Le
10 avril 1945, la ville de Königsberg tombe aux mains de l'Armée
Rouge après quatre jours de violents combats. Le maréchal
soviétique Vassilievsky, représentant spécial de la Stavka
qui a pris la tête du 3ème Front de Biélorussie pour mener à bien
le siège de Königsberg, fait amener devant lui les généraux
allemands capturés. Bagramian, qui commande le 1er Front de la
Baltique également impliqué dans l'opération, raconte la scène
dans ses mémoires parus dans la décennie 19701.
Vassilievsky demande aux généraux allemands les noms de leurs
homologues soviétiques dont ils ont entendu parler. Ils donnent les
noms de Vorochilov, Boudienny et Timochenko, autrement dit les
maréchaux qui étaient aux commandes de l'Armée Rouge en 1939-1940,
avant le déclenchement de Barbarossa. L'anecdote montre
évidemment le mépris total dans lequel est tenue l'Armée Rouge par
les Allemands : un vainqueur qui n'a vaincu que par la force
brute du nombre et par la terreur inspirée par les commissaires
politiques et le NKVD. C'est bien la preuve que la Wehrmacht a
été battue par meilleure qu'elle-même. Si les noms des principaux
commandants de fronts de l'Armée Rouge sont assez bien connus du
public francophone2,
en revanche, ce n'est pas forcément le cas pour les officiers situés
juste au-dessous dans la hiérarchie : les commandants d'armées
et en particulier les 6 commandants principaux des 6 armées de
chars, qui sont les outils par excellence de l'art opératif mis en
oeuvre par les Soviétiques. Le plus célèbre est peut-être
Rotmistrov, parce qu'il a conduit la 5ème armée de chars de la
Garde à Prokhorovka, le 12 juillet 1943, affrontement qui a produit
une abondante littérature et un non moins abondant débat
historiographique. De Katoukov en revanche, peu de gens connaissent
le nom. C'est peut-être pourtant celui qui a le plus incarné
l'idéal du général tel que le souhaitait l'Armée Rouge. Dresser
la biographie de Mikhaïl Katoukov, c'est donc remettre à l'honneur
la performance soviétique face à la Wehrmacht mais c'est
aussi mettre en valeur les qualités des hommes qui la dirigent au
combat contre les Allemands, produits d'un système qu'on dépeint
trop souvent comme totalitaire et niant, finalement, l'individu.
Stéphane Mantoux