du régime de Saigon car chacun des quatre
commandants de corps d’armées répondent directement en personne
au Président Thieu. C’est lui qui les nomme en échange de leur
soutien. Chaque commandant de corps continue de se comporter en
véritable chef de fief, jaloux de ses prérogatives. Même si Thieu
a été forcé par les évènements de nommer à ces postes des
officiers compétents mais dont il doute de leur loyauté, cela n’a
pas suffi à changer les structures et les méthodes opérationnelles
de l’ARVN. Plus Thieu se sentira contesté, plus il prendra seul
les décisions militaires avec un cercle restreint de courtisans. Il
n’y a pas malheureusement au sommet de l’ARVN un commandement
compétent capable de penser, planifier et coordonner une campagne au
niveau national.
Au
niveau tactique, les Sud Vietnamiens se contentent de leur relative
supériorité en termes de manœuvres et dans les opérations
blindées. Mais cet avantage tend rapidement à disparaitre. On
continue de monter de grandes opérations héliportées dans un
environnement de plus en plus difficile à cause de la montée en
puissance de la DCA ennemie. Le seul atout des Sud Vietnamiens, leur
aviation, est de plus mal utilisé. Alors que la VNAF est devenue un
outil moderne et bien entrainé, Thieu décide de lui retirer son
autonomie, craignant un coup d’état de la part des aviateurs. Les
escadrons sont désormais placés sous la coupe directe de chaque
commandant de corps d’armées. Qui chacun veille jalousement sur
« son aviation » et rechigne à affecter ses moyens à un
autre secteur menacé. On ne refonde pas non plus les structures de
l’armée de terre. Les forces régionales continuent d’occuper
plus de la moitié du total des effectifs, assignées aux tâches de
pacification alors que la menace Viet Cong est moins importante. Mais
là encore, les contingences politiques font que Thieu ne peut
dissoudre une partie de ces unités sans mettre à mal les soutiens
locaux dont il dispose. Par conséquent, les effectifs qui pourraient
être dégagés pour constituer de nouvelles divisions mobiles ne
sont pas disponibles. Conscient du problème, l’état-major de
l’ARVN a tenté en vain de mettre sur pied une deuxième division
de Marines et de regrouper une partie des groupes de Rangers en une
autre. La réduction drastique de l’aide militaire américaine à
partir de fin 1973 met fin à toute tentative de réorganisations.
Les Sud Vietnamiens affronteront la nouvelle offensive de l’APVN
début 1975 avec sensiblement la même organisation que celle qu’ils
avaient trois ans auparavant. Avec une puissance de feu moindre sans
le soutien aérien américain.
Vos
deux volumes présentent une perspective largement vietnamienne de
l’offensive de la Pâques 1972, alors que nous sommes plutôt
habitués à voir celle-ci sous un prisme plutôt américain. A ce
titre, pourriez-vous nous préciser sur quelles sources vous vous
êtes appuyé afin de proposer cet éclairage à notre connaissance
inédit de l’histoire militaire vietnamienne ?
En
effet, pendant longtemps l’historiographie sur la guerre du Vietnam
était abordée sous ce prisme. Cela peut en partie s’expliquer par
les difficultés d’accès aux sources vietnamiennes communistes.
D’un autre côté on ne peut que s’étonner du peu de travaux sur
le Sud Vietnam de la part d’historiens américains qui ont pourtant
à leur disposition une ample documentation aux États Unis. Il est
vrai que la plus grande partie des archives du défunt état sud
vietnamien a été perdue ou bien mis sous séquestre au Vietnam
même. Un état de fait dû surtout au manque d’intérêts envers
un allié que l’opinion publique américaine rend en grande partie
responsable de la défaite.
Néanmoins
depuis une quinzaine d’années la situation tend à évoluer, en
partie grâce à l’ouverture progressive du Vietnam. Nonobstant la
difficulté d’accéder aux archives et l’obstacle de la langue,
des universitaires tels que Nguyen The Anh, historien sud vietnamien
réfugié en France, chercheur à l’École Pratique des Hautes
études à Paris, Christopher Goscha de l’université du Québec,
ou encore François Guillemot chercheur au CNRS – Institut d’Asie
Orientale de Lyon, ont entamé un travail de défrichages très
importants, questionnant les points de vue vietnamiens. Ces
recherches s’inscrivent d’ailleurs dans le mouvement « d’histoire
globale » qui tend justement à enrichir une historiographie
par trop occidentalo-centré. Le conflit vietnamien y est aussi
étudié à travers les regards d’autres acteurs ; russes,
chinois, pays d’Europe de l’Est. Le Cold War History
International Project initié par le Woodrow Wilson International
Center, un Think Tank de Washington, en est un des principaux
promoteurs, mettant en contact différentes universités et
chercheurs travaillant sur les archives de leurs pays respectifs
portant sur la période de la Guerre Froide.
Alors
que les études sur la société, la sociologie, l’économie, les
relations internationales des deux Vietnam se multiplient, il y a
encore peu de travaux sur l’histoire militaire abordée sous cet
angle. Les tous premiers remontent pourtant aux années 1980 avec la
série de monographies éditée par les services historiques de l’US
Army, rédigés par d’anciens officiers supérieurs sud vietnamiens
réfugiés aux États-Unis sur différents aspects de l’ARVN. Ils
restent encore d’actualité, les données étant puisées au sein
des archives militaires américaines. Puis s’en est suivi près de
deux décennies sans autres études alors que de nouvelles archives
étaient déclassifiées. Ken Conboy fut un des premiers à
renouveler le genre en exploitant les publications de l’APVN. Le
Hongrois Istvan Toperczer est un des premiers à aborder la guerre
aérienne du point de vue nord vietnamien. George J Veith a réalisé
un remarquable travail sur la fin du Sud Vietnam, en exploitant aussi
bien les sources communistes qu’en recueillant de nombreux
témoignages d’anciens officiers sud vietnamiens exilés. Je suis
heureux de m’inscrire dans cette mouvance, surtout à propos de
l’offensive de Pâques de 1972 où pratiquement rien n’avait été
abordé du côté vietnamien.
D’un
point de vue méthodologique, je voudrais néanmoins rappeler les
limites en l’état actuel de ce type de recherche. Tout d’abord,
sur le point de vue vietnamien communiste, on a pratiquement à faire
qu’à des sources secondaires, des publications locales, livres ou
articles. Il est extrêmement rare de pouvoir accéder directement
aux documents originaux pour un chercheur étranger. Les
autorisations sont délivrées parcimonieusement et leurs révocations
sans motifs compréhensibles nombreuses. Ces atermoiements reflètent
l’extrême sensibilité que le régime vietnamien actuel accorde à
une version historique officielle du passé où histoire,
commémorations et devoir de mémoire s’articulent pour offrir une
vision héroïsée du passé qui confine à la propagande.
Lorsque
je suis revenu au Vietnam, que j’avais quitté enfant 20 ans plus
tôt après la chute de Saigon, j’ai découvert que la période de
la guerre était abondamment couverte par de nombreuses publications.
Et de devoir faire le tri entre les publications de propagande
destinées au grand public et des travaux plus scientifiques mais où
l’approche idéologique n’est jamais absente. Et aussi de
s’apercevoir qu’il y a dans les faits différents degrés
d’autorisation d’accès à ces publications. Par exemple, on
trouvera aisément une histoire officielle du parti communiste
vietnamien dans la plupart des librairies, régulièrement révisée
pour être en conformité avec la ligne politique du jour. A cette
version s’ajoute une autre beaucoup plus détaillée et moins
« édulcorée » destinée à des cercles restreints de
responsables du parti. La principale institution en charge de
l’histoire militaire est l’Institut d’Histoire Militaire (Vien
Lich Su Quan Su) d’Hanoi qui publie de nombreux ouvrages dont
certains sont traduits en plusieurs langues par les Éditions Langues
Étrangères (The Gio). Pratiquement chaque phase des différents
conflits depuis 1945, chaque campagne, y sont couverts en détail.
Chaque armée ou branche spécifique de l’APVN a aussi son
historique. L’institut diffuse aussi la Revue d’Histoire
Militaire (Tap Chi Lich Su Quan Su). Ses travaux sont aussi
régulièrement repris dans des articles du quotidien de l’APVN.
Très documentés, ces ouvrages donnent le point de vue nord
vietnamien sur la guerre. Néanmoins, ils ont tendance à célébrer
les victoires et à minorer si ce n’est ignorer complètement les
revers. Autre difficulté, ils ne fournissent que très peu de
données chiffrées en ce qui concerne les pertes subies par les
troupes communistes. Celles infligées à l’ennemi sont parfois
revendiquées de façon exagérée.
Il
faut donc s’en remettre à d’autres publications à diffusion
plus restreinte. Ainsi, les départements politiques des différentes
branches des forces armées publient régulièrement des historiques
de leurs unités, lors de diverses commémorations. On y trouve des
informations plus détaillées sur l’état des effectifs, des
matériels, les pertes. Une autre source intéressante : les
nombreux musées militaires ou révolutionnaires qui parsèment le
pays. Tout d’abord, le principal d’entre eux, le musée militaire
d’Hanoi qui aussi un centre d’archivages important, y compris
d’archives photographiques. Il réactualise régulièrement ses
expositions et collections et à travers elles, le chercheur peut y
glaner d’utiles précisions. Les musés provinciaux éclairent
utilement certains aspects des engagements locaux. Chaque branche
technique possède aussi son musée : commandement des blindés,
du génie, de l’artillerie, de la défense anti-aérienne, marine,
armée de l’air.
La
recherche côté sud vietnamien est rendue plus difficile par le peu
de sources disponibles et accessibles. Des études publiées par
l’état-major sud vietnamien, y compris sur l’offensive de 1972,
sont disponibles en très petit nombre et dispersés parmi la
diaspora vietnamienne, principalement en France et aux États Unis.
De même que des archives sauvegardées par quelques personnalités
ou officiers du régime de Saigon. Depuis quelques années, des
anciens de l’ARVN en exil se sont regroupés en amicales et
associations, souvent en fonction de leur année de promotion, ou
encore d’appartenance à une unité ou une école militaire
spécifique. Certains publient leurs mémoires ou des études
historiques à travers d’ouvrages ou d’articles, généralement
en vietnamien, parfois en Anglais. Le développement d’Internet a
aussi vu la création de sites consacrés aux forces armées sud
vietnamiennes animés par des anciens officiers. Reste un travail de
recueil de témoignages auprès d’eux. Mais ce travail d’histoire
orale a aussi ses limites propres à l’exercice. Les mémoires plus
aussi fidèles le temps passant, des souvenirs subjectifs, nourris
par les représentations sociales et historiques des évènements
passés. Néanmoins, ils contribuent à porter un témoignage par
trop négligé dans l’historiographie de la guerre.
Bonjour, et merci pour ce développement très instructif ! Je suis moi même très intéressé par cette période finalement méconnue de la guerre du Vietnam.
RépondreSupprimerL'analyse du comportement de l'ARVN est détaillée, tout comme la préparation nord vietnamienne : le rôle des grandes puissances de l'époque en dit long sur les enjeux d'alors.....
Un des derniers actes de guerre pour la réunification de e que mon Grand Père, ancien d'Indo, appelait "les 3 Ki".....